« Du Boisguy fit aussitôt embusquer toute sa troupe dans le lieu même, et garnit les jardins et les champs voisins environnés de fossés, en s'étendant sur le plus grand front possible. A peine avait-il pris ces dispositions que les Républicains, qui poursuivaient le détachement du chevalier, vinrent en désordre donner dans l'embuscade, où ils furent assaillis par une grêle de balles qui leur tua d'abord beaucoup de monde ; du Boisguy, les voyant déconcertés de cette attaque imprévue, crie à ses soldats de le suivre et s'élance au milieu des ennemis, mais, son pied s'étant pris dans une ronce, il tomba de l'autre côté d'un fossé, où il reçut la décharge de plus de cinquante hommes, sans être atteint ; ses troupes, voyant son danger, se précipitèrent sur les Républicains en poussant de grands cris ; on combattit un instant au corps à corps ; mais ceux-ci, voyant la longue ligne des Royalistes et les croyant plus nombreux qu'ils n'étaient en réalité, prirent la fuite ; ils furent poursuivis pendant une demi-lieue, laissant cent vingt hommes sur le champ de bataille. Du Boisguy fut arrêté par un paysan, qui avait aperçu une colonne de quinze cents hommes, sortie de Fougères aux premiers coups de fusil, et qui accourut, au péril de sa vie, pour le prévenir. Il n'eut que le temps d'arrêter la poursuite et de rallier ses troupes ; il revenait sur la Chapelle-Saint-Aubert, lorsqu'il fut prévenu qu'une autre troupe, forte d'environ quatre cents hommes, venait d'occuper son premier champ de bataille et y était embusquée. Il avait à peine eu le temps de donner quelques ordres, quand il aperçut de l'autre côté, sur la gauche, une compagnie de cent vingt grenadiers qui s'avançait sur lui en bon ordre ; le capitaine de cette compagnie ordonna de marcher à la baïonnette, sans tirer, et cria, en même temps, aux Royalistes que toute résistance était inutile, parce qu'ils étaient cernés de toutes parts. Du Boisguy, voyant le péril, ordonne à Decroix, son ancien garde-chasse, habile tireur, d'ajuster le capitaine, qui tombe à l'instant, frappé d'une balle dans la poitrine, au milieu de ses grenadiers qui s'arrêtent étonnés et indécis ; profitant de ce moment : « Il faut vaincre ou périr, » dit-il, et, suivi des plus braves, il s'élance sur les grenadiers qui semblaient avoir perdu leur audace avec leur brave capitaine ; ils prennent la fuite et se jettent dans un tel désordre sur l'embuscade placée à la Chapelle-Saint-Aubert, qu'ils entraînent tout dans leur déroute. Une terreur panique semblait s'être emparée d'eux et gagna les troupes qui marchaient à leur secours, en sorte que, vers 8 heures du soir, on vit plus de quinze cents hommes fuyant devant trois cents et poursuivis avec tant d'acharnement que plus de trois cents d'entre eux demeurèrent sur la place, sans que les Royalistes n'eussent perdu qu'un seul des leurs ; mais, la nuit approchant, du Boisguy essaya de rallier sa troupe ; ce fut en vain ; elle alla donner, à son tour, dans une embuscade, près de Fougères, où dix hommes furent tués, et le brave chevalier de Bailleroche, pris, au milieu des fuyards qu'il poursuivait trop vivement ; il fut fusillé sur-le-champ. Vingt-deux Royalistes furent blessés, Louis Simon, de Fougères ; Charles André, de Barenton ; François Machard, de Fougères ; Joseph le Gendre, de Dompierre ; Jean Chérel, de Lécousse ; Julien du Pontavice, de Saint-James, et Jean le Breton, de Parigné, le furent assez grièvement. Tous ceux qui formaient la troupe d'élite de du Boisguy firent des prodiges de valeur dans cette affaire, et les autres compagnies qui s'y trouvèrent ne cessèrent de se distinguer, par la suite, dans ses colonnes[1]. »