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Anita Malfatti

Anita Catarina Malfatti (née le - morte le ) est une artiste brésilienne pionnière de l'introduction des formes européennes et américaines du modernisme au Brésil. Son exposition solo à São Paulo en 1917–1918 à l'époque controversée, son style expressionniste et le choix de ses sujets étant révolutionnaires par rapport aux habitudes artistiques relativement désuètes des Brésiliens qui, bien qu'ils fussent à la recherche d'une identité artistique nationale, n'étaient pas préparés aux influences que Malfatti introduisit dans le pays. Malfatti fut également très remarquée lors de sa participation à la Semana de Arte Moderna (Semaine d'art moderne) de 1922 où, au sein du Groupe des Cinq, elle participa à une modification radicale de la structure et de la réaction envers l'art moderne au Brésil.

Anita Malfatti
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  74 ans)
SĂŁo Paulo
Nationalité
Formation
Mackenzie Presbyterian University (en)
Activités
Autres informations
Mouvement
Influencée par

Contexte historique

L'histoire culturelle qui imprègne le Brésil est indispensable pour comprendre l'évolution des théories sur les finalités de l'art, ainsi que le rôle-clé que jouèrent les artistes modernistes. Il n'y avait à l'époque que peu d'institutions artistiques au Brésil, et le pays manquait d'un enseignement théorique des techniques artistiques qui étaient institutionnalisé dans d'autres pays, comme en France avec l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture.

Les années 1920 virent émerger au Brésil le désir d'une vision artistique plus précise et plus formelle, qui se concrétisa essentiellement dans les cercles artistiques de São Paulo. Cependant, en parallèle de ce désir d'innovation existait également une forte volonté de représenter fidèlement les réalités de la vie et de la culture brésiliennes.

Formation

Malfatti commence ses études à la Universidade Presbiteriana Mackenzie de São Paulo, mais le monde de l'art brésilien, étroit à l'époque, ne satisfait pas son esprit curieux, et elle part pour Berlin, en Allemagne, en 1912. À l'époque, c'est encore l'Europe qui donne le ton en termes de tendances artistiques. Elle y étudie l'expressionnisme allemand et apprend aux côtés d'artistes tels que Fritz Burger-Muhlfeld (1867–1927), Lovis Corinth (1858–1925) et Ernst Bischoff-Culm. Son art est fortement influencé par une exposition qui se déroula à Cologne de mai à , et où le cubisme vola la vedette aux peintres post-impressionnistes. Malfatti y rencontre Homer Boss et part étudier avec lui à New York en 1915.

Elle étudiera également sous la direction de George Bridgman et Dimitri Romanoffsky, mais c'est son expérience avec Boss à la Independent School of Art de New York qui influença le plus ostensiblement son travail. Le style de Malfatti est en effet fortement marqué par le travail que Homer Boss faisait sur l'anatomie humaine, dont il préconisait l'étude exhaustive, insistant sur l'idée de compréhension du corps musculaire. Malfatti s'appuie alors sur ce travail pour affiner sa propre technique. New York est à l'époque un cœur battant du cubisme, et Malfatti une étudiante exceptionnelle au sein de l'Independent School of Art. S'étant ainsi familiarisée avec le style européen, elle acquiert une vision globale du monde artistique, qu'elle rapportera avec elle à São Paulo pour la partager avec d'autres artistes.

La vision européenne du modernisme préconise un traitement subjectif du sujet, ainsi qu'une attitude de rejet envers les mouvements artistiques antérieurs tels que le réalisme ou le romantisme.

Une œuvre controversée

Une exposition solo des Ĺ“uvres de Malfatti, intitulĂ©e « Exposição de Pintura Moderna Â» (Exposition de peinture moderne), eut lieu Ă  SĂŁo Paulo, au BrĂ©sil, entre le et le . Bien que Malfatti ait pris soin d'exclure par avance les Ĺ“uvres qui auraient pu choquer – elle choisit par exemple de ne pas y exposer ses nus – son travail fut malgrĂ© tout fortement critiquĂ©. Tandis qu'Ă  New York, elle Ă©tait publiquement reconnue comme une artiste d'avant-garde, au BrĂ©sil, son Ĺ“uvre ne fut pas accueillie comme une contribution positive dans la recherche d'une identitĂ© artistique nationale. Entre autres, le fait que l'exposition soit entièrement consacrĂ©e Ă  l’œuvre d'une seule personne dĂ©plut. Au lieu d'apparaĂ®tre comme un mouvement d'artistes souhaitant amener l'art brĂ©silien Ă  prendre place dans le contexte global des innovations modernistes telles que le post-impressionnisme ou le cubisme, Malfatti fut perçue comme un individu isolĂ© qui perturbait les habitudes prudentes et plutĂ´t conservatrices des BrĂ©siliens, qui ne souhaitaient que voir se poursuivre le romantisme fin-de-siècle qui dominait Ă  l'Ă©poque. Ainsi que l'analyse Batista, Anita Malfatti pensa certainement quelque chose comme « Je ne suis pas la seule personne Ă  peindre dans ce style qui vous est Ă©tranger ; ailleurs dans le monde, c'est le style nouveau et actuel que beaucoup d'autres artistes expĂ©rimentent. Â» Quoi qu'il en soit, et malgrĂ© le fait que Malfatti fĂ»t une artiste en phase avec le style et le courant de pensĂ©e global, elle n'Ă©tait perçue au BrĂ©sil que comme une artiste Ă©trangère, sans lien avec la culture brĂ©silienne. Ainsi, l'internationalisme de Malfatti n'avait fait que l'Ă©loigner des attentes des BrĂ©siliens envers l'art.

L'art de Malfatti n'Ă©tait en aucun cas romantique. « Ses innovations formelles, qui comprenaient des distorsions planaires cubistes, une palette vibrante fortement colorĂ©e ainsi qu'un dessin percutant, Ă©taient jugĂ©es inintelligibles Â». Cependant, les Ĺ“uvres de Malfatti reçurent les Ă©loges de critiques comme Oswald de Andrade, qui connaissait le manifeste futuriste de Marinetti et qui voyait dans son Ĺ“uvre une vĂ©ritable libertĂ© de sujet et de style. L'une des spĂ©cificitĂ©s majeures du modernisme brĂ©silien est la proximitĂ© de l'avant-garde littĂ©raire avec la peinture et la sculpture. Dans son livre Latin American Art of the 20th Century (L'Art latino-amĂ©ricain du XXe siècle), Edward Lucie-Smith dĂ©fend l'idĂ©e que cette proximitĂ© empĂŞcha les Ĺ“uvres d'ĂŞtre crĂ©Ă©es en douceur, progressivement, et qu'elle pourvut par ailleurs les artistes de responsabilitĂ©s culturelles, sociales et politiques dont ils auraient pu ĂŞtre libres. Par exemple, le Pau-Brazil Poetry Manifesto d'Oswald de Andrade prĂ´ne un :

« Travail de Synthèse Équilibre AchevĂ© Invention Surprise Une nouvelle perspective Une nouvelle Ă©chelle Tout effort naturel dans cette direction sera positif. Â»

Les mouvements littéraires accélérèrent l'explosion artistique de ce qui allait devenir le modernisme brésilien, et la synthèse effectuée par Andrade avec Malfatti et d'autres peintres comme Tarsila do Amaral, ainsi que le reste du Groupe des Cinq, joua un rôle crucial dans le renouvellement de la vision brésilienne de l'art et de la culture, auparavant plus conservatrice.

Par ailleurs, une autre des raisons de l'accueil froid qui fut rĂ©servĂ© Ă  l'exposition de Malfatti est le fait qu'elle est une femme. Ses Ĺ“uvres Ă©taient perçues comme dĂ©placĂ©es par rapport Ă  la biensĂ©ance fĂ©minine de l'Ă©poque. Elle fut accusĂ©e par le critique Monteiro Lobato de ne pas ĂŞtre dotĂ©e d'un authentique tempĂ©rament brĂ©silien. Lucie-Smith, parmi d'autres historiens de l'art, estime que cet accueil nĂ©gatif empĂŞcha son style d'Ă©voluer au-delĂ  de celui des Ĺ“uvres de son exposition de 1917. « Ses derniers tableaux sont un pas en arrière, naĂŻfs et joyeusement folkloriques Â».

La Semaine d'Art Moderne, qui se dĂ©roula Ă  SĂŁo Paulo au BrĂ©sil, fut crĂ©Ă©e en rĂ©fĂ©rence Ă  des Ă©vĂ©nements similaires organisĂ©s en Europe, comme Ă  Deauville en France, qui avaient pour but de promouvoir le futurisme et la pensĂ©e progressiste. La Semaine ne fut pas uniquement une exposition de peinture, mais incluait Ă©galement des confĂ©rences, des expositions d'architecture, de musique et des lectures de poĂ©sie. La Semaine d'Art Moderne choisit de ne pas mettre en valeur la formation acadĂ©mique. De fait, une variĂ©tĂ© de styles artistiques y Ă©taient exposĂ©s, ce qui est par ailleurs un signe rĂ©vĂ©lateur de l'absence d'organisation structurĂ©e de l'Ă©vĂ©nement. « Des orientations diverses furent choisies : depuis le post-impressionnisme jusqu'au cubisme mal digĂ©rĂ© Â». Bien que le cubisme et l'art dĂ©co devinrent plus tard des styles majeurs du mouvement moderniste, ce sont les premières Ĺ“uvres de Malfatti qui eurent le plus d'impact sur le BrĂ©sil.

Malfatti était membre du cercle d'artistes modernistes appelé le Groupe des Cinq, qui comptait parmi ses membres Tarsila do Amaral (1886–1973), Mário de Andrade (1893–1945), Oswald de Andrade (1890–1954) et Menotti Del Picchia (1892–1988). Cependant Mafatti se distingua davantage en tant qu'instigatrice du modernisme que comme membre actif du mouvement, comme ce fut le cas par exemple de la peintre Tarsila do Amaral. Pendant la Semaine d'Art Moderne, Anita Malfatti et Oswald de Andrade organisèrent des ateliers pour enfants dans l'espoir que la stimulation de leur intérêt pour la spontanéité et la créativité artistiques aiderait à prolonger le mouvement moderniste.

Le parcours de Malfatti est singulier en cela qu'elle fut une peintre brésilienne révolutionnaire. Ses origines sociales aisées lui permirent de voyager et ainsi d'être exposée à des influences artistiques globales, qu'elle rapporta dans son Brésil natal. Guidée par sa recherche d'une identité artistique propre, ainsi que par les influences des mouvements modernistes européen et américain, son œuvre reflète avec acuité les idéaux de progrès du XXe siècle. Bien que son œuvre n'ait jamais réellement dépassé sa percée initiale, ce premier impact fut suffisant pour exercer une influence durable sur les autres peintres brésiliens modernistes.

Évolution artistique

Le style de peinture d'Anita Malfatti a Ă©tĂ© critiquĂ© pour n'avoir pas Ă©voluĂ©, du point de vue artistique, Ă  la suite de sa confrontation traumatisante avec les attentes artistiques brĂ©siliennes lors de son exposition de retour au pays en 1917. Bien que Lucie-Smith soit plutĂ´t sĂ©vère quand il affirme qu'aucun de ses travaux postĂ©rieurs Ă  A Boba (L'Idiote) n'a de valeur, il est pertinent de constater que son style devint beaucoup plus Ă©dulcorĂ© et « respectable Â» que ce qu'il avait pu ĂŞtre. Son exposition de 1917-1918 Ă©tait d'ailleurs dĂ©jĂ  une version Ă©dulcorĂ©e de son travail puisque, pour Ă©viter le scandale, elle en avait entre autres exclu ses nus.

L'Ă©volution de son style peut ĂŞtre analysĂ©e par la comparaison entre deux de ses Ĺ“uvres : A Boba, peint en 1916, qui est son tableau le plus cĂ©lèbre, et O Canal e a Ponta, peint en 1940, qui par comparaison est bien moins subversif, Ă  la fois dans son style et dans le choix de son sujet.

Dans A Boba, la gamme colorĂ©e est extrĂŞmement vive et frappante. Malfatti fait un usage remarquable des couleurs primaires, et choisit de tracer les contours de son sujet en noir, ce qui dĂ©finit clairement la forme de la chaise et de la femme, laissant l'arrière-plan imprĂ©cis. Les coups de pinceau sont amples et imparfaits, crĂ©ant dans le tableau un sentiment d'instabilitĂ© de l'espace. En effet, la femme et le fond semblent juxtaposĂ©s sur un mĂŞme plan, uniquement sĂ©parĂ©s par le mouvement des couleurs et les formes. Le choix de reprĂ©senter une femme assise sur une chaise n'est pas extraordinaire en soi, mais le titre de l’œuvre, ainsi que le coup d’œil Ă©tonnant que la femme jette vers le haut, expliquent pourquoi le tableau a pu choquer la culture conservatrice brĂ©silienne. Non seulement le tableau de Malfatti semble ĂŞtre une reprĂ©sentation de la face honteuse de la sociĂ©tĂ©, mais il s'inscrit dans une Ă©poque oĂą le BrĂ©sil Ă©tait Ă  la recherche d'un « style brĂ©silien Â». Dans ce contexte, l'image que Malfatti donne du BrĂ©sil est ambigĂĽe.

Influente Ă  ses dĂ©buts sur la scène de l'art moderniste du BrĂ©sil, ses dernières Ĺ“uvres semblent emprunter un style plus ancien et serein. Ses tableaux ne sont plus aussi choquants, et dĂ©laissent le mĂ©lange de cubisme et d'impressionnisme qu'elle avait dĂ©veloppĂ©. Son tableau O Canal e a Ponta, rĂ©alisĂ© en , n'a pas le caractère ni le style surprenants de A Boba. Les coups de pinceau sont plus petits, de taille rĂ©gulière, et tous orientĂ©s dans la mĂŞme direction, comme s'ils n'Ă©taient qu'un moyen pour l'expression de la couleur. La gamme colorĂ©e est Ă©galement moins frappante : bien que maĂ®trisĂ©e, elle est dĂ©pourvue des contrastes vifs qui font de A Boba une Ĺ“uvre remarquable. PlutĂ´t que de jouer sur des couleurs opposĂ©es, O Canal e a Ponta est une seule et mĂŞme variation autour de nuances profondes qui varient lĂ©gèrement en fonction des reflets de la lumière. Le tableau reste de qualitĂ©, mais dans un style beaucoup plus traditionnel. Le style employĂ© par Malfatti renvoie plutĂ´t Ă  un expressionnisme Ă©dulcorĂ©, et n'utilise aucun des effets cubistes qui, dans ses premières Ĺ“uvres, crĂ©aient un espace abstrait. MĂŞme le choix du sujet est plus traditionnel et « europĂ©en Â». Il s'agit d'un dĂ©cor très tranquille reprĂ©sentant un pont traversant une rivière, entourĂ© de deux arbres et de quelques maisons alignĂ©es le long d'un chemin, le tout sous un ciel serein.

Les critiques pensent que Malfatti a été découragée par la réception qui a été faite de son exposition de 1917, qui provoqua de nombreux débats, et il semble plausible qu'elle ait cherché par la suite à plaire davantage à son public. Cependant, à la même époque, d'autres peintres comme Tarsila do Amaral atteignaient un haut degré de sophistication dans leur recherche d'une identité et d'une culture proprement brésiliennes. Bien que le courage et le style formellement étudié de Malfatti aient permis d'introduire un nouveau courant artistique au Brési, on peut estimer qu'elle sacrifia en quelque sorte sa carrière pour ouvrir la voie aux artistes suivants. Cela dit, Anita Malfatti reste célébrée comme l'artiste qui a apporté le modernisme au Brésil, et fait partie du panthéon des grands artistes brésiliens.

Expositions

  • Esposição de Pintura Moderna Anita Malfatti –
  • Semana de Arte Moderna, SĂŁo Paulo, 1922
  • Museu de Arte de SĂŁo Paulo, 1949
  • Museu de Arte Moderna de SĂŁo Paulo, 1951

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Anita Malfatti » (voir la liste des auteurs).

    Annexes

    Bibliographie

    Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

    • (en) Aracy Amaral et Kim Mrazek Hastings, « Stages in the Formation of Brazil's Cultural Profile », The Journal of Decorative and Propaganda Arts,‎ (lire en ligne)
    • (en) Ana Marie Barbosa, « Brazilian Art Education at the Crossroads », Art Education,‎ (lire en ligne)
    • (en) Michael Rosenthal, Gainsborough, Thomas, Grove Art Online. Oxford University Press, (prĂ©sentation en ligne, lire en ligne), « Anita Malfatti »
    • (en) Marguerite Itamar Harrison, Anita Malfatti : The Shifting Grounds of Modernism (lire en ligne)
    • Benezit, Dictionaire etc, Grund

    Liens externes

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