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Catherine Bernard

Catherine Bernard, dite Mademoiselle Bernard, née à Rouen le et morte à Paris le , est une poétesse, romancière et dramaturge française.

Catherine Bernard
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Salon des dames par Abraham Bosse.

Elle est la première femme à composer une tragédie jouée à la Comédie-Française (plusieurs autrices furent jouées au Théâtre Français ou à l'Hôtel de Bourgogne, avant la réunion des théâtres sous l'appellation de Comédie-Française, et Mlle Pitel de Longchamps y donna en 1687 une farce intitulée Le Voleur ou Titapapouf).

Biographie

Née dans une famille protestante, elle s'installe à Paris avant l’âge de dix-sept ans[1]. On l'a dite, sans que le fait n'ait jamais été prouvé[2], proche de l'écrivain Fontenelle et du dramaturge Jacques Pradon[3]. Elle publie son premier roman en 1680. Elle se convertit au catholicisme avant 1685, date de la révocation de l'Édit de Nantes[4]. C'est aussi la date de la rupture avec sa famille protestante. Dès lors Catherine Bernard vit de sa plume et se consacre entièrement à l'écriture[3]. Elle compose deux tragédies, Laodamie et Brutus, qui sont représentées à la Comédie-Française, en 1689 et en 1691, qui représentent les meilleurs succès théâtraux de la fin du siècle.

Elle est couronnée par l’Académie française en 1691, 1693 et 1697 et obtient trois prix aux Jeux floraux de Toulouse. À partir de 1691, le roi Louis XIV lui fait verser une pension annuelle de 200 écus. Elle fréquente le salon de Marie-Jeanne L'Héritier de Villandon, nièce de Charles Perrault[3]. Avec Riquet à la houppe et Le Prince rosier, elle est l'une des premières à rédiger des contes de fées, participant ainsi au renouvellement de ce genre littéraire[3]. En 1699, elle fait partie de l’Académie des Ricovrati de Padoue, sous le nom de Calliope, l'Invincible. Elle cesse ensuite d'écrire pour le théâtre, sans doute à la demande de Madame de Pontchartrain, sa mécène. Elle abandonne toute activité publique. Elle continue cependant d'écrire des vers qu'elle ne publie pas[4].

Elle meurt dans la pauvreté en 1712[4]. Selon son testament, elle lègue ses biens à son domestique[3].

Œuvre littéraire

Première page du recueil.

Catherine Bernard publie un premier roman en 1680 Frédéric de Sicile. Ce récit conte l’histoire de la fille unique d’un couple royal, que celui-ci travestit en prince. Le personnage est qualifié tantôt par « il » ou « elle »[4]. Le roman Commerce galant publié en 1682 est attribué à Catherine Bernard et Jacques Pradon. À partir de 1687, Catherine Bernard se consacre entièrement à l'écriture. Elle publie trois nouvelles, deux tragédies et de nombreuses poésies. Ses deux tragédies sont jouées à la Comédie française et rencontrent le succès : Laodamie, traitant des problèmes de la souveraineté féminine, est jouée vingt-deux fois à la Comédie française. Pour la chercheuse Derval Conroy, « l'autrice y souligne le conflit irréductible entre la gynocratie (au sens de gouvernement par des femmes) et le patriarcat Â»[5]. Brutus est mis en scène le , la pièce est jouée vingt-cinq fois[4], et y résonne également « la critique des valeurs patriarcales Â» qui font « l'originalité (pourrait-on dire féminocentrique ?) de la voix dramatique de Catherine Bernard Â»[6].

Controverses et attributions

Quarante ans après la publication du Brutus de Catherine Bernard, Voltaire publie en 1730 une tragédie du même nom. Une polémique éclate. Dès les premières représentations de la pièce de Voltaire, il est accusé d'avoir copié le plan de la tragédie de Catherine Bernard et d'en avoir plagié plusieurs centaines de vers[7] - [8]. Voltaire se défend en disant que le Brutus de Catherine Bernard aurait en fait été écrit par Fontenelle et non par elle[3]. En 1751, il persiste et affirme dans la notice qu'il consacre à Catherine Bernard pour son Siècle de Louis XIV que Bernard de Fontenelle a rédigé la pièce Brutus[4]. C'est seulement à partir de là que la maternité littéraire de Catherine Bernard sera régulièrement remise en question.

La tragédie Bradamante en 5 actes publiée en 1695 chez Michel III Brunet, 1696, attribuée à Catherine Bernard par Pierre-François Godar de Beauchamps dans ses Recherches sur les théâtres de France paru en 1735[9], est aussi attribuée à Thomas Corneille.

Depuis les années 1980, de nombreux travaux (trois thèses doctorales et plus de vingt-cinq articles) ont permis de réhabiliter et redécouvrir l’œuvre de Catherine Bernard. En 1990, Perry Gethner publie Laodamie dans son anthologie Femmes dramaturges en France (1650-1750) : Pièces choisies. En 1993, Franco Piva édite les œuvres complètes de Catherine Bernard permettant ainsi une ré-attribution de ses œuvres et une redécouverte de l'autrice[4]. En 2011, Derval Conroy, Aurore Évain, Perry Gethner, Henriette Goldwyn rééditent ses deux pièces pour la première fois en France, dans le volume 3 de l'anthologie Théâtre de femmes de l'Ancien Régime (Publication de l'Université de Saint-Étienne, réédition prochaine chez Classiques Garnier)[10].

En , une Journée d'étude a été consacrée à l'auctorialité de Catherine Bernard, par le Cérédi, à Rouen : JE l'auctorialité fantôme de Catherine Bernard.

Contexte historique

Représentation de la tragédie Brutus, de Catherine Bernard, - extrait du Registre des Comptes.

Elle vit dans une fin de siècle et une fin de règne, marqué par les conquêtes militaires, les guerres de Religion et l'absolutisme de Louis XIV. Elle est une représentante « exemplaire », selon son biographe Franco Piva[11], « de ce monde touchant à sa fin » et entamant sa mutation vers les Lumières. Pour Faïka Besbes-Bannour (autrice d'une thèse sur « Le pathétique et la femme » soutenue en 2011), les décennies situées entre la fin du XVIIe siècle et le début du siècle des Lumières sont un moment de mutation de l'écriture romanesque où « le pathétique fait l’objet d’une laïcisation, d’une réhabilitation morale et d’une promotion esthétique qui en font une catégorie majeure de la littérature du Grand Siècle finissant »[12]. Selon elle, de Madame de Lafayette à Catherine Bernard, l'écriture romanesque féminine évolue vers plus de sobriété et de concision, en lien avec la représentation du pathétique[12].

Les écrivaines, dramaturges et autrices de théâtre (c'était déjà le terme utilisé à l'époque, dans les registres de comptes notamment[13]) de l'Ancien Régime — même aussi connues en leur temps que Catherine Bernard — semblent avoir été effacées du corpus théâtral à partir du XIXe siècle[14]. Aurore Évain a analysé les mécanismes d'effacement et de dépréciation des autrices dans l'émergence d'une Histoire du théâtre et en conclut que « plus cette Histoire s'institutionnalise au cours du XIXe siècle, plus cette expulsion du panthéon littéraire devient effective[14] ». Une autre hypothèse est que les historiens littéraires les auraient, au XIXe siècle, associées au « côté dangereux des passions » et à un discours passionnel exalté notamment autour du thème amoureux[12].

D'après plusieurs historiens et historiennes (dont Henri Coulet[15], Franco Piva[11] et Aurore Évain[1]), Catherine Bernard serait la fille littéraire de Mme de Lafayette, et le chaînon manquant entre cette romancière et l'abbé Prévost, Mme de Tencin, Rousseau.

Prix et distinctions

Å’uvres

Page de titre du Brutus dont Voltaire se serait par la suite inspiré.

Théâtre

  • Laodamie, reine d’Épire tragédie ; [Lire en ligne sur Google Books] - Réédition Théâtre de femmes de l'Ancien Régime, dir. Aurore Évain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn, vol. 3, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2011.
  • Brutus, tragédie, Chez la veuve de Louis Gontier, Paris 1691 [Lire en ligne sur Gallica] - Réédition Théâtre de femmes de l'Ancien Régime, dir. Aurore Évain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn, vol. 3, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2011.

Romans, nouvelles et autres textes en prose

Édition des œuvres complètes

  • Å’uvres, textes établis, présentés et annotés par Franco Piva, Paris, Nizet, coll. « Biblioteca della ricerca. Testi stranieri », 2 vol. (Tome I, Romans et nouvelles, 462 p. ; Tome II, Théâtre et poésie, 595 p.), 1993-1999 (Inclut Brutus, Laodamie, reine d’Épire, Frédéric de Sicile, Histoire de la rupture d’Abenamar et de Fatime ; Inès de Cordoue, nouvelle espagnole, Riquet à la houppe ; Les Malheurs de l'amour, Première Nouvelle ; Éléonor d’Yvrée ; Edgar, roi d’Angleterre, histoire galante ; Le Roi seul, en toute l’Europe, défend et protège les droits des rois ; Plus le roi mérite les louanges, plus il les évite ; Le Roi, par la paix de Savoie, a rendu la tranquillité à l’Italie, et a donné à toute l’Europe l’espérance de la paix générale ; L’Imagination et le Bonheur.

Annexes

Bibliographie

  • (en) F. E. Beasley (2000) Altering the fabric of history: women's participation in the classical age. A History of Women's Writing in France, 64 (résumé).
  • F. Besbes-bannour (2011) Le Pathétique et la Femme: l'écriture romanesque féminine du pathos dans les années charnières 1678-1720 (Doctoral dissertation, Paris 3) (lien).
  • (es) E. C. Castro (1987) La producción narrativa de Catherine Bernard (1662-1712). Alfinge: Revista de filología, (5), p. 31-50.
  • D. Conroy (2011), édition de Brutus et Laodamie, dans Théâtre de femmes de l'Ancien Régime, vol. 3, dir. A. Évain, P. Gethner et H. Goldwyn, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2011.
  • D. Conroy (2005), "Catherine Bernard", notice bio-bibliographique dans le Dictionnaire des femmes de l'ancienne France, SIEFAR, 2005. Lire en ligne
  • (en) N. C. Ekstein (1995) A woman's tragedy: Catherine Bernard's' Brutus'. Rivista di letterature moderne e comparate, 48(2), p. 127-139. Lire en ligne
  • (en) N. C. Ekstein (1996) Appropriation and gender: The case of Catherine Bernard and Bernard de Fontenelle. Eighteenth-century studies, 30(1), p. 59-80. Lire en ligne
  • H. Goldwyn (1992), "Catherine Bernard, ou la voix dramatique éclatée", in Roger Duchêne et Pierre Ronzeaud (dir.), Ordre et Contestation au temps des classiques. Paris/Seattle/Tübingen, Biblio 17, 1992, t. I, p. 203-211.
  • E. Keller-Rahbé (2010), Pratiques et usages du privilège d’auteur chez Mme de Villedieu et quelques autres femmes de lettres du XVIIe siècle. Å’uvres & Critiques, 35(1).
  • E. Keller-Rahbé (2010), « Politique et matrimoine local : le cas du Brutus (1690) de Catherine Bernard au Festival national Corneille de Barentin en 1972 », Orbis Linguarum, no 53, 2010, p. 231-246.
  • M. Kulesza, Enjeux politiques-enjeux amoureux dans les romans de femmes de la seconde moitié du XVIIe siècle
  • M. Kulesza, (2010), L'amour de la morale, la morale de l'amour. Les romans de Catherine Bernard, Warszawa, Uniwersytet Warszawski WydziaÅ‚ Neofilologii, 2010.
  • Titiou Lecoq, Les Grandes oubliées. Pourquoi l'Histoire a oublié les femmes, L'Iconoclaste, 2021 (ISBN 9782378802424) p. 148-153
  • C. Plusquellec (1985) Qui était Catherine Bernard ? Revue d'Histoire littéraire de la France, 85(4), p. 667-669 (résumé).
  • J. Vos-Camy (2008), "L’amitié et l’amour dans Eléonor d’Yvrée de Catherine Bernard", Cahiers du dix-septième, XII. Lire en ligne
  • E. Wolff (1973), "Une poétesse oubliée, Catherine Bernard", Revue des deux mondes, .
  • H. Wolff, (1988). Les Contes de fées de Catherine Bernard (1662-1712). Université de Paris-Sorbonne.
  • (de) H. Wolff, (1990). Das narrative Werk Catherine Bernards (1662-1712) : Liebeskonzeption und Erzähltechniken (vol. 157). P. Lang.

Émission

Notes et références

  1. « Une vie, une oeuvre - Catherine Bernard (1663 (?) - 1712) - La voix oubliée » [audio], sur France Culture
  2. Titiou Lecoq, « Littérature: des auteures oubliées, parce qu'effacées », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Catherine Bernard, La Voix oubliée Â», France-Culture,
  4. Derval Conroy, « Catherine Bernard », sur siefar.org, (consulté le )
  5. Derval Conroy, « Laodamie (édition) », Théâtre de femmes de l'Ancien Régime, vol. 3, dir. A. Évain, P. Gethner et H. Goldwyn, Publ. de l'Université de Saint-Etienne,‎ , p. 42
  6. Derval Conroy, « Brutus, édition », Théâtre de femmes de l'Ancien Régime, vol. 3, dir. A. Évain, P. Gethner et H. Goldwyn, Publ. de l'Université de Saint-Etienne,‎ , p. 110
  7. (en) Nina Ekstein, « Appropriation and gender: The case of Catherine Bernard and Bernard de Fontenelle », Eighteenth-Century Studies,‎ (lire en ligne)
  8. (it) Franco Piva, « Su di un supposto plagio di Voltaire », Studi di storia della civilita letteraria francese (Paris, Champion),‎
  9. http://www.idt.paris-sorbonne.fr/html/Bernard-Brutus-Preface.html voir Note 2
  10. « Théâtre de Femmes de l'Ancien Régime », sur Site compagnon de l'anthologie Théâtre de femmes de l'Ancien Régime
  11. Franco Piva, Oeuvres, de Catherine Bernard, tome 1, Fassano, Schena-Nizet, p. 47 et 170
  12. Le pathétique et la femme : l'écriture romanesque féminine du pathos dans les années charnières 1678-1720 par Faïka Besbes-bannour, thèse soutenue le à Paris 3, dans le cadre de l'École doctorale (résumé)
  13. Aurore Évain, « Histoire du mot "autrice" de l'époque latine à nos jours », Sêméion. Travaux de sémiologie,‎ (lire en ligne)
  14. Aurore Évain, « Les autrices de théâtre et leurs oeuvres dans les dictionnaires dramatiques du XVIIIe siècle », Rencontres de la SIEFAR,‎ (lire en ligne)
  15. Henri Coulet, Le Roman jusqu'à la Révolution, Paris, Armand Colin, , t. 1, p. 292
  16. Jeremy L. Caradonna, « Prendre part au siècle des Lumières : Le concours académique et la culture intellectuelle au XVIIIe siècle », Annales. Histoire, Sciences Sociales,‎ , p. 633-662 (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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