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ArrĂȘt Nicolo

L'arrĂȘt Nicolo est une dĂ©cision du Conseil d'État datant de 1989[1], qui reconnaĂźt pleinement la supĂ©rioritĂ© du droit international sur le droit national[2]. En outre, le Conseil d'État se dĂ©clare compĂ©tent pour contrĂŽler la compatibilitĂ© entre les traitĂ©s internationaux et les lois françaises mĂȘme postĂ©rieures.

ArrĂȘt Nicolo, jurisprudence administrative
Titre Raoul Georges Nicolo contre commissaire du gouvernement
Code N° 108243
Pays Drapeau de la France France
Tribunal Conseil d’État
Date
DĂ©tails juridiques
Branche Droit public
Importance Un des grands arrĂȘts du Conseil d'État, remise en cause de la thĂ©orie de la loi-Ă©cran en droit international
ProblĂšme de droit CompatibilitĂ© d’une loi avec les stipulations d’un traitĂ©, lorsque la loi est postĂ©rieure Ă  l’acte international en cause
Solution Supériorité des traités sur les lois
Voir aussi
Mot clef et texte ContrÎle de conventionnalité

Les faits

Raoul Georges Nicolo (1923-1993), un ingĂ©nieur français, dĂ©pose un recours contre les rĂ©sultats des Ă©lections europĂ©ennes du 18 juin 1989, en faisant valoir que les rĂ©sidents des DOM-TOM y ont participĂ©, alors que ceux-ci ne font manifestement pas partie du continent europĂ©en. Le Conseil d'État estime cependant que la loi organisant les Ă©lections (loi du 7 juillet 1977) est conforme au traitĂ© de Rome (du 25 mars 1957), et rejette la requĂȘte de M. Nicolo.

Le problĂšme de droit

AntĂ©rieurement Ă  l'arrĂȘt Nicolo, le Conseil d'État estimait ne pas avoir la possibilitĂ© d'Ă©carter une loi postĂ©rieure Ă  un traitĂ© international et contraire Ă  celui-ci : dans ce cas, le Conseil d'État faisait prĂ©valoir la loi sur le traitĂ© comme dans la Jurisprudence des semoules (CE, Sect., , ArrĂȘt Syndicat gĂ©nĂ©ral des fabricants de semoules de France)[3].

Le Conseil d'État s'abstenait ainsi de tirer les conclusions de l'article 55 de la Constitution aux termes duquel : « Les traitĂ©s ou accords rĂ©guliĂšrement ratifiĂ©s ou approuvĂ©s ont, dĂšs leur publication, une autoritĂ© supĂ©rieure Ă  celle des lois, sous rĂ©serve, pour chaque accord ou traitĂ©, de son application par l'autre partie. » Le Conseil d'État ne s'estimait pas habilitĂ©, comme juridiction administrative, Ă  Ă©carter l'application d'une loi, mĂȘme contraire Ă  un traitĂ©, au nom de plusieurs considĂ©rations :

  • le principe de sĂ©paration des autoritĂ©s judiciaire et administrative, dont dĂ©coule notamment l'interdiction faite aux juges par la loi des 16 et 24 aoĂ»t 1790 sur l'organisation judiciaire de « suspendre l'application des lois » ;
  • le fait que, sous l'empire de la Constitution de 1958, le contrĂŽle de la constitutionnalitĂ© des lois a Ă©tĂ© dĂ©volu Ă  un organe spĂ©cial, le Conseil constitutionnel, qui n'agit lui-mĂȘme que dans des conditions strictement dĂ©finies ;
  • enfin, comme le rappelle le commissaire du gouvernement dans ses conclusions, « une philosophie jurisprudentielle [
] selon laquelle le contrĂŽle que vous exercez sur l'action de l'administration pourra s'avĂ©rer d'autant plus efficace que vous parviendrez, parallĂšlement, Ă  Ă©viter tout conflit avec le lĂ©gislateur ».

Les donnĂ©es de la question avaient toutefois Ă©tĂ© profondĂ©ment modifiĂ©es par la dĂ©cision du Conseil constitutionnel du relative Ă  l'interruption volontaire de grossesse : dans cette dĂ©cision, la juridiction constitutionnelle a jugĂ© qu'« une loi contraire Ă  un traitĂ© ne serait pas, pour autant, contraire Ă  la Constitution », au motif que la supĂ©rioritĂ© Ă©tablie par l'article 55 n'a qu'un caractĂšre contingent puisqu'elle est subordonnĂ©e Ă  une condition d'application rĂ©ciproque du traitĂ© par les parties. DĂšs lors, le Conseil constitutionnel se refusant Ă  contrĂŽler lui-mĂȘme l'application de l'article 55 de la Constitution, il en rĂ©sultait nĂ©cessairement que cet article devait ĂȘtre appliquĂ© par les tribunaux ordinaires. L'article 55 de la Constitution devait ainsi, Ă  la lumiĂšre de la dĂ©cision du 15 janvier 1975, ĂȘtre analysĂ© comme renfermant une dĂ©lĂ©gation de pouvoir au profit des juges pour Ă©carter les lois contraires Ă  des engagements internationaux de la France.

La Cour de cassation avait aussitĂŽt fait sienne cette solution dans un arrĂȘt de chambre mixte du SociĂ©tĂ© des cafĂ©s Jacques Vabre. Le Conseil constitutionnel (en tant que juge des Ă©lections lĂ©gislatives, prĂ©sidentielles et des opĂ©rations rĂ©fĂ©rendaires) a fait de mĂȘme avec la dĂ©cision n° 88-1082/1117 du 21 octobre 1988 « Élections lĂ©gislatives dans la 5e circonscription du Val d'Oise ». Avec l'arrĂȘt Nicolo, le Conseil d'État s'est ralliĂ© Ă  cette formule.

Les conséquences de ce ralliement ont été considérables : elles ont permis l'introduction pleine et entiÚre dans le droit français du droit communautaire et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette derniÚre a notamment révolutionné la procédure devant les juridictions administratives (avec le droit au procÚs équitable consacré par l'article 6, qui a notamment conduit à généraliser le principe de publicité de l'audience devant les ordres professionnels) ou encore le droit des étrangers (avec le droit de mener une vie familiale normale, issu de l'article 8).

Références

  1. arrĂȘt d'AssemblĂ©e du 20 octobre 1989
  2. Leb. p. 190, conclusions du commissaire du gouvernement.
  3. Leb. p. 149.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Analyse de l'arrĂȘt sur le site du Conseil d'État.
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