Café Momus
Le café Momus est un café du 1er arrondissement de Paris où se réunissaient la bohème et le monde littéraire au milieu du XIXe siècle. Il a été immortalisé par le roman d'Henry Murger, Scènes de la vie de bohème, et par l'opéra La Bohème de Giacomo Puccini qui en est tiré.
Histoire
Le café était situé au no 19[1] - [2] - [3], rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois, sur le côté de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, entre le palais du Louvre et le pont Neuf. Il s'étendait au rez-de-chaussée et au premier étage de cette maison. Le Journal des débats, l'un des principaux quotidiens de l'époque, de tendance libérale, était son voisin au no 17[4].
Là se retrouvaient des personnalités comme Chateaubriand, Sainte-Beuve, Nadar, Gustave Courbet, Charles Baudelaire, Hippolyte Taine, Ernest Renan, Henry Murger.
L’origine de l’établissement est inconnue mais remonte au moins aux années 1810. Il était installé dans une maison à pignon paraissant dater du XVIe siècle, comme le montrent de nombreux dessins et plus tard, quelques photographies.
En novembre-décembre 1845, le café fait passer des annonces dans le journal Le Tintamarre[5] : « Café Momus, rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois, 19, près l'Église. Ouverture de nouveaux salons, estaminet, 5 billards à tables d'ardoise. Cet établissement est connu par la modicité des prix et la qualité des objets fournis en consommation. On y lit tous les journaux français et étrangers ainsi que les revues. »
Le café Momus était effectivement réputé pour ses prix raisonnables. Dans son livre Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris[6], Alfred Delvau raconte que l'hiver, pour se réchauffer, « on allait au café Momus, où la demi-tasse ne coûtait que cinq sous », et on pouvait se partager une demi-tasse à plusieurs « pour passer la journée à l'estaminet ». Ainsi, dans les années 1838-1848, dans le sillage d’Henry Murger, le café va attirer une clientèle de jeunes artistes désargentés, surnommée la Bohème.
Le café fait faillite et ferme définitivement en 1856[7]. La même année, la maison échappe de peu aux démolitions pour l'agrandissement de la place du Louvre, comme on peut le voir sur une célèbre photographie de Baldus[8]. Un marchand de couleurs[9] prit sa place en 1860, ou peu après[10]. L'étroit immeuble, qui a perdu son célèbre pignon au gré d'un remaniement ultérieur (vraisemblablement dans les années 1870), est aujourd'hui occupé par un hôtel.
Dans le roman de Murger comme dans l'opéra de Puccini, c'est là que se retrouvent le poète Rodolphe (Henry Murger), le peintre Marcel (François Tabar), le musicien Schaunard (Alexandre Schanne), le philosophe Colline (Jean Wallon) et leurs amis.
Notes et références
- Jacques Hillairet et Pascal Payen-Appenzeller, Dictionnaire historique des rues de Paris, vol. 2, Paris, Les Éditions de Minuit, , 8e édition éd., 794, 785 p. (ISBN 2-7073-1054-9, BNF 36618590).
- RĂ©pertoire du commerce de Paris, Paris, Bureau du RĂ©pertoire du commerce de Paris, (lire en ligne).
- Plusieurs auteurs signalent le no 17, alors que les actes, annonces et annuaires de l’époque signalent toujours le no 19. Il s'agit éventuellement d'une erreur remontant au moins à Gustave Pessard en 1904 et reprise par la suite, cf. Gustave Pessard, Nouveau dictionnaire historique de Paris, Paris, E. Rey, (lire en ligne) (l'auteur s'étant également trompé de rue). Le no 17, qui existe toujours, contemporain du café, ne peut en aucun cas correspondre aux descriptions d'une maison étroite à pignon ; c'est en outre le siège historique du Journal des Débats dont l'histoire est bien connue. La rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois a été renumérotée au 1er janvier 1806, le Journal de l’Empire (imprimerie de Le Normant) passant du numéro 42 au 17 ; aucune renumérotation postérieure n'est connue. Cependant, un dessin de Thomas Shotter Boys daté de 1819, conservé au musée Carnavalet (CARD00167), donne curieusement à l'époque le no 21 pour le café. (Aujourd'hui, parcelle cadastrale no 22, feuille 000 AK 01.).
- Certains auteurs ont prétendu à la fin du XIXe siècle que le café Momus partageait son immeuble avec le Journal des débats politiques et littéraires. C'est inexact, le vénérable quotidien prendra lui-même le soin de démentir l'information en première page de son numéro du 30 juin 1895. Il se trouve que bien après la cessation d'activité de Momus en 1856, le journal avait installé une annexe dans cet immeuble, et certain journaliste en aura tiré une conclusion hâtive, reprise par d'autres sans vérification. Adolphe Chenevière, chroniqueur du Journal, note avec amusement : “(…) une de nos nouvelles annexes occupe les locaux du café aujourd’hui disparu ; mais la malice des choses est tout de même moins apparente que ne l’imagine notre confrère ; car, dès ce temps-là , une porte de communication intérieure existait entre le lieu de réunion des bohèmes et l’immeuble de « la grave feuille doctrinaire ». Il est probable que, à l’heure des bocks, on a souvent fraternisé, ceci soit dit sans attacher au fait plus d’importance qu’il n’en mérite, et simplement pour procurer quelque joie aux anecdotiers de l’avenir.” Cette annexe du journal est bien identifiée comme le no 19 à partir de 1895.
- Par exemple : « Café Momus », Le Tintamarre, no 46, 3e année,‎ , p. 5 (lire en ligne, consulté le ).
- Alfred Delvau, Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris, Paris, E. Dentu, (lire en ligne).
- Déclaration de faillite le 4 novembre 1856 au Tribunal de commerce de la Seine, “Desmurs (Laurent), tenant le café Momus, rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois, 19.” « Faillites », La Presse,‎ , p. 3 (lire en ligne, consulté le ).
- Saint Germain l'Auxerrois, NYPL Digital Collections, ID 1601857.
- Maison Colin, “couleurs fines”, le remplace au no 19. Voir Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration, Paris, Firmin Didot et Bottin réunis, (lire en ligne). La maison Colin cesse ses activités en juin 1895, voir « Un souvenir de Murger », Le XIXe siècle, no 8565,‎ , p. 1 (lire en ligne, consulté le ).
- Vente le lundi 6 août 1860 du fonds de commerce connu sous le nom de Café Momus, sis à Paris, rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois, 19, ensemble de l’hôtel meublé qui en dépend, ainsi que la clientèle et de l'achalandage dudit fonds et du droit au bail des lieux. « Café Momus et hôtel meublé », Journal des débats politiques et littéraires,‎ , p. 4 (lire en ligne, consulté le ).