Atelier de peinture (Japon)
Au Japon, les ateliers de peinture (ç””æ, e-dokoro ou edokoro) ou bureaux de peinture font rĂ©fĂ©rence Ă des Ă©tablissements (dokoro, atelier ou bureau) prĂ©posĂ©s Ă la rĂ©alisation de peintures (e), essentiellement sur commande de lâaristocratie, de samouraĂŻs ou de temples et sanctuaires. Il en existait plusieurs de taille et dâimportance variĂ©es, bien que le plus connu et le plus durable ait Ă©tĂ© lâatelier de la cour impĂ©riale, actif du IXe siĂšcle (Ă©poque de Heian) Ă 1868 (fin de lâĂ©poque dâEdo).
Lâusage du terme edokoro reste assez large. Par extension, il est aussi utilisĂ© pour dĂ©signer le directeur dâun atelier de peinture, alternativement au terme usuel eshi (peintre) : il est par exemple possible de lire alternativement « Eshi Suge HĆgen » et « Edokoro Suge HĆgen », pour le « peintre Suge HĆgen »[1]. Dâailleurs, lâĂ©tude des ateliers de peinture et des peintres qui les ont dirigĂ©s avant le XIVe siĂšcle reste complexe[2].
Premiers ateliers de peinture
La peinture se dĂ©veloppe au Japon grĂące aux premiers Ă©changes avec la Chine et la CorĂ©e, ainsi que la production de peinture bouddhique. Les premiĂšres formes dâateliers de peinture apparaissent au VIIIe siĂšcle, par exemple lâedakumi-no-tsukasa (ç»ć·„ćž) de Nara (alors capitale du Japon) dĂ©pendant de la cour impĂ©riale et fermĂ© en 808[3] ou lâatelier de peinture dĂ©pendant du Bureau de construction du TĆdai-ji (é æ±ć€§ćŻșćž, ZĆ TĆdai-ji shi) actif de 746 Ă 789 et plus grand centre artistique de la capitale[4].
Atelier de la cour
L'atelier le plus connu est lâatelier de peinture de la cour impĂ©riale (ćźźć»·ç””æ, kyĆ«tei-edokoro), chargĂ© dâhonorer les commandes de lâaristocratie[5]. Il apparaĂźt durant le IXe siĂšcle (au plus tard en 886[6]) et reste actif jusquâen 1868, ce qui en fait le plus ancien et le plus durable du Japon[7] - [3] ; cet atelier est dirigĂ© par des peintres dâĂ©cole variĂ©e, notamment de lâĂ©cole Kose (fondĂ©e au XIIe siĂšcle, Ă l'Ă©poque de Heian) ou de lâĂ©cole Tosa qui en prend la direction de façon hĂ©rĂ©ditaire Ă partir du XVe siĂšcle jusquâĂ sa fin[8]. Ă partir de lâĂ©poque de Heian, lâatelier de la cour maintient essentiellement la tradition de la peinture yamato-e emprunte dâun goĂ»t trĂšs japonais, aux compositions stylisĂ©es et Ă la couleur riche et brillante[9].
Ă lâĂ©poque de Heian, lâatelier de la cour est un organisme liĂ© Ă la Chancellerie privĂ©e (è”äșșæ, KurĆdo-dokoro), et organisĂ© selon une hiĂ©rarchie stricte : en premier vint lâintendant (ć„ćœ, bettĆ) qui est un aristocrate de haut rang proche de lâempereur, puis viennent le directeur ou prĂ©posĂ© de lâatelier (é , azukari), des peintres expĂ©rimentĂ©s (ćąšç», sumigaki, littĂ©ralement « peintre prĂ©posĂ© Ă lâencre ») et des assistants, prĂ©posĂ©s par exemple Ă la peinture ou Ă la prĂ©paration des pigments[6] - [8] - [2]. Ă lâĂ©poque de Heian, lâazukari est un fonctionnaire, donc les maĂźtres peintres sont bien les sumigaki, mais cet Ă©tat de fait change par la suite et lâazukari devient Ă la fois le directeur et le maĂźtre peintre[10]. Ă lâĂ©poque de Muromachi, cet atelier se dĂ©tache quelque peu de la cour et dĂ©signe plutĂŽt un atelier qui gagne ponctuellement la faveur de lâaristocratie, avant que lâĂ©cole Tosa ne sâimpose[11].
Autres ateliers
Ă partir du XVe siĂšcle, les shoguns Ă©tablissent leur propre atelier de peinture, souvent nommĂ© bakufu-edokoro (ćčćșç””æ), qui est dirigĂ© par lâĂ©cole KanĆ Ă lâĂ©poque dâEdo[8]. DâaprĂšs une archive du KobikichĆ edokoro (une branche de lâĂ©cole KanĆ), le rĂŽle de lâatelier Ă©tait dâhonorer les commandes du shogunat, de restaurer les anciennes peintures et de former les jeunes peintres[3].
Outre ces grands ateliers existaient de nombreux Ă©tablissements affiliĂ©s Ă des temples bouddhiques ou sanctuaires shinto, par exemple ceux du TĆ-ji, du KĆfuku-ji, du Kasuga-taisha ou du Yasaka-jinja. Les aristocrates et les familles de daimyos pouvaient de mĂȘme patronner des ateliers de peinture[8]. Akiyama Terukazu note ainsi lâexistence dâun atelier de peinture des dames de compagnie (ć„łæżç””æ, nyĆbĆ edokoro) Ă lâĂ©poque de Heian[12].
Articles connexes
Références
- (en) Quitman Phillips, The Practices of Painting in Japan, 1475-1500, Stanford University Press, , 267 p. (ISBN 978-0-8047-3446-2, présentation en ligne), p. 52-53
- (en) Shinichi Miyajima, « The Genealogy of Edokoro-Azukari, The Head of the Court Paintersâ Studio », Bijutsushi : Journal of the Japan Art History Society, vol. 22, no 4,â , p. 87-104
- (en) Doshin Sato, Modern Japanese Art and the Meiji State : The Politics of Beauty, Getty Publications, , 365 p. (ISBN 978-1-60606-059-9, présentation en ligne), p. 201, 280
- (en) Samuel C. Morse, « Japanese Sculpture in Transition: An Eighth-Century Example from the TĆdai-ji Buddhist Sculpture Workshop », Art Institute of Chicago Museum Studies, vol. 13, no 1,â , p. 52-69 (lire en ligne)
- (en) Louis Frédéric, Japan Encyclopedia, Harvard University Press, , 1102 p. (ISBN 978-0-674-01753-5, présentation en ligne), p. 168
- Francine HĂ©rail, La Cour et lâAdministration du Japon Ă l'Ă©poque de Heian, Librairie Droz, , 798 p. (ISBN 978-2-600-01111-2, prĂ©sentation en ligne), p. 656, 197
- (en) Kodansha Encyclopedia of Japan : Const-F, vol. II, KĆdansha, , 378 p. (ISBN 978-0-87011-622-3), p. 171
- (en) « Edokoro », Japanese Architecture and Art Net Users System (JAANUS) (consulté le )
- (en) John M. Rosenfeld, « Japanese Studio Practice: The Tosa Family and the Imperial Painting Office in the Seventeenth Century », dans The Artistâs Workshop, vol. 48, National Gallery of Art, coll. « Studies in the History of Art », (ISBN 9780894681905), p. 79-93
- (en) Laura Warantz Allen, The Art of Persuasion : Narrative Structure, Imagery and Meaning in the SaigyĆ Monogatari Emaki, universitĂ© de Californie Ă Berkeley, , p. 217-218 (thĂšse dâhistoire de lâart)
- Quitman Phillips, op. cit., 2000, p. 28
- (en) Haruo Shirane, Envisioning The Tale of Genji : Media, Gender, and Cultural Production, Columbia University Press, , 400 p. (ISBN 978-0-231-14237-3, lire en ligne), p. 78