Article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés
L'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s est l'article de la Charte des droits de la Constitution du Canada qui fait la liste de ce que la Charte qualifie de « libertĂ©s fondamentales », qui en thĂ©orie appartiennent Ă toute personne se trouvant au Canada, peu importe qu'il s'agisse d'un citoyen ou non, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale. Ces libertĂ©s protĂšgent contre les actions de tous les niveaux de gouvernement et sont applicables par les tribunaux. Les libertĂ©s fondamentales sont la libertĂ© d'expression, la libertĂ© de conscience, la libertĂ© de religion, la libertĂ© de pensĂ©e, la libertĂ© de croyance, la libertĂ© de rĂ©union pacifique et la libertĂ© d'association. Elles sont garanties mais peuvent toutefois ĂȘtre soumises Ă des restrictions en vertu de l'article 1 de la Charte ; elles peuvent Ă©galement ĂȘtre invalidĂ©es temporairement par la disposition de dĂ©rogation de la Charte.
En tant que partie de la Charte et de la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 2 est entré en vigueur le . Toutefois, la plupart des droits énoncés remontent à la Déclaration canadienne des droits de 1960, quoique cette loi était d'une efficacité limitée, ainsi que de la théorie des droits sous-jacents. Plusieurs de ces libertés, comme la liberté d'expression, ont été au centre des désaccords sur le fédéralisme canadien.
Texte
« 2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
- a) liberté de conscience et de religion;
- b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
- c) liberté de réunion pacifique;
- d) liberté d'association. »
â Article 2 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s
Liberté de religion
La libertĂ© de religion est incluse plus tard dans la DĂ©claration canadienne des droits. Son efficacitĂ© est toutefois limitĂ©e. Lorsque les lois interdisant l'ouverture des commerces le dimanche, obligeant au respect du jour de culte chrĂ©tien, furent remises en cause dans R. c. Robertson and Rosetanni (1963), le juge Ritchie de la Cour suprĂȘme a jugĂ© que les non-chrĂ©tiens perdaient tout simplement leur argent lorsque le droit de travailler le dimanche leur Ă©tait niĂ©, et qu'ils Ă©taient autrement libres de croire et de pratiquer leurs propres religions.
La libertĂ© de religion sous la Charte fut examinĂ©e par la Cour suprĂȘme pour la premiĂšre fois de façon sĂ©rieuse dans l'affaire R. c. Big M Drug Mart (1985)[1]. Dans cet arrĂȘt, le juge en chef Brian Dickson Ă©crit que cette libertĂ© inclut au moins la libertĂ© d'expression religieuse, incluant « le droit de croire ce que l'on veut en matiĂšre religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empĂȘchement ou de reprĂ©sailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. »[2] La libertĂ© de religion interdit Ă©galement l'imposition d'exigences religieuses. La consĂ©quence immĂ©diate de l'article 2, dans ce cas, fut l'abolition des lois fĂ©dĂ©rales interdisant l'ouverture des commerces le dimanche.
Liberté de conscience
En plus de la libertĂ© de religion, l'article 2(a) garantit la libertĂ© de conscience. Le professeur Peter Hogg croit que ceci inclut le droit Ă l'athĂ©isme, malgrĂ© le prĂ©ambule de la Charte qui reconnaĂźt la « suprĂ©matie de Dieu. »[3] Ce droit n'a pas engendrĂ© beaucoup de jurisprudence, bien que la juge Bertha Wilson y ait fait allusion dans son jugement dans R. c. Morgentaler (1988)[4]. Jugeant que l'interdiction de l'avortement violait le droit Ă la libertĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© de la personne Ă l'article 7 de la Charte, Wilson affirme ensuite que cette violation ne pouvait ĂȘtre justifiĂ©e en vertu du principe de la justice fondamentale. Les protections juridiques garanties par la justice fondamentale pouvaient ĂȘtre dĂ©finies comme incluant d'autres droits garantis par la Charte, et l'interdiction de l'avortement en particulier violait la libertĂ© de conscience. Selon la juge, « la dĂ©cision d'interrompre ou non une grossesse est essentiellement une dĂ©cision morale, une question de conscience. »[5] Elle a ensuite Ă©crit que « ce que l'on croit en conscience, sans motivation religieuse, est Ă©galement protĂ©gĂ© par la libertĂ© de conscience garantie Ă l'al. 2a) »[6] Aucun des autres juges n'a signĂ© l'avis de Wilson.
Jean ChrĂ©tien, qui Ă©tait procureur gĂ©nĂ©ral lors des nĂ©gociations ayant menĂ© Ă l'Ă©laboration de la Charte, a par la suite rappelĂ© dans ses mĂ©moires que la libertĂ© de conscience a failli ĂȘtre exclue de la Charte. Les nĂ©gociateurs fĂ©dĂ©raux et provinciaux trouvaient cette libertĂ© trop difficile Ă dĂ©finir, et ChrĂ©tien a finalement acceptĂ© de l'enlever. Un conseilleur juridique du gouvernement fĂ©dĂ©ral, Pierre Genest, a alors donnĂ© un coup de pied Ă la chaise de ChrĂ©tien, poussant ce dernier Ă dire Ă la blague : « On dirait qu'on va le laisser. L'espion de Trudeau vient de me botter le cul. »[7]
Liberté d'expression
La libertĂ© d'expression (alinĂ©a 2(b)) est peut-ĂȘtre l'un des droits de la Charte qui a le plus influencĂ© la sociĂ©tĂ© canadienne. Le juge Peter Cory a un jour Ă©crit qu'« il est difficile d'imaginer un droit plus important dans une dĂ©mocratie. »[8] Ce droit a Ă©tĂ© au centre d'un trĂšs grand nombre de dĂ©cisions.
Liberté de réunion pacifique
La libertĂ© de rĂ©union pacifique garantie Ă l'alinĂ©a 2(c) n'a pas eu d'impact important dans la jurisprudence. Dans le Renvoi relatif Ă la Public Service Employee Relations Act (1987)[9], la Cour suprĂȘme a jugĂ© que malgrĂ© son inclusion en tant que libertĂ© distincte, elle est liĂ©e de prĂšs Ă la libertĂ© d'expression. La Cour suprĂȘme de la Nouvelle-Ăcosse l'a dĂ©finie dans Fraser et al. v. A.G.N.S. et al (1986) comme incluant le droit de se rĂ©unir en tant que comitĂ© ou ouvriers. S'il y a des frais d'appartenance pour assister Ă une rĂ©union, une interdiction de dĂ©penser des fonds pour l'appartenance Ă un groupe serait une violation du droit de rĂ©union pacifique.
Liberté d'association
La libertĂ© d'association est garantie en vertu de l'alinĂ©a 2(d). Ce droit accorde aux individus le droit de fonder et de maintenir toute sorte d'organisation, ainsi que le droit d'y appartenir. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, ce droit est utilisĂ© dans le contexte des relations ouvriĂšres oĂč des travailleurs ont le droit de s'associer Ă un syndicat ou un autre groupe semblable pour reprĂ©senter leurs intĂ©rĂȘts lors des diffĂ©rends ou des nĂ©gociations avec leurs employeurs.
Source
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Section Two of the Canadian Charter of Rights and Freedoms » (voir la liste des auteurs).
Notes et références
- R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295
- Ibid, par. 94.
- Hogg, Peter W. Canada Act 1982 Annotated. Toronto, Canada: The Carswell Company Limited, 1982.
- R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30
- Ibid, par. 247.
- Ibid, par. 249.
- Chrétien, Jean. Straight from the Heart. (Key Porter Books Limited, 1994), p. 173. "I guess we leave it in. Trudeau's spy just kicked me in the ass."
- Edmonton journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326
- Renvoi relatif Ă la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313
Article connexe
Liens externes
Recueil de dĂ©cisions relatives Ă la Charte â CanLII :