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Bataille de Gabiène

La bataille de Gabiène (début de l'hiver 316 av. J.-C.) fait suite à la bataille de Paraitacène dans le contexte des guerres des Diadoques déclenchées après la mort d'Alexandre le Grand. Elle est la confrontation décisive entre Antigone le Borgne, satrape de Phrygie et maître de l'Asie Mineure, et Eumène de Cardia, stratège d'Asie de la régence du royaume de Macédoine.

Bataille de Gabiène
Description de cette image, également commentée ci-après
Ordre de bataille
Informations générales
Date hiver 316 av. J.-C.
Lieu Gabiène (Médie)
Issue Victoire d'Antigone
Belligérants
Armée d'Antigone,
satrape de Phrygie
Armée du royaume de Macédoine
Forces en présence
24 000 fantassins lourds
9 000 cavaliers
64 éléphants de guerre
17 000 fantassins lourds
6 000 cavaliers
114 éléphants de guerre
Pertes
Plus de 5 000ÉlevĂ©es

Guerres des Diadoques

Batailles

Guerres des Diadoques

CoordonnĂ©es 31° 46′ 38″ nord, 51° 48′ 06″ est

Contexte historique

Diodore de Sicile[1] et Plutarque[2] ont rédigé leurs récits de la bataille à partir du point de vue de Hiéronymos de Cardia, aide personnel d'Eumène de Cardia avant qu'il ne prête allégeance à Antigone le Borgne.

Les deux stratèges ont auparavant livrĂ© une bataille indĂ©cise en Paraitacène puis hivernĂ© aux confins de la Perse et de la MĂ©die en 317-316. Après plusieurs jours de marche rapide dans le dĂ©sert, Antigone, lancĂ© Ă  la poursuite d'Eumène, parvient en Gabiène, district de MĂ©die au nord de la Susiane. Alors que leurs camps ne sont distants que de 40 stades (km), les deux armĂ©es sont disposĂ©es en vue de l’engagement dĂ©cisif. Le satrape Sibyrtios fuit Ă  la tĂŞte de ses troupes, abandonnant Eumène juste avant le dĂ©but des combats.

Origines et effectifs des troupes

Comme pour beaucoup d'autres batailles de l'AntiquitĂ©, les effectifs varient entre les sources et peuvent ĂŞtre contredits par les historiens modernes[3]. D'après le compte-rendu de Diodore de Sicile, l'armĂ©e d'Antigone le Borgne comporte environ 24 000 fantassins lourds, dont 8 000 phalangites macĂ©doniens, 8 000 pantodapoi (colons grecs et mercenaires asiatiques armĂ©s Ă  la macĂ©donienne), 5 000 mercenaires grecs et 3 000 hoplites lyciens et pamphyliens. Le reste de l'infanterie est composĂ© d'un nombre inconnu de fantassins lĂ©gers. La cavalerie compte 9 000 cavaliers lĂ©gers (lanciers, javeliniers et archers Ă  cheval), 1 000 cavaliers lourds (armĂ©s comme des Compagnons), 300 gardes d'Antigone, 800 asthippoi (contre-cavaliers) mèdes et 65 Ă©lĂ©phant de guerre.

Du cĂ´tĂ© d'Eumène de Cardia on compte 17 000 fantassins lourds comprenant 5 000 phalangites (colons macĂ©doniens et asiatiques), 3 000 vĂ©tĂ©rans argyraspides (ou « Boucliers d’argent »), 3 000 hypaspistes et 6 000 mercenaires grecs. L'infanterie lĂ©gère est composĂ©e d'environ 18 000 hommes. La cavalerie est formĂ©e de 6 000 cavaliers lourds (armĂ©s comme des Compagnons) et lĂ©gers et de 114 Ă©lĂ©phants de guerre.

DĂ©roulement de la bataille

Première phase de la bataille
Deuxième phase de la bataille

La bataille est tout aussi indécise et meurtrière que celle livrée en Paraitacène. Les deux généraux se sont placés l'un en face de l'autre à la tête de leur cavalerie. La bataille commence par les assauts des éléphants disposés par intervalle au devant de la phalange ; puis les deux cavaleries s'avancent l'un contre l'autre. Le champ de bataille (une vaste plaine inculte avec des efflorescences de sel) est tellement sec que de grands nuages de poussière s’élèvent au passage des chevaux. Antigone remarque cela et ordonne à ses cavaliers mèdes et tarentins[4], sous le commandement de Peithon, de manœuvrer de flanc afin d'attaquer le camp adverse.

Pendant ce temps, sur le flanc droit, la cavalerie lourde d'Antigone (accompagnĂ© de son fils DĂ©mĂ©trios), charge victorieusement les tirailleurs et les cavaliers de Peucestas, lequel fuit le champ de bataille Ă  la tĂŞte de 1 500 hommes. Eumène se trouve isolĂ© Ă  l'extrĂ©mitĂ© de son aile mais choisit de poursuivre le combat avec pour but d'attaquer personnellement Antigone. Il subit de lourdes pertes et gagne son aile droite pour rejoindre son gĂ©nĂ©ral Philippe avec ordre d'Ă©viter l'engagement.

Du cĂ´tĂ© de l'infanterie, les Argyraspides d'AntigĂ©nès montrent leur vaillance en enfonçant la phalange adverse qui compte 5 000 tuĂ©s. Les vĂ©tĂ©rans (certains ont plus de 60 ans) ont en effet Ă©tĂ© placĂ©s en face de la phalange car celle-ci Ă©prouverait l'impression de combattre leurs propres pères. Antigone ordonne alors Ă  ses cavaliers lĂ©gers d'attaquer les Argyraspides sur leurs arrières. Mais au lieu de paniquer, ils forment un grand carrĂ© et se replient en toute sĂ©curitĂ©.

Disposant encore d'une armée puissante, Eumène tente de convaincre ses troupes de livrer à nouveau bataille. Cependant, les satrapes ralliés à sa cause souhaitent se retirer afin de protéger leur possessions respectives. Les Argyraspides, ayant appris qu'Antigone détient leurs proches en otages et la fortune qu'ils avaient amassée durant quarante années de combats ininterrompus, décident de négocier en secret avec Antigone. Ils lui livrent donc Eumène et ses principaux officiers en échange de la restitution de leurs biens et familles.

Conséquences de la bataille

Les troupes d'Antigone parviennent à persuader leur chef, bien qu'initialement réticent, d'exécuter Eumène, conformément aux dispositions du conseil de Triparadisos (Eumène est en effet rendu coupable de la mort du populaire Cratère). Le satrape d'Inde Eudamos ainsi qu'Antigénès et Teutamos subissent le même sort.

Les Macédoniens de l'« armée royale » rejoignent alors les rangs d'Antigone tandis que les Argyraspides, étant donné la déloyauté dont ils ont fait preuve, sont envoyés dans la lointaine satrapie d'Arachosie, aujourd'hui en Afghanistan. Le satrape local, Sibyrtios, reçoit l'ordre de les envoyer accomplir des missions périlleuses qui déciment cette unité d'élite. À l'issue de la bataille, Antigone reçoit l'allégeance de Hiéronymos de Cardia, le futur historien des diadoques[5].

Cette bataille, l'une des plus importantes des guerres des Diadoques, marque l'essor des « forces centrifuges » au détriment de la régence macédonienne dirigée alors par Polyperchon. Antigone ambitionne dès lors de devenir maître des satrapies d'Asie et de renforcer sa mainmise en Europe.

Postérité

Cette bataille, ainsi que celle de Paraitacène, illustrent la pérennité de la stratégie forgée par Alexandre le Grand : ordre oblique, diversion de la cavalerie, phalange faisant office d'« enclume » par sa capacité de résistance, cavalerie faisant office de « marteau » par une charge dans les intervalles. Elles montrent aussi l'importance (du moins en effectifs) des troupes légères et des éléphants de guerre qui deviendront le standard des armées hellénistiques[6].

Cette bataille révèle par ailleurs l'intelligence tactique d'Antigone, capable de profiter d'un nuage de poussière pour contourner les flancs de l'adversaire et foncer vers son campement. Elle témoigne enfin de l'aspect psychologique prépondérant dans tous conflits : Eumène est vaincu d'abord à cause de l’insubordination de ses généraux et de la crainte qu'ont les argyraspides de perdre leurs familles et leurs trésors.

Notes et références

  1. Diodore, XIX, 39, 6 ; 40-43. Diodore livre ici moins de précision sur les effectifs que pour la bataille de Paraitacène (XIX, 29-31).
  2. Plutarque, Vie d'Eumène, 16, 1-11.
  3. Diodore, XIX, 40,1-4 ; Plutarque, Eumène, 16, 3-4 ; Richard A. Billows, Antigonos the One-Eyed and the Creation of the Hellenistic State, University of California Press, p.101.
  4. Tarentins est un terme générique définissant des cavaliers légers spécialistes dans la guerre de harcèlement ; il ne proviennent donc pas forcément de Tarente.
  5. Diodore, XIX, 64, 3.
  6. R. Berg et M. Herman, Diadochoi, GMT Games, coll. « Great Battles of History », , p. 7-8 ; Richard A. Billows, Antigonos the One-Eyed and the creation of Hellenistic State, University of California Press, , 515 p. (ISBN 0-520-20880-3, présentation en ligne)

Annexes

Sources antiques

Bibliographie

  • (en) Richard A. Billows, Antigonos the One-Eyed and the creation of Hellenistic State, University of California Press, , 515 p. (ISBN 978-0-520-20880-3).
  • (en) A.M Devine, « Diodoru' account of the Battles of Paraitecene and Gabiene », Ancient World, no 12,‎ , p. 75-96
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