Chöd
Le Chöd (ti. àœàœ àœŒàœ w. gcod) (littĂ©ralement « couper au travers ») est une pratique rituelle appartenant au Shee ChĂ© (ti.: àœàœČàŒàœàŸ±àœșàœàŒ, w. : Zhi-byed « apaisement de la souffrance »), une lignĂ©e bouddhisme tibĂ©tain. Câest une mĂ©thode pour couper au travers des obstacles (c'est-Ă -dire l'ignorance, la colĂšre, et en particulier le dualisme, surtout le dualisme du sens de soi comme diffĂ©rent des autres) et permet au pratiquant de demeurer dans un Ă©tat naturel libĂ©rĂ© de la crainte.
Le Chöd prend souvent la forme dâun autosacrifice par lequel le pratiquant, qui doit sâimmerger totalement dans le rituel[1], sâoffre par visualisation aux dĂ©itĂ©s et dĂ©mons pour le festin tantrique ganachakra, et vainc ainsi les peurs qui constituent un obstacle mental. Pratique tantrique, le Chöd utilise frĂ©quemment comme objets rituels un kangling, (trompette faite dans un fĂ©mur) et un tambour de Chöd (tambour Ă main similaire au damaru, mais plus grand), et parfois dâautres accessoires comme des phurbas[2].
Les mahÄsiddhas bouddhistes indiens auraient dĂšs avant le Xe siĂšcle pratiquĂ© une forme de Chöd[3]. Cette pratique sâest dĂ©veloppĂ©e essentiellement en dehors du systĂšme monastique, bien quâelle ait Ă©tĂ© adoptĂ©e ultĂ©rieurement par les quatre grandes traditions, qui la relient Ă la philosophie prajnaparamita du dĂ©passement de la dualitĂ©. Le 3e Karmapa lâaurait ainsi systĂ©matisĂ©e pour les Kagyu[4]. Comme toutes les pratiques tantriques, le Chöd comprend trois niveaux : externe, interne et Ă©sotĂ©rique. Il en existe plusieurs lignĂ©es de transmission[3], dont une Bön. Les plus connues sont la tradition « pĂšre » de Padampa Sangye, crĂ©ateur du Shee ChĂ©, et la lignĂ©e « mĂšre » de Machik Labdrön sa disciple, souvent considĂ©rĂ©e comme la fondatrice de la pratique au Tibet[5]. Elle est ancĂȘtre de la lignĂ©e du Chöd Mahamudra et intĂ©grĂ©e dans la lignĂ©e Dzogchen bien quâelle nâen soit pas considĂ©rĂ©e comme la fondatrice, mais nâapparait pas dans la lignĂ©e Bön.
Selon Giuseppe Tucci, la thĂ©orie du Chöd est Ă l'opposĂ© de la philosophie bouddhiste tibĂ©taine gĂ©nĂ©rale qui vise Ă Ă©mousser la souffrance et faire naĂźtre un bonheur durable en mettant un terme aux actions nuisibles et en cultivant les actions bĂ©nĂ©fiques. Dans la voie du Chöd, on considĂšre au contraire que la destruction directe de la souffrance mĂšne Ă l'Ă©limination des souillures morales. Il s'agit ici de trancher le processus dualiste Ă la base, Ă l'aide d'un processus mĂ©ditatif enseignĂ© par un Lama autorisĂ©[6] - [7]. Le Chöd est en effet traditionnellement considĂ©rĂ© comme dangereux et les dĂ©butants doivent ĂȘtre guidĂ©s[8]
Chandra Das compare les pratiquants du Chöd aux avadhƫta[9] ou « saints fous » de la tradition indienne.
Voir aussi
- Kadag Trekchö
- Machik Labdrön
Notes
- Sarah Harding Machik's Complete Explanation Clarifing the Meaning of Chod Snow Lion Publications 2003 Préface (ISBN 1559391820)
- Jigme Lingpa (terma non daté); Liljenberg, Karen (traduction 2006)The Longchen Nyingthig Chöd Practice "The Loud Laugh of the Dakini"
- JérÎme Edou (1996). Machig Labdrön and the Foundations of Chöd. Snow Lion Publications. (ISBN 9781559390392)
- Schaeffer, Kurtis R. (1995). The Englightened Heart of Buddhahood: A Study and Translation of the Third Karma pa Rang byung rdo rje's Work on Tathagatagarbha. (Wylie: de bzhin pa'i snying po gtan la dbab pa). University of Washington., p. 15
- Beyer (1973)
- Giuseppe Tucci, 1973
- Combats des Nonnes Tibétaines, Havnevik Hanna, 1995, Ed Dharma, (ISBN 2864870258)
- Mircea Eliade (1989), "Histoire des croyances et des idées religieuses" Tome 3, § 316, Ed. Payot. (ISBN 2228881600)
- Sarat Chandra Das, Graham Sandberg & Augustus William Heyde (1902). Tibetan-English Dictionary with Sanskrit Synonyms. Calcutta, India: Bengal Secretariat Book Depot, p. 20
Références
- (fr) Mircea Eliade (1989), Histoire des croyances et des idées religieuses Tome 3., § 316, Ed. Payot. (ISBN 978-2228881609)
- (fr) Giuseppe Tucci, Les Religions du Tibet et de la Mongolie, Payot, 1973
- (fr) JérÎme Edou Machik Labdrön, femme et dakini du Tibet, Seuil (), Collection : Points sagesses, (ISBN 2020523809) (ISBN 978-2020523806)
- Tsultrim Allione, (1984/2000). "The Biography of Machig Labdron (1055-1145)." in Women of Wisdom. p. 165-220. Snow Lion Publications. (ISBN 1559391413)
- Tsultrim Allione, (1998). "Feeding the Demons." in Buddhism in America. Brian D. Hotchkiss, ed. p. 344-363. Rutland, VT; Boston, MA; Tokyo: Charles E. Tuttle Co., Inc.
- Benard, Elisabeth Anne (1990). "Ma Chig Lab Dron.â Chos Yang 3:43-51.
- Beyer, Stephen (1973). The Cult of Tara. University of California Press. (ISBN 0520036352)
- Gauthard, Nathalie (2012). "Chöd, le festin du corps" in "Les maßtres du désordre"(dir. de Bertrand Hell, Jean de Loisy), Musée du Quai Branly, Réunion des musées nationaux, Grand Palais, pp.216-219. (ISBN 9782357440562)
- Harding, Sarah (2003). Machik's Complete Explanation: Clarifying the Meaning of Chöd. Snow Lion Publications. (ISBN 1559391820)
- Kollmar-Paulenz, Karenina (1998). âMa gcig Lab sgrn maâThe Life of a Tibetan Woman Mystic between Adaptation and Rebellion.â The Tibet Journal 23(2):11-32.
- Orofino, Giacomella (2000). âThe Great Wisdom Mother and the Gcod Tradition.â in Tantra in Practice. David Gordon White, ed. p. 396-416. Princeton, NJ: Princeton University Press.
- Stott, David (1989). âOffering the Body: the Practice of gCod in Tibetan Buddhism.â Religion 19:221-226.