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Civita di Tricarico

Le site archĂ©ologique de Civita di Tricarico est une agglomĂ©ration de hauteur fortifiĂ©e, occupĂ© par le peuple italique des Lucaniens entre les annĂ©es 350 et 90-80 avant notre ère, et dont le nom antique n'est pas connu[1]. Il se situe sur le territoire de la commune de Tricarico dans le sud de l'Italie (province de Matera, Basilicate), Ă  une dizaine de kilomètres du centre urbain actuel de la commune. Il s'agit de l'habitat indigène le plus vaste d'Italie mĂ©ridionale, avec plus de 47 hectares d'occupation[1], enceints par 3 niveaux de remparts successifs, dont un rempart externe contemporain de la fondation du site, un rempart d'acropole, et une enceinte intermĂ©diaire contemporaine de la deuxième guerre punique[1].

CivitĂ  di Tricarico
Localisation
Pays Drapeau de l'Italie Italie
Région antique Lucanie (région historique)
CoordonnĂ©es 40° 37′ 49″ nord, 16° 04′ 17″ est
Altitude 934 m
GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
CivitĂ  di Tricarico

Les techniques architecturales employées (grand appareil, mortier de chaux, temples à podium), les modes de fortification (portes à cour interne, tours carrées soutenant des engins de siège défensifs), d'habitat (maisons à pastas voisines des types olynthiens, domus pompéienne) et de productions artisanales découvertes au sein des différents quartiers explorés par la fouille révèlent la pénétration forte des éléments de culture matérielle et religieuse à la fois grecque hellénistique mais aussi romaine dans cette région reculée de l'Italie des Apennins. Fouillé et exploré systématiquement par l'École Française de Rome depuis 1988[1], le site fait l'objet de publications régulières dans les différentes chroniques archéologiques éditées par l'institution.

Localisation et topographie du site

Situation régionale

Le site de CivitĂ  di Tricarico occupe une position centrale en Italie du sud, Ă  Ă©gale distance de trois rivages importants pour les peuplements de l'AntiquitĂ© : le golfe de Policastro, le Golfe de Tarente, et la mer Adriatique[2]. Toutefois, cette rĂ©gion connaĂ®t avant tout, sur le plan topographique, une situation d'enclavement profond : routes difficiles, reliefs, rĂ©seau hydrographique contraignant le cheminement, ont pour consĂ©quence une desserte relativement inĂ©gale et hĂ©tĂ©rogène des espaces adjacents Ă  la Lucanie interne. De fait, le site de CivitĂ  di Tricarico surplombe, Ă  près de 930 m d'altitude, la vallĂ©e du fleuve Basento vers le sud, qui creuse un profond sillon vers le golfe ionien, dĂ©bouchant près de la citĂ© grecque de MĂ©taponte, non loin d'autres citĂ©s reliĂ©es Ă  l'hinterland indigène par des fleuves : Siris - HĂ©raclĂ©e, par exemple, ou Sybaris - Thourioi. Au nord du site de CivitĂ , on trouve un tout autre faciès gĂ©ologique : la « fosse bradanique » et les plateaux calcaires des Murges remplacent la situation d'a-pic sur la vallĂ©e qui prĂ©vaut au sud. La rĂ©gion est peuplĂ©e par diverses communautĂ©s humaines depuis la prĂ©histoire, mais c'est avec l'âge du Bronze puis du Fer que le peuplement se densifie et que les communautĂ©s de montagne de multiplient dans la rĂ©gion, bĂ©nĂ©ficiant d'un rĂ©el dynamisme technique et Ă©conomique du fait de leur intĂ©gration au grand commerce mĂ©diterranĂ©en et aux Ă©changes terrestres de mĂ©taux et d'ambre prĂ©cieuses venues du nord de la Baltique. L'Ă©conomie de montagne est alors centrĂ©e sur un agro-pastoralisme itinĂ©rant (grandes transhumances), les productions secondaires (tissage, filage, et peausserie).

Topographie du site et structures défensives

Le site de Cività di Tricarico se compose d'un vaste plateau, dominé par une acropole, situé en position défensive sur le versant occidental de la vallée du Basento, à quelques kilomètres des sites contemporains de Serra del Cedro, San Chirico Nuovo, Croccia Cognato, et du grand sanctuaire italique de Rossano di Vaglio, dédié à la déesse Méfitis.

Il est ceint de 3 remparts : un rempart extérieur, daté des années 370 av. J.-C., un rempart d'acropole contemporain du premier, et un rempart interne plus tardif, dont la datation est estimée aux années 220 - 200 av. J.-C., ce qui permet de qualifier l'établissement d'oppidum, agglomération de hauteur fortifiée. Ce système défensif est composé de courtines, de talus de type agger associés à des murs diaphragme, ainsi que de tours, de portes à cour interne et d'une porte à baïonnette / à recouvrement. Il est construit en grand appareil et possédait une élévation en matériaux périssables (brique crue) pour partie.

Il s'agit du plus vaste habitat indigène d'Italie du sud[3], occupant une surface totale de 49 ha. Il est occupé entre les IVe et Ier siècles av. J.-C. par une population correspondant à l'ethnie antique des Lucaniens, comme en témoignent les inscriptions en langue osque découvertes sur le site et aux alentours. Il fait partie des territoires conquis par Rome au IIIe siècle av. J.-C. et est abandonné dans les années 80 av. J.-C., probablement dans les années suivant la guerre sociale : l'intégration des italiques à la citoyenneté romaine ayant peut-être rendu caduque l'existence d'un réseau de sites fortifiés verrouillant le territoire.

Histoire des recherches

Le site de Cività di Tricarico fit l'objet de signalements ponctuels au cours du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Il fut par la suite l'objet de fouilles archéologiques ponctuelles menées par la surintendance archéologique de Basilicate, dans les années 1970 et en 1986, permettant de mettre au jour le temple de l'acropole et une domus voisine, avant de devenir un chantier de l'École française de Rome[1], sous la direction d'Olivier de Cazanove, professeur des universités en archéologie romaine, de 1988 à 2003, puis en 2005 et enfin depuis 2013 avec la collaboration de Stéphane Bourdin, professeur des universités en histoire romaine. Les fouilles françaises sur le site ont exploré, en plus de 3 décennies, plusieurs quartiers d'habitation, mettant au jour non seulement des habitats, mais aussi des édifices cultuels, des édifices économiques publics (entrepôts), des ateliers artisanaux, le tout suivant une organisation urbaine - rudimentaire - composée de noyaux de maisons, formant des quartiers, séparés par des espaces vides dédiés aux cultures et à la stabulation des bêtes.

Édifices et structures fouillés

Outre l'enceinte, le site a livré plusieurs zones d'habitat aggloméré, organisées en quartiers, eux-mêmes disposés autour de plusieurs rues aménagées de pavements. Plusieurs édifices notables ont ainsi été identifiés : nombreuses maisons à pastas, maison à péristyle, entrepôt, atelier de fabrication de statuettes (aussi appelé "maison des moules"), deux temples (le temple "P" et le temple de l'acropole), une domus de type pompéien. Si une partie seulement des vestiges a fait l'objet de fouilles systématiques, l'ensemble du site est relativement bien connu grâce aux photographies aériennes et aux moyens de prospection géophysiques employés avant la fouille.

Bibliographie

Monographie du site

  • Cazanove, O. de; FĂ©ret, S.; Caravelli, A. et al.:Civita di Tricarico, 2. Habitat et artisanat au centre du plateau. (Rome : École française de Rome, 2014) , (Collection de l'École française de Rome, 483) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Cazanove, O. de et al.:Civita di Tricarico, 1. Le quartier de la maison du monolithe et l'enceinte intermĂ©diaire. (Rome : École française de Rome, 2008) , (Collection de l'École française de Rome, 409)Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Articles

  • Cazanove, O. de: Civita di Tricario, il piĂą grande insediamento lucano dell'entroterra. - FormaUrbis 22 (2017) Nr.4,20-27.Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Colivicchi, F.: The Italic settlement of Civita di Tricarico in Lucania. Rez. zu: "Civita di Tricarico, 2. Habitat et artisanat au centre du plateau." JRA 29 (2016) 562-565.
  • FĂ©ret, S.: Les moules de Civita di Tricarico (Lucanie). Contexte de production et techniques. - in: Figurines de terre cuite en MĂ©diterranĂ©e grecque et romaine, 1. Production, diffusion, Ă©tude. [Actes du colloque international, Izmir, 2-6 juin 2007.] (Athens 2016) 79-83.
  • Cazanove, O. de: Quadro concettuale, quadro materiale delle pratiche religiose lucane. Per una revisione dei dati. - in: BrateĂ­s datas. Pratiche rituali, votivi e strumenti del culto dai santuari della Lucania antica. Atti delle giornate di studio sui santuari lucani, Matera, 19-20 febbraio 2010. (Venosa 2012) 295-310.
  • Bottini, A.: Argento e ambra. Il corredo della Tomba 60 di Serra del Cedro. - Siris 11 (2010-11)[2012] 5-14.
  • De Siena, A.; Radi, G.; Osanna, M.: Un via di transito tra lo Jonio e il Basento. Testimonianze archeologiche del medio Basento. (Tricarico : Regione Basilicata, 2011)
  • Cazanove, O. de; FĂ©ret, S.: L'artisanat lucanien entre reproduction et "bricolage". L'exemple de Civita di Tricarico et de la maison des moules. - in: Grecs et indigènes de la Catalogne Ă  la mer Noire. Actes des rencontres du programme europĂ©en RamsesÂł (2006 - 2008). (Paris 2010) 455-460.
  • Cazanove, O. de: Civita di Tricarico e gli abitati della Lucania interna. Gli elementi di una forma urbana? - in: Verso la cittĂ . Forme insediative in Lucania e nel mondo italico fra IV e III sec. a.C. Atti delle Giornate di studio, Venosa, 13-14 maggio 2006. (Venosa 2009) 165-180.
  • Cazanove, O. de: Luoghi di culto lucani a pianta centrale quadrata. - Siris 10 (2009)[2011] 131-141.
  • Cazanove, O. de: ActivitĂ©s archĂ©ologiques de l'École française de Rome. Chronique, annĂ©e 2008. Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 120 (2008) 253-256.
  • Cazanove, O. de: Civita di Tricario (Matera). - BA (2008) Nr.1,223-224.
  • Cazanove, O. de; Matterne, V.: ActivitĂ©s archĂ©ologiques de l'École française de Rome. Chronique 2006. Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 119 (2007) 317-320.
  • Cazanove, O. de: Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 118 (2006) 380-383.
  • Bourdin, S.: Un nouveau timbre sur tuile osque de Trebis Arronties Ă  Tricarico. - MEFRA 116 (2004) 293-299.
  • Cazanove, O. de: Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 116 (2004) 653-660.
  • Cazanove, O. de: Un nouveau temple Ă  Civita di Tricarico (Lucanie). - MEFRA 116 (2004) 249-291.Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Cazanove, O. de: Au cĹ“ur de l'Appenin lucanien. Recherches rĂ©centes Ă  Civita di Tricarico. Les premières phases de l'habitat jusqu'Ă  la deuxième guerre punique. - CRAI (2002) 93-120.Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Cazanove, O. de: Civita di Tricarico nell'etĂ  della romanizzazione. - in: ModalitĂ  insediative e strutture agrarie nell'Italia meridionale in etĂ  romana. (Bari 2002) 169-202.
  • Cazanove, O. de; Bourdin, S.; Estienne, S. et al.:Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 114 (2002) 500-511.
  • Cazanove, O. de; Bourdin, S.; Dubouloz, J. et al.:Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 113 (2001) 510-519.
  • Cazanove, O. de; Dubouloz, J.; Pallud, A. et al.:Civita di Tricarico (prov. de Matera). - MEFRA 112 (2000) 453-462.
  • Cazanove, O. de: Un Ă©difice de repas communautaires en Lucanie interne. - MEFRA 108 (1996) 901-941, Abb.
  • Cazanove, O. de: Le site lucanien de Civita di Tricarico. Entre hellĂ©nisation et romanisation. - RA (1996) 200-210, Abb.Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Canosa, M.G.: Tricarico. - in: Basilicata. L'espansionismo romano nel sud-est d'Italia. Il quadro archeologico. Atti del convegno, Venosa 23 - 25 aprile 1987. (Venosa 1990) 111-123, Abb.

Notes et références

  1. Catherine Virlouvet (dir.) et Stéphane Bourdin, Rome, naissance d'un empire : De Romulus à Pompée 753-70 av. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 796 p. (ISBN 978-2-7011-6495-3), chap. 6 (« Le duel entre Rome et Carthage et les débuts de l'impérialisme romain »), p. 304.
  2. O. de Cazanove, Civita di Tricarico I, p. 1
  3. Cazanove, O. de: Civita di Tricario, il piĂą grande insediamento lucano dell'entroterra. - FormaUrbis 22 (2017) Nr.4,20-27

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