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Bilan de masse d'un glacier

Le bilan de masse d'un glacier est la différence entre la masse gagnée, dite accumulation, et la masse perdue par disparition de la neige ou de la glace, dite ablation.

Histogrammes rouge et bleu et courbe oscillant autour de l'Ă©quilibre jusqu'en 1985, puis plongeant vers le bas.
Bilan de masse du Glacier du Silvretta. En bleu clair : bilan hivernal (accumulation). En rouge : bilan estival (ablation). La courbe bleue correspond au bilan total de masse du glacier. La perte est telle que la courbe disparait du diagramme Ă  partir de 2003. La valeur atteinte en 2020 est de -23,7 mĂštres.

Le gain ou la perte de masse totale d'un glacier, d'une calotte glaciaire ou d'un inlandsis au cours d'un cycle hydrologique — gĂ©nĂ©ralement un an — est appelĂ© bilan de masse total. Le bilan de masse spĂ©cifique est la variation de masse sur une pĂ©riode de temps dĂ©terminĂ©e, spĂ©cifique Ă  une zone dĂ©limitĂ©e du glacier. Le plus souvent, le bilan massique total est dĂ©terminĂ© par intĂ©gration des diffĂ©rentes donnĂ©es de bilan de masse spĂ©cifique rĂ©parties sur la zone glaciaire. En divisant le bilan de masse total par la superficie du glacier, on obtient le bilan de masse spĂ©cifique moyen, qui permet de comparer le comportement de diffĂ©rents glaciers. Il s'agit de la quantitĂ© la plus largement publiĂ©e, gĂ©nĂ©ralement exprimĂ©e en millimĂštres ou en mĂštres d'Ă©quivalent eau par an ; elle peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la variation moyenne de l'Ă©paisseur de la glace. Elle est aussi souvent abrĂ©gĂ©e en bilan massique annuel.

Enfin d'autres mesures, plus simples à calculer, se concentrent uniquement sur la partie supérieure des glaciers et calottes glaciaires : il s'agit alors du bilan de masse de surface (BMS). Si le bilan de masse est positif sur plusieurs années, le front du glacier avance, s'il est négatif, il recule.

La plus grande partie de l'accumulation provient des chutes de neige, influencĂ©es par le vent et les avalanches. La plus grande perte de masse dans la plupart des glaciers est causĂ©e par la fonte de la neige, du nĂ©vĂ© ou de la glace Ă  la surface. Mais d'autres processus peuvent Ă©galement ĂȘtre importants : le vĂȘlage a un rĂŽle significatif sur les plates-formes de glace et les glaciers au contact de la mer ; les glaciers suspendus abrupts perdent beaucoup de masse Ă  cause des avalanches, et dans les zones sĂšches la sublimation de la neige soufflĂ©e est un facteur non nĂ©gligeable.

Il existe diffĂ©rentes mĂ©thodes pour dĂ©terminer le bilan de masse d'un glacier. La mĂ©thode la plus ancienne et encore fondamentale est la mĂ©thode dite glaciologique. Celle-ci mesure le changement de niveau de surface en diffĂ©rents points rĂ©partis sur le glacier. À partir de lĂ , le bilan de masse spĂ©cifique Ă  ce point est dĂ©terminĂ© en estimant la densitĂ© du nĂ©vĂ© ou de la glace prĂšs de la surface. ConnaĂźtre la masse totale d'un glacier n'est pas nĂ©cessaire pour dĂ©terminer son bilan de masse, et elle n'est souvent pas connue exactement.

Objectifs

L'objectif de la dĂ©termination du bilan de masse des glaciers a toujours Ă©tĂ© de mieux comprendre et prĂ©dire le comportement des glaciers, en particulier en ce qui concerne les catastrophes induites par les glaciers telles que les dĂ©bordements des lacs glaciaires . De plus, le dĂ©veloppement du bilan de masse d'un glacier est gĂ©nĂ©ralement une rĂ©action trĂšs souvent immĂ©diate Ă  un changement climatique, . Par consĂ©quent, une motivation importante de la dĂ©termination dĂ©taillĂ©e des bilans de masse est d'Ă©tablir le lien entre le climat et les changements induits sur les glaciers,— leur dynamique — , pour mieux le comprendre. D'une part, cela permet de tirer des conclusions sur l'Ă©volution du climat Ă  partir du comportement historique des glaciers, mais cela permet Ă©galement une reprĂ©sentation plus prĂ©cise du comportement des glaciers dans les modĂšles climatiques . L'aspect hydrologique est Ă©galement important, aussi bien au niveau rĂ©gional en ce qui concerne l'approvisionnement futur en eau potable, qu'au niveau mondial dans la prĂ©vision de l'Ă©lĂ©vation attendue du niveau de la mer, en particulier avec la part respective des contribution des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique et celle des autres glaciers, et la rapiditĂ© de ces Ă©volutions[1] - [2].

DĂ©finitions

Courbe d'un bilan net résultant de la différence entre ses deux composantes : accumulation et ablation (présentée ici sous forme d'un chiffre positif). Ici, le bilan annuel est à l'équilibre.

Accumulation

Les diffĂ©rents processus par lesquels un glacier peut gagner de la masse sont dĂ©signĂ©s sous le nom d'accumulation. Les chutes de neige sont la forme d'accumulation la plus Ă©vidente. Les avalanches, en particulier dans les environnements montagneux escarpĂ©s, peuvent Ă©galement ajouter de la masse Ă  un glacier. D'autres apports comprennent le dĂ©pĂŽt de la neige soufflĂ©e par le vent ; la congĂ©lation de l'eau liquide, y compris l'eau de pluie et l'eau de fonte ; le dĂ©pĂŽt de givre sous diverses formes ; et l'expansion d'une zone de glace flottante par la congĂ©lation de glace supplĂ©mentaire. Les chutes de neige sont la forme prĂ©dominante d'accumulation, mais dans des situations spĂ©cifiques, d'autres processus peuvent ĂȘtre plus importants ; par exemple, les avalanches peuvent ĂȘtre beaucoup plus importantes que les chutes de neige dans les petits cirques[3].

L'accumulation peut ĂȘtre mesurĂ©e en un seul point sur le glacier, ou pour n'importe quelle zone du glacier. Elle est mesurĂ©e en mĂštres, rapportĂ©e Ă  son Ă©quivalent en eau : une accumulation d'un mĂštre signifie que la masse de glace supplĂ©mentaire pour cette zone, si elle se transformait en eau, augmenterait la profondeur du glacier d'un mĂštre[4]. Elle peut aussi ĂȘtre exprimĂ©e en masse globale, ou comme Ă©paisseur de glace reprĂ©sentĂ©e par cette masse[5].

Ablation

L'ablation est l'inverse de l'accumulation : elle regroupe l'ensemble des processus par lesquels un glacier peut perdre de la masse. Le principal processus d'ablation pour la plupart des glaciers entiÚrement terrestres est la fonte ; la chaleur qui provoque la fonte peut provenir de la lumiÚre du soleil, de l'air ambiant, de la pluie tombant sur le glacier ou de la chaleur géothermique sous le lit du glacier. La sublimation de la glace en vapeur est un mécanisme d'ablation important pour les glaciers dans les environnements arides, à haute altitude et dans les environnements trÚs froids, et peut expliquer toute la perte de glace de surface dans certains cas, comme le glacier Taylor dans les montagnes trans-antarctiques. La sublimation consomme beaucoup d'énergie, par rapport à la fusion, de sorte que des niveaux élevés de sublimation ont pour effet de réduire l'ablation globale[6].

La neige peut Ă©galement ĂȘtre Ă©rodĂ©e des glaciers par le vent, et les avalanches peuvent enlever la neige et la glace ; ceux-ci peuvent ĂȘtre importants dans certains glaciers. Le vĂȘlage, dans lequel la glace se dĂ©tache du bord d'un glacier cĂŽtoyant l'eau, pour former des icebergs, est un mode d'ablation significatif pour de nombreux glaciers[6].

Comme pour l'accumulation, l'ablation peut ĂȘtre mesurĂ©e en un seul point sur le glacier, ou pour n'importe quelle zone du glacier, et les unitĂ©s sont exprimĂ©es en mĂštres.

Bilan de masse

Le bilan de masse d'un glacier est la variation nette de sa masse sur une annĂ©e d'Ă©quilibre ou une annĂ©e fixe. Si l'accumulation dĂ©passe l'ablation pour une annĂ©e donnĂ©e, le bilan de masse est positif ; si l'inverse est vrai, le bilan de masse est nĂ©gatif. Ces termes peuvent ĂȘtre appliquĂ©s Ă  un point particulier du glacier pour donner le « bilan de masse spĂ©cifique » pour ce point ; ou Ă  l'ensemble du glacier ou Ă  toute zone de taille intermĂ©diaire[7].

Pour de nombreux glaciers, l'accumulation est concentrĂ©e en hiver et l'ablation en Ă©tĂ© ; ceux-ci sont appelĂ©s glaciers d'« accumulation hivernale ». Pour certains glaciers, le climat local entraĂźne une accumulation et une ablation qui se produisent toutes deux au cours de la mĂȘme saison. Ceux-ci sont connus sous le nom de glaciers « d'accumulation estivale » ; on en trouve des exemples dans l'Himalaya et au Tibet. Dans ce cas, les couches annuelles de neige qui facilitent le suivi des glaciers d'accumulation hivernale par la mĂ©thode stratigraphique ne sont pas utilisables, et un suivi Ă  date fixe est prĂ©fĂ©rable[7].

Bilan de masse de surface

La notion est proche de la prĂ©cĂ©dente, mais se limite au bilan des ablation et accumulation sur la face supĂ©rieure du glacier, et donc dues aux contacts avec l'atmosphĂšre. Il tient ainsi compte des prĂ©cipitations de pluie et de neige qui se sont accumulĂ©es sur les surfaces supĂ©rieures des glaciers et calottes glaciaires et des pertes dues Ă  la fonte, au ruissellement et Ă  l'Ă©vaporation Ă©ventuelle. Pour la NASA, elle n'inclut pas la glace perdue sur la partie infĂ©rieure en raison du vĂȘlage et de l'amincissement rĂ©sultant du contact avec les eaux chaudes de l'ocĂ©an[8], ni du contact avec le sol. Certaines mesures prennent toutefois en compte la partie supĂ©rieure du vĂȘlage.

Ligne d'Ă©quilibre

En bleu la zone d'accumulation, en rose celle d'ablation. La limite entre les deux constitue la ligne d'Ă©quilibre (ELA).

Pour les glaciers d'accumulation hivernale, le bilan de masse spĂ©cifique est gĂ©nĂ©ralement positif pour la partie supĂ©rieure du glacier - en d'autres termes, la zone d'accumulation du glacier est la partie supĂ©rieure de sa surface. La ligne sĂ©parant la zone d'accumulation de la zone d'ablation - la partie infĂ©rieure du glacier - est appelĂ©e ligne d'Ă©quilibre ; c'est la ligne oĂč le solde net spĂ©cifique est Ă©gal Ă  zĂ©ro. L'altitude de la ligne d'Ă©quilibre, abrĂ©gĂ©e en ELA, est un indicateur clĂ© de la santĂ© du glacier; et comme l'ELA est gĂ©nĂ©ralement plus facile Ă  mesurer que le bilan de masse global du glacier, elle est souvent considĂ©rĂ©e comme une approximation du bilan de masse[7].

Taux, flux massique et année d'équilibre

Crevasse dans le glacier d'Easton des North Cascades en Amérique du Nord, mettant en évidence l'accumulation par strates des différentes années de neige.

Les glaciers accumulent gĂ©nĂ©ralement de la masse pendant une partie de l'annĂ©e et en perdent de la masse le reste de l'annĂ©e ; ce sont respectivement la « saison d'accumulation » et la « saison d'ablation ». Cette dĂ©finition signifie que le taux d'accumulation est supĂ©rieur au taux d'ablation pendant la saison d'accumulation, et inversement pendant la saison d'ablation. Une « annĂ©e d'Ă©quilibre » est dĂ©finie comme le temps entre deux minima consĂ©cutifs dans la masse des glaciers, allant du dĂ©but d'une saison d'accumulation au dĂ©but de la suivante. La surface de neige Ă  ces minima, oĂč la neige recommence Ă  s'accumuler au dĂ©but de chaque saison d'accumulation, est identifiable dans la stratigraphie de la neige, de sorte que l'utilisation des annĂ©es d'Ă©quilibre pour mesurer le bilan de masse des glaciers est connue sous le nom de mĂ©thode stratigraphique. L'une des alternatives consiste Ă  utiliser une date calendaire fixe, mais cela nĂ©cessite une visite sur le terrain du glacier chaque annĂ©e Ă  cette date, et il n'est donc pas toujours possible de respecter strictement les dates exactes pour la mĂ©thode de l'annĂ©e fixe[9].

Symboles

Les variables standard les plus fréquemment utilisées dans la recherche sur le bilan massique sont :

  • a - ablation
  • c - accumulation
  • b – bilan de masse (c + a)
  • ρ – densitĂ©
  • h – Ă©paisseur du glacier
  • S – aire d'une zone
  • V - volume
  • AAR - rapport de zone d'accumulation (ratio entre l'aire de la zone d'accumulation et l'aire totale du glacier)
  • ELA - altitude de la ligne d'Ă©quilibre.

Par défaut, un terme en minuscule fait référence à la valeur en un point précis de la surface du glacier ; un terme en majuscule fait référence à la valeur sur l'ensemble du glacier[10].

Gradient de bilan de masse

Le gradient du bilan de masse désigne le taux de variation de ce bilan en fonction de l'altitude de chacun de ses points[11] ; il est représenté par une courbe de pente plus ou moins forte centrée sur l'ELA, tenant compte des masses soustraites en ablation et acquises en accumulation. C'est l'un des éléments clés pour déterminer le temps de réponse d'un glacier au variations climatiques[12]. Les glaciers situés dans des zones tempérés connaissent des accumulations et des ablations plus massives que ceux situés dans les zones polaires ; leur gradient massique est plus élevé, et ils ont généralement un temps de réponse plus court et une sensibilité plus grande aux variations du climat[12].

Techniques de mesure

MĂ©thode directe (glaciologique)

Pour dĂ©terminer le bilan de masse dans la zone d'accumulation, l'Ă©paisseur du manteau neigeux est mesurĂ©e par balisage, sondage, carottage, creusement d'un puits ou stratigraphie des couches annuelles rĂ©vĂ©lĂ©es sur la paroi d'une crevasse. Semblables aux cernes des arbres, ces couches sont dues au dĂ©pĂŽt de poussiĂšre d'Ă©tĂ© et Ă  d'autres effets saisonniers. L'avantage de la stratigraphie en crevasse est qu'elle fournit une mesure bidimensionnelle de la couche de neige, et non une mesure ponctuelle. Elle est Ă©galement utilisable dans des profondeurs oĂč le sondage ou les fosses Ă  neige ne sont pas rĂ©alisables. Dans les glaciers tempĂ©rĂ©s, la rĂ©sistance d'insertion d'une sonde augmente brusquement lorsque sa pointe atteint la glace qui s'est formĂ©e l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. La profondeur de la sonde est une mesure de l'accumulation nette au-dessus de cette couche. Des fosses Ă  neige creusĂ©es dans le manteau neigeux rĂ©siduel des hivers prĂ©cĂ©dents sont utilisĂ©es pour dĂ©terminer l'Ă©paisseur et la densitĂ© du manteau neigeux. Le bilan de masse du manteau neigeux est le produit de la densitĂ© et de la profondeur. Quelle que soit la technique de mesure de la profondeur, la profondeur observĂ©e est multipliĂ©e par la densitĂ© du manteau neigeux pour dĂ©terminer l'accumulation en Ă©quivalent eau. Il est nĂ©cessaire de mesurer la densitĂ© au printemps car la densitĂ© du manteau neigeux varie. La mesure de la densitĂ© du manteau neigeux effectuĂ©e Ă  la fin de la saison d'ablation donne des valeurs cohĂ©rentes pour une zone particuliĂšre sur les glaciers alpins tempĂ©rĂ©s et n'a pas besoin d'ĂȘtre mesurĂ©e chaque annĂ©e.

Dans la zone d'ablation, les mesures sont rĂ©alisĂ©es Ă  l'aide de piquets insĂ©rĂ©s verticalement dans le glacier soit Ă  la fin de la saison de fonte prĂ©cĂ©dente, soit, lorsque les prĂ©cipitations sont abondantes, au dĂ©but de celle en cours (balises d'ablation), avec une mesure sĂ©parĂ©e du bilan d'hiver. La longueur du piquet exposĂ© par la fonte des glaces est mesurĂ©e Ă  la fin de la saison de fonte (ablation). La plupart des piquets doivent ĂȘtre remplacĂ©s chaque annĂ©e ou mĂȘme en milieu d'Ă©tĂ©. Pour parer cet inconvĂ©nient, on utilise des trains de perches de 2 mĂštres chacune, reliĂ©es entre elles par des cordonnets, le train Ă©tant fixĂ© au sol Ă  sa base[13].

Méthodes indirectes basées sur la méthode glaciologique

Bilan de masse annuel et AAR du Vernagtferner pour les annĂ©es 1965 Ă  2010. Les Ă©lĂ©ments des trois derniĂšres annĂ©es sont mis en Ă©vidence. Le coefficient de dĂ©termination (RÂČ) de la droite de rĂ©gression est de 0,94 dans ce cas, ce qui est une bonne approximation

Les mesures passĂ©es ont montrĂ© que le profil de hauteur des bilans de masse spĂ©cifiques de nombreux glaciers est trĂšs similaire sur plusieurs annĂ©es et ne change essentiellement qu'en fonction des conditions mĂ©tĂ©orologiques de l'annĂ©e concernĂ©e. Cela permet de se limiter Ă  quelques points de mesure les plus reprĂ©sentatifs possibles les annĂ©es suivantes et de pouvoir encore estimer le bilan de masse de l'ensemble du glacier avec une prĂ©cision suffisante[14].  Il existe Ă©galement une corrĂ©lation pour de nombreux glaciers entre le bilan massique spĂ©cifique moyen et la hauteur de la ligne d'Ă©quilibre (ELA) ou le rapport de la surface de la zone d'accumulation Ă  la surface totale (AAR). De cette maniĂšre, le bilan de masse spĂ©cifique peut ĂȘtre calculĂ© approximativement Ă  partir de l'ELA ou de l'AAR sur la base d'une formule intĂ©grant les donnĂ©es historiques constatĂ©es par des mĂ©thodes glaciologiques directes[15].  L'ELA et l'AAR peuvent ĂȘtre dĂ©terminĂ©es sur la base de photographies aĂ©riennes prises Ă  la fin de la pĂ©riode d'ablation et aucune mesure sur site n'est alors nĂ©cessaire. Cependant, la procĂ©dure ne fonctionne pas si la bordure du nĂ©vĂ© due Ă  un regel de l'eau de fonte ne coĂŻncide avec la ligne d'Ă©quilibre. De plus, des chutes de neige prĂ©coces peuvent rendre impossible la dĂ©termination de la ligne d'Ă©quilibre[16].

Méthode géodésique

Avec la mĂ©thode gĂ©odĂ©sique (ou altimĂ©trique), le changement de volume est dĂ©terminĂ© en comparant l'Ă©lĂ©vation du glacier Ă  deux moments prĂ©cis, souvent sur une pĂ©riode de plusieurs annĂ©es. Le changement de masse est calculĂ© Ă  partir du changement de volume, en se basant sur une estimation de densitĂ© moyenne. Il convient de noter qu'un changement d'Ă©paisseur de glace en un point peut ĂȘtre causĂ© par une perte ou un gain de masse ou par le seul Ă©coulement de glace. La variation de volume d'une colonne de glace en un point donnĂ© du glacier est composĂ©e d'une contribution attribuable au bilan de masse et d'une autre contribution causĂ©e par le mouvement de la glace : [17].

La contribution de la dynamique des glaciers (de) peut dĂ©passer celle du changement de masse. Cela signifie que, par exemple, aux points oĂč une augmentation de volume est mesurĂ©e, l'ablation peut ĂȘtre supĂ©rieure Ă  l'accumulation, c'est-Ă -dire qu'il existe un bilan de masse spĂ©cifique nĂ©gatif.

L'Ă©valuation de cette composante due Ă  la dynamique des glaciers, elle-mĂȘme dĂ©composĂ©e en dĂ©formation de la glace, dĂ©formation du lit et glissement de la glace sur le lit, est quelquefois complexe, notamment en cas de prĂ©sence de nombreuses crevasses ou d'un lit d'eau subglaciaire, et des mĂ©thodes complĂ©mentaires sont explorĂ©es, telle que l'analyse sismique[18]

Ces mesures sont de plus en plus souvent effectuées grùce à des méthodes d'imagerie aérienne ou satellitaire, ou par balayage laser (en) ou interférométrie radar (en)[19] - [20].

MĂ©thode hydrologique

D'un point de vue hydrologique, le bilan de masse total d'un glacier peut ĂȘtre dĂ©terminĂ© en soustrayant les pertes dues au ruissellement et Ă  l'Ă©vaporation de la somme des prĂ©cipitations dans le bassin versant du glacier. Il faut aussi tenir compte des variations de stockage d'eaux de ruissellement d'origine extĂ©rieure au glacier. L'estimation des prĂ©cipitations par extrapolation de celles relevĂ©es dans un point de mesure extĂ©rieur au glacier peut ĂȘtre faussĂ©e. Globalement, cette mĂ©thode est coĂ»teuse et difficile Ă  mettre en Ɠuvre, et les rĂ©sultats obtenus peuvent ĂȘtre entachĂ©s d'une marge d'erreur allant jusqu'Ă  100 %. Pour ces raisons, la mĂ©thode hydrologique n'est gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©e qu'en combinaison avec d'autres mĂ©thodes[16]. Toutefois, contrairement Ă  la mĂ©thode glaciologique, cette mĂ©thode permet de capter les changements de masse Ă  l'intĂ©rieur et au fond du glacier[21].

Méthodes basées sur des modÚles

Semblable aux mĂ©thodes de prĂ©vision mĂ©tĂ©orologique, cette approche utilise des modĂšles numĂ©riques qui simulent le comportement d'un glacier en interaction avec le temps et le climat. Les approches de modĂ©lisation se concentrent principalement sur l'ablation. Des approches relativement simples telle que celles basĂ©es sur le degrĂ© jour unifiĂ© sont utilisĂ©es ici, ainsi que des modĂšles de bilan Ă©nergĂ©tique plus dĂ©taillĂ©s qui incluent Ă©galement, par exemple, le rayonnement solaire, l'albĂ©do ou des donnĂ©es sur le vent. Le choix de la mĂ©thode dĂ©pend notamment des donnĂ©es disponibles. La distribution temporelle et spatiale des prĂ©cipitations ne peut gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre cartographiĂ©e qu'approximativement. Ces modĂšles doivent d'abord ĂȘtre calibrĂ©s Ă  l'aide de donnĂ©es provenant de stations mĂ©tĂ©orologiques proches et d'autres donnĂ©es historiques de bilan de masse . Les mouvements glaciaires qui ne sont pas liĂ©s au climat, tels que les avalanches ou les surges glaciaires, y sont mal ou apprĂ©hendĂ©es[16] - [21].

Évolution historique des bilans de masse

Bilans entre 1960 et 2005. L'Europe et les Andes sont proches de l'équilibre. En annuel cumulé, la baisse la plus forte correspond à la Patagonie, avec une perte moyenne spécifique en 2005 supérieure à 35 tonnes par mÚtre carré. En cumulé global, les plus fortes contributions sont celle de l'Alaska et l'océan antarctique, avec respectivement +6 et + 5 mm.
Bilans de masse moyens spécifiques cumulés sur la durée (à gauche) et bilans de masse cumulés totaux (à droite) des glaciers de différentes zones géographiques. Le schéma de gauche montre la perte moyenne dans chaque zone, exprimée en tonnes par mÚtre carré, celui de gauche illustre la contribution de chaque zone à l'élévation du niveau de la mer, exprimée en mm.

L'évolution du bilan de masse de différents glaciers cumulé sur plusieurs années donne des informations détaillées sur le changement climatique. Il existe plusieurs projets dans le monde surveillant ou ayant surveillé ce paramÚtre (GIEC, Agence européenne pour l'environnement, Service mondial de surveillance des glaciers[22], ainsi que organismes et projets de niveau national ou local : US Geology Surveys[23], programme de recherche du champ de glace de Juneau[24] - [25] - [26], NorvÚge[27], Suisse, etc.), les plus anciennes remontant à 1945[12]. Les courbes pluriannuelles produites montrent dans la plupart des cas un recul de ce bilan de masse[12].

Bibliographie

  • (en) Kurt M. Cuffey et W. S. B. Paterson, The Physics of Glaciers, Academic Press, (ISBN 978-0-08-091912-6, lire en ligne)
  • Étienne Berthier, Christian Vincent, GaĂ«l Durand et Gerhard Krinner, « 5. Bilan de masse des glaciers et des calottes polaires », dans Le climat Ă  dĂ©couvert, CNRS Éditions, coll. « À dĂ©couvert », (ISBN 978-2-271-11916-2, lire en ligne), p. 99–101
  • GaĂ«lle Nodet, De la glace Ă  la mer, Matapli, (lire en ligne)

Références

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  2. JL, « La contribution des calottes glaciaires Ă  l’élĂ©vation du niveau de la mer suit le pire scĂ©nario », sur global-climat, (consultĂ© le )
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  4. Cuffey, Paterson et 2010 p. 43.
  5. Cuffey et Paterson 2010, p. 94.
  6. Knight 1999, p. 31-34.
  7. Knight 1999, p. 23-27.
  8. « FAQ: What’s the difference between glacier or ice sheet surface mass balance and total mass balance? », sur Climate Change: Vital Signs of the Planet (consultĂ© le )
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