Ballade no 1 de Chopin
La Ballade no 1 en sol mineur, opus 23, est la première des quatre ballades de Chopin. Cette œuvre pour piano seul, composée en 1835 et publiée en 1836 par Frédéric Chopin, est un de ses chefs-d'œuvre les plus populaires, dédiée à « Monsieur le baron de Stockhausen (de) »[1] - [2].
Ballade n°1 de Chopin Opus 23 | |
Frédéric Chopin vers 1840. | |
Genre | Musique classique, musique romantique |
---|---|
Musique | Frédéric Chopin |
Sources littéraires | Adam Mickiewicz (présumé) |
Effectif | Piano seul |
Durée approximative | 9:39 |
Dates de composition | 1835 |
Dédicataire | Monsieur le baron de Stockhausen (de) |
Partition autographe | 1836 |
Fichier audio | |
Ballade n° 1 | |
Interprétée par Frank Lévy (en). Remerciements à Musopen. | |
Histoire
Frédéric Chopin compose cette balade à la fois joyeuse, lyrique, enflammée, romantique et nostalgique en 1835, à l'âge de 25 ans[3] - [4], au moment où il fuit sa Pologne natale, envahie par l'Empire russe du tsar Nicolas Ier, pour s'installer définitivement à Paris, où il devient rapidement un des plus importants pianistes virtuoses et compositeurs de musique classique de la période romantique du XIXe siècle. Cette œuvre remonte à des esquisses réalisées en 1831 lors de son séjour de huit mois à Vienne en Autriche[5] et s’inspire d’œuvres romantiques majeures telles que le célèbre lied-poème autrichien lyrique romantique Der Hirt auf dem Felsen (Le Pâtre sur le rocher) de 1828, de Franz Schubert. Il la dédie à « Monsieur le baron de Stockhausen (de) », harpiste, ambassadeur de Hanovre en France, et père de la pianiste-compositrice Elisabeth von Herzogenberg[6].
Éditée en 1836, elle est le premier morceau de musique instrumentale à porter le nom de ballade, dont Chopin fait un genre musical et instrumental à part entière[7] - [8]. Chopin cite lui-même l'œuvre du poète Adam Mickiewicz comme source d'inspiration pour ses ballades musicales (selon une rumeur basée sur une remarque de Robert Schumann concernant la création de la seconde ballade de Chopin). La réalité de cette inspiration n'est toutefois pas démontrée. En 1836, Robert Schumann écrit : « J'ai une nouvelle ballade de Chopin. Elle me semble être l'œuvre la plus proche de son génie (mais pas la plus brillante). Je lui ai même dit que c'était ma préférée de toutes ses œuvres. Après une longue pause de réflexion, il m'a dit avec insistance : « Je suis heureux, car moi aussi je l'aime le plus, c'est mon œuvre la plus chère » »[1] - [9]. Franz Liszt, de son côté, voit dans cette œuvre majeure une « odyssée de l’âme de Chopin ».
Analyse
L'œuvre commence par une introduction lente (largo), dans un aspect mystérieux dont l'effet est souligné par le motif de trois notes (espress.) jouée après un silence et associé à un accord dissonant. Certains éditeurs modifieront cet accord pour le rendre plus banal. Il permet l'introduction de la narration.
Si le tempo initial est calme, le premier thème exprimé contient les prémices d'une extrême agitation. Le tempo s'accélère ensuite en parallèle d'un tension de plus en plus présente due à l'obstination « passionnée » du motif en croches du premier thème. À la fin du premier thème, les quartes et les quintes à vide marquent le début du second thème en mi bémol majeur. Ce thème est une mélodie lyrique douce avec de rapides transformations harmoniques. L'accompagnement diffère des modèles classiques de l'époque : les notes isolées à la main gauche ne forment pas d'accords brisés, mais appartiennent à diverses fonctions qui ne sont pas pleinement réalisées. Très divers et très simples, ils accentuent la délicatesse de ce thème. La présence des arabesques issues du premier thème, à la fin de l'exposition, participent de cette intimité exprimé par le second thème.
Lorsque le premier thème revient, il est transformé, en la mineur, avec un ostinato sur la note mi, est beaucoup plus dissonant que la section précédente. Au lieu de la seconde phrase, le compositeur répète à différentes hauteurs un seul motif mélodique avec un unique accord d'accompagnement dissonant, augmentant l'intensité jusqu'à son climax au moment du second thème, qui est lui aussi transformé. Le second thème est en la majeur (rapport de triton entre les tonalités). La cantilène se transforme en un chant puissant qui éclate dans les accords joués. La mélodie, de plus en plus étendu par les progressions et nouveaux motifs devient extatique. Les modulations se succèdent, augmentant le rythme et la virtuosité de la pièce.
On retrouve une nouvelle fois le second thème, cette fois dans sa tonalité d'origine (mi bémol majeur), puis revient le premier thème, dans sa tonalité de sol mineur . La coda (presto con fuoco) est chargée en traits, motifs changeants et harmonies chargées. Sous l'avalanche des gammes montantes et descendantes, on entend vers la fin résonner par bribes comme un écho de l'introduction. La conclusion se fait par des octaves chromatiques avec leurs appoggiatures, en mouvements contraires depuis les deux extrémités du clavier.
Le morceau se développe autour de deux thèmes, l'un exposé dès la 7e mesure après l’introduction, le second apparaissant à la mesure 69. La signature rythmique est majoritairement en
bien que l'introduction et la coda soient respectivement en
et
.
L’œuvre demande une grande technique pianistique et une dextérité importante, comprenant de larges accords, des suites d'octaves, des passages très rapides et même une succession d'octaves chromatiques à la fin de la pièce. La structure est un mélange de la forme sonate et de la forme en variations.
Réception
Lorsque Frédéric Chopin joue cette pièce pour Robert Schumann en , Schumann en est très enthousiaste : selon lui, c'est son œuvre la plus remarquable. Chopin répond qu'il partage son avis et lui offre la partition[10].
Franz Liszt, de son côté, voit dans cette oeuvre majeur une « odyssée de l’âme de Chopin ».
Cette ballade inspire à George Sand l'œuvre poétique Les Exilés qui paraît dans la Gazette musicale le , précédée d'une lettre de l'autrice au compositeur.
Après la disparition de Chopin, le violoniste et musicien belge Eugène Ysaÿe (1858-1931) a réalisé son propre arrangement de la Ballade n° 1 pour violon et piano.
Postérité
Cinéma, musique de film
- 1944 : Hantise, de George Cukor, avec Ingrid Bergman, interprétée par Jakob Gimpel.
- 1991 : Impromptu, de James Lapine, avec Hugh Grant (histoires des amours de George Sand et Frédéric Chopin).
- 2002 : Le Pianiste, de Roman Polanski, interprétée par Janusz Olejniczak. Elle connaît un regain de popularité à la sortie du film.
- 2010 : L'Arnacœur, de Pascal Chaumeil, avec Romain Duris et Vanessa Paradis (L'Arnacœur (bande originale))
Culture populaire
Elle se retrouve également à nouveau sous les feux de la rampe par l'entremise du patinage artistique, entre 2015 et 2017, via les prestations, en programme court, du jeune prodige champion olympique Yuzuru Hanyu. En décembre 2021, la Ballade n° 1 de Hanyu a obtenu les cinq meilleures notes pour un programme court, tous systèmes d'évaluation confondus, et est le programme le plus réussi dans ce segment de compétition[11] - [12].
Elle est également utilisée dans le dernier épisode de l'animé Shigatsu wa kimi no uso[13].
Notes et références
- Norbert Müllemann, Chopin Ballades – Preface, Munich, G. Henle Verlag, , IX-XIII p. (lire en ligne)
- [vidéo] Ballade No. 1 de Chopin, par Yuja Wang sur YouTube
- « La Ballade n°1 de Chopin, un écho nostalgique de sa Pologne natale », sur www.radioclassique.fr (consulté en )
- « Ballade n° 1 en sol mineur, op. 23 », sur www.classicalconnect.com (consulté en )
- William Smaliek et Maja Trochimczyk, Fréderic Chopin: A Research and Information Guide, New York and London, Routledge, , 2nd éd., xxviii (ISBN 978-0-415-99884-0)
- Ateş Orga, Chopin, (ISBN 9780846704164), p. 64
- « Frédéric Chopin : les ballades », sur www.musicologie.org (consulté en )
- Zieliński, Tadeusz A. (trad. du polonais), Frédéric Chopin, Paris, Fayard, , 848 p. (ISBN 2-213-59352-3 et 978-2-213-59352-4, OCLC 611575810, lire en ligne)
- Mieczysław Tomaszewski, « Ballade in G minor, Op. 23 », sur Fryderyk Chopin Institute (consulté le )
- Olivier Bellamy, Dictionnaire amoureux de Chopin, Plon, (ISBN 978-2-259-24875-4), p. 41
- (ja) « 羽生結弦 – フィギュアスケート史に燦然と輝く栄光の軌跡 » [« Yuzuru Hanyu – The track of glory shining brightly in the history of figure skating »], Shueisha, Tokyo, (lire en ligne [archive du ])
- « Men's Historical Absolute Best Scores » [archive du ], sur isuresults.org, Lausanne, International Skating Union
- (en-US) « A List of Music Pieces from "Your Lie in April" », sur Talk Amongst Yourselves (consulté le )
Bibliographie
- (en) Jim Samson, Chopin : the Four Ballades, Cambridge University Press, (ISBN 9780511611650, DOI 10.1017/CBO9780511611650, lire en ligne)
- (en) William Rothstein, « Ambiguity in the Themes of Chopin's First, Second, and Fourth Ballades » Intégral, vol. 8 (1994), p. 1-50.
- (en) Karol Berger, « The Form of Chopin's 'Ballade,' Op. 23. » 19th-Century Music, vol. 20, no 1 (Summer 1996), p. 46-71.
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- information sur la Ballade no 1 et version enregistrée en public sur le site du Projet Chopin
- [vidéo] Ballade No. 1 de Chopin sur YouTube par Arthur Rubinstein (1960).
- [vidéo] Ballade No. 1 de Chopin sur YouTube par Yuja Wang (2006).