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Champlevé

Le champlevé est une technique de travail de l'émail utilisée dans les arts décoratifs. Elle consiste à Îter un peu de matiÚre pour y incruster de l'émail. Le nom vient du français pour « champ surélevé », « champ » signifiant arriÚre-plan, bien que la technique dans la pratique abaisse la zone à émailler plutÎt que de soulever le reste de la surface[1].

Coupe, Constantinople, XIIIe-XVIe siÚcles, céramique, décor champlevé (musée du Louvre, département des arts décoratifs).

Le terme de champlevé définit aussi un type de gravure d'objets préhistoriques représenté par exemple sur le bùton gravé du Gravettien trouvé dans la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure[2].

Présentation

Le champ à décorer sur le métal ou la céramique non cuite est creusé au burin en épargnant les cloisons qui vont définir et limiter les alvéoles (aussi appelées champs). L'émail ou la barbotine est placé dans ces alvéoles (la barbotine en excédent est raclée) puis le tout est cuit. Cette technique, dérivée du cloisonné dans le cas du travail du métal, produit un travail plus fin et dans une grande variété de couleurs.

Schéma d'un travail à l'émail champlevé. D'aprÚs C. Rienks.

La cĂ©ramique peut tout aussi bien ĂȘtre recouverte d'un Ă©mail transparent d'une seule couleur, qui se dĂ©posera donc en couche plus Ă©paisse dans les creux et fera ainsi apparaĂźtre les motifs dans la mĂȘme gamme de tons, clairs, des reliefs, et sombres, des creux.

En Europe

Dans l'Antiquité

La technique du champlevĂ© est connue dĂšs l'AntiquitĂ©. DĂšs le IIIe siĂšcle av. J.-C., les Celtes expĂ©rimentent une premiĂšre Ă©bauche de la technique du champlevĂ© en coulant l'Ă©mail dans des cavitĂ©s moulĂ©es en creux, sur un support de bronze[3]. On peut admirer un des premiers exemples connus de cette technique sur le bouclier de Battersea. Les Celtes perfectionneront cette technique par l’application Ă  chaud de verre colorĂ© et opaque de couleur rouge sur des mĂ©taux. À partir du Ier siĂšcle av. J.-C. apparaissent d’autres couleurs, grĂące Ă  l’ambre et l’ivoire, le jaune, puis le bleu principalement[4].

L'Empire romain en pleine expansion entre en contact avec les Celtes et diffuse la technique du champlevĂ© sur tout son territoire, dans une version plus sophistiquĂ©e. Les Celtes ne chauffaient le verre que jusqu’à ce qu’il devienne une pĂąte molle avant d’ĂȘtre mis en place. Ceci est parfois connu sous le nom d’émaillage de « cire Ă  cacheter ». Les Romains vont mettre en place la pĂąte de verre et la cuire jusqu’au moment oĂč elle se liquĂ©fie[1].

Au IVe siĂšcle les Huns envahissent l’Europe occidentale, forçant les Germains et les Goths Ă  la fuite. Le style du cloisonnĂ© barbare est rĂ©introduit dans ces territoires[5]. La technique du champlevĂ© sera ensuite largement oubliĂ©e en Europe, du Ve au Xe siĂšcle, malgrĂ© une continuitĂ© sporadique dans le sud de l'Allemagne et la Pannonie[6]. Pendant cette pĂ©riode, la technique du cloisonnĂ© va prendre la relĂšve du champlevĂ©, dans la production d'Ă©maux europĂ©ens.

En Europe romane

ExpĂ©rimentĂ©s Ă  l'abbaye Sainte-Foy de Conques, sous l’abbĂ© Boniface, au dĂ©but du XIIe siĂšcle, les Ă©maux champlevĂ©s sont alors redĂ©couverts. Un des premiers exemples est le reliquaire de l’abbĂ© Boniface de Saint-Foy, produit en 1120. La technique dĂ©sormais employĂ©e diffĂšre lĂ©gĂšrement de celle des Celtes : les champs ne sont plus formĂ©s dans le bronze en fusion comme dans l’émail celtique, mais dans les alvĂ©oles produites au ciseau ou par morsure acide[5]. Par ailleurs, la couleur dominante n'est plus le rouge, mais le bleu[1]. Il Ă©tait en effet trĂšs cher de se procurer des pigments bleus pour la peinture, mais les Ă©maux bleus Ă©taient relativement abordables.

On distingue deux foyers de production :

  • l'Europe mĂ©ridionale (nord de l’Espagne et sud-ouest de la France), avec pour centres majeurs Conques, Burgos (abbaye de Silos) et Limoges[7]. Ces villes bĂ©nĂ©ficient de leur localisation sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, dont le pape Calixte II a encouragĂ© le pĂšlerinage au dĂ©but du XIIe siĂšcle ;
  • l'Europe rhĂ©no-mosane (Ă©tendue jusqu’à la Saxe, l’Angleterre et la Champagne)[7], quelques dizaines d'annĂ©es plus tard, avec pour centres majeurs Namur, LiĂšge, Stavelot et Cologne[5]. Elle se distingue de la production mĂ©ridionale par une palette de couleurs plus froides.

Des ateliers proto-industriels y sont crĂ©Ă©s, permettant une production nombreuse et variĂ©e. En parallĂšle d'Ɠuvres relativement bon marchĂ©, produites en masse, ces ateliers conçoivent Ă©galement des piĂšces uniques et trĂšs sophistiquĂ©es. L'art roman est l'esthĂ©tique dominante des Ă©maux champlevĂ©s de cette pĂ©riode.

En 1215, le concile de Latran IV dĂ©cide d'autoriser l’emploi de l’émail champlevĂ© pour les vases sacrĂ©s[7], ce qui stimule la demande dans toute l'Europe.

Au XIVe siĂšcle, Sienne devient le foyer d’une nouvelle technique[8]. C’est le champlevĂ© basse-taille, oĂč l’on applique des Ă©maux translucides sur un bas-relief au ciseau, au fond moins rugueux que pour l'Ă©mail champlevĂ©. Les techniques du cloisonnĂ© et du champlevĂ© sont alors abandonnĂ©es au XVe siĂšcle au profit des Ă©maux translucides.

En Corée du Sud

La céramique coréenne en a fait une spécialité sous la forme de certains grÚs buncheong : les parties creusées servent autant à tracer le motif, au trait, qu'à définir des surfaces. Le jeu de couleur se fait avec le grÚs, sombre, et la barbotine, claire. La barbotine est placée dans les parties réservées par de larges coups de pinceaux qui recouvrent la totalité de la piÚce et ensuite, lorsque la barbotine est sÚche, la piÚce est raclée pour découvrir les motifs.

Une autre technique buncheong consiste à recouvrir le grÚs de barbotine, puis à creuser les motifs dans la barbotine sÚche, sans autre opération : dans ce cas, cette technique est similaire au sgraffite et non au champlevé. Les céramiques coréennes sont ensuite recouvertes d'un émail céladon transparent.

Au Japon

Une technique similaire Ă©tait connue sous le nom de äžƒćźè±Ąć”Œ (shippou-zogan) au Japon[9]. On l'utilisait notamment pour orner la garde (tsuba) des sabres.

Galerie

Notes et références

  1. « Champlevé », sur HiSoUR Art Culture Histoire, (consulté le ).
  2. Nejma Goutas, « Nouvelles donnĂ©es sur l’industrie osseuse des grottes du Renne et du Trilobite Ă  Arcy-sur-Cure (Yonne, France). Vers l’identification de nouveaux marqueurs techniques et culturels du Gravettien moyen Ă  burins du Raysse », dans P. Bodu, L. Chehmana, L. Klaric, L. Mevel, S. Soriano et N. Teyssandier (Ă©d.), Actes de La Table ronde internationale. Le PalĂ©olithique supĂ©rieur ancien de l’Europe du nord-ouest. SĂ©ance de la SociĂ©tĂ© prĂ©historique française (15-18 avril 2009, musĂ©e de Sens, Yonne), Paris, SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, (lire en ligne), p. 103 (photos), 108.
  3. « emaux », sur emauxcheron.com (consulté le ).
  4. Veronig Marcel, « Émail celte Breteuil (60) – Patrimoine-ParisBreton.org » (consultĂ© le ).
  5. (it) « BrÚve histoire de l'émaillage », sur cki (consulté le ).
  6. Daniel Thurre, L'AiguiÚre « de Charlemagne » au trésor de l'Abbaye de Saint-Maurice. De l'art à l'idée du pouvoir, dossier critique (lire en ligne), p. 231.
  7. Brochure du musĂ©e national du Moyen-Âge (lire en ligne).
  8. « Une Histoire de Lard », sur une.histoire.de.lard.free.fr (consulté le ).
  9. « Typologie tsuba bori sukashi zogan nipponto-ken traitant du sabre japonais katana tachi wakizashi tanto autres nihonto », sur www.nipponto-ken.net (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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