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Cenebrun

Cenebrun est un personnage légendaire du début de l'ère chrétienne, présenté au XVIe siècle comme le premier « roi de Bordeaux ».

Vestiges du temple des Piliers de Tutelle en 1565.

Légende

Selon cette légende, la ville de Bordeaux est fondée sous les empereurs Titus et Vespasien (Ier siècle). Le fils cadet de ce dernier, Cenebrun, a épousé Gualienne ou Galienne, l'aînée de Titus. Vespasien en fait le premier roi de la ville[1].

De là Cenebrun conquiert ou gouverne plusieurs provinces du midi de la Gaule (Gaule narbonnaise, Gaule aquitaine). À Bordeaux, il fait ériger le temple des Piliers de Tutelle[Note 1], qu'il consacre à Priape et où des visiteurs « de toutes les parties du monde viennent s'adonner à la luxure et au coït »[2]. Galienne quant à elle fait construire le palais Gallien[Note 2] - [3], « qui était alors le plus noble et le plus beau palais qui fût sous le ciel »[1].

Cenebrun a sept enfants de sa femme, et une quarantaine de diverses concubines. Entre eux il répartit son immense royaume, conservant la suzeraineté à Bordeaux[4]. À son cadet nommé aussi Cenebrun le préféré du couple échoit le Médoc, à l'époque « célèbre pour la bonté de ses eaux, la grandeur de ses forêts et la quantité de poissons qu'on prenait sur ses côtes », et pour ses « deux villes, Huiraut et Brivat (parfois Hivrans et Hivrac[2]), qui (seront plus tard) détruites par Charlemagne »[1]. Pour lui rendre visite aisément, Gallienne fait ouvrir aux frais de l'habile courtisane Brunisende une « route plate et rectiligne comme une corde[2] » entre son palais et la mer[Note 3], qu'elle parcourt régulièrement dans son char d'or[4].

Pour ses aînés, Cenebrun obtient du « roi de Viane[Note 4] » la main de ses deux filles. Ammys, Aunys ou Annys, épouse le jeune Cenebrun, comte du Médoc[2].

Origine

Les documents les plus anciens qui rapportent cette légende sont[4] :

  • le Livre des Bouillons (du nom des gros clous de cuivre qui ornent sa couverture), manuscrit des archives de l'ancienne Jurade de Bordeaux rédigé du XVe siècle au début du XVIe siècle ;
  • le Livre Velu de Libourne (ainsi qualifié en référence à la peau de veau qui le couvre), cartulaire de la ville de Libourne, écrit en trois langues (gascon, latin, français) entre 1399 et 1498[5] ;
  • le Livre des Coutumes de la ville de Bordeaux[2].

Elle est peut-être inspirée par l'importance de la maison de Lesparre entre 1324 et 1394, dont le seigneur Cenebrun IV (ou Gaucem-Brun) puis son fils Florimont possédaient des fiefs jusqu'à Bordeaux[6].

On peut aussi penser que la propagation de cette version romancée, à la fin de la guerre de Cent Ans, est un moyen pour l'autorité royale de forger un mythe fondateur qui ignore les véritables ducs d'Aquitaine, Aliénor, le Prince noir et la domination anglaise[7].

Notes et références

Notes

  1. Construit à la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle sous la dynastie des Sévères et détruit en 1677, il s'agissait vraisemblablement d'un temple dédié à la déesse tutélaire de la ville.
  2. En réalité une arène romaine datant du début du IIe siècle et dont il subsiste aujourd'hui des vestiges. Son possible éponyme Gallien ne régna que bien plus tard, de 260 à 268, et ce nom aurait été attribué à l’amphithéâtre vers 1367. Une autre légende locale, tout aussi imaginaire, en fait le château d'une Galiène, « fille du roi de Tolède Galafre ou Galastre et amante de Charlemagne » (Roderic de Tolède, Jean Curion...).
  3. C'est la lébade du Médoc, ou Grand camin bourdelès ou Magna via de Solaco (grand chemin de Soulac).
  4. Viana, en Navarre espagnole. Le titre « prince de Viane » est porté depuis le début du XVe siècle par l'héritier du royaume de Navarre.

Références

  1. Dom Devienne, Histoire de la ville de Bordeaux : Première partie, contenant les événemens civils & la vie de plusieurs hommes célebres, Simon de la Court, fils, , 540 p. (lire en ligne), note 1, pages 507-508
  2. Livre des Coutumes de la ville de Bordeaux, Bordeaux, Henri Barkhausen, imprimerie G. Gounouilhou, , 299 feuillets, incomplets (lire en ligne), page 380, article XXXVIII
  3. Académie Nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts (Bordeaux), Actes de l'Academie Nationale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, Volume 4, Hotel des Sociétés Savantes, , 282 p. (lire en ligne), pages 99 - 107
  4. Archives municipales de Bordeaux : Livre des Bouillons, G. Gounouilhou, (lire en ligne), article 139, Histoire de Cenebrun, pages 473 à 483
  5. Cartulaire et statut de la ville de Libourne, dit Livre Velu, 1399-1498, 142 feuillets sur parchemin, 405 x 271 mm (lire en ligne)
  6. François-Joseph Rabanis, Notice sur Florimont, sire de Lesparre, suivie d'un précis historique sur cette seigneurie, de notes et éclaircissements, Bordeaux, impr. de H. Faye, , 114 p. (lire en ligne), page 6
  7. Léonard Dauphant, Géographies : Ce qu'ils savaient de la France (1100-1600), Champ Vallon, , 320 p. (ISBN 979-10-267-0687-8, lire en ligne)
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