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Algorithme de Jaumain

L'algorithme de Jaumain (ou algorithme des Ă©chĂ©ances moyennes) a pour but de calculer le taux de rentabilitĂ© interne (TRI), c’est-Ă -dire le taux d'actualisation qui annule la valeur actuelle nette (VAN) d'une sĂ©rie de flux financiers. Dans le cas particulier oĂč les Ă©chĂ©ances sont Ă©quidistantes, le problĂšme n’est pas susceptible d’une solution algĂ©brique dĂšs que le nombre de ces Ă©chĂ©ances est supĂ©rieur Ă  5, c’est-Ă -dire dĂšs que le degrĂ© de l’équation est supĂ©rieur Ă  4. C’est donc Ă  des mĂ©thodes d’itĂ©ration qu’il convient de faire appel, comme la mĂ©thode de Newton-Raphson. La mĂ©thode prĂ©sentĂ©e ici, conçue en 1979 par Christian Jaumain, est a priori spĂ©cifique aux opĂ©rations financiĂšres ; elle s’applique Ă  toute sĂ©rie de flux, quels qu’en soient les montants, le nombre et l’époque des Ă©chĂ©ances.


ÉchĂ©ance moyenne

On note (F , t) le flux financier F Ă©chĂ©ant Ă  la date t. On appelle Ă©chĂ©ance moyenne des flux (F1 , t1), ..., (Fn , tn) avec Fk ≄ 0 la date τ telle que :

oĂč

La valeur τ est par exemple la date Ă  laquelle un dĂ©biteur pourrait s’acquitter des dettes F1, ..., Fn Ă©chĂ©ant respectivement aux dates t1, ..., tn par un paiement unique F Ă©gal Ă  la somme arithmĂ©tique des dettes.

En Ă©galant les valeurs actuelles, on obtient :

d'oĂč :

L’échĂ©ance moyenne dĂ©pend du taux d’actualisation adoptĂ© pour le calcul des valeurs actuelles. De maniĂšre plus prĂ©cise, on note τ(i) l’échĂ©ance moyenne au taux d’actualisation i des flux (F1, t1), ..., (Fn, tn).

Étude de l’échĂ©ance moyenne en fonction du taux d’actualisation

Pour i=0, c’est-Ă -dire pour v = 1, la fonction τ(i) prend la forme indĂ©terminĂ©e 0/0. En appliquant le thĂ©orĂšme de l'Hospital, on obtient la vraie valeur :

La valeur τ(i = 0) est donc l’échĂ©ance moyenne Ă  intĂ©rĂȘt simple des flux (F1 , t1), ..., (Fn , tn). C’est le barycentre des points t1, ... tn de masse respective F1, 
, Fn c’est-Ă -dire la moyenne pondĂ©rĂ©e des Ă©chĂ©ances des flux.

Ce résultat fournit une interprétation financiÚre remarquable du concept mathématique de vraie valeur.

Si i=0, l’égalitĂ© est vĂ©rifiĂ©e quel que soit τ : l’emprunteur peut s’acquitter Ă  n’importe quelle date des dettes F1, ..., Fn par le paiement unique F = F1 + ... + Fn. Dans ce cas on peut donc, du point de vue financier, assigner Ă  τ n’importe quelle valeur. La vraie valeur est, parmi cette infinitĂ© de valeurs qui toutes conviennent financiĂšrement, la seule qui rende la fonction τ(i) continue quand i=0.

On dĂ©montre par ailleurs que τ est compris entre le plus petit et le plus grand des tk et que, lorsque i→∞, τ tend vers le plus petit des tk.

Pour i = ∞, c’est-Ă -dire pour v=0, la fonction τ(i) prend la forme indĂ©terminĂ©e ∞/∞. En appliquant le thĂ©orĂšme de l'Hospital, on obtient la vraie valeur :

On dĂ©montre enfin que la dĂ©rivĂ©e de τ(v) par rapport Ă  v est nulle pour v=1 c’est-Ă -dire pour i=0 et est positive pour v<1, de sorte que τ est une fonction croissante de v<1 donc dĂ©croissante de i>0.

La dĂ©rivĂ©e de τ(v) vaut :

est du signe de

qui est nul pour v = 1. La dérivée de z(v) est du signe de

Or, on démontre que :

Si , on voit que z’(v) est du signe de :

qui est négatif puisque les Fk sont positifs. z(v) est donc une fonction décroissante de v. Or z(1) = 0. Par conséquent z(v) > 0 pour v < 1.

La dĂ©rivĂ©e de τ(v) par rapport Ă  v est donc bien positive pour v < 1, c'est-Ă -dire pour i > 0, de sorte que τ est une fonction croissante de v < 1 donc dĂ©croissante de i > 0.

Etude de l’échĂ©ance moyenne en fonction du taux d’actualisation
Etude de l’échĂ©ance moyenne en fonction du taux d’actualisation

Algorithme de Jaumain (ou algorithme des échéances moyennes)

Cet algorithme a été proposé par Christian Jaumain[1] - [2] - [3] - [4] - [5] - [6]. La méthode a été reprise dans H.U. Gerber[7].

Soit les deux séries de flux financiers (C1, r1) + ... + (Cn, rn) et (D1, s1) + ...+ (Dn, sn), telles que :

Cette relation signifie qu’il revient au mĂȘme de possĂ©der – ou d’ĂȘtre redevable – des capitaux C1, 
, Cn aux dates respectives r1, ..., rn et de possĂ©der – ou d’ĂȘtre redevable – des capitaux D1, 
, Dn aux dates respectives s1, ..., sn.

Ainsi par exemple, si i est l’intĂ©rĂȘt annuel payable Ă  terme Ă©chu d’un capital unitaire :

(1 ; 0) = (i ; 1) + (i ; 2) + 
 + (i ; n–1) + (1+i ; n)

Sans nuire à la généralité on peut, quel que soit k, supposer :

  1. les Ck et Dk sont positifs, quitte Ă  transposer des termes de l’égalitĂ© d’un membre dans l’autre.
  2. le nombre des Ck Ă©gal Ă  celui des Dk, certains d’entre eux pouvant ĂȘtre nuls.

L’équilibre financier entre les deux sĂ©ries (C1 , r1) + ... + (Cn , rn) et (D1 , s1) + ... + (Dn , sn) est rĂ©alisĂ© pour zĂ©ro, un ou plusieurs taux d’actualisation particuliers qui sont les TRI.

On dĂ©montre qu’il existe un TRI unique positif si :

  1. il n’y a qu’un seul changement de signe dans la sĂ©quence des flux (TRI unique) ;
  2. la somme arithmétique des flux précédant le changement de signe est inférieure en valeur absolue à la somme arithmétique des flux suivants (TRI positif).

La mĂ©thode qui suit permet de calculer le TRI s’il est unique, ou un des TRI s’ils sont multiples.

Au taux d’actualisation i=0, soit respectivement ρ0 et σ0 l’échĂ©ance moyenne des flux (C1, r1), ..., (Cn, rn) et (D1, s1), ..., (Dn, sn) :

L’équation Ă  rĂ©soudre devient : (C , ρ0) = (D , σ0).

Le taux d’actualisation rĂ©sultant de cette Ă©quation est :

Au taux d’actualisation i=i0, soit respectivement ρ1 et σ1 l’échĂ©ance moyenne des flux (C1 , r1), ..., (Cn , rn) et (D1 , s1), ..., (Dn , sn) :

L’équation Ă  rĂ©soudre devient : (C , ρ1) = (D , σ1).

Le taux d’actualisation rĂ©sultant de cette Ă©quation est :

et ainsi de suite. Si la suite {i0, i1, 
 } converge, alors la limite est solution de l’équation Ă  rĂ©soudre, donc un TRI.

Remarque. Le premier itĂ©rĂ© de l’algorithme de Jaumain fournit une valeur de dĂ©part qui peut s’avĂ©rer trĂšs utile aux autres mĂ©thodes.

DĂ©monstration de la convergence

La démonstration est due à F. De Vylder (1979)

Soit Ă  rĂ©soudre l’équation :

oĂč v est l’inconnue. On la remplace par le systĂšme :

(A)
(B)
(C)

oĂč ρ et σ sont des inconnues auxiliaires, et oĂč on a posĂ© ÎŁk Ck = C et ÎŁk Dk = D.

ProcĂ©dant par approximations successives, supposons qu’on ait dĂ©terminĂ© les approximations ρh, σh et vh de ρ, σ et v respectivement. Les approximations ρh+1, σh+1 et vh+1 rĂ©sultent alors des Ă©quations suivantes, par dĂ©finition mĂȘme de la mĂ©thode :

pour ρh+1 :

(A')

pour σh+1 :

(B')

puis pour vh+1 :

(C')

Supposons maintenant que ρh → ρ, σh → σ et vh → v, oĂč ρ, σ et v sont des quantitĂ©s finies. Alors ρ, σ et v sont bien solutions de (A), (B) et (C). Car avec les hypothĂšses, il suffit de faire h → ∞ dans (A’), (B’) et (C’) pour obtenir (A), (B) et (C).

Exemple

On reprend l'exemple d'application de l'algorithme de Newton-Raphson :

Date k 0 1 2 3 4
Flux Fk –1 –5 –4,5 5,5 7


On a : C = 1 + 5 + 4,5 = 10,5 et D = 5,5 + 7 = 12,5

Le calcul du premier itéré donne :

d’oĂč : i0 = (12,5/10,5)1/(3,560000-1,333333) – 1 = 8,144966%

Calcul du 2e itéré :

ρ1 = 1,317059
σ1 = 3,550325

d’oĂč : i1 = (12,5/10,5)1/(3,550325-1,317059) – 1 = 8,111995%

et ainsi de suite. Le tableau suivant résume le calcul des itérés successifs :

k ρk σk ik
0 1,333333 3,560000 8,144966%
1 1,317059 3,550325 8,119945%
2 1,317108 3,550354 8,120020%
3 1,317107 3,550354 8,120020%

L’algorithme converge vers le TRI de 8,12002%, atteint dùs la 3e ligne.

Remarques
  1. Les suites des Ă©chĂ©ances moyennes convergent Ă©galement. L’itĂ©ration peut ĂȘtre arrĂȘtĂ©e lorsque l’écart entre deux Ă©chĂ©ances moyennes successives est suffisamment petite, par exemple 1/1000e d’annĂ©e.
  2. Le premier itĂ©rĂ© de l’algorithme des Ă©chĂ©ances moyennes fournit une excellente valeur de dĂ©part pour les autres mĂ©thodes. Ainsi, en adoptant i0 = 8,144966% dans l’algorithme de Newton-Raphson, on obtient le tableau suivant :
k ik vk f(vk) f ’(vk)
0 8,144966% 0,924685 -0,004893 22,924065
1 8,120009% 0,924898 0,000002 22,943992
2 8,120020% 0,924898 0,000000 22,943983


Le TRI de 8,12002% est atteint dĂšs la 3e ligne.


Exemple 2

Date 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Flux -99 7 7 7 7 7 25 25 25 25 25


Le TRI est unique. On obtient le tableau des itérés successifs suivant :

k ρk σk ik
0 0,000000 6,906250 7,198286%
1 0,000000 6,678749 7,452405%
2 0,000000 6,670674 7,461755%
3 0,000000 6,670377 7,462100%
4 0,000000 6,670366 7,462112%
5 0,000000 6,670366 7,462113%

Exemple 3

Date 0 1 3/2 2 40/12 5 25/3
Flux -50 -75 -150 50 200 -300 500


A priori, il y a 3 ou 1 TRI. Un rapide examen graphique permet de conclure qu’il n’existe qu’un seul TRI. On obtient le tableau des itĂ©rĂ©s successifs suivant :

k ρk σk ik
0 3,130435 6,577778 8,012283%
1 2,976685 6,325952 8,256338%
2 2,972167 6,318298 8,264388%
3 2,972018 6,318045 8,264654%
4 2,972013 6,318037 8,264662%
5 2,972013 6,318037 8,264663%

Le TRI dans la réglementation relative au crédit à la consommation

La rĂ©glementation europĂ©enne (Directive europĂ©enne du 22 fĂ©vrier 1990) prĂ©voit l’introduction d’un taux annualisĂ© effectif global (TAEG) qui doit, en principe, servir d’instrument de comparaison pour toutes les formes de crĂ©dit Ă  la consommation dans tous les Etats membres. Cette directive a Ă©tĂ© transposĂ©e dans la lĂ©gislation belge (loi du 6 juillet 1992, arrĂȘtĂ© royal du 4 aoĂ»t 1992, M.B. 08.09.1992). En annexe Ă  l’arrĂȘtĂ© royal prĂ©citĂ© figure une mĂ©thode de calcul reprenant, sans en citer la source, l’algorithme des Ă©chĂ©ances moyennes tel que prĂ©sentĂ© ci-avant. Un communiquĂ© du Moniteur Belge du 28.09.1993 prĂ©cise que « La mĂ©thode de calcul donnĂ©e Ă  l’annexe 1 de l’arrĂȘtĂ© royal est due au professeur Christian Jaumain, de l’UniversitĂ© catholique de Louvain. Elle est dĂ©crite dans le Bulletin de l’Association des Actuaires suisses, Vol.79 – n°2, 1979 ».

Le TRI n’est pas nĂ©cessairement un taux de rendement

Contrairement Ă  ce que pourrait laisser supposer son appellation, le TRI ne reflĂšte pas nĂ©cessairement le rendement effectif. L’appellation « taux actuariel » est sans doute prĂ©fĂ©rable, car elle rend mieux compte du caractĂšre ambigu de ce taux.


Annexes

Articles connexes

Références

  1. (en) H.U. Gerber, « Gerber H.U., Some moment inequalities and their applications, Discussion by H.J. Boom, Graham Lord, E.S. Seah, M.D. Evans, Ho Kuenng, E.S.W. Shiu, Transactions of the Society of Actuaries (USA), Vol. XXXVIII (1986), 75-104 »,
  2. De Vylder F., « MĂ©thode itĂ©rative multiplicative de calcul d’une racine rĂ©elle, en particulier d’un taux d’intĂ©rĂȘt », Bulletin de l’Institut des Actuaires Français,‎ numĂ©ro 316 (1981), p. 109
  3. Ars P. & Paris J., « Une amĂ©lioration de l’algorithme des Ă©chĂ©ances moyennes de Jaumain Ă  partir du thĂ©orĂšme d’immunisation de Fischer-Weil », Belgian Actuarial Bulletin, Volume 2,‎ december 2002.
  4. Justens Daniel & Rosoux Jacqueline, Introduction à la mathématique financiÚre, Bruxelles, De Boeck, , 442 p. (ISBN 9782804120962)
  5. Devolder Pierre, Fox Mathilde, Vaguener Francis, Mathématiques financiÚres, France, Pearson France, (ISBN 978-2326001763)
  6. Calcul du taux d’intĂ©rĂȘt rĂ©el d’une opĂ©ration financiĂšre, Bulletin de l’Association des Actuaires Suisses, 1979, 137-46
  7. H.U. Gerber, Life Insurance Mathematics, Springer-Verlag, 1990
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