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Causalité (histoire)

En histoire, la causalité cherche à déterminer les causes des événements historiques. Dans leurs tentatives de comprendre l'histoire, nombre de chercheurs examinent les causes en remontant à partir d'une conséquence constatée[1]. Par cette méthode, l’historien veut dépasser la simple description d’un événement pour atteindre sa compréhension historique. En effet, pour maîtriser pleinement un fait du passé, il est important d’établir de quelle cause il est issu[2].

De nombreux spĂ©cialistes de la recherche soulignent l’importance de cette comprĂ©hension par les causes dans la discipline. Ainsi, Marc Bloch affirme que l’historien a besoin de « l’emploi de la relation causale comme outil de la connaissance historique. Edward H. Carr nous dit que dans la profession, les chercheurs « se posent constamment la question du pourquoi Â»[3] Mais ce n’est bien sĂ»r pas l’unique travail auquel l’historien peut se consacrer.

La causalitĂ© historique est une problĂ©matique importante qui a principalement prĂ©occupĂ© les philosophes de l’histoire ainsi que les Ă©pistĂ©mologistes[4]. En effet, la question n’a Ă©tĂ© que peu « thĂ©matisĂ©e en tant que telle par les historiens professionnels alors qu’elle a longtemps Ă©tĂ© un passage obligĂ© des analystes de la connaissance historique et de ses mĂ©thodes »[3]. Cet Ă©cart entre les « praticiens Â» et les « analystes Â» s’occupant de rĂ©flexions Ă©pistĂ©mologiques est conventionnel en histoire et l’impact des thĂ©ories Ă©pistĂ©mologiques sur la recherche est souvent minime[3].

La recherche des causes en histoire est ancienne. DĂ©jĂ  Polybe, au IIe siècle av. J.-C. a.c.n., s’est intĂ©ressĂ© aux fondements des Guerres Puniques. Il profita de cette Ă©tude pour mettre en place une thĂ©orie des causes[5]. Selon lui, « l’objet propre de l’histoire est premièrement de connaĂ®tre les discours vĂ©ritables, dans leur teneur rĂ©elle, secondement de se demander pour quelle cause a Ă©chouĂ© ou rĂ©ussi ce qui a Ă©tĂ© dit ou ce qui a Ă©tĂ© fait, puisque la narration brute des Ă©vĂ©nements est quelque chose de sĂ©duisant, mais d’inutile, et que le commerce de l’histoire ne devient fructueux que si l’on y joint l’étude des causes Â»[6]. La principale cause rĂ©side dans les dessins, les intentions des acteurs (leurs disposition morales). Ă€ cĂ´tĂ© de cela, Polybe distingue deux autres types de causes : les causes structurelles (les prĂ©textes) et les causes « commencements Â», c’est-Ă -dire les actes qui marque le dĂ©but d’un Ă©vĂ©nement. En se basant sur ce modèle, les historiens distinguent gĂ©nĂ©ralement diffĂ©rents types de causalitĂ© : conjoncturelle et structurelle ; particulière et gĂ©nĂ©rale[4]. Cependant, la vĂ©ritable causalitĂ© historique ne se met en place qu’à partir de la seconde moitiĂ© du XIXe siècle, Ă  travers diffĂ©rents dĂ©bats qui ont bâti le concept.

L'évolution du concept de causalité

Entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, le concept de causalitĂ© en histoire a soulevĂ© de nombreux dĂ©bats. La question de la cause et de la consĂ©quence a toujours Ă©tĂ© au cĹ“ur de la plupart des controverses historiques[7], Ă  la fois dans l’angle du dĂ©bat de l’histoire comme science ainsi que dans ce que l’on nomme la controverse « expliquer/comprendre Â»[8].

XIXe siècle

Vers la fin du XIXe siècle l’histoire commence Ă  s’établir comme une science. Dans ce contexte, en Allemagne, se dĂ©veloppe un dĂ©bat Ă©pistĂ©mologique sur l’opposition entre « science de la nature Â» et « science de l’esprit Â» (de la culture/historique)[8].

L’historien allemand Wilhelm Dilthey est le premier Ă  faire cette distinction entre les Naturwissenschaften (sciences de la nature) et les Geisteswissenschaften (sciences de l’esprit ; que nous appelons aussi science de l’homme):

  • Naturwissenschaften : les sciences de la nature expliquent les rĂ©alitĂ©s matĂ©rielles en mettant en Ă©vidence des chaĂ®nes causales rĂ©gies par des lois.
  • Geisteswissenschaften : les sciences de l’esprit ne peuvent prĂ©tendre expliquer mais elles cherchent Ă  comprendre les hommes et leurs actions[9].

Les historiens, impressionnĂ©s par la force des lois des sciences de la nature, ont affirmĂ© leur discipline comme science en la fondant sur l’examen des causes[9]. Les spĂ©cialistes de la discipline ne se contentent alors plus de narrer, d’expliquer, mais essayent de comprendre les faits.  A la fin du XIXe siècle, l’historien allemand Ernst Bernheim publie Lehrbush der historischen Methode. Dans son ouvrage, il conçoit l’histoire comme une science et s’éloigne de l’explication narrative des faits historiques[10] : il faut dĂ©passer le rĂ©cit historique pour atteindre l’explication historique[11].

Début du XXe siècle : méthodiques >< sociologues

Au dĂ©but du XXe siècle en France, un dĂ©bat est menĂ© entre les historiens mĂ©thodiques (avec comme figure principale Charles Seignobos) et les sociologues (notamment Émile Durkheim et François Simiand), partisans d’un « alignement Â» de la causalitĂ© historique sur la causalitĂ© scientifique[12].

MĂ©thodistes

Charles Seignobos nous dit que, en histoire, contrairement aux autres sciences, on ne peut pas atteindre les causes par une mĂ©thode. Il refuse toute cause externe comme explication de faits historiques (ex : l’influence du milieu social sur l’individu). Seignobos dĂ©fend une interprĂ©tation cĂ©rĂ©brale et rationnelle de ceux-ci : il faut chercher Ă  reprĂ©senter les Ă©tats psychologiques des hommes (qui nous ont laissĂ© des traces de leur activitĂ©). Plus les motifs conscients de ces derniers sont dĂ©celables, plus ils sont explicables[12]. L’école mĂ©thodiste limite son attention Ă  la cause immĂ©diate ; gĂ©nĂ©ralement la volontĂ© de l’acteur de l’évènement[13].

Les historiens mĂ©thodistes dĂ©fendent l’histoire comme Ă©tude du particulier, du singulier en opposition aux sciences de la nature qui cherchent avant tout Ă  Ă©tablir des lois[14]. Pour les mĂ©thodistes, il n’est pas possible de poser des « lois Â» et d’atteindre le « gĂ©nĂ©ral Â» en histoire. Il est tout au plus possible de dĂ©mĂŞler les « causes intĂ©rieurs Â» (les intentions et les motifs), les causes matĂ©rielles et les causes mixtes[15].

Sociologues

Au contraire des mĂ©thodistes, Émile Durkheim s’attache Ă  rechercher des lois et des causes extĂ©rieures et s’occupe en prioritĂ© des « fonctions sociales permanentes Â»[15]. Durkheim appelle les historiens « Ă  considĂ©rer les faits sociaux comme des choses Â» : les rĂ©alitĂ©s/phĂ©nomènes humains sont des objets Ă  connaitre posĂ©s face Ă  un sujet connaissant ; ce qui permettait l’explication par les causes. Dans sa mĂ©thode, Durkheim cesse de considĂ©rer l’acte individuel dans ses causes psychologiques possibles ou probables Ă  la fois variĂ©es et pauvres[16]. En sociologie, cette perspective ouvre la possibilitĂ© de formuler des lois Ă  la manière des sciences physiques.

Le sociologue et historien François Simiand, quant Ă  lui, vise principalement Ă  dĂ©montrer que, dans la discipline historique, les chercheurs ont recours Ă  un type d’explication parallèle Ă  celui des sciences de la nature. En 1903, dans son article « MĂ©thode historique et sciences sociales Â» paru dans la Revue de synthèse historique il s’oppose aux arguments mis en place par les mĂ©thodistes pour dĂ©fendre leur vision de l’explication en histoire tel que la nature « individuelle Â» et psychologique des phĂ©nomènes Ă©tudiĂ©s[17]. Selon lui, les mĂ©thodistes restent limitĂ©s dans leur dĂ©marche en ne se concentrant que sur la description de faits contingents au lieu de comprendre les vĂ©ritables causes[18]. Pour Simiand, la cause en histoire n’est pas intrinsèquement diffĂ©rente de celle des sciences naturelles. Il dĂ©finit une cause comme l’antĂ©cĂ©dent du phĂ©nomène, reliĂ© Ă  ce dernier par la relation la plus gĂ©nĂ©rale. Cet antĂ©cĂ©dent doit ĂŞtre le moins substituable du phĂ©nomène Ă©tudiĂ©[18].

1950 : le débat anglo-saxon

Dans les années 1940-1950 le débat sur la causalité va porter sur le modèle d’explication par les lois. D’un côté, on trouve les défenseurs de ce modèle nomologique, tel que Carl G. Hempel ou Karl Popper et de l’autre leurs opposants, défenseurs du dualisme méthodologique tel que William Dray.

L’objectif d’Hempel Ă©tait de montrer qu’il existe en histoire des lois gĂ©nĂ©rales qui ont des fonctions tout Ă  fait analogues de celles que l’on assigne aux lois des sciences de la nature. Pour lui, on peut tirer une loi gĂ©nĂ©rale d’un Ă©vĂ©nement singulier[19].  A la manière de Simiand, les Ă©vĂ©nements du passĂ© sont ramenĂ©s Ă  une forme de rĂ©gularitĂ© qui, si elle est vĂ©rifiĂ©e, Ă©quivaut Ă  une loi[20].

C’est le philosophe William Dray qui va mener la critique de ce modèle nomologique. Dray est partisan de l’explication par des raisons et propose une nouvelle défense du dualisme méthodologique entre les sciences de la nature et les sciences humaines. Il vise ici à démontrer que, en histoire, on peut expliquer sans avoir recours à des lois générales. L’explication par des raisons correspond à reconstituer la logique d’action, les objectifs et le cheminement de l’agent et d’expliquer de quelle manière l’action a été appropriée[21].

Tentative de dépassement

L’opposition expliquer/comprendre va faire l’objet de tentative de dépassement, notamment par la mise en avant d'arguments narrativistes ainsi que probabilistes.

La position narrativiste est essentiellement développée chez les Anglo-Saxons : elle prétend que l’histoire ne peut pas être distinguée de la fiction par le caractère réel des événements qu’elle décrit. Qu’il soit réel ou fictionnel, un événement n’a donc pas de sens en dehors de la narration dans lequel il prend place. Seule la mise en intrigue permet de distinguer l’histoire de la chronique[22]. Paul Ricoeur, lui, introduit en France ces thèses anglo-saxonnes. Il y voit deux acquis majeurs : d’abord, les narrativistes montrent que raconter c’est déjà expliquer. Ensuite ils ont opposé la richesse des ressources explicatives internes au récit à la diversification des modèles explicatifs[23].

Dans l’argumentation probabiliste, Paul Ricoeur souligne l’importance que prennent les uchronies (Principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé) en ce qui concerne la causalité historique. Ce changement de vérité historique a pour fonction d’expérimenter les possibles en fonction des probabilités et ce afin de contre-vérifier l’importance réelle donnée à un événement dans l’histoire. Ricoeur affirme que : « C’est cette construction imaginaire probabiliste qui offre une double affinité, d’une part avec la mise en intrigue, qui est elle aussi une construction de l’imaginaire probable, d’autre part avec l’explication selon des lois »[24].

L'imputation causale singulière

L’imputation causale singulière est la procĂ©dure explicative qui fait la transition entre la causalitĂ© narrative et la causalitĂ© explicative[25]. NĂ©anmoins, la question de l’imputation causale pose problème aux historiens. Un des historiens Ă  s’être attardĂ© sur ce point est Paul Veyne dans Comment on Ă©crit l’histoire : essai d’épistĂ©mologie[26]. Pour apprĂ©hender la question de l’imputation causale, il part d’un constant très simple : l’historien n’a accès qu’à une part infime des informations nĂ©cessaires pour comprendre le passĂ©, « pour tout le reste, il lui faut boucher les trous Â»[27]. Ă€ cette opĂ©ration de remplissage, il donne le nom de « rĂ©trodiction Â»[26].

Pour mieux comprendre cela, Paul Veyne donne une hypothèse historique très simple : « Louis XIV devient impopulaire parce que les impĂ´ts Ă©taient trop lourds Â». Cette assertion peut rĂ©sulter de deux raisonnements diffĂ©rents : soit l’historien sait par les sources que la fiscalitĂ© est la cause de l’impopularitĂ© du souverain, soit il dispose de deux informations distinctes, c’est-Ă -dire la lourdeur des impĂ´ts et l’impopularitĂ© progressive du souverain[26]. Ainsi, le chercheur effectue une rĂ©trodiction puisqu’il remonte de l’impopularitĂ© avĂ©rĂ©e de Louis XIV pour en donner une cause prĂ©sumĂ©e, la pression fiscale[26].

La rétrodiction

L’exemple cité, ici, précédemment, nous permet d’introduire le concept de rétrodiction. En effet, la rétrodiction consiste à remonter des effets aux causes mais sans la possibilité de faire la démonstration expérimentale que tel phénomène entraîne nécessairement tel autre phénomène puisque l’événement est irrémédiablement révolu[1]. Le fondement même de la rétrodiction n’est toutefois pas la prétendue constance avec laquelle l’effet suit la cause, ni le fondement de l’induction, la régularité des phénomènes naturels[28]. En effet, la rétrodiction est empirique, c’est-à-dire qu’il existe des coutumes, des conventions et des rites en histoire. Comme les hommes ont des mœurs et s’y conforment, du moins plus ou moins, le nombre de causes possibles auxquelles nous pouvons remonter est limité[28].

Par ailleurs, comme l’histoire humaine, à différentes époques, se répète sur certains points, la connaissance de ces répétitions permet de se rétrodire. Néanmoins, il est nécessaire de distinguer si l’on se trouve sur un secteur où une répétition a lieu ou si ce n’est pas le cas[29].

L’histoire d’une époque donnée se reconstitue par mise en série, par allées et venues, entre les documents et la rétrodiction. Toutefois, la majorité des faits historiques sont généralement des conclusions qui comprennent une grande part de rétrodiction, en plus grande proportion qu’en documentation. En effet, un événement n’est jamais totalement expliqué dans un document. Cela explique pourquoi les historiens ont recours à la rétrodiction[30].

L'approche contrefactuelle

L’histoire est contrefactuelle dans le sens oĂą « il n’y a pas d’autre moyen, pour identifier les causalitĂ©s, que de se transporter en imagination dans le passĂ© et de se demander si, par hypothèse, le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements aurait Ă©tĂ© le mĂŞme au cas oĂą tel ou tel facteur considĂ©rĂ© isolĂ©ment aurait Ă©tĂ© diffĂ©rent Â»[31]. En effet, pour expliquer un Ă©vĂ©nement bien prĂ©cis, il est impossible pour le chercheur de prendre en compte l’ensemble des causes ; l’historien va alors sĂ©lectionner un ou plusieurs Ă©lĂ©ments dĂ©terminants parmi une infinitĂ©[32]. C’est donc ainsi que va intervenir l’approche contrefactuelle Ă  laquelle Weber donne le nom de Gedankenprozess. Il s’agit donc, pour le chercheur, de crĂ©er des « tableaux imaginaires Â» en soustrayant un ou plusieurs Ă©lĂ©ments pour construire un nouveau cours des choses. C’est l’analyse de ces possibilitĂ©s qui permet au chercheur d’identifier les diffĂ©rentes causes, de les dĂ©mĂŞler et de les hiĂ©rarchiser[32].

Cette approche contrefactuelle de la recherche des causes pose nĂ©anmoins deux grands problèmes. Tout d’abord, cela impute de se demander « comment concrètement attribuer un degrĂ© de probabilitĂ© idoine Ă  chaque possibilitĂ© objective ? Â». Le deuxième problème rĂ©side, quant Ă  lui, dans le choix du ou des antĂ©cĂ©dents les plus pertinents, essentiellement dans le choix du moment prĂ©cis qui marque le dĂ©marrage de l’enquĂŞte contrefactuelle, c’est-Ă -dire le turning point[33]. Par exemple, lorsque l’on se pose la question du dĂ©clenchement de la Première Guerre mondiale, il est impossible de donner un seul et mĂŞme moment. En effet, certains vont considĂ©rer que le point de dĂ©part est l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche Ă  Sarajevo tandis que d’autres vont considĂ©rer que la guerre va dĂ©marrer avec l’envoi de l’ultimatum de l’Autriche Ă  la Serbie.

Les différents types de cause

Pour comprendre les historiens quand ils parlent de « causes Â», il faut bien avoir Ă  l’esprit quelques distinctions nĂ©cessaires.    

Causes profondes et causes superficielles

Une première tendance consiste à distinguer les causes profondes des causes superficielles. En effet, les causes profondes vont avoir beaucoup plus de poids sur l’événement que les causes superficielles[34]. En mettant en évidence ces deux types, une première hiérarchisation des causes s’opère.

Causes finales, causes matérielles et causes accidentelles

Mais, une autre distinction est Ă©galement importante Ă  Ă©tablir. Il s’agit de celle des causes finales, matĂ©rielles et accidentelles[34]. Les premières, c’est-Ă -dire les causes finales, « relèvent de l’intention, de la conduite jugĂ©e en termes de rationalitĂ© Â» [34]. Ensuite, les causes matĂ©rielles constituent ce que l’on considère comme Ă©tant les donnĂ©es objectives qui vont expliquer le fait. On peut Ă©galement, pour parler de ces causes matĂ©rielles, utiliser le mot « conditions Â» car elles ne dĂ©terminent pas l’évĂ©nement de manière inĂ©luctable mĂŞme s’il est possible que sans elles, il ne se serait pas produit[34]. Enfin, les causes accidentelles, elles, sont totalement dĂ©pendantes du hasard, elles servent de dĂ©clencheur[34]. Pour illustrer ces trois types de causes, Antoine Prost prend l’exemple du dĂ©clenchement d’une explosion dans une mine. D’après lui, « l’étincelle qui met le feu aux poudres est la cause accidentelle ; les causes matĂ©rielles sont autres : le fourneau creusĂ©, la compacitĂ© de la roche autour du fourneau, la charge de poudre. La cause finale est les raisons pour lesquelles on a dĂ©cidĂ© de faire exploser la mine, par exemple, le projet d’élargissement d’une route Â»[34].

Causes lointaines et causes immédiates

Une autre distinction entre deux types de causes est Ă©galement effectuĂ©e lorsque l’on tente de distinguer la cause lointaine de la cause immĂ©diate [35]. La cause lointaine dĂ©signe « l’ensemble des conditions d’ordre gĂ©nĂ©ral qui, durant un certain temps, rend un Ă©vĂ©nement possible, probable et mĂŞme parfois inĂ©vitable Â»[35]. Ă€ cĂ´tĂ© de cela, une cause immĂ©diate est un Ă©vĂ©nement qui, comme il a lieu Ă  un moment prĂ©cis, dĂ©termine un effet dĂ©cisif[35]. Si on prend, comme le fait Harsin, l’exemple de la Première Guerre mondiale, on peut considĂ©rer la cause lointaine comme Ă©tant la vingtaine d’annĂ©es qui a prĂ©cĂ©dĂ© son dĂ©clenchement effectif avec les oppositions entre Triple Alliance et Triple Entente, Ă©ducation nationaliste et Ă©ducation militaire, impĂ©rialisme Ă©conomique et expansion coloniale[36]. Par ailleurs, la cause immĂ©diate, quant Ă  elle, peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme l’envoi de l’ultimatum Ă  la Serbie[36]. Si l’on souhaite hiĂ©rarchiser ces deux causes, il semble ĂŞtre assez malaisĂ© de se prononcer. En effet, la cause lointaine complète la cause immĂ©diate et vic-versa. La première, c’est-Ă -dire la cause lointaine, donne des conditions gĂ©nĂ©rales qui vont au-delĂ  de l’évĂ©nement. Ă€ cĂ´tĂ©, la seconde s’en tient Ă  un seul fait qui serait vu comme le dĂ©clencheur de l’évĂ©nement[37]. Dans son ouvrage, Harsin signale que « vouloir tout ramener aux causes lointaines c’est se reprĂ©senter les Ă©vĂ©nements historiques avec une inĂ©luctable nĂ©cessitĂ© qui n’apparaĂ®t guère dans bien des circonstances de la vie, de la sociĂ©tĂ© prĂ©sente. Mais s’en tenir aux seuls actes de volition individuelle ou mĂŞme collective, c’est nĂ©gliger tout le passĂ© qui s’impose souvent Ă  eux Â»[37].    

Notes et références

  1. Antoine Prost, Douze leçons sur l'histoire, Paris, , p. 173
  2. Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, , p. 171
  3. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 682.
  4. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe,‎ , p. 55
  5. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe,‎ , p. 57
  6. Polybe, Histoire, t. 12, ed. sous la direction de Hartog, F., Paris, 2003
  7. John Tosh, The pursuit of history : aims, methods ans new directions in the study of modern history, Londres, , p. 114
  8. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 683
  9. J., Chapoutot, "Causes", dans Claude Gauvard et Jean-François Sirinelli, Dictionnaire de l'historien, Paris, 2015, p. 85
  10. François, Simiand, "La causalité en histoire", dans Marina Cedronio, Méthode historique et sciences sociales, Paris, 1987, p. 211
  11. Paul Harsin, Comment on écrit l'histoire, Liège, , p. 199
  12. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 684
  13. Serge Deruette, "La causalité dans l'étude de l'histoire", dans Robert Franck, dir., Faut-il chercher aux causes une raison? L'explication causale dans les sciences humaines, Paris, 1994, p. 369
  14. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe,‎ , p. 58
  15. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 685
  16. Alain Boureau, « L'historien et le défi de la causalité », Revue des Etudes Slaves,‎ , p. 87
  17. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Iimputation causale et le raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe,‎ , p. 59
  18. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 686
  19. Carl Hempel, « The function of general laws in History », The journal of Philsosophy,‎ , p. 35-36
  20. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 687
  21. Christian Delacroix, "Causalité/explications", dans Christian Delacroix, dir., Historiographies : concepts et débats, t. 2, Paris, 2010, p. 689
  22. Fl. Hulak, "Réel", dans Claud Gauvard et Jean-François Sirinelli, Dictionnaire de l'historien, Paris, 2015, p. 584
  23. François Dosse, L'Histoire, Paris, , p. 109
  24. Marc Gaudreault, « Temporalité du récit historique : confronter Ricoeur », Postures,‎ , p. 27
  25. Paul Ricoeur, Temps et récit, t. 1 : L'intrigue et le récit historique, Paris, , p. 256
  26. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel de l'histoire », Labyrinthe,‎ , p. 69
  27. Paul Veyne, Comment on Ă©crit l'histoire, Paris, , p. 177
  28. Paul Veyne, Comment on Ă©crit l'histoire, Paris, , p. 185
  29. Paul Veyne, Comment on Ă©crit l'histoire, Paris, , p. 186
  30. Paul Veyne, Comment on Ă©crit l'histoire, Paris, , p. 187-188
  31. Antoine Prost, Douze leçons en histoire, Paris, , p. 178
  32. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contrefactuel en histoire », Labyrinthe,‎ (62)
  33. Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, « Des causes historiques aux possibles du passé? Imputation causale et raisonnement contractuel en histoire », Labyrinthe,‎ , p. 63
  34. Antoine Prost, Douze leçons sur l'histoire, Paris, , p. 171
  35. Paul Harsin, Comment on écrit l'histoire, Liège, , p. 121
  36. Paul Harsin, Comment on écrit l'histoire, Liège, , p. 122
  37. Paul Harsin, Comment on écrit l'histoire, Liège, , p. 124

Bibliographie

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