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Casino lyrique

Le Casino lyrique est un café chantant inauguré le à Saint-Étienne et fermé quatre ans plus tard.

Élévation intérieure du Casino lyrique par Jules Exbrayat en 1856.

Historique

Le , le limonadier lyonnais Joseph Thévenet demande au maire de Saint-Étienne Christophe Faure-Belon l'autorisation d'ouvrir un casino dans sa ville[1]. Le projet est confié à l'architecte lyonnais Jules Exbrayat[2] - [3] qui le réalise dans le style mauresque alors en vogue[1]. Le bâtiment est éclairé par des baies cintrées et comporte au rez-de-chaussée une vaste salle de chant, une salle de billard et un laboratoire de limonadier[4]. Dépourvu de baies donnant sur l'extérieur, les portes exceptées, le Casino réserve ses fenêtres aux arcs lancéolés ou en fer à cheval à la salle de chant. Les salles occupant la galerie qui longe les côtés abritent des loges pour les habitués[5].

Joseph Darcier, l'un des artistes parisiens qui se produisent au Casino lyrique de Saint-Étienne vers 1856.

Le café chantant de la rue des Jardins, actuellement rue Michel Rondet à Saint-Étienne, est inauguré sous le nom de Casino lyrique le par un concert de bienfaisance[6] lors duquel le fils du futur bienfaiteur des Petites Sœurs des pauvres Denis Épitalon se produit sur la scène du Casino afin de réunir des fonds en faveur des sinistrés des grandes inondations[7]. Le Casino lyrique présente des spectacles d'artistes parisiens comme Joseph Darcier et d'artistes étrangers. L'orchestre est doté d'un nouvel instrument : l'harmonicorde. Jeunesse huppée et élèves de l'École des mines viennent s'y encanailler à la saison des bals masqués. Pour renflouer sa gestion, déjà désastreuse six mois seulement après l'ouverture[4], Thévenet agrandit l'établissement d'une brasserie en sous-sol en 1857[8] et fabrique de la bière avec le trop-plein de la fontaine de la rue de la Bourse dont il fait arriver les tuyaux dans sa cave. Les plaintes des voisins pour insalubrité s'amoncellent sur le bureau du maire qui menace de fermeture mais Thévenet se sort de l'affaire par la construction de latrines[9].

Un syndic de faillite est dĂ©signĂ© et l'Ă©tablissement saisi le [4]. Dès le mois de , ThĂ©venet est dĂ©clarĂ© en Ă©tat de faillite, ce qui ne l'empĂŞche pas de poursuivre la programmation de nouveaux concerts[10]. La veuve de l'architecte Exbrayat intente un procès un an après la mort de son mari en demandant la vente du bâtiment afin de recouvrer sa crĂ©ance. D'une superficie de 550 m2, il est mis aux enchères sur une mise Ă  prix de 30 000 francs le . Le , deux mois après le retrait de sa licence, ThĂ©venet brasse toujours sa bière dans les sous-sols du Casino. Le maire rĂ©clame l'intervention du commissaire de police[4]. La rĂ©putation sulfureuse de l'Ă©tablissement, qui serait devenu un lieu de prostitution, conduit le prĂ©fet Constant Thuillier Ă  ordonner sa fermeture[11] - [3] - [12]. ThĂ©venet s'engage Ă  supprimer les salons particuliers et Ă  se soumettre Ă  toutes les conditions que l'autoritĂ© jugerait devoir lui imposer. Ses demandes de rĂ©ouverture tant auprès du prĂ©fet que du maire n'aboutissent pas[11] - [13].

Lors des enchères, finalement reportées au , l'établissement est adjugé à un oncle de Thévenet. L'art de gagner du temps de l'oncle n'est pas en reste par rapport à celui du neveu : les créanciers sont convoqués huit fois devant le Tribunal de commerce entre le et le . Entre-temps, le directeur du théâtre des Ursules, dont l'édifice n'est plus en sécurité, obtient du maire l'autorisation d'organiser la saison des bals masqués de entre les murs du Casino lyrique[14].

AnnoncĂ©e le Ă  grand renfort d'affiches apposĂ©es Ă  l'entrĂ©e du Casino et dans les lieux les plus frĂ©quentĂ©s de la ville, la vente judiciaire du mobilier se dĂ©roule sur pas moins de trois jours, les 18, 20 et . DĂ©bitĂ© en lots, le mobilier se compose de 10 statues, 103 tables de marbre blanc sur pieds en fer ou en fonte, un grand nombre d’autres avec bancs en bois dur, 8 banquettes et 166 chaises cannĂ©es, sans compter fauteuils, canapĂ©s, lits garnis de damas et 400 tabourets, un vaste fourneau, une belle rĂ´tissoire grand modèle, une batterie de cuisine en cuivre, des porcelaines et cristaux, une pendule Ă©lectrique, quatre très grands lustres, plusieurs arbres Ă  cinq becs, des girandoles et des rĂ©flecteurs, des glaces Ă  cadres dorĂ©s, plus de 1 500 bouteilles d’origines diverses, des bords du Rhin aux rives andalouses, Bourgogne, Ermitage, Malaga, Bordeaux, Sauternes, Clos-Vougeot, des liqueurs dont un tonneau de 20 litres d’absinthe et un coffre-fort… vide[15].

Pour une saison encore, les bals masquĂ©s sont organisĂ©s, avec l'autorisation du maire, dans les murs vides du Casino lyrique Ă  l'initiative d'Octavien Janselme, directeur du théâtre des Ursules, qui en dĂ©tient le privilège exclusif. Le succès de ces derniers bals ragaillardit ThĂ©venet, qui encourage son oncle Ă  adresser de nouvelles demandes de rĂ©ouverture au commissaire central : comme cafĂ©-brasserie en , comme cafĂ©-concert en juin et comme simple cafĂ©-restaurant en octobre, pour le bal des ouvriers forgeurs le , celui des serruriers le 28, pour le bal de nuit du (demande restĂ©e sans rĂ©ponse), pour le Casino-bal de la fĂŞte nationale le jour de la Saint-NapolĂ©on, censĂ© redorer son blason, et enfin pour le banquet annuel des sapeurs-pompiers de la ville, le , banquet de 200 couverts servis sur une table en fer Ă  cheval, dans la salle vide pavoisĂ©e de trophĂ©es et d'Ă©cussons aux armes des villes du dĂ©partement, et clĂ´turĂ© par la fanfare[16].

Dans le mĂŞme temps, d'autres projets voient le jour : un projet de synagogue abandonnĂ© dĂ©but pour celui de la rue Marengo, l'offre d'achat du bâtiment pour 75 000 francs ne rĂ©pondant pas aux attentes de l'oncle ThĂ©venet qui en demande 120 000 ; du 15 au , la prĂ©sentation au Casino lyrique, choisi parce que « le local le plus vaste et le plus riche de la ville », de la collection hiver de La Maison des millionnaires avec notamment un grand choix de tissus destinĂ©s aux soutanes du clergĂ©[17].

« Grande lutte d’hommes, et assaut général de pointe, contre-pointe, canne, bâton, boxe anglaise et française, exercice de haute-force » composent le chant du cygne du Casino lyrique le 6 janvier 1861.

Le maire Faure-Belon, opposé par principe aux « cafés à spectacles exerçant une fâcheuse influence sur les populations ouvrières qui ont le plus grand besoin de ménager le fruit de leur travail pour ne pas manquer du nécessaire », persiste dans son refus de voir le Casino, même à titre temporaire, redevenir café-chantant. Il donne cependant son accord le pour des séances extraordinaires de billard par un enfant de neuf ans et demi défiant les amateurs et présentant les coups les plus excentriques. Le , l'avant-dernière représentation porte un titre adapté à l'architecture orientale du Casino : « Les Maures du mont Atlas ». Le spectacle suivant, « Grande lutte d’hommes, et assaut général de pointe, contre-pointe, canne, bâton, boxe anglaise et française, exercice de haute-force, etc., donné par M.Colombett, fils de l'ex-fondateur des arènes de Lyon, avec le concours des premiers maîtres civils et militaires de Saint-Étienne. Un artiste distingué, sortant du Cirque-Impérial de Paris, remplira les intermèdes de ce brillant assaut », fut le tout dernier, le . Il n'y eut pas de nouvelle saison de bals masqués, Octavien Jenselme et l'oncle Thévenet étant en désaccord sur le privilège que l'un tentait de conserver l'autre de s'approprier[18].

L'Ă©picerie du Casino en 1898.

En , le limonadier Bréchard installe une épicerie dans les locaux en conservant l'enseigne « Casino ». L'épicerie est rachetée par son employé Jean-Claude Perrachon, qui la cède à son neveu Paul Perrachon. En 1892, son cousin par alliance Geoffroy Guichard s'associe avec Paul Perrachon, donnant naissance aux établissements Guichard-Perrachon, prémices du Groupe Casino. L'établissement devient en 1948 le premier magasin en libre-service de France[19] puis une cafétéria en 1977. Le bâtiment est revendu en 2002 et devient une librairie[3] - [12].

L'historien local Serge Granjon[20] détaille dans les colonnes du quotidien La Tribune Le Progrès au début des années 2000 puis reprend dans son ouvrage Saint-Étienne sous le second Empire la brève histoire du « palais des mille et une nuits stéphanoises », tout à la fois brasserie, café et salle de music-hall[21].

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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