Article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme
L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme[1] (CEDH) proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » mais organise un régime de restrictions si celles-ci sont « prévues par la loi » et « nécessaires, dans une société démocratique ».
Cet article établit clairement une protection contre les immixtions illégales dans la vie privée des personnes[2].
La jurisprudence actuelle montre un élargissement de la notion de « vie privée et familiale » qui bénéficie principalement aux étrangers[3] mais aussi dans une certaine mesure aux personnes LGBTQIA+. En effet, si la Cour reconnait l’existence d'une vie familiale dans un couple homosexuel, elle n'impose pas aux États de réaliser une égalité de traitement avec les couples de sexe différent et notamment dans le domaine du mariage[4].
Texte de l'article
« Droit au respect de la vie privée et familiale
- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Origine
Cet article s'inspire principalement de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme rédigée en 1945 dans le cadre de l'Organisation des Nations unies[5] :
« Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
— Article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
Dans les travaux préparatoire de l'article 8 d'autres sources sont cités[5]. Ces textes proviennent du Mouvement européen.
Jurisprudence
- , Moustaquim c. Belgique. L'Ă©loignement d'un Ă©tranger peut constituer une violation de l'article 8[6].
- , Botella c. France. La requérante souhaitant changer son sexe sur son état civil s'appuie sur cet article 8. Elle estime que sa situation quotidienne et globale est incompatible avec le respect dû à la vie privée et que l'article 8 a été violé. Il y a ici une rupture entre l'intérêt général et l'intérêt individuel[7].
- , Odièvre c. France : l'accouchement sous X, tel que pratiqué en France depuis la loi du 2 janvier 2002 (instaurant un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, permettant, si la mère est d'accord, de lever le secret des origines) n'est pas contraire au droit à la vie privée, et équilibre les intérêts et les droits en présence (notamment le droit à la vie privée de l'enfant et celui de la mère, ainsi que le droit à la vie de cette dernière).
- Van Kuck c. Allemagne La chirurgie de réattribution sexuelle est un traitement nécessaire et le refus d'en payer les frais est une violation du droit à la détermination de soi du transsexuel qui constitue la violation de l'article 8.
- , Znamenskaya c. Russie de 2005 : condamnation de la Russie pour violation de la vie privée et familiale de la mère, en raison du refus de rendre à un enfant mort-né sa véritable filiation paternelle[8] (cf. acte d'enfant sans vie en droit français).
- , Liberty & autres contre Royaume-Uni, concernant l'interception de communications, par l'agence de renseignement GCHQ, Ă©mises depuis et vers la RĂ©publique d'Irlande[9].
- , Gillan et Quinton c. Royaume-Uni (no 4158/05): condamnation du Royaume-Uni pour violation de l'art. 8 et critique de l'art. 44 du Terrorism Act de 2000, comparable aux contrôles d'identité sur réquisition du procureur (mais avec moins de limites).
- , Konstantin Markin c. Russie : condamnation pour violation des art. 8 et 14 en raison d'un refus d'accorder un congé parental à un militaire, qui officiait en tant qu'opérateur radio.
- 7 septembre 2013, Vallianatos et autres c. Grèce : l'Etat qui, créant une union civile, refuse de l'ouvrir aux couples de même sexe commet une violation des articles 8 et 14 de la Convention[10].
- 31 janvier 2023, Y c. France : Le refus d'apposer la mention "sexe neutre" ou "intersexe" sur l'acte de naissance d'une personne intersexuée n'est pas une violation de son droit à la vie privée et familiale[11].
Liberty et autres c. Royaume-Uni
La Cour européenne des droits de l'homme a donné gain de cause, le 1er juillet 2008, aux ONG Liberty Human Rights, le British Irish Rights Watch et le Irish Council for Civil Liberties, qui avaient porté plainte contre le Royaume-Uni, en 2000, à la suite de l'interception illégale de communications terrestres par l'agence de renseignement GCHQ, de 1990 à 1998[12] - [13]. Le GCHQ interceptait toutes les communications terrestres (fax, emails, télex et communications informatiques) entrant et sortant de la République irlandaise via la tour de Capenhurst, située dans une centrale nucléaire et fonctionnant 24 heures sur 24[14]. Outre des informations sur le terrorisme, la tour de Capenhurst servait à l'espionnage économique ainsi qu'à l'interception des communications diplomatiques de l'Irlande et des communications personnelles de résidents irlandais notables, à l'aide de listes ciblées de numéros de téléphone ou de systèmes de reconnaissance vocale[14].
Les ONG affirmaient que l'article 8 de la Convention avait été violé, notamment du fait d'imprécisions dans la formulation de la loi de 1985 régulant les interceptions de communications (Interception of Communications Act 1985)[9].
Notes et références
- « Convention européenne des droits de l'homme » [PDF], telle qu'amendée par les Protocoles no 11 et 14, complétée par le Protocole additionnel et les Protocoles no 4, 6, 7, 12 et 13.
- voir par exemple : , Liberty & autres contre Royaume-Uni
- , Moustaquim c. Belgique. L'Ă©loignement d'un Ă©tranger peut constituer une violation de l'article 8
- 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche, no 30141/04, arrêt titré : « La Convention européenne des droits de l'homme n'oblige pas un État à ouvrir le droit au mariage à un couple homosexuel », lire en ligne
- Travaux préparatoire de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 août 1956, côté DH(56)12, lire en ligne.
- http://www.credho.org/cedh/session08/session08-06-01.htm Commentaire du CREDHO sur différents cas d’éloignements d’étrangers
- « Copie de l'arrêt mentionné »
- CEDH 2 juin 2005, Znamenskaya c. Russie, req. no 77785/01, RTD civ. 2005. 737, obs. J.-P. Marguénaud
- Jugement de la CEDH et Liberty wins a minor European Court of Human Rights judgment against the UK Government over telephone and electronic data interceptions, Spy blog, 1er juillet 2008
- Cour européenne des droits de l'homme, « Arrêt Valliantos et autres c. Grèce » , sur Cour européenne des droits de l'homme (consulté le )
- Cour européenne des droits de l'homme, « Y c/ France » , sur Cour européenne des droits de l'homme (consulté le )
- Richard Norton-Taylor, Government tapping of phone calls between UK and Ireland challenged, The Guardian, 31 mai 2000
- Owen Bowcott et Richard Norton-Taylor Security: UK phonetap laws breach privacy, The Guardian, 2 juillet 2008
- Duncan Campbell, Surveillance électronique planétaire, Éditions Allia, Paris, 2005, p. 45-48. Publication et traduction du Rapport IC 2000 (Interception Capabilities 2000) publié pour le Parlement européen par le Bureau d'Évaluation des Options Techniques et Scientifiques (STOA)
Voir aussi
Bibliographie
- Ursula Kilkelly, « Le droit au respect de la vie privée et familiale : un guide sur la mise en œuvre de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme », 73 p., Précis sur les droits de l’homme, no 1, Conseil de l'Europe, 2003, lire en ligne.