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Carl Menger

Carl Menger, né le à Neu Sandec, alors dans l'empire d'Autriche, et mort le à Vienne, est un économiste autrichien, fondateur de l'école autrichienne.

Carl Menger
Carl Menger, fondateur de l'Ă©cole autrichienne
Naissance
Décès
SĂ©pulture
Nationalité
Formation
Principaux intérêts
Idées remarquables
Ĺ’uvres principales
"Principles of Economics" (1871)
Père
Anton Menger (d)
Fratrie
Max Menger (d)
Anton Menger (en)
Enfant
Parentèle
Mansuet Johann Kosel (d) (neveu)
Distinction

Il développe une conception subjective de la valeur, considérant que celle-ci n'est pas inhérente aux biens et fondée sur le travail comme l'avançaient l'école classique puis Karl Marx, mais qu'elle repose sur l'utilité marginale du bien qui dépend de son utilisateur et de ses conditions subjectives. Cette révolution marginaliste de l'école autrichienne a été également développée par l'école de Lausanne, fondée par Léon Walras, et par l'école de Cambridge, fondée par Alfred Marshall, qui toutes trois fondent l'école néoclassique.

Professeur titulaire de la chaire d'économie politique à l'université de Vienne et membre du Sénat, la pensée de Carl Menger est développée principalement dans ses Principes d'économie politique (1871), et se caractérise notamment par le refus de la mathématisation, considérée inapplicable au subjectivisme de l'action humaine.

Biographie

Menger est né à Nowy Sącz (Pologne). Il est le fils d'une famille aisée de la petite noblesse dont le père était juriste. Après être allé au Gymnasium (lycée), il étudie le droit à l'université de Prague et de Vienne de 1859 à 1863 date à laquelle il devient journaliste. Le 24 novembre 1865, il fonde le journal Wiener Tagblatt, qui sera nationalisé en mars de l'année suivante[1].

En 1867, il obtient un doctorat de Droit (jurisprudence) à l'université Jagellonne de Cracovie. Il rejoint la section de la presse au cabinet du premier ministre à Vienne. C'est à cette époque qu'il "tombe dans l'économie politique"[2]. En 1871, il publie son livre "Principles of Economics" qui fait de lui un des fondateurs de l'école néo-classique. En 1872, il entre à l'université de Vienne comme maître de Conférences non payé puis devient professeur associé à plein temps en 1873. En 1876, il devient un des précepteurs du prince héritier Rodolphe (les textes des cours ont été publiés par [Streissler 1994]). À son retour à Vienne en 1879, il fut nommé par François-Joseph Ier d'Autriche, grâce en partie à l'appui de Lorenz von Stein[3] professeur d'économie à l'université de Vienne. En 1883, il publie son livre "Investigations into the Method of the Social Science with Special Reference to Economics" qui provoqua un conflit avec l'école historique allemande connu sous le titre de Methodenstreit. Menger a eu des brillants étudiants tels que Eugen Böhm-Bawerk ou Friedrich von Wieser qui ont contribué à faire connaître assez rapidement l'école autrichienne. À la fin des années 1880, il est un membre important d'une commission chargée de réformer le système monétaire autrichien, ce qui l'amène à écrire en 1892 un article intitulé "On the Origins of Money". Il prend sa retraite en 1903. Menger[3] et ses premiers disciples font alors partie des économistes et juristes qui « plus que toute autre élite universitaire fournissaient les membres de la bureaucratie impériale ». Lui-même est « un haut fonctionnaire héritier des Lumières joséphiennes, mêlant libéralisme économique, conservatisme politique, et préoccupation prédominante pour la vérité scientifique .. »[4]

La pensée économique de Carl Menger

Untersuchungen ĂĽber das Methode der socialwissenschaften und der politischen Ă–konomie insbesondere, 1933

Les traits caractéristiques de son approche de l'économie

Depuis les travaux notamment de Streissler [1972] et de Jaffé [1976], Menger n'est plus vu comme un auteur marginaliste dont la seule différence d'avec ses pairs serait la non-utilisation des mathématiques. Pour Sandye Gloria-Palermo[5], l'originalité de Menger est triple :

  • L'important pour lui est plus dans le processus Ă©conomique que dans l'Ă©tat d'Ă©quilibre. Aussi l'approche scientifique doit ĂŞtre analytique (« ceci signifie que pour comprendre un phĂ©nomène complexe, il est nĂ©cessaire de le dĂ©composer, Ă  travers l'identification des relations de causalitĂ© jusqu'Ă  remonter aux facteurs explicatifs les plus simples Ă  l'origine du phĂ©nomène »[6]). Pour Campagnolo[7]« La mĂ©thode scientifique proposĂ©e par Menger est rĂ©aliste (d'inspiration aristotĂ©licienne), analytique (dĂ©ductive) et exacte (obĂ©issant Ă  une causalitĂ© stricte) ; elle doit aussi demeurer Ă©thiquement et politiquement neutre et notamment Ă  l'Ă©cart des positions que Marx nomme de « classe » » ;
  • Le subjectivisme mengĂ©rien est plus large que le subjectivisme marginaliste standard « en ce sens qu'il n'est pas limitĂ© aux prĂ©fĂ©rences individuelles mais Ă©tendu Ă  la production (Ă  travers la thĂ©orie de l'imputation), aux coĂ»ts (Ă  travers la thĂ©orie du coĂ»t d'opportunitĂ©) et aux objectifs des agents (dĂ©finis de façon subjective et dĂ©pendants des perceptions et des connaissances de l'individu) »[8]. Par ailleurs, ce subjectivisme est dynamique et n'est pas forcĂ©ment dĂ©terminĂ© par le passĂ© ou le prĂ©sent[8] ;
  • Menger veut comprendre la nature de la structure institutionnelle de l'Ă©conomie car, c'est elle qui conditionne Ă  la fois la structure de la consommation et la capacitĂ© du système Ă  rĂ©pondre aux besoins[9].

Travail, capital, monnaie et État chez Menger

  • Menger ne veut pas fonder la valeur d'Ă©change sur un quelconque concept de valeur mais insiste sur l'intensitĂ© des besoins par les individus. Il tient la valeur-travail comme l'erreur majeure des classiques[10] ;
  • Si pour Marx le capital n'est que du « travail mort »[11], pour Menger le capital est constituĂ© par l'ensemble des biens Ă  disposition d'un individu qu'il peut utiliser soit dans l'Ă©change soit pour produire[12] ;
  • Pour Menger, la monnaie n'est pas un voile c'est-Ă -dire qu'il y a des liens entre monnaie et Ă©conomie rĂ©elle dont l'Ă©conomiste recherche les lois[11]. Menger ne condamne pas le monopole d'État sur la monnaie mĂŞme s'il croit fausse la croyance historiciste que le Prince crĂ©e la monnaie. Il perçoit très tĂ´t qu'Ă  travers l'Ă©mission monĂ©taire il est possible de limiter les hausses des prix[11] ;
  • Pour Menger, il ne s'agit pas d'exclure l'État mais de mieux cerner son rĂ´le et ses fonctions. Campagnolo[13] rappelle l'influence qu'il eut sur les Ă©conomistes de la Ringstrasse et que lui-mĂŞme et ses premiers disciples comptèrent parmi les Ă©conomistes-bureaucrates de l'Autriche de la « Joyeuse Apocalypse ». L'Ă©cole autrichienne ne deviendra très critique envers l'État qu'Ă  compter des annĂ©es vingt et de l'opposition de Ludwig von Mises et de Friedrich von Hayek aux planificateurs socialistes.

Menger et Aristote

Une source philosophique de la pensée économique de Carl Menger fut l'Éthique à Nicomaque d'Aristote. Cette influence transparait notamment dans sa façon de concevoir son approche du marginalisme[14] et dans son épistémologie. Pour lui comme dans la philosophie aristotélicienne, la science décrit des rapports de causalité entre des essences et cherche à les comprendre[15]. Les théoriciens cherchent le vrai non dans un but pratique mais pour le contempler. La philosophie pratique (éthique, politique et économique) s'occupe des faits généraux c'est-à-dire qui sont souvent les mêmes. C'est donc au praticien de l'économie qu'il revient de s'occuper de l'action pratique dont le but n'est pas d'atteindre l'essence mais de mettre en pratique au mieux les connaissances acquises[16].

Le plus grand mérite de Carl Menger a été de redécouvrir et reprendre à son compte cette tradition européenne catholique de la pensée scolastique espagnole (particulièrement celle qui était enseignée depuis le XVIe siècle à Salamanque). Elle avait été presque oubliée et éliminée en raison de la légende noire répandue au sujet de l'Espagne, et aussi de la très négative influence d'une histoire de la pensée économique principalement déterminée par Adam Smith et ses successeurs de l'école anglaise[17].

Menger face aux autres fondateurs de l'école-néoclassique

Menger ne se sentit que peu d'affinités avec Stanley Jevons (il lui reproche d'être resté trop utilitariste) ainsi qu'avec Léon Walras. Lorsque ce dernier lui écrivit en 1883 pour qu'ils fassent cause commune, il refusa[18] car :

  • il y a un dĂ©saccord quant Ă  l'objet de la science Ă©conomique qui vise « moins Ă  obtenir une reprĂ©sentation d'ensemble que de se donner les moyens de saisir des essences (ce que sont les phĂ©nomènes Ă©conomiques) et des causes (pourquoi, ils sont tels qu'ils sont) » ;
  • pour lui, l'approche totalisante de l'Ă©quilibre gĂ©nĂ©ral ne peut prendre en compte la rĂ©alitĂ© fugace de l'Ă©change.

Ĺ’uvre

  • Principles of Economics, 1871. (Grundsätze der Volkswirtschaftslehre). Disponible en ligne en anglais
    • Principes d'Ă©conomie politique, trad.fr., première Ă©dition critique incluant les annotations inĂ©dites de l'auteur, Établie et prĂ©sentĂ©e par Gilles Campagnolo, PrĂ©face de Bertram Schefold, p.816, Le Seuil, coll. Économie humaine, 2020.
  • Investigations into the Method of the Social Sciences: with special reference to economics, 1883. (the Untersuchungen - il a Ă©tĂ© aussi traduit sous le titre Problems of Economics and Sociology).
  • The Fallacies of Historicism in German Political Economy, 1884. (the IrrthĂĽmer).
  • On the Origins of Money, 1892, EJ.
  • Gesammelte Werke, Ĺ“uvres rĂ©unies et introduites par Friedrich Hayek (Londres, 1934-1936) en quatre volumes : Vol. I : Grundsätze der Volkswirtschaftslehre, 1871 ; Vol. II : Untersuchungen ĂĽber die Methode der Socialwissenschaften und der Politischen Oekonomie insbesondere, 1883 ; Vol. III : Kleinere Schriften zur Methode und Geschichte der Volkswirtschaftslehre ; Vol. IV : Schriften ĂĽber Geld und Währungspolitik[19].

Documentation

Les principaux fonds d'archives de Carl Menger sont répartis à l'université Duke, incluant la documentation de son fils et à l'université Hitotsubashi qui renferme aussi les 20 000 volumes de sa bibliothèque personnelle[19].

Notes

  1. "Editing Economists and Economists as Editors: Papers Given at a Conference Held at the Centre D'Ă©tudes Interdisciplinaires Walras-Pareto, University of Lausanne", par Pascal Bridel Librairie Droz, 1992 page 97
  2. Joseph T.Salerno, p. 2 Biographie de Menger
  3. Campagnolo, 2004, p. 280
  4. Campagnolo, 2004, p. 283
  5. Sandy Gloria-Palermo, 1999, p. 861
  6. Sandy Gloria-Palermo, 1999, p. 861-2
  7. Campagnolo, 2004, p. 82
  8. Sandy Gloria-Palermo, 1999, p. 864
  9. Sandy Gloria-Palermo, 1999, p. 8662
  10. Campagnolo, 2004, p. 72
  11. Campagnolo, 2004, p. 76
  12. Campagnolo, 2004, p. 73-74
  13. Campagnolo, 2004, p. 280-281
  14. Campagnolo, 2002, p. 25-30
  15. Campagnolo, 2004, p. 198
  16. Campagnolo, 2004, p. 196-200
  17. Jesus Huerta de Soto, "Juan de Mariana et la Seconde Sclolastique espagnole", in Philippe Nemo et Jean Petitot, Histoire de lu libéralisme en Europe, Puf, Paris, 2006, p. 124
  18. Campagnolo, 2004, p.p. 256-260
  19. Campagnolo et Menger 2011.

Bibliographie

Articles

  • Sandye Goria-Palermo, "Les fondements mengeriens des processus Ă©conomiques par Hayek" Revue d'Ă©conomie politique nov-dec 1999.
  • Gilles Campagnolo, « Note sur le raisonnement marginal version Carl Menger », Revue française de sociologie, vol. 46, no 4,‎ , p. 799-806 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Gilles Campagnolo, « Une source philosophique de la pensĂ©e de Carl Menger : l'Ethique Ă  Nicomaque d'Aristote », Revue de philosophie Ă©conomique, no 6,‎ , p. 5-35
  • Jacques Garello, « Portrait : Carl Menger (1840-1921) », La nouvelle lettre, no 1074,‎ , p. 8 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Charles Menger, « La monnaie mesure de valeur », Revue d’économie politique, vol. 6, no 2,‎ , p. 159-175 (lire en ligne, consultĂ© le )

Ouvrages

  • Gilles Campagnolo, Carl Menger : Entre Aristote et hayek aux sources de l’économie moderne, Paris, CNRS Éditions, coll. « CNRS Philosophie », , 240 p. (ISBN 978-2-271-06639-8, prĂ©sentation en ligne)
  • Gilles Campagnolo, Critique de l’économie politique classique : Marx, Menger et l’École historique, Paris, PUF, coll. « Fondements de la politique », , 335 p. (ISBN 2-13-053821-5)
  • Gilles Campagnolo (dir.), Carl Menger et al., Existe-t-il une doctrine Menger ? Aux origines de la pensĂ©e Ă©conomique autrichienne, Aix-en-Provence, Publications de l’UniversitĂ© de Provence, coll. « Collection Episteme », , 284 p. (ISBN 978-2-85399-774-4, lire en ligne)
  • Friedrich A. Hayek (trad. de l'anglais), Nouveaux essais de philosophie, de science politique, d’économie et d’histoire des idĂ©es, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Bibliothèque classique de la libertĂ© », , 459 p. (ISBN 978-2-251-39047-5, prĂ©sentation en ligne), chap. XVII (« La place des Grundsätze de Carl Menger dans l’histoire de la pensĂ©e Ă©conomique »), p. 391-408
  • Carl Menger (trad. de l'allemand par Gilles Campagnolo), Recherches sur la mĂ©thode dans les sciences sociales et en Ă©conomie politique en particulier, Paris, Éditions de l’EHESS, coll. « EHESS-Translations », , 576 p. (ISBN 978-2-7132-2270-2, prĂ©sentation en ligne)
  • (en) Ludwig von Mises, The Historical Setting of the Austrian School of Economics, New Rochelle, Arlington House, , p. 9-10
  • (en) Joseph A. Schumpeter (trad. de l'anglais), Ten Great Economists From Marx to Keynes, Londres, Routledge, , 459 p. (ISBN 978-2-251-39047-5, prĂ©sentation en ligne), chap. 3 (« Carl Menger (1840-1921) »), p. 80-90

Littérature en anglais

  • (en) Bruce Caldwell, "Carl Menger and His Legacy in Economics", History of Political Economy, Supplement 22, 1990.
  • (en) Howey, Richard S., The Rise of the Marginal Utility School: 1870-1889 (New York: Columbia University Press, 1989
  • (en) Hulsmann, Guido, "Knowledge, Judgment, and the Use of Property", The Review of Austrian Economics, vol.10, no.1 (1997): 23-48.
  • (en) Jaffe, William, "Menger, Jevons, and Walras De-Homegenized", Economic Inquiry 14 (December1976): 511-524.
  • (en) Mises, Ludwig von, Theory and History: An Interpretation of Social and Economic Evolution (Auburn, AL: The Ludwig von Mises Institute, 1985), p. 62
  • (en) Streissler E."To what Extent was the Austrian School Marginalist ?" History of Political Economy, (4, 2 1972)
  • (en) Streissler and Monika Streissler, eds., Carl Menger's Lectures To Crown Prince Rudolph (Brookfield, VT: Edward Elgar, 1994), p. 3-25.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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