Alain Plenel
Alain Plenel, né le à Lannion et mort le à Lausanne, est un fonctionnaire français de l'éducation nationale qui a occupé le poste de vice-recteur de la Martinique de 1955 à 1960.
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(Ă 91 ans) Lausanne |
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Ses prises de position et ses engagements à la suite des émeutes de décembre 1959 à Fort-de-France lui valent des rétorsions de la part des autorités ainsi qu'une certaine reconnaissance en Martinique. Il est le père du journaliste Edwy Plenel.
Biographie
Né le 4 août 1922 dans la commune bretonne de Lannion[1], Alain Plénel est le fils d'un représentant de commerce catholique et radical[2]. Après des études à Rennes chez les eudistes et l'obtention d'un bac littéraire au lycée de Rennes en 1940, il obtient en 1946 une agrégation de géographie[2].
Il mène ensuite une carrière dans la fonction publique qui l'amène aux Caraïbes, où il obtient le poste d'Inspecteur d’académie[1] avant d'être nommé le 24 mai 1955 au vice-rectorat de la Martinique, alors placé sous l'autorité du recteur de l’académie de Bordeaux[3]. Il y écrit un rapport intitulé « Le problème de la jeunesse martiniquaise est critique »[4].
La fusillade de Fort de France
Le 20 décembre 1959, des émeutes à caractère racial éclatent à Fort-de-France à la suite d’une altercation entre un automobiliste métropolitain et un motocycliste martiniquais[5]. L'évènement occasionne la mort de trois jeunes gens, tués par des balles policières qui crée un vif émoi[6].
Le vice-recteur Plenel assiste aux obsèques de Christian Marajo, la plus jeune des victimes, âgée de 15 ans[6], dont il prononce l’éloge funèbre. Peu après, lors d’une cérémonie d’inauguration d’école au Morne-Rouge, il évoque les émeutes et les victimes en faisant un parallèle entre les émeutiers de la révolution française de juillet 1830 et ceux décembre 1959 en évoquant « les Trois Glorieuses » et proposant, à la suite du maire, de baptiser l'école du jeune élève[1].
Dans un contexte fortement marqué par la crise algérienne, ces déclarations sont perçues par le pouvoir gaulliste, et le préfet local Jean Parsi, comme autant d'encouragements à l’agitation anticolonialiste. Alain Plenel est convoqué en Métropole par sa hiérarchie[2] et quitte la Martinique le 30 janvier 1960[7] suscitant une forte mobilisation d'enseignants, d'élèves et de parents en sa faveur[7]. Le 19 février 1960, une grève de l'Éducation nationale en soutien au vice-recteur est organisée en Martinique et suivie par 92% des enseignants, suivant la préfecture[8].
Retour en MĂ©tropole
Le Ministère de l’Éducation le nomme à l'Institut pédagogique national à Paris[2], où il a en charge la Radio Télévision Scolaire mais sa hiérarchie lui interdit alors l'accès au territoire martiniquais[2] - [9], une décision ouvrira la voie à plusieurs procès à la cour d'appel de Paris[10] - [11].
Il milite avec Aimé Césaire, Rosan Girard et Édouard Glissant[2] en France pour la constitution du Front Antillo-Guyanais sur l’Autonomie (FAGA)[12] qu'il co-fonde avec Glissant, Marcel Manville, Paul Niger et Cosnay Marie-Joseph. Le FAGA tient congrès en avril 1961, mais est dissous par décret présidentiel en juillet de la même année[12]. En 1963, il témoigne procès des étudiants de l'Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique (OJAM)[13] - [14] et, entre juin 1963 et septembre 1965, publie dans Les Temps Modernes plusieurs articles critiques sur la politique française dans les Départements d’Outre-mer[5].
Le 12 février 1965[15], un décret présidentiel paraît au Journal Officiel qui met fin à ses fonctions d'inspecteur d’académie[16]. Son recours contre ce décret est rejeté par le Conseil d'État[17] mais il est finalement réhabilité en 1982, avant de prendre sa retraite trois ans plus tard[4].
Il meurt d'un infarctus le à Lausanne, à l'âge de 91 ans[16].
Hommages
L’école de Fond Marie-Reine, à Morne-Rouge, est rebaptisée « école Alain-Plenel » le [18].
Distinctions
Alain Plenel a reçu plusieurs distinctions[2] :
- Prix Carbet de la CaraĂŻbe 2009[19]
- Commandeur des Palmes académiques.
- Citoyen d'honneur de la Nouvelle-Orléans
Notes et références
- Edwy Plenel, « In Memoriam Alain Plénel, 1922-2013 », Médiapart,‎ (lire en ligne)
- François-Xavier Guillerm et Adams Kwateh, « Alain Plénel : « J'étais vu comme un représentant des révoltes coloniales » », France-Antilles,‎ (lire en ligne)
- Patrick Odent-Allet, « Alain Plenel, une part de notre histoire », sur BUAG, Université des Antilles et de la Guyane, (consulté le )
- François-Xavier Guillerm et Adams Kwateh, « Alain Plénel : "J'étais vu comme un représentant des révoltes coloniales" » sur France-Antilles, 22 novembre 2013
- Laurent Jalabert, « Les mouvements sociaux en Martinique dans les années 1960 et la réaction des pouvoirs publics », Études caribéennes,‎ (DOI https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.4881, lire en ligne)
- Romuald Fonkoua, Aimé Césaire, Perrin, coll. « Tempus », (ISBN 978-2-262-04265-3, lire en ligne)
- Louis-Georges Placide, Les émeutes de décembre 1959 en Martinique : Un repère historique, L'Harmattan, , p. 189
- Louis-Georges Placide, Les émeutes de décembre 1959 en Martinique : Un repère historique, L'Harmattan, , p. 190
- Jean-Marc Théolleyre, « Prise en 1962, la mesure interdisant l'accès de la Martinique à M. Plenel pose un problème de compétence » sur Le Monde, 18 novembre 1966
- M. Plenel, ancien vice-recteur a ainsi subi une voie de fait estime la cour d'appel de Paris sur Le Monde, 28 novembre 1968
- Le refoulement de M. Alain Plénel du département de la Martinique sur Le Monde, 27 mars 1971
- Aliocha Wald Lasowski, Edouard Glissant, une introduction, Pocket, (ISBN 978-2-8238-0634-2, lire en ligne)
- « De nombreux témoins insistent sur les difficultés économiques et politiques de l'île », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne , consulté le )
- Raphaël Confiant, Aimé Césaire - Une traversée paradoxale du siècle, L'Archipel, (ISBN 978-2-35905-132-2, lire en ligne)
- « n.t. », Les Temps modernes : revue mensuelle, no N° 230 à 235,‎ , p. 537
- Edwy Plenel, « In Memoriam Alain Plénel, 1922-2013 » sur Mediapart, 24 novembre 2013
- Conseil d'Etat, Section, du 8 mars 1968, 66407, publié au recueil Lebon (lire en ligne)
- « L'école de Fond Marie-Reine devient l'école primaire Alain Plenel - martinique 1ère », martinique 1ère,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « Le Prix Carbet devient « Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde » », sur Politiques publiques,
Bibliographie
- Laurent Huberson, EnquĂŞte sur Edwy Plenel, Le Cherche Midi, (ISBN 9782749124872)
- Louis-Georges Placide, Les émeutes de décembre 1959 en Martinique : Un repère historique, L'Harmattan, (ISBN 9782296243774)
- Joseph Jos, La terre des gens sans terre : Petite histoire de l'Ă©cole Ă la Martinique (1635-1982), L'Harmattan, (ISBN 9782296325210)