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Conciliation médicamenteuse

La conciliation médicamenteuse est un processus qui vise à assurer la continuité des soins entre les différentes étapes de la prise en charge d'un patient. Elle consiste à établir une liste fiable et complète de tous les médicaments assimilés par le patient sur une période déterminée (généralement, la période précédant immédiatement la prise en charge actuelle). Cette liste est ensuite comparée au traitement actuel afin de repérer et corriger les divergences.

Étymologie

Le mot conciliation vient du mot latin conciliō pour « concilier, faire agréer » ; le terme médicamenteuse vient du latin medicamentosus pour « Qui a la vertu d’un médicament ; à base de médicaments ».

La conciliation médicamenteuse à l'hôpital

Principe de la conciliation médicamenteuse à l'hôpital

Parmi les priorités des institutions de santé, on retrouve celle d'optimiser les parcours de soins des patients, de sorte que ceux-ci reçoivent les bons soins, de la part des professionnels appropriés, dans des structures adaptées et ce au bon moment, le tout au meilleur coût[1]. L'un des objectifs d'un parcours de soins de qualité est d'assurer la continuité des soins entre les différentes étapes de prise en charge ; cela est d'autant plus vrai pour les patients âgés, ceux souffrant de maladies chroniques ou nécessitant des attentions particulières. En effet, le profil relativement sensible de ces patients oblige à porter une attention particulière en évitant toute rupture non-intentionnelle dans leur prise en charge.

La conciliation mĂ©dicamenteuse Ă  l'hĂ´pital va garantir cette continuitĂ© sur le traitement mĂ©dicamenteux du patient aux Ă©tapes de transition Domicile/Structure → HĂ´pital (de l'extĂ©rieur vers l’hĂ´pital), HĂ´pital → HĂ´pital (mouvements inter-services ou inter-hĂ´pitaux) et HĂ´pital → Domicile/Structure (de l'hĂ´pital vers l'extĂ©rieur). Ainsi, Ă  chaque mouvement du patient, la conciliation visera Ă  Ă©tablir l'historique le plus complet et le plus fiable possible de tous les mĂ©dicaments que prenait le patient avant d'entrer dans une nouvelle Ă©tape de soins. Cela concerne tous les mĂ©dicaments prescrits, non-prescrits, et l'auto-mĂ©dication. Ă€ l'hĂ´pital, il pourra y avoir autant de conciliation qu'il y a de transferts entre les services. Ă€ noter que l'on retrouve gĂ©nĂ©ralement une conciliation Ă  l'entrĂ©e et/ou Ă  la sortie du patient de l'hĂ´pital : on parle respectivement de conciliation d'entrĂ©e et de conciliation de sortie. Dans l'idĂ©al, la conciliation d'entrĂ©e est rĂ©alisĂ©e dans les 48 heures qui suivent l'admission du patient dans l'hĂ´pital / le service pour pouvoir rĂ©aliser le traitement d'hospitalisation dĂ©finitif. La conciliation de sortie se fait le plus tard possible avant la sortie afin de disposer des informations les plus actuelles.

La conciliation est censée fournir aux acteurs de soins une représentation solide des substances assimilées par le patient dont ils ont la charge.

La conciliation pour les personnes âgées

La population des personnes âgées est l'une des plus concernées par l'implémentation de la conciliation médicamenteuse à l'hôpital, ceux-ci ayant bien souvent une longue liste de médicaments à assimiler quotidiennement.

Consommation et iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées

Ă€ partir de 70 ans, un patient prend, en moyenne, entre 4 et 8 mĂ©dicaments diffĂ©rents par jour[2] - [3] ; ce chiffre monte jusqu'Ă  10 mĂ©dicaments par jour pour les 80 ans et plus[4]. En parallèle, on dĂ©nombre environ 150 000 hospitalisations, et entre 13 000 et 32 000 dĂ©cès liĂ©s Ă  un mauvais usage des mĂ©dicaments en France et par an[5] (e.g. interactions entre les mĂ©dicaments (voir aussi : IatrogĂ©nèse), sur-mĂ©dication (voir aussi : Surconsommation de mĂ©dicaments), mauvaise observance chez les patients (voir aussi : Observance thĂ©rapeutique)). Selon les Ă©tudes, de 30 % Ă  60 % des effets iatrogĂ©niques pourraient ainsi ĂŞtre Ă©vitĂ©s, notamment grâce Ă  la conciliation mĂ©dicamenteuse. En effet, en apportant une vision globale et fiable des mĂ©dicaments ingĂ©rĂ©s par les patients, elle permet aux prescripteurs d'augmenter leur capacitĂ© Ă  anticiper et Ă©viter ces diffĂ©rents Ă©vĂ©nement indĂ©sirables.

Exemple de conciliation d'entrée et de sortie pour une personne âgée à l'hôpital

Prenons, Ă  titre d'exemple, le cas d'une personne âgĂ©e devant ĂŞtre hospitalisĂ©e Ă  la suite d'un Ă©vĂ©nement aigu (en opposition Ă  un Ă©vĂ©nement chronique). Dans la plupart des cas, cette personne passera par le service des urgences avant d'ĂŞtre hospitalisĂ©e dans un service de gĂ©riatrie. Dès son entrĂ©e, ce patient se verra prescrire un traitement d'admission. Ensuite, dans les 48 heures qui suivent son entrĂ©e, le personnel hospitalier cherchera Ă  recueillir toutes les informations concernant le traitement que prenait le patient Ă  domicile (la conciliation d'entrĂ©e). Pour cela, l'Ă©quipe peut :

  • interroger le patient (si celui-ci ne prĂ©sente pas de troubles cognitifs) ;
  • consulter ses dernières ordonnances, ou sacs de mĂ©dicaments s'ils sont disponibles ;
  • interroger en ligne l'historique des remboursements disponible sur Ameli ;
  • appeler le mĂ©decin traitant, voire les autres spĂ©cialistes en lien; et la pharmacie d'officine, ou utiliser une messagerie instantanĂ©e sĂ©curisĂ©e type MSSantĂ© ;
  • interroger les « aidants », Ă  savoir toutes les personnes impliquĂ©es dans la prise en charge du patient (ex. : famille, amis, infirmière Ă  domicile, kinĂ©sithĂ©rapeute, assistante sociale) ;
  • consulter le dossier mĂ©dical de l'hĂ´pital (quand il existe) ;
  • consulter le dossier pharmaceutique (quand il existe) via la carte Vitale.

Une fois ce travail de recueil terminé, le prescripteur hospitalier est censé disposer d'une liste complète et fiable de tous les médicaments prescrits ou achetés ou pris par le patient avant son hospitalisation (on parle également du BMO (« bilan médicamenteux optimisé »)). Il comparera alors ce BMO avec le traitement d'admission afin d'identifier les éventuelles divergences et de les corriger. Le résultat de cette conciliation d'entrée est le traitement d'hospitalisation qui compilera le traitement à domicile et le traitement « spécifique » au motif d'hospitalisation.

  • Une vraie conciliation devra pouvoir faire un retour conclusif (par messagerie Ă©lectronique sĂ©curisĂ©e) Ă  tous les professionnels consultĂ©s, pour valider la conclusion et la dĂ©cision proposĂ©e au service d'hospitalisation.

Ensuite, pour assurer la continuité des soins lors d'un transfert de services, il peut aussi y avoir une conciliation médicamenteuse, qui complète la continuité des soins obligatoire. Celle-ci permet aux services accueillant le patient d'être au fait de toutes les médications prescrites par le service précédent et d'établir sa propre prescription sur une base solide.

Enfin, pour assurer la continuité des soins à la sortie de l'hôpital, il peut y avoir une conciliation de sortie. Celle-ci vise notamment à faire le bilan des médicaments administrés au patient durant son hospitalisation et à en communiquer la liste au médecin traitant ainsi qu'aux aidants et au patient. Le médecin traitant (voire le pharmacien d'officine) se verra remettre une lettre, en complément du courrier de sortie, lui expliquant les ajouts/suppressions/modifications et leurs justifications par rapport au traitement initial. Cette explication vise à améliorer la compréhension des professionnels de santé de ville quant aux modifications du traitement et, a fortiori, à améliorer "l'observance du médecin traitant" quant au nouveau traitement prescrit. De leur côté, le patient et, si nécessaire, les aidants, se verront expliquer les changements entre le traitement de sortie et l'ancien traitement pris au domicile, et les conséquences dans la préparation et/ou la prise du traitement à domicile. Cette explication vise à améliorer l'observance du patient vis-à-vis de son nouveau traitement.

Dans certains services, il arrive qu'une étape supplémentaire de révision médicamenteuse ait lieu entre les conciliation d'entrée et de sortie. Ce processus vise à sécuriser et à optimiser le traitement du patient via une réunion pluridisciplinaire; si possible avec une conclusion partagée numériquement.

En France

Les mauvais usages autour des médicaments sont à l'origine de milliers d'hospitalisations et de décès, dont 30 % à 60 % pourraient être évités.

En France, l'implémentation de la conciliation médicamenteuse à l'hôpital est relativement récente et peu répandue. En 2012, seuls 27 % des professionnels de la santé français (toutes professions confondues) avaient connaissance de l'existence de la conciliation médicamenteuse[6].

Projet MedRec

Dans le souci d'amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© des patients lors des prescriptions mĂ©dicamenteuses aux diffĂ©rentes Ă©tapes de transitions de soins (e.g. Ă  l'admission Ă  l'hĂ´pital ; lors d'un transfert entre deux services ; Ă  la sortie du patient), la France s'est engagĂ©e en 2009 dans le projet High5s[7]. Ce projet, lancĂ© en 2006 et coordonnĂ© par la Joint Commission International[8], rĂ©unit aujourd'hui sept pays (l'Allemagne, l'Australie, les États-Unis, la France, les Pays-Bas, Singapour et la rĂ©publique de Trinidad et Tobago) autour de cinq axes de recherche. La France s'est, entre autres, engagĂ©e sur l'axe « La sĂ©curitĂ© de la prescription mĂ©dicamenteuse aux points de transition du parcours de soins»[9], encore nommĂ© "MedRec" ou "rĂ©conciliation mĂ©dicamenteuse"[10] ; c'est la HAS[11] qui coordonne ce projet en France, en lien avec le Ministère de la santĂ©.

En tout, neuf établissements hospitaliers ont été associés au projet MedRec en France[12] : le CHU de Nîmes, le CHU de Grenoble, le CHU de Strasbourg, Bichat - Groupe Hospitalier Hôpitaux Universitaire Paris Nord Val de Seine, le CHU de Bordeaux (entré ), le CH de Saint Marcellin, le CH de Compiègne, le CH de Lunéville, le CH d’Aubusson, et le CH de Mont de Marsan (abandon en 2011).

Autres lieux d'implémentation

En plus des hôpitaux impliqués dans le projet MedRec, certains ont également décidé d'implémenter la conciliation médicamenteuse (et parfois la révision médicamenteuse également) dans certains de leurs services. C'est le cas du CHRU de Lille (dans le service de Médecine Aigüe Gériatrique), de l'hôpital Saint-Philibert - GHICL (pour les services de Médecine interne et de SSR (Soins de suite et de réadaptation)), du CH de Denain, du CH de Valenciennes ou encore le CHU de Nîmes (liste non exhaustive).

Ă€ l'Ă©tranger

La conciliation médicamenteuse est plus répandue dans les pays anglo-saxons (e.g. Canada, États-Unis, Australie, Royaume-Uni) où son implémentation à l'hôpital est même parfois obligatoire.

Voir

Notes et références

  1. « Parcours de soins, parcours de santé, parcours de vie », sur www.ars.sante.fr (consulté le )
  2. « Médicaments et personnes âgées : "il faut arriver à être prudent" Dr Christophe Trivalle, gériatre » (consulté le )
  3. « Les personnes âgées consomment deux fois trop de médicaments », sur Le Huffington Post (consulté le )
  4. « MĂ©dicaments, la vieillesse en pleine overdose » (consultĂ© le )
  5. « Bienvenue sur le site de l'IRIPS », sur www.irips.org (consulté le )
  6. S. Doerper, « La conciliation des traitements médicamenteux : logigramme d'une démarche efficiente pour prévenir ou intercepter les erreurs médicamenteuses à l'admission du patient hospitalisé », La pharmacien hospitalier et clinicien, no 48,‎ , p. 153-160 (lire en ligne)
  7. « Haute Autorité de Santé - L’initiative OMS High 5s », sur www.has-sante.fr (consulté le )
  8. (en) « Joint Commission International », (consulté le )
  9. « HAS », (consulté le )
  10. A., Broyart (2014). Fiche projet Hight5s, DAQSS. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1751974/fr/fiche-descriptive-projet-high5s
  11. « HAS », (consulté le )
  12. « http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-07/fiche_descriptive_projet_high5s.pdf », sur www.has-sante.fr (consulté le )
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