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Célimène Gaudieux

Célimène Gaudieux est une chanteuse française née à Saint-Paul de La Réunion le et morte dans cette même commune le . Elle exerça ses talents tout en œuvrant en tant qu'aubergiste au lieu-dit La Saline. Elle sert encore de symbole et de muse à la poésie et à la culture populaire de l'île de La Réunion.

Marie Monique Jeance
Biographie
Naissance
Décès
(à 57 ans)
Saint-Paul
Surnom
Célimène ; Madame Pierre
Nationalité
Activité
Conjoint
Pierre Gaudieux
Enfant
Marie Louise Ovida ; Pierre Augustin Gaudieux ; Isaïde Gaudieux ; Cadet Gaudieux ; Célimène Gaudieux ; Amanda Gaudieux
Autres informations
Instrument

Biographie

Ascendance

Son père est un créole du nom de Louis Edmond Jeance né à Saint-Paul le et mort à Saint-Pierre le . Née vers 1790, sa mère prénommée Candide ou Marie-Candide est quant à elle une esclave que son père affranchit en 1811, dont il se sert ensuite comme domestique.

Elle se plaît à se vanter d'être la petite-fille d'Évariste de Parny, poète réunionnais qui aurait eu une liaison avec sa grand-mère maternelle, une esclave malgache du nom de Léda, dont serait née une fille nommée Valère. Celle-ci aurait ensuite épousé un esclave d'Evariste de Parny et aurait donné naissance à trois filles dont l'une pourrait être la mère de Célimène.

Enfance

Peu après l'arrivée des anglais sur l'île en 1810, Marie-Monique et sa mère sont affranchies par Louis Edmond Jeance. Les archives gardent trace des différentes étapes de cet affranchissement[1]. Elle passe son enfance entre La Saline et Saint Paul.

En 1830, ses parents jusqu'ici en concubinage se marient, et l'acte de mariage conservé aujourd'hui aux Archives départementales de la Réunion indique la richesse de son père (11 esclaves) et de sa mère (5000 francs et trois esclaves)[2]. Les deux filles sont également légitimées.

En 1833, ses parents se séparent, et l'année suivante, sa sœur décède à la Saline. Son père finit par vendre ses biens et s'installe dans la région du Tampon où il reste cultivateur jusqu'à sa mort.

Vie familiale

Célimène donne naissance le 11 janvier 1837 à une fille, Marie Louise Ovida, dont le père Ferdinand Lebreton décède peu de temps après, le 04 août 1837.

Elle épouse ensuite Pierre Gaudieux le à Saint-Paul. Né en 1815 à Belvès dans le Périgord, et s'est engagé dans la gendarmerie coloniale. C'est ainsi qu'il arrive à La Réunion en 1837[3] dans la deuxième circonscription de Saint-Paul. Après son mariage, il démissionne de la gendarmerie pour devenir maréchal-ferrand, et elle tient une auberge à La Saline, profitant de l'inauguration de la route menant de Saint Leu à Saint-Paul. La mère de Célimène leur offre la jouissance de la propriété de la Saline. Le couple aura 5 enfants : Pierre Augustin en 1841, Isaïde en 1842 (décédée à l'âge de 4 mois), Cadet en 1844, Célimène en 1846 et Amanda en 1848[1].

En juillet 1852, Pierre Gaudieux décède durant l'épidémie de variole qui touche Saint-Paul, laissant Célimène avec cinq enfants à charge. Ayant contracté des dettes, elle est contrainte d'emprunter à Guillaume Aubry, commerçant aisé de Saint Paul, une somme de 1200 francs destinée à constituer une partie de la dote de sa fille Marie Louise, qui épouse en 1854 Guillaume Jean Roger de Villepinte, originaire de Narbonne[1]. Le couple s'installe ensuite à Mayotte, où Guillaume Jean Roger de Villepinte mourut en 1863. Marie Louise Ovida se remarie avec Alfred Louis Zacharie Grenet, d'origine bretonne et chirurgien dans la Marine[1].

Dès novembre 1852, elle met en location sa maison de Saint-Paul, ferme la maréchalerie et se concentre sur l'auberge de la Saline.

L'auberge de la Saline

Elle manie le verbe avec élégance, que ce soit en prose ou en vers. Cette capacité lui vaut l'admiration des gens de passage qui descendent sur le chemin de ceinture qui reliait par les Hauts Saint-Paul à Saint-Leu, à une époque où le Cap La Houssaye était infranchissable.

Plusieurs personnalités lettrées de l'île deviennent ses amis, parmi lesquels Pierre de Monforant, professeur au lycée impérial ; Thomy Lahuppe, journaliste ; Eugène Volcy Focart, secrétaire du procureur général et linguiste (auteur d'un ouvrage Le Patois Créole) ; Elie Pajot, historien et ancien maire de Saint Denis ; Jean Marie Raffray, biographe ; Gilles Crestien ; et autres érudits. Le peintre et lithographe Antoine Roussin compte parmi ses admirateurs et l'inclut dans son L'Album de l'île de la Réunion.

Représentations

En septembre 1861, Alfred Francine grave un premier bois de Célimène d'après un daguerréotype pris par Antoine Roussin, montrant Célimène jouant de la guitare.

Au début de l'année 1862, Antoine Roussin grave à son tour une planche lithographique, où Célimène apparaît habillée d'une robe en drap noir, coiffée d'une capeline et les cheveux retenus en chignon.

Une troisième gravure de Célimène est faite par Charles Joseph Mettais, portraitiste, et publiée dans les numéros 140 et 141 du journal Le Tour du monde d'Edouard Charton[1].

La guitare de Célimène

Les trois lithographies la représentent avec une guitare, instrument rare dans son milieu social, et dont la facture indique qu'elle a été produite en métropole.

Celle-ci a été déposée dans le fonds du musée Léon-Dierx en 1911. Elle fait partie depuis 1989 des collections du musée historique de Villèle qui l'a faite restaurer en 2001[4]. Elle a été prêtée au musée Stella Matutina pour les besoins de l'exposition Tschiéga Ségas, Musiques et danses de l'océan Indien (21 septembre 2019 -1er mars 2021).

Décès

En 1863, les diligences ne s'arrêtent plus à la Saline, ce qui marque la fin de l'auberge de Célimène. Elle décède le 13 juillet 1864 au domicile de Madame Delphine Guadet, rue du Port.

Elle est enterrée le lendemain, et le journaliste Thomy Lahuppe écrira dans Le Moniteur de la Réunion le 19 juillet : "Célimène qui ne l'a connue, cette femme poète et compositeur à la fois. Sa verve satirique avait le talent de dérider les fronts les plus soucieux. Elle maniait avec un rare bonheur le patois créole dont elle avait presque fait une langue poétique. Que de bons mots dans ces chansonnettes qu'elle improvisait en épluchant ses pommes de terre".

Un avis nécrologique est également paru le 24 juillet dans le journal La Malle.

Ses amis et admirateurs publieront, vingt ans après sa mort, une série d'article sur Célimène (numéros des 21 et 24 juillet, des 8 et 15 septembre 1884), mais il faut attendre 1929 pour qu'une commission présidée par le Gouverneur Emile Merwart s'intéresse à Célimène. Une délégation se rend alors à la Saline pour interroger les vieillards et noter les chansons ainsi que les airs. Seules quelques chansons de Célimène parviennent ainsi jusqu'à nous : Autoportrait de Célimène, Missie L et Blanc Malhonnête, Monsieur de Kerveguen.

Postérité

Depuis, son art a notamment inspiré le poète Jean Albany. Et Célimène jouit encore aujourd'hui d'une postérité importante.

En 1996, David Hoarau et Patrick Sida, musiciens, créent le duo Célimène. On a baptisé en 2000 un nouveau piton volcanique formé sur les flancs du Piton de la Fournaise à son nom. En 2002, un collège saint-paulois prend officiellement son nom. Une école maternelle de la Ravine des Cabris (Saint-Pierre) porte son nom et propose un panneau explicatif sur la vie de Célimène.

Organisé par le Conseil départemental de La Réunion depuis 2005, le prix Célimène récompense des femmes artistes dans le domaine de la peinture, de la sculpture ou de la photographie.

Bibliographie

  • Louis Antoine Roussin, Album de la Réunion, tome II, Imprimerie typographique et lithographique, Saint-Denis, île de la Réunion, 1861.
  • Edouard Charton, Le Tour du monde, nouveau journal de voyages, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1862.
  • Robert Chaudenson, Textes créoles anciens, La Réunion et Maurice, comparaison et essai d'analyse, Kreolische bibliothek Helmut buske, verlag, Hamburg, 1981
  • Gérard Doyen et Jean-Claude Maillar, 1982, L'Univers de la famille réunionnaise, tome 1. La femme réunionnaise, Diffusion Marketing International, 1 vol. 240 p.
  • Meng-Chuan Tseng, Jean Albany, un poète réunionnais, Mémoire de maitrise de l'Université catholique de Fu-Jen, Taiwan, mai 1999.
  • Hélène Thazard, La généalogie de Célimène, Cercle généalogique de Bourbon, bulletin trimestriel 68, juillet 2000.
  • Célimène, Mythe et réalité, Luc Legeard, Académie Réunionnaise des « Arts et Lettres », Éditions Azalées, Ile de La Réunion, 2013.
  • 5 Réunionnaises, cinq destins, bande dessinée de Gilles Gauvin et Jean-Marc Pécontal (scénaristes), Tolliam, Natacha Eloy, Arupiia, Kitsuné et David D'Eurveilher (dessinateurs). Epsilon BD, 2022[5] (ISBN 9782917856406)

Notes et références

  1. Luc, ... Impr. Graphica), Célimène : mythe et réalité : muse créole de l'île Bourbon, 1808-1864, Azalées éd., impr. 2013 (ISBN 978-2-36066-036-0 et 2-36066-036-5, OCLC 881006907, lire en ligne), p. 62
  2. Archives départementales de la Réunion, pièce 3E 287, "Mariage de Louis Edmond Jeance et Marie Candice".
  3. Archives départementales de la Réunion, 6 M 684 : "Recensement 1843"
  4. « 1989.203 Guitare », sur www.musee-villele.re (consulté le )
  5. « L'histoire de La Réunion à travers le destin de cinq femmes puissantes », sur Clicanoo | Premier de l'actualité à La Réunion et dans l'Océan Indien,

Liens externes

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