Al-Ghabisiyya
Al-Ghabisiyya Ă©tait un village situĂ© au nord de la Palestine, Ă 16 km au nord-est dâAcre. Ses habitants arabes furent expulsĂ©s aprĂšs la guerre israĂ©lo-arabe de 1948 et le village, en grande partie dĂ©truit, reste dĂ©sert.
Pays | |
---|---|
Sous-district | |
Superficie |
11,79 km2 |
Altitude |
75 m |
Coordonnées |
33° 00âČ 02âł N, 35° 09âČ 00âł E |
Période antique et médiévale
Une presse Ă vin, datant de lâĂąge du bronze a Ă©tĂ© trouvĂ© Ă Al-Ghabisiyya[1]. Dâautres restes dĂ©couverts suggĂšrent que lâendroit a pu ĂȘtre un Ă©tablissement humain aux Ă©poques romaine et byzantine[2] - [3]. Un chapiteau corinthien y a aussi Ă©tĂ© observĂ© au XIXe siĂšcle[4].
Pendant la période des croisades, le site est connu sous le nom de La Gabasie et fait partie des fiefs de Casal Imbert[5] - [6] - [7]. En , Al-Ghabisiyya est mentionné comme partie du domaine des Croisés pendant la trÚve entre ces derniers, basés à Acre, et le sultan mamelouk Al-Mansûr Sayf ad-Dßn Qala'ûn al-Alfi [8].
PĂ©riode ottomane
Al-Ghabisiyya passe sous domination ottomane en 1517, comme toute la rĂ©gion. Sous le nom de Ghabiyya, il fait partie du nahiĂ© (sous-district) d'Akka dans le sandjak de Safed. Selon les registres fiscaux de 1596[10], il regroupe 58 mĂ©nages (khana) et deux cĂ©libataires (mujarrad), tous musulmans, qui paient des impĂŽts Ă un taux fixe de 25% sur leurs produits agricoles, en particulier le blĂ©, lâorge, les arbres fruitiers, le coton et les buffles, pour un total de 6 334 akçe. Les 14/24 des revenus allaient Ă un waqf[11] - [3].
Une carte du cartographe français Pierre Jacotin, Ă©laborĂ©e en 1799 lors de la campagne dâĂgypte, montre le village, appelĂ© El Rabsieh[9]. La mosquĂ©e du village date de l'Ă©poque d'Ali Pasha al-Khazindar, pĂšre d'Abdullah Pasha ibn Ali (i.e. avant 1818). L'explorateur français Victor GuĂ©rin visita le village, qu'il appelle El-Rhabsieh, en 1875[12] - [3]. En 1881, une Ă©tude du Palestine Exploration Fund dĂ©crit al-Ghabisiyya comme « un village construit en pierre d'environ 150 habitants, au bord d'une plaine et entourĂ© d'olives, de figues, de grenades et de jardins ; une riviĂšre Ă proximitĂ© fournit de l'eau en abondance[13] - [14] ». Un recensement de 1887 indique quant Ă lui une population de 390 habitants, tous musulmans[15].
Palestine mandataire
Lors du recensement de 1922 de la Palestine sous mandat britannique, Al-Ghabisiyya a une population de 427 personnes (207 hommes, 220 femmes), de religion musulmane[16], population qui sâest accrue neuf ans plus tard, lors du recensement de 1931, passant Ă 470 habitants, rĂ©partis dans 125 maisons[17].
En 1945, les habitants sont au nombre de 690[18] - [19]. Avec les villages voisins de Shaykh Dannun et de Shaykh Dawud, Al-Ghabisiyya dispose alors de 11 771 dounums de terres (soit 11,771 km2)[20]. L'Ă©conomie locale est fondĂ©e sur le bĂ©tail et lâagriculture[14]. En 1944-1945, un total de 6 633 dounums (soit 6,63 km2) pour les trois villages est consacrĂ© aux cĂ©rĂ©ales, 1 371 dounums sont irriguĂ©s ou utilisĂ©s pour des vergers[21] et 58 dounams sont occupĂ©s par des bĂątiments et des maisons[22]. Ă Al-Ghabisiyya mĂȘme, 300 dounums sont plantĂ©s dâoliviers[23].
La guerre de 1948
Le village faisait partie du territoire allouĂ© Ă l'Ă©tat arabe projetĂ©, selon le Plan de partage de la Palestine proposĂ© par les Nations unies en 1947. Comme beaucoup de villages arabes, il avait un pacte de non-agression avec les communautĂ©s juives voisines[24]. Dans les premiers mois de la guerre israĂ©lo-arabe de 1948, les villageois fournirent aux milices juives de la Haganah des renseignements et des munitions en Ă©change dâun engagement Ă ne pas envahir le village ou blesser ses habitants[24] - [25]. Par ailleurs, certains villageois se joignirent Ă lâattaque de contre un convoi juif au kibboutz Yehiam au cours de laquelle 47 soldats de la Haganah furent tuĂ©s[25] - [26].
Le , la brigade Carmeli de la Haganah sâempara dâal-Ghabisiyya au cours de lâopĂ©ration Ben-Ami[25] - [27]. Les villageois se rendirent, mais les troupes Carmeli « entrĂšrent dans le village en tirant Ă tout va », tuant plusieurs habitants. Six villageois soupçonnĂ©s d'avoir pris part Ă lâattaque contre le convoi de Yehiam semblent avoir ensuite Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s[28].
Les villageois sâenfuirent ou furent expulsĂ©s vers les villages des alentours, oĂč ils restĂšrent jusquâĂ la complĂšte conquĂȘte de la GalilĂ©e par IsraĂ«l en octobre. Ă ce moment, beaucoup de rĂ©sidents allĂšrent au Liban ; dâautres fuirent vers des villes arabes voisines et devinrent citoyens israĂ©liens, Ă cause de leur enregistrement lors du recensement dâoctobre-novembre[29] - [30]. Ces derniers essayĂšrent Ă plusieurs reprises de se rĂ©installer dans leur village : quelques-uns obtinrent la permission, dâautres y retournĂšrent illĂ©galement[30]. Le , le gouverneur militaire de GalilĂ©e ordonna Ă tous les habitants dâal-Ghabisiyya de quitter le village sous 48 heures, puis le dĂ©clara zone militaire fermĂ©e[30] - [31]. Aucun hĂ©bergement alternatif nâavait Ă©tĂ© arrangĂ© et les villageois sâinstallĂšrent Ă titre provisoire dans les maisons abandonnĂ©es des villages voisins de Shaykh Dawud et Sheikh Danun[24].
Cette expulsion provoqua une controverse publique. Les dirigeants du parti de gauche Mapam la condamnĂšrent, mais ils furent mis en Ă©chec par le bloc des colonies juives rĂ©gionales Ă dominante Mapam (un kibboutz Mapam cultivait dĂ©jĂ les terres dâal-Ghabisiyya) qui dĂ©clara que « les Arabes de Ghabisiyya ne devraient sous aucun prĂ©texte ĂȘtre autorisĂ©s Ă retourner Ă leur village[30] ». En , quelques villageois se rĂ©installĂšrent Ă nouveau dans le village, mais ils furent condamnĂ©s Ă plusieurs mois de prison et Ă des amendes [30].
AprĂšs guerre
En 1951, les villageois lancĂšrent une procĂ©dure contre le gouvernement militaire auprĂšs de la Cour suprĂȘme d'IsraĂ«l[30]. La Cour statua que dĂ©clarer le village zone fermĂ©e avait Ă©tĂ© incorrect et quâen consĂ©quence « le gouverneur militaire nâavait aucune autoritĂ© pour les empĂȘcher dâentrer ou de sortir du village ou dây habiter (HC reference 220/51 du 30 novembre 1951)[32] - [24] ». Le gouvernement militaire rĂ©pondit en scellant le village et deux jours plus tard le dĂ©clara Ă nouveau zone militaire fermĂ©e[33]. Les villageois firent encore appel Ă la Cour suprĂȘme, mais la Cour dĂ©cida cette fois que la nouvelle dĂ©claration Ă©tait quant Ă elle lĂ©gale et quâen consĂ©quence les villageois qui nâavaient pas rĂ©ussi Ă retourner Ă leur village avant cette dĂ©claration (ce qui en pratique concernait la totalitĂ© dâentre eux) nâĂ©taient pas autorisĂ©s Ă y aller sans permission[32]. Le village resta donc dĂ©sertĂ©. Ses terres furent officiellement expropriĂ©es et en 1955 ses maisons furent dĂ©molies, ne laissant subsister quâune grande mosquĂ©e[24]. Les tentatives ultĂ©rieures des habitants pour retourner au village demeurĂšrent vaines[34].
Les villageois mirent en place un comitĂ© dont lâactivitĂ© principale Ă©tait de rĂ©nover le cimetiĂšre du village et sa mosquĂ©e et, en , le comitĂ© Ă©crivit au Premier ministre israĂ©lien : « Dans le village restent une mosquĂ©e et le cimetiĂšre. La mosquĂ©e est en ruine et le cimetiĂšre, oĂč nos parents sont enterrĂ©s, est nĂ©gligĂ© et envahi de mauvaises herbes au point quâil nâest plus possible dâidentifier les tombes. Sachant que nos autoritĂ©s ont toujours pris soin des lieux de culte et des cimetiĂšres de toutes les communautĂ©s ethniques ⊠[nous demandons] Ă ĂȘtre autorisĂ©s Ă effectuer les rĂ©parations de la mosquĂ©e et aussi Ă rĂ©parer et Ă clĂŽturer le cimetiĂšre et Ă le remettre en Ă©tat[35] ».
Les autoritĂ©s ne permirent pas aux rĂ©sidents dâal-Ghabisiyya dâeffectuer la rĂ©novation de la mosquĂ©e et du cimetiĂšre. Les terres du village, y compris la mosquĂ©e, avaient Ă©tĂ© acquises par lâAdministration israĂ©lienne des terres grĂące Ă lâune des lois sur lâexpropriation des terres, et non par le Ministre des cultes qui est responsable des lieux de culte. En 1994 des membres du comitĂ© du village commencĂšrent Ă rĂ©nover la mosquĂ©e et Ă y prier. En , lâAdministration israĂ©lienne des terres scella lâentrĂ©e, mais les villageois brisĂšrent la grille et continuĂšrent Ă utiliser la mosquĂ©e pour leurs priĂšres. Ils firent appel en au Premier ministre Shimon Peres, qui leur rĂ©pondit par lâintermĂ©diaire dâun de ses assistants : « Le gouvernement dâIsraĂ«l se considĂšre sous lâobligation de maintenir les lieux sacrĂ©s de toutes les religions, y compris, bien sĂ»r, les cimetiĂšres et les mosquĂ©es sacrĂ©s de lâIslam. Le premier ministre a dĂ©clarĂ© aux chefs de la communautĂ© arabe, quâil a rĂ©cemment rencontrĂ©s, que le gouvernement sâoccuperait de la rĂ©novation et de la restauration de la dignitĂ© des mosquĂ©es dans les villages abandonnĂ©s, dont la mosquĂ©e Ă Ghabisiyya[36] ».
Mais Shimon Peres fut battu lors des Ă©lections suivantes et en , la police entoura la mosquĂ©e et des reprĂ©sentants de l'Administration israĂ©lienne des terres enlevĂšrent les copies du Coran et les tapis de priĂšres et une fois encore scellĂšrent lâentrĂ©e de la mosquĂ©e. Le conflit fut portĂ© au tribunal dâAcre, oĂč les villageois dĂ©racinĂ©s affirmĂšrent que lâaction du gouvernement Ă©tait contraire Ă la « Loi de prĂ©servation des lieux saints » dâIsraĂ«l. LâAdministration des terres contesta le droit des villageois Ă prier dans ce lieu et utilisĂšrent lâĂ©viction illĂ©gale de 1951 et la dĂ©molition du village en 1955 comme arguments pour soutenir leurs allĂ©gations : « Le village de Ghabisiyya a Ă©tĂ© abandonnĂ© par ses habitants et dĂ©truit pendant la guerre pour lâindĂ©pendance ⊠[la mosquĂ©e est restĂ©e] abandonnĂ©e et nĂ©gligĂ©e ⊠et puisquâelle Ă©tait dans un Ă©tat de ruines instable qui constituait une menace Ă la sĂ©curitĂ© de ceux Ă lâintĂ©rieur, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© par le MinistĂšre des cultes de la sceller et de la clĂŽturer[37] ».
Le tribunal refusa dâĂ©mettre une injonction autorisant les fidĂšles Ă revenir dans la mosquĂ©e. Les villageois de Ghabisiyya continuent Ă prier dans le champ Ă lâextĂ©rieur de la mosquĂ©e scellĂ©e[38].
Références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Al-Ghabisiyya » (voir la liste des auteurs).
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Lien externe
- (en) « Photos de al-Ghabisiyya » (consulté le ).