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Commission Bergier

La Commission indépendante d'experts (CIE, communément appelée Commission Bergier) est une commission d'experts extraparlementaire suisse, instituée par le Conseil fédéral le , pour un mandat de cinq ans. Elle avait pour mission de « faire toute la lumière sur l'étendue et le sort de ce qu'on a appelé l'Affaire des fonds en déshérence »[1]. Son rôle a été étendu à l'étude de la politique d'asile de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale et à l'examen des relations économiques et financières entre la Suisse et le Troisième Reich.

Commission Bergier
Histoire
Fondation
Cadre
Type
Siège
Pays
Organisation
Site web

Cette commission a publié une série de monographies sur les rapports de la Suisse avec les protagonistes de la Seconde Guerre mondiale, en particulier avec l'Allemagne nazie.

Cette enquĂŞte faisait suite, d'une part, aux fortes critiques qui se faisaient entendre en Suisse depuis 1989 (Ă  l'occasion des commĂ©morations du 50e anniversaire de la mobilisation de l'armĂ©e suisse en 1939) au sujet des relations entre les entreprises suisses et l'Ă©conomie allemande Ă  l'Ă©poque du Troisième Reich, et, d'autre part, Ă  l'affaire dite des « fonds en dĂ©shĂ©rence Â», qui Ă©clata en 1995 et dans laquelle les banques suisses furent accusĂ©es d'avoir conservĂ© par-devers elles des biens confiĂ©s par des victimes du nazisme, voire spoliĂ©s par les nazis; cette affaire se conclut notamment par (i) la mise en place en 1996, par les organisations juives internationales et l'Association suisse des banquiers, d'un comitĂ© indĂ©pendant (Independent Committee of Eminent Persons, dit Commission Volcker), chargĂ© de vĂ©rifier les avoirs de victimes du nazisme dĂ©posĂ©s dans des banques suisses, (ii) la constitution en 1997 d'un fonds spĂ©cial pour les victimes de l'holocauste, dotĂ© de 300 millions de francs, et (iii) la conclusion en 1998 d'un accord portant sur 1,8 milliard de francs passĂ© entre l'UBS et le Credit Suisse, d'une part, et les organisations juives et les signataires d'une plainte collective (class action), d'autre part[2].

Ayant scrupuleusement respecté les délais fixés par le mandat, la Commission Bergier a été officiellement dissoute le , sa mission accomplie.

Composition de la CIE

Dès la fondation :

Dès mars 1997 :

  • Marc Perrenoud, historien suisse au dĂ©partement fĂ©dĂ©ral des affaires Ă©trangères, engagĂ© comme « conseiller scientifique de la "Commission indĂ©pendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale" Â»[3]

Dès avril 2000 :

  • Daniel ThĂĽrer, juriste suisse

Dès février 2001 :

  • Helen B. Junz, Ă©conomiste amĂ©ricaine

Méthode, champs d'étude et résultats

Par décision exceptionnelle du Conseil fédéral, les membres de la commission ont bénéficié, durant toute la durée de leurs travaux, du libre accès à toutes les archives publiques ou privées en relation avec la période de la Seconde Guerre mondiale. Une fois le travail achevé, cette autorisation n'a pas été reconduite pour d'éventuels travaux futurs.

Les champs d'étude de la commission Bergier ont été les suivants :

  • Le contexte national et international avant et pendant la Seconde Guerre mondiale
  • Les rĂ©fugiĂ©s et la politique d'asile de la Suisse Ă  leur Ă©gard
  • Les relations Ă©conomiques et financières de la Suisse et du Troisième Reich
  • Le sort des biens des victimes du rĂ©gime nazi

Ă€ l'issue de cinq annĂ©es de travail, la commission rend un total de 25 Ă©tudes, en allemand ou en français, sous le titre global de Publications de la Commission IndĂ©pendante d'Experts Suisse – Seconde Guerre Mondiale, rĂ©parties en autant de volumes, pour un total d'environ 11 000 pages. Un rapport final sous forme de synthèse est produit Ă  l'issue des travaux, en mars 2002.

Points marquants des Ă©tudes rendues par la commission

Biens spoliés – Biens pillés. Le transfert de biens culturels vers et par la Suisse 1933-1945 et la question de la restitution[4]

La Suisse a servi de plaque tournante pour les biens culturels (i) qui avaient été volés ou confisqués à leurs propriétaires légitimes, en Allemagne et dans les territoires occupés, par les autorités nazies (les « biens spoliés ») et (ii) qui avaient été transférés en Suisse par leurs propriétaires légitimes afin d'empêcher que les autorités nazies ne s'en emparent (« biens en fuite »).

Un certain nombre de marchands, collectionneurs et historiens d'art - dont certains étaient juifs - ont émigré d'Allemagne nazie pour s'installer en Suisse. Ils y ont apporté une grande expertise et ont aidé au développement de contacts étroits avec l'Allemagne. De ce fait, quelques collections d'œuvres d'art sont parvenues en Suisse. Sous le Troisième Reich, la confiscation des biens culturels était exécutée par les autorités gouvernementales nazies, mais la vente des biens confisqués s'effectuait par le biais des marchands. Le commerce des œuvres d'art n'était quasiment pas réglementé en Suisse. Malgré les restrictions allemandes, les biens culturels sont parvenus en Suisse par les ports francs, la valise diplomatique, les déménagements et la contrebande.

Même si les musées suisses ont été relativement prudents en matière d'achats d'objets dont la provenance était douteuse, ils se sont cependant retrouvés en possession de biens spoliés par suite de donations et de dépôts de fondations. Les collectionneurs privés (notamment Emil G. Bührle) se sont souvent montrés moins prudents et avaient des moyens financiers plus importants que les musées. Le marchand d'origine juive Fritz Nathan a conseillé des musées allemands et suisses dans leurs achats et leurs échanges, et a aidé des personnes persécutées par le régime nazi à mettre leurs collections en lieu sûr.

La fiduciaire Fides (appartenant majoritairement au Crédit Suisse) est intervenue sur le marché allemand des objets d'art à la suite de la réglementation du marché des devises et au blocage des comptes en monnaie allemande (Reichsmarks). En achetant des œuvres d'art, sur ordre de personnes se trouvant hors d'Allemagne, Fides a pu exporter d'Allemagne une partie des avoirs bloqués, qui ont ensuite été vendus pour le compte de ces personnes.

La galerie lucernoise Fischer (la plus importante maison de vente aux enchères à l’époque en Suisse) réalisait un grand chiffre d'affaires notamment en faisant des échanges relatifs à des tableaux impressionnistes français et en fournissant des œuvres pour le projet du «Führermuseum Linz» voulu par Hitler et la collection d'Hermann Göring.

En ce qui concerne l'« Entartete Kunst » ou art dit dégénéré (que ce soit des biens spoliés ou des biens en fuite), la galerie Fischer avait organisé une importante vente aux enchères en 1939, qui avait rapporté un demi million de francs suisses au IIIe Reich, mais ensuite, à cause de la saturation du marché, le commerce «d'art dégénéré» n'a plus eu qu'une importance secondaire en Suisse.

La plupart des biens spoliés retrouvés en Suisse ont été restitués après la guerre. En raison de leur bonne foi, les propriétaires suisses des biens spoliés ont été dédommagés par le gouvernement suisse, qui à son tour a été remboursé par la République fédérale d'Allemagne.

Plus de biens en fuite que de bien spoliés sont arrivés en Suisse. Les biens en fuite ont été acquis tant par des musées que par des particuliers et pour la plupart exportés vers des pays tiers, alors que les biens spoliés ont surtout été achetés par des privés et sont restés en Suisse.

Étapes importantes

  • 19 dĂ©cembre 1996 : Fondation de la commission
  • 25 mai 1998 : PrĂ©sentation du rapport partiel relatif Ă  la Suisse et les transactions sur l'or
  • 10 dĂ©cembre 1999 : PrĂ©sentation du rapport partiel relatif Ă  la Suisse et les rĂ©fugiĂ©s[5]
  • 1er dĂ©cembre 2000 : PrĂ©sentation d'un rapport annexe relatif Ă  la politique de la Suisse Ă  l'encontre des Tziganes
  • 3 juillet 2001 : Le Conseil FĂ©dĂ©ral dĂ©cide qu'Ă  l'issue des travaux, les archives privĂ©es (entreprises, associations) devront ĂŞtre restituĂ©es Ă  qui en fera la demande
  • 30 aoĂ»t 2001 : PrĂ©sentation des 8 premières Ă©tudes de la commission
  • 29 novembre 2001 : PrĂ©sentation de 10 Ă©tudes supplĂ©mentaires
  • 19 dĂ©cembre 2001 : Remise du rapport final au Conseil FĂ©dĂ©ral et dissolution de la commission
  • 22 mars 2002 : PrĂ©sentation et publication du rapport final ; prĂ©sentation des 7 Ă©tudes restantes

RĂ©ception du rapport

Acceptation par les historiens

Comme le résume le Dictionnaire historique de la Suisse, « (…) la majorité des historiens et une bonne partie du public ont accueilli favorablement le point de vue adopté dans le rapport Bergier, en admettant qu'il y avait des points problématiques dans le comportement de la Suisse pendant la guerre (politique des réfugiés, liens économiques avec les puissances de l'Axe) »[6].

Critiques et oppositions

Marc-André Charguéraud dans son ouvrage La Suisse lynchée par l'Amérique s'est attaqué au climat de menace contre la Suisse qui a favorisé l'établissement du rapport. Dans son essai, Pour en finir avec le rapport Bergier et son étude, Non, nous n'étions pas des lâches. Vivre en Suisse, 1933-1945, Frank Bridel réfute le rapport Bergier et souligne qu'il doit davantage à des a priori idéologiques qu’à un travail scientifique, argumentant que la conclusion du rapport a précédé les travaux qu'ils viennent confirmer[7].

Jean-Jacques Langendorf dans l'ouvrage collectif sous sa direction La Suisse face à l'empire américain. L'Or, le Reich et l'argent des victimes, a également critiqué le rapport Bergier, tout comme Jean-Christian Lambelet dans Le mobbing d'un petit pays. Herbert Reginbogin, dans Hitler, der Westen und die Schweiz. 1936-1945. a défendu la position de la Suisse à l'époque, face au rapport Bergier, dans une perspective comparatiste. Stephen P. Halbrook dans son livre The Swiss and the Nazis, établit une plaidoyer en faveur de la politique des autorités suisses face à la menace nazie[8].

En fĂ©vrier 2013, Serge Klarsfeld estime que la Suisse n'a vraisemblablement pas refoulĂ© plus de 3 000 Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, rĂ©futant ainsi les estimations prĂ©cĂ©dentes de la Commission Bergier qui faisaient Ă©tat de plus de 25 000 personnes, et ajoutant qu'une nouvelle Ă©tude s'impose car « il s'agit de l'image de la Suisse dans le monde. Et cela est important pour le pays[9] Â».

L'association Pro Libertate a beaucoup critiqué la Commission Bergier au nom de la génération du service actif[10].

Bibliographie

  • Commission indĂ©pendante d'experts Suisse – Seconde Guerre mondiale, La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale : rapport final, Zurich, Editions Pendo, , 569 p. (ISBN 3-85842-602-4)
  • Pietro Boschetti, Les Suisses et les nazis : le rapport Bergier pour tous, Suisse, Éditions ZoĂ©, , 189 p. (ISBN 2-88182-520-6)

Notes et références

  1. Pietro Boschetti, Les Suisses et les nazis, p. 13.
  2. Voir l'article "Deuxième Guerre mondiale", 8. Historiographie et débat (en particulier sections 8.2 Accents critiques (1975-1995) et 8.3 La Suisse sur le banc des accusés: les débats depuis 1995, in Dictionnaire historique de la Suisse - https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/008927/2015-01-11/#HRE9fugiE9s (version du 11.01.2015, consultée le 28.02.2021).
  3. « Marc Perrenoud sur Dodis.ch », sur dodis.ch (consulté le )
  4. (de) Esther Tisa Francini, Anja Heuss et Georg Kreis, Fluchtgut--Raubgut : der Transfer von KulturgĂĽtern in und ĂĽber die Schweiz 1933-1945 und die Frage der Restitution Publications de la CIE, volume 1 (2001), Zurich, Chronos, (ISBN 3-0340-0601-2 et 978-3-0340-0601-9, OCLC 50387692)
  5. Commission Indépendante d'Experts Suisse - Seconde Guerre mondiale La Suisse et les réfugiés à l'époque du national-socialisme, Berne 1999 358 p.
  6. "Deuxième Guerre mondiale", 8. Historiographie et débat, 8.3 La Suisse sur le banc des accusés: les débats depuis 1995, in Dictionnaire historique de la Suisse - https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/008927/2015-01-11/#HRE9fugiE9s (version du 11.01.2015, consultée le 28.02.2021).
  7. Pour en finir avec le Rapport Bergier, 29 avril 2009, par PHILIPPE BARRAUD.
  8. Horizons et débats, 1er décembre 2008, No 48, Les neutres face au IIIe Reich : la Suisse non coupable, par Jean-Philippe Chenaux, p. 7.
  9. Article de la Radio-Télévision Suisse du 10 février 2013 .
  10. « Pro Libertate », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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