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Bronca

Dans le monde de la tauromachie, on appelle bronca (mot féminin ; de l'espagnol : disputer, gronder) une manifestation bruyante du public en signe de désapprobation ou de mécontentement.

MĂ©contentements

La bronca peut être destinée à tous les acteurs de la corrida, comme le matador, les peones de sa cuadrilla, le taureau, l'éleveur ou même la présidence. Le matador est principalement visé lorsqu'il manque l'estocade plusieurs fois et les picadors lorsque les piques sont trop longues ou appuyées.

Les spectateurs mécontents crient, sifflent, etc. On en voit parfois jeter des bouteilles sur la piste. (Un tel geste est condamné par les aficionados)[1]. Parfois le public a une réaction qui est encore pire pour le matador que la plus forte des broncas : c'est le silence.

Certains néophytes croient que la coutume veut que le picador soit sifflé dès son entrée en piste : aucune coutume de ce genre n’existe.

Éléments d'appréciation

Parmi les éléments qui permettront d'évaluer le spectacle on trouve traditionnellement :

  • Le courage de l'homme : le matador prend des risques significatifs (mĂŞme si les accidents mortels restent peu nombreux) et doit affronter sans flĂ©chir un animal dont la force est considĂ©rable, mĂŞme si le combat et les picadors ont affaibli le taureau.
  • La bravoure de l'animal : le taureau de combat appartient Ă  une espèce spĂ©cialement sĂ©lectionnĂ©e pour son agressivitĂ© et pour sa bravoure ; sa charge et sa volontĂ© de combattre tout adversaire sont apprĂ©ciĂ©es.
  • L'autoritĂ© de l'homme sur l'animal : les aficionados apprĂ©cient la capacitĂ© du matador Ă  dicter sa volontĂ© au taureau en lui imposant ses charges et en l’amenant Ă  suivre aveuglĂ©ment le leurre.
  • L'Ă©lĂ©gance : les passes de capote et de muleta sont des mouvements très codifiĂ©s.
  • L'efficacitĂ© : une mise Ă  mort « approximative » peut facilement dĂ©grader un spectacle par ailleurs bien menĂ©. Il faut toutefois prĂ©ciser que, comme dans bien d’autres domaines, la manière compte plus que le rĂ©sultat. Une tentative d’estocade sincère, faite en respectant les canons, mais ratĂ©e car la pointe de l’épĂ©e a butĂ© sur l’omoplate, sera applaudie ; une Ă©pĂ©e pĂ©nĂ©trant jusqu’à la garde Ă  la suite d’une estocade faite en violation de tous les principes sera condamnĂ©e.

Historique

« Les broncas actuelles sont loin d'Ă©galer en importance et en violence celles du temps jadis. La plus ancienne bronca qui ait laissĂ© des traces dans l'Histoire est celle qui a eu lieu Ă  Barcelone en 1835, provoquĂ©e par du bĂ©tail Zalduendo catastrophiquement manso et que torĂ©aient Manuel Romero et Rafael PĂ©rez de Guzmán[2] ». Le public dĂ©chaĂ®nĂ© sauta en piste pour tuer lui-mĂŞme le taureau, puis la foule s'en prit aux couvents qu'elle mit Ă  sac[3]. Parmi les « broncas gĂ©antes Â», on compte celle du Ă  Palma de Majorque, cette fois parce que le prĂ©sident avait demandĂ© le changement alors que le taureau avait dĂ©jĂ  reçu des piques[3].

Le , à Barcelone, les six taureaux de Perez Tabernero étaient tous très petits et mal armés. La corrida se déroula sous une bronca incessante et au sixième taureau, de jeunes gens impatients sautèrent en piste pour toréer. Certains furent blessés et, dans le même temps, les spectateurs prirent d'assaut la loge présidentielle[4].

Les chroniqueurs taurins se souviennent aussi de la fameuse bronca qui eut lieu lors de l'alternative de Juan Belmonte, au cours de laquelle cinq taureaux furent rejetés de l'arène[5].

Certaines broncas tournaient parfois à l'émeute comme celle du à Arles, lorsque les toreros annoncés ne se présentèrent pas en raison de la fermeture de la frontière entre la France et l'Espagne[4].

On n'a aucun exemple de telles violences dans les arènes aujourd'hui, mais la bronca reste pour les spectateurs le dernier recours pour faire respecter les règles de la pique, celle de la prĂ©sentation du taureau, et du travail du matador[5]. Il existe aussi des broncas « positives Â» pour forcer la main au prĂ©sident qui tarde Ă  accorder un trophĂ©e mĂ©ritĂ©, voire le refuse.

Le lancer de coussins

Sortie de Curro Romero (au centre) sous les coussins, en 1967.

Les coussins rectangulaires (almohadillas en espagnol) qui sont loués pour le confort des spectateurs à l'entrée de certaines arènes, notamment en Espagne et dans le sud-ouest de la France servent également d'objets de manifestation, comme le mouchoir blanc que l'on agite pour réclamer une oreille. Mais à l'inverse du mouchoir, leur rôle est d'accentuer les huées de la foule contre un taureau de mauvaise présentation, ou contre un torero qui a failli.

En général on les lance à la fin de la faena et la police est pratiquement empêchée d'intervenir. Lorsque les coussins volent, cela souligne l'indignité d'un spectacle. C'est l'ultime recours contre certains abus. Pour le torero, quand on parle de « sortie sous les coussins », cela désigne la pire faena possible. C'est une autre forme de bronca[6].

On ne trouve pas de coussins ni d'« almohadillero » (désigne la personne qui les loue)[7] dans les arènes du Sud-Est de la France : Arènes de Nîmes, Arènes d'Arles, de Palavas-les-Flots ou de Fréjus[7].

Satisfaction

Quand le matador a fini de saluer, il ne reste plus au président qu’à sortir son mouchoir blanc afin d’ordonner l’entrée en piste du taureau suivant. Avant cela, les aficionados voulant manifester leur satisfaction agitent un mouchoir (traditionnellement blanc) pour réclamer au président une récompense pour le matador (oreilles, queue).

En cas d'ovation, le matador fait un tour de piste (vuelta al ruedo), à l'occasion duquel les spectateurs lui envoient fleurs, chapeaux, châles, éventails. Le matador garde les fleurs mais renvoie les objets personnels.

En fin de corrida, les matadors quittent l’arène l’un après l’autre, par ordre d’ancienneté. Si l’un d’entre eux a été particulièrement brillant, il sortira a hombros, sur les épaules de ses admirateurs. Peut-être – récompense suprême – sera-t-il autorisé à sortir par la Grande Porte. À Séville, il devra pour cela avoir coupé trois trophées (soit trois oreilles, ou deux oreilles et une queue) au minimum ; à Madrid, deux trophées suffiront (étant généralement admis que si une seconde oreille madrilène et une seconde oreille sévillane pèsent approximativement le même poids, la première oreille madrilène pèse beaucoup plus lourd que la première oreille sévillane[8]) ; ailleurs, c’est selon le sérieux de l’organisation, le niveau d’exigence et de compétence du public, les coutumes locales, etc.

Si le taureau a été exceptionnellement bon, le président pourra lui accorder à lui aussi une vuelta al ruedo en présentant un mouchoir bleu. Et s’il a été plus qu’exceptionnellement bon, le président pourra, avant l’estocade, ordonner sa grâce en présentant un mouchoir orange.

Bibliographie

  • Robert BĂ©rard (dir.), Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, Paris, Bouquins Laffont, , 1056 p. (ISBN 2-221-09246-5)
  • Paul Casanova et Pierre Dupuy, Dictionnaire tauromachique, Marseille, Jeanne Laffitte, , 180 p. (ISBN 2-86276-043-9)
  • Jacques Legris et Mario Chiaselotti, Tauromachie, Paris, Hachette RĂ©alitĂ©s, PrĂ©face d'Antoine Blondin
  • Claude Popelin et Yves HartĂ©, La Tauromachie, Paris, Seuil, 1970 et 1994 (ISBN 978-2-02-021433-9 et 2-02-021433-4) (prĂ©face Jean Lacouture et François Zumbiehl)
  • Refilon, L'Évolution de la tauromachie : Du Cid Campeador Ă  Luis Miguel Dominguin, Paris, GrĂĽnd,
  • Jean-Baptiste Maudet, Terres de taureaux : les jeux taurins de l'Europe Ă  l'AmĂ©rique, Madrid, Casa de Velasquez, , 512 p. (ISBN 978-84-96820-37-1, prĂ©sentation en ligne), prĂ©face de Jean-Robert Pitte
  • Jacky SimĂ©on, Dictionnaire de la course camarguaise, Vauvert, 2013, 142 p. (ISBN 978-2-84626-424-2), p. 24

Notes et références

  1. Maudet 2010, p. 468
  2. BĂ©rard 2003, p. 334
  3. BĂ©rard 2003, p. 335
  4. Casanova et Dupuy 1981, p. 30
  5. Popelin et Harté 1970 et 1994, p. 50
  6. Claude Popelin, « La Tauromachie», préface de Jean Lacouture et François Zumbiehl, édition augmentée par Yves Harté, Le Seuil, Paris, 1970-1994, p. 95 (ISBN 2020214334)
  7. Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, ouvrage collectif sous la direction de Robert BĂ©rard, Bouquins Laffont, Paris, 2003, p. 261 (ISBN 2221092465)
  8. Casanova et Dupuy 1981, p. 170

Voir aussi

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