Catalyseur d'Ă©nergie de Rossi et Focardi
Le catalyseur d'énergie, ou E-Cat (pour « Energy Catalyzer »), est un appareil supposément inventé en 2010 par deux Italiens, Andrea A. Rossi et le professeur Sergio Focardi (it). Cet appareil aurait eu pour but de fournir de l'énergie à partir d'un procédé de fusion froide. L'appareil serait, selon ses créateurs, le premier équipement destiné à l'usage domestique de fusion froide du nickel.
Après plus de six ans d'étude et plusieurs millions d'euros investis, le fonctionnement de l'E-cat n'a pas été démontré par Rossi ni ses partenaires selon les standards de la communauté scientifique. L'invention bien que brevetée, n'est pas reconnue par la communauté scientifique[1], qui d'ailleurs ne voit en la fusion froide qu'une pseudo-science[2].
Actuellement le projet est arrêté. Son initiateur, Andrea Rossi, une personne déjà impliquée dans des arnaques[3] - [4] - [5], est en procès contre le dernier investisseur du projet, Industrial Heat[6].
Historique
Le catalyseur d'énergie relève de travaux personnels de Rossi et de travaux d'universités italiennes (principalement l'université de Bologne), impliquant initialement le biophysicien Francesco Piantelli (1989), Sergio Focardi, rejoints ensuite par Roberto Habel, membre de l'INFN. C'est en 1994 qu'est annoncée la mise au point d'un processus de production d'énergie par des réactions nucléaires à basse énergie (LENR). Comme les réacteurs suivants, le catalyseur de Rossi, nommé alors E-cat, utilise une barre de nickel, maintenue par une résistance électrique à environ 200-400 °C, et chargée. Le chauffage est arrêté quand la réaction supposée LENR s'est déclenchée. Le procédé a fait l'objet d'une demande de brevet par Piantelli en 1995. Un article est publié en 2010[7].
Le 14 mars 2012, une demande de brevet est déposée au US Patent Office sous le no US 9,115,913 B1, le brevet sera attribué le 25 août 2015[8].
Divers partenariats commerciaux annoncés ont connu des revirements : Brillouin Energy (Californie, États-Unis), nicHenergy (du professeur italien Francisco Piantelli[9]), Defkalion Green Technologies S.A (Chypre) qui a d'abord coopéré avec A. Rossi début 2011 puis s'est écartée à la suite d'un différend financier, AmpEnergo (novembre 2011, États-Unis), ou Phonon Energy et l'université de Seattle (2015, États-Unis[10]). Un dernier partenariat concerne une société américaine, Industrial Heat : noué à partir de 2012, celui-ci portait sur un investissement de onze millions de dollars versés en 2013 à Andrea Rossi pour un premier test de vingt-quatre heures, et se soldera par une plainte de Rossi (procès en cours) au sujet d'un accord de 89 autres millions de dollars pour un test industriel d'un an, lequel n'a pas fait l'objet d'un rapport public malgré une annonce de succès[6]
Critiques et controverses
Aucun organisme de recherche académique ou privé n'a soutenu de façon durable l'invention et l'appareil de production d'énergie.
L'invention a été critiquée dès le début aux niveaux technique et théorique, et la controverse s'est étendue aux niveaux financier et humain. L'invention « de Rossi », son E-cat sont pour l'instant considérés comme des erreurs scientifiques. Andrea Rossi a eu un doctorat en Philosophie en 1975 à Milan, il a ensuite démarré une activité en récupération d'énergie de déchets ; son activité académique en physique a commencé en 2007.
En 2011, Rossi et Focardi n'avaient toujours trouvé aucun journal scientifique avec évaluation par les pairs désireux de publier leur article décrivant le fonctionnement de leur machine[1].
À propos des chercheurs de l'université de Bologne qui étaient présents en tant qu'observateurs lors de certaines expérimentations sur l'ECAT : le 5 novembre 2011, l'université de Bologne affirme qu'ils n'ont pas été impliqués dans les démonstrations et qu'aucune des expérimentations n'a eu lieu à l'université[11] - [12] - [13] - [14].
Peter Ekström, conférencier au département de physique nucléaire à l'université de Lund en Suède, conclu en mai 2011 : « Je suis convaincu que toute cette histoire n'est qu'une vaste escroquerie, et que tout sera révélé dans moins d'une année. »[15] Il cite entre autres l'invraisemblance qu'une réaction chimique puisse être assez forte pour vaincre la barrière coulombienne, l'absence de rayonnements gamma, l'absence d'explication sur l'origine de l'énergie supplémentaire, l'absence de la radioactivité attendue après la fusion d'un proton avec 58Ni, la présence inexpliquée de 11 % de fer dans les restes de combustible, les 10 % de cuivre dans les restes de combustible ayant étrangement le même ratio isotopique que le cuivre naturel, et l'absence de tout isotope instable de cuivre dans les restes de combustible, comme si le réacteur ne produisait que des isotopes stables[15].
Kjell Aleklett, professeur de physique à l'université d'Uppsala, remarque que le pourcentage de cuivre est trop haut pour toutes les réactions de nickel connues, et que le cuivre a le même ratio isotopique que le cuivre naturel. Il affirme également : « Les réactions chimiques connues ne peuvent expliquer la quantité d'énergie mesurée. Une réaction nucléaire pourrait expliquer cette quantité d'énergie, mais les connaissances que nous avons aujourd'hui impliquent qu'elle ne peut pas avoir lieu »[16].
Selon PhysOrg, au 11 août 2011, les démonstrations tenues de janvier à avril 2011 comportent de nombreux défauts méthodologiques qui compromettent leur crédibilité et Rossi a refusé d'effectuer les tests nécessaires qui auraient permis de confirmer ses affirmations[17].
Hanno Essén, professeur associé de physique théorique, et Sven Kullander, président du comité de l'énergie de l'Académie des Sciences de Suède, ont écrit dans un rapport à propos de l'ECAT : « Puisque nous n'avons pas accès au design interne du conteneur de carburant et n'avons aucune information sur le bouclier de plomb extérieur et le système de refroidissement à eau, nous ne pouvons faire que des commentaires d'ordre très général », et « Tout processus chimique qui produirait 25 kWh à partir de n'importe quel carburant dans un conteneur de 50 cm3 peut être écarté »[18].
James Randi, lors d'une discussion sur l'E-Cat dans le contexte de précédentes affirmations sur la fusion froide, prédit que l'affaire se révèlera finalement ne pas fonctionner comme prétendu[19]. Commentant une affirmation faite par Rossi, qui disait ne pas être prêt pour une investigation académique complète – cela étant dû au fait qu'il ne détenait pas encore un brevet complet –, le Doyen des Sciences de l'université du Massachusetts Lowell Robert Tamarin a déclaré que « C'est cohérent avec le fait que ça ne marche pas, mais c'est aussi cohérent avec une machine qui marcherait très bien »[20].
L'astrophysicien théorique Ethan Siegel et le physicien nucléaire Peter Thieberger soutiennent que les prétentions pour l'E-Cat sont incompatibles avec les fondements de la physique nucléaire[21]. En particulier, la barrière coulombienne pour la réaction de fusion est si haute qu'elle est insurpassable où que ce soit dans l'Univers, y compris au cœur des étoiles. La réaction devrait également créer des radiations gamma qui devraient pénétrer les quelques centimètres de blindage de la machine, entraînant des syndromes d'irradiation aiguë chez les personnes impliquées dans les démonstrations[21]. Compte tenu des nombreuses incohérences scientifiques, telle que le ratio des isotopes de cuivre dans le « résidu de fusion » qui est identique à celui du cuivre naturel[22], les auteurs soutiennent qu'il est temps à présent « pour les tenants de l'E-Cat de fournir des résultats scientifiques démontrables, testables et reproductibles qui puissent répondre à ces objections physiques de base. »[21] Le théoricien en physique nucléaire Yeong E. Kim de l'université Purdue a proposé un mécanisme théorique potentiel expliquant les résultats rapportés de l'appareil[23], mais a remarqué que, pour confirmer son hypothèse, « il est très important de conduire de nouvelles expériences de manière indépendante ». Kim avait auparavant mis en avant son hypothèse pour expliquer les résultats de l'expérience de fusion froide discréditée de Fleischman et Pons en 1989[24].
Notes et références
- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Fusione nucleare fredda » (voir la liste des auteurs).
- (en) Peter Clarke, « Italian scientists claim cold fusion success », EE Times,
- e-Cat : fusion froide ou arnaque ? - Matt McOtelett, traduction d'un texte d'Ethan Siegel, Blog La Théière Cosmique, 5 septembre 2016
- (it) Guastella Giuseppe, « Riciclaggio rifiuti tossici, assolto Andrea Rossi (English translation: Toxic waste recycling, Andrea Rossi acquitted) », Corriere della Sera, Archiviostorico.corriere.it (consulté le )
- John Huston, Chris Wyatt, Chris Nichols, Michael J. Binder, Franklin H. Holcomb (septembre 2004).
- (en) Dubious Cold Fusion Machine Acquired By North Carolina Company - Douglas Main, Popular Science, 24 janvier 2014
- (en) Convicted Fraudster Rossi Accuses Licensee Industrial Heat of Fraud - Steven B. Krivit, New Energy Times, 6 avril 2006
- (en) S. Focardi et A. Rossi, « A new energy source from nuclear fusion » [PDF], NyTeknik, (voir archive)
- (en-US) « United States Patent US 9,115,913 B1 », Journal of Nuclear Physics,
- (en) Is Piantelli close to Commercializing Technology? - E-Cat=Rossi Cold Fusion, 1er janvier 2016
- (en) « New LENR Organization Working with US University », LENR & Cold Fusion News,
- (it) "E-cat: l'Università di Bologna non è coinvolta" - UNIBO Magazine, université de Bologne, 5 novembre 2011.
- (it) Fusione fredda fatta in casa Grande scoperta o grande bufala? - Thomas Mackinson Il Fatto Quotidiano, 9 novembre 2011
« L'Università – recita la nota – precisa di non essere coinvolta negli esperimenti sull’ECAT condotti dalla società Leonardo Corp. di proprietà di Andrea Rossi. Nessun esperimento si è svolto presso l’Università di Bologna né è stato condotto da ricercatori dell’Università . Il Dipartimento di Fisica è pronto a svolgere esperimenti sull’apparato ECAT non appena il contratto siglato con la EFA SrL (la società italiana di Andrea Rossi) sarà reso attivo: a questo scopo erano presenti agli esperimenti, in qualità di osservatori, i ricercatori dell’Università . L’Ateneo continua a seguire con grande attenzione l’evolversi della situazione. »
« L'Université de Bologne n'est pas impliquée dans les expérimentations conduites par Leonardo Corp., la compagnie détenue par Andrea Rossi. L'Université de Bologne dit aussi que: 1) aucune des expériences conduites sur l'ECAT (celle du 28 octobre 2011 incluse) n'ont eu lieu à l'université de Bologne et n'ont impliqué aucun de ses scientifiques; 2) l'université (Département de Physique) est prête à expérimenter directement sur l'ECAT dès que le contrat signé avec EFA Srl (la compagnie italienne d'Andrea Rossi) prendra effet: ceci est l'unique raison pour laquelle des scientifiques de l'Université étaient présents en tant qu'observateurs lors des expérimentations sur l'ECAT. L'Université de Bologne suit avec attention les développements en cours. »
- (it) Avviso (Notice) - Université de Bologne, 29 juin 2011 [PDF]
« Avviso Bologna 29 Giugno, 2011 Il Dipartimento di Fisica dell’Alma Mater Studiorum – Università di Bologna desidera comunicare che:
- è stato firmato un contratto di Ricerca con la Ditta EFA srl del valore di € 500.000 (+IVA), della durata di 24 mesi, per effettuare ricerche nel campo della efficienza di produzione di energia degli impianti della Ditta;
- il contratto di Ricerca diverrĂ attivo nel momento in cui il Dipartimento riceverĂ il pagamento della prima rata prevista;
- il programma di ricerca (parte integrante del Contratto) prevede sia la misurazione delle prestazioni degli impianti che l’eventuale miglioramento della prestazioni.
« Avis Bologne, 29 juin 2011 Le département de physique de l'Alma Mater Studiorum - université de Bologne est heureux de communiquer que :
- Un contrat de recherche d'une valeur de 500 000 euros (+TVA) et d'une durée de 24 mois a été signé avec EFA srl, de manière à effectuer des recherches concernant l'efficacité de production d'énergie des appareils construits par la compagnie ;
- Le contrat deviendra opérationnel quand le département recevra le paiement prévu pour la première tranche ;
- Le programme de recherche prévu (inclus dans le contrat) implique à la fois la mesure de la performance des appareils ainsi que les éventuelles améliorations de leurs performances.
- (it) Fusione fredda a Bologna. I dubbi continuano - Lorenzo Mannella, Daily Wired, 14 octobre 2011
- (sv)(en) Kall Fusion på italienska / Cold fusion – Italian style - Peter Ekström, université de Lund, 6 mai 2011 [PDF] (voir archive)
- (en) Rossi energy catalyst – a big hoax or new physics? - Aleklett's Energy Mix, Blog de Kjell Aleklett, 11 avril 2011
- (en) Controversial energy-generating system lacking credibility (w/ video) - Lisa Zyga, PhysOrg, 11 août 2011
- (en) Swedish physicists on the E-cat: "It’s a nuclear reaction" - Mats Lewan, NyTeknik, 6 avril 2011
- (en) The Randi Show - Cold Fusion and Carl Sagan - James Randi Educational Foundation, YouTube, 18 novembre 2011 [vidéo]. À 7 min 30 s James Randi dit :
« But I... I predict that, as I said just a moment ago there, that this man [Rossi] will probably go on the stock market and sell all kinds of shares and issue all kinds of wonderful reports left and right and, um, the reports will influence everybody—er, not 'everybody'—but those who have money to waste and, uh, they will invest in it and then gradually it will become apparent to everybody: 'Gee, maybe it doesn't work.' »
- (en) Hope, skepticism for cold fusion - D.C. Denison, The Boston Globe, 28 novembre 2011
- (en) The Physics of why the e-Cat’s Cold Fusion Claims Collapse - ScienceBlogs, 5 décembre 2011
- (en) Cold Fusion: Is it Possible? Is it Real? : Starts With A Bang - ScienceBlogs, 25 novembre 2011
- (en) Generalized Theory of Bose-Einstein Condensation Nuclear Fusion for Hydrogen-Metal Syste - Yeong E. Kim, Professeur de Physique, université Purdue, Indiana, États-Unis, 18 juin 2011 [PDF] (voir archive)
- (en) Yeong E. Kim, « Theory of Bose–Einstein condensation mechanism for deuteron-induced nuclear reactions in micro/nano-scale metal grains and particles », Naturwissenschaften, vol. 96, 2009, pp. 803-811, 10.1007/s00114-009-0537-6