Arslantepe
Arslantepe (« la colline du lion ») est un site archéologique situé dans les faubourgs de l'actuelle Malatya, dans le sud-est de la Turquie, située sur la rivière Tohma, un affluent de l'Euphrate supérieur. À l'âge du fer (première moitié du Ier millénaire av. J.-C.), il s'agit du centre de l'ancien emplacement de cette même ville, alors nommée Milid (écrit aussi Melid ; hittite : Malidiya[1]ou peut-être Midduwa[2] ; akkadien : Meliddu[3] ; urartéen : Melitea ; latin : Melitene).
Arslantepe Milid | |||
Milid/Arslantepe | |||
Localisation | |||
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Pays | Turquie | ||
Province | Malatya | ||
Type | Site urbain | ||
Protection | Patrimoine mondial (2021) | ||
Coordonnées | 38° 22′ 55″ nord, 38° 21′ 40″ est | ||
GĂ©olocalisation sur la carte : Turquie
GĂ©olocalisation sur la carte : province de Malatya
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Le site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO le [4].
Fouilles
Le site est connu depuis la fin du XIXe siècle. En 1895, David Hogarth publie un bas-relief d'une chasse au lion provenant « d'Arslan Tepe » et qui avait été découvert en mai 1894 par un habitant du village avoisinant alors qu'il cherchait des pierres de construction[5]. Trois photographies de bas-reliefs découverts à Malatya, reçues par R. P. Ronzevalle, professeur à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, sont transmises à l'Académie des Inscriptions en 1907[6] et seront publiées en 1909[7]. De 1930 à 1939, il est fouillé par une équipe française dirigée par Louis Joseph Delaporte, qui dégage principalement les niveaux néo-hittites[8] - [9] - [10]. Après la Seconde Guerre mondiale, les fouilles reprennent sous la direction de Claude Schaeffer, de 1947 à 1951. Dix ans après le départ des Français, des archéologues italiens dirigés par Piero Meriggi et S. Puglisi investissent le site, et finissent par se concentrer sur les niveaux du IVe millénaire av. J.-C., qui livrent des découvertes inattendues. Le site est toujours en cours de fouilles, sous la direction de Marcella Frangipane[11].
Histoire
Les niveaux du IVe millénaire av. J.-C.
Arslantepe est occupé depuis le VIe millénaire av. J.-C. On ne connaît cependant bien le site qu'à partir du début du IVe millénaire av. J.-C., quand il connaît un grand développement, dans l'orbite de la civilisation d'Uruk. Pour la première période, qui va de 3900 à 3500, un grand bâtiment, appelé Temple C, a été dégagé. Il s'agit d'un édifice construit sur une plate-forme, qui a sans doute une fonction cérémonielle. Arslantepe est déjà un centre politique et/ou religieux important. À la période suivante, qui s'étend de 3500 à 3000, le Temple C est abandonné. Une grande zone publique est édifiée sur ses ruines, concentrant les pouvoirs politique, religieux, militaire et économique. Il s'agit d'un des plus anciens exemples de « palais » attesté au Proche-Orient, abritant une administration hiérarchisée. Arslantepe n'est cependant pas un site urbain, puisqu'on n'y trouve pas de grande zone résidentielle. Parmi le matériel archéologique retrouvé pour cette période, on a retrouvé de nombreux objets métalliques, dont les plus anciens modèles d'épées connus, et de nombreux sceaux. Ces épées de l'âge du bronze ont été trouvées sur le site de Milid par Marcella Frangipane de l'Université de Rome et elles pourraient être les plus anciennes épées connues[12] - [13] - [14]. Dans les années 1980, les archéologues ont découvert dans une cache neuf épées et dagues. Elles sont faites d'un alliage de cuivre et d'arsenic. Trois d'entre elles sont magnifiquement incrustées d'argent. Ils ont aussi trouvé douze têtes de lance. Ces objets appartiennent à la couche appelée localement Phase VI A ; celle-ci se termine par la destruction et l'incendie de la ville.
Vers l'an 3000 avant notre ère, on trouve des traces d'incendies et destructions, après lesquels on observe des restes de la culture kouro-araxe, une civilisation pastorale venue des monts du Caucase qui pourrait être d'origine hourrite. La tombe d'un grand personnage est construite sur les ruines. Cette riche tombe, nommée par les archéologue tombe du « Signo Arslantepe », a fourni des fragments d'armes ainsi que les restes d'un homme âgé d'une quarantaine d'années qui ont été datés au radio-carbone d'environ 3081-2897 avant notre ère (avec une probabilité de 95 %)[15]. Elle présente un matériel archéologique du type culture kouro-araxe (venant de Transcaucasie), et de ce fait elle est peut-être la tombe d'un chef étranger qui aurait pris Arslantepe à cette époque.
Ă‚ge du bronze
À l'Âge du Bronze, la cité devient le centre administratif d'une vaste région du royaume d'Isuwa. Elle est fortifiée, probablement contre la menace des Hittites à l'ouest. Vers 2800 av. J.-C., une citadelle est bâtie sur l'acropole d'Arslantepe, et domine un village situé en contrebas. Environ un siècle plus tard, l'habitat a diminué dans la région de Malatya, qui se replie sur elle-même, les témoignages de rapports avec la Syrie et la Mésopotamie se raréfiant alors. Dans la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C., Arslantepe redevient un centre politique important. Au début du IIe millénaire av. J.-C., Arslantepe présente des traits culturels proches de ceux du site contemporain mieux connu de Kanesh (Kültepe). Au XIVe siècle av. J.-C., les Hittites conquièrent la ville. Elle constitue le camp de base du roi Suppiluliuma ier lorsque, dans la cinquième de son règne, il attaque le Mitanni et met à sac sa capitale Wasukanni. Quelques bâtiments de cette période ont été fouillés.
Période néo-hittite
Le royaume hittite s'effondre vers le début du XIIe siècle av. J.-C., et éclate en un ensemble de principautés, parmi lesquelles se trouve celle de Milid, qui devient le centre de l'État néo-hittite louvite de Kammanu (en) et dont le centre politique se trouve sur le tell d'Arslantepe. Un grand palais, bâti vers le IXe siècle av. J.-C., a été fouillé par les archéologues français. Sa porte principale est gardée par des statues de lions monumentaux, qui ont donné le nom actuel du site. Le palais est décoré avec des bas-reliefs représentant un roi local, Sulumeli, accompagné de son épouse, la reine Tuwasta, se présentant avec une série de dieux, dirigée par Tarhun, le dieu de l'Orage.
Du point de vue historique, Milid apparaît plusieurs fois dans les inscriptions des rois d'Assyrie dès le IXe – VIIIe siècle av. J.-C. Elle prend part à des coalitions contre ce royaume, fomentées par les rois d'Urartu. Quand Sargon II défait celui-ci en 714 av. J.-C., il le coupe de tous ses contacts en Anatolie du sud-est, et a donc les mains libres pour s'emparer des royaumes néo-hittites. Milid est prise en 712 av. J.-C., et incorporée dans l'Empire assyrien.
Notes et références
- (en) Erich Ebeling, Bruno Meissner et Dietz Otto Edzard, Reallexikon der Assyriologie und vorderasiatischen Archäologie : Meek - Mythologie, , 589 p. (ISBN 978-3-11-014809-1, lire en ligne), p. 35.
- Jaan Puhvel, Trends in Linguistics' : Hittite tymological Dictionary ; Vol. 6: Words Beginning with M., Walter de Gruyter, 2004.
- John D. Hawkins, Corpus of Hieroglyphic Luwian Inscriptions. Vol. 1 : Inscriptions of the Iron Age., Walter de Gruyter, 2000.
- « Quatre sites naturels et trois sites culturels ajoutés à la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO », sur UNESCO, (consulté le )
- Hogarth 1895.
- Pottier 1907.
- Ronzevalle 1909.
- Louis Delaporte, Malatya. La Ville et le Pays de Malatya, Review Hittites et Asian, vol. 2, no 12, pp. 119-254, 1933
- Louis Delaporte, Malatya - CĂ©ramique du Hittite Recent, Review Hittites et Asian, vol. 2, no 15, pp. 257-285, 1934
- Louis Delaporte, La Troisième Campagne de Fouille à Malatya, Review Hittites et Asian, vol. 5, no 34, pp. 43-56, 1939
- Historical Dictionary of the Hittites, pp. 185-186
- Oldest Swords Found in Turkey
- Frangipane, M. et.al. 2010 : The collapse of the 4th millennium centralised system at Arslantepe and the far-reaching changes in 3rd millennium societies. ORIGINI XXXIV, 2012: 237-260.
- Frangipane, "The 2002 Exploration Campaign at Arslantepe/Malatya" (2004)
- The Sword, chapter I : Birth of the Swordsman
Bibliographie
Fouilles anciennes
- David Hogarth, « Note on pre-hellenic finds », Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes, vol. 17,‎ , p. 25-26 (DOI 10.11588/diglit.12253.7)
- Edmond Pottier, « Monuments syriens découverts par le R. P. Ronzenvalle découverts près de Damas et d'Alep », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 51, no 5,‎ , p. 232-232 (ISSN 0065-0536, DOI 10.3406/crai.1907.72069)
- Sébastien Ronzevalle, « Notes et études d'archéologie orientale. VI. Monuments d'Arslân-tépé », Mélanges de l'Université Saint-Joseph,‎ , p. 796-801 (lire en ligne)
- L. Delaporte, Arslantepe, I. La colline des lions, Paris, 1940
Fouilles et études récentes
- (it) Marcella Frangipane (dir.), Alle origini del potere : Arslantepe, la collina dei leoni, Milan, 2004
- (en) Marcella Frangipane, « Arslantepe-Malatya: A Prehistoric and Early Historic Center in Eastern Anatolia », dans Sharon R. Steadman et Gregory McMahon (dir.), Handbook of ancient Anatolia (10,000–323 B.C.E.), Oxford, Oxford University Press, , p. 968-992
- (en) Mario Liverani, « Melid in the Early and Middle Iron Age: Archaeology and History », dans Gershon Galil, Ayelet Gilboa, Aren M. Maeir et Dan’el Kahn (dir.), The Ancient Near East in the 12th–10th Centuries BCE: Culture and History. Proceedings of the International Conference held at the University of Haifa, 2–5 May, 2010, Münster, Ugarit-Verlag, , p. 327-344
- Marcella Frangipane et Federico Manuelli, « Arslantepe. Dernières découvertes dans une cité néo-hittite », Dossiers d'Archéologie HS, no 36 « Royaumes oubliés : de l'empire hittite aux Araméens »,‎ , p. 40-43
Voir aussi
Liens externes
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