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Aibell

Dans la lĂ©gende irlandaise, Aibell (parfois appelĂ©e Aoibheall (selon l’orthographe irlandaise moderne), aussi anglicisĂ©e en Aeval) Ă©tait l’esprit gardien des DĂĄl gCais (Dalcassiens) et du clan Ó BrĂ­en. Elle Ă©tait la maitresse du sĂ­dh au nord de la province irlandaise du Munster et rĂ©sidait Ă  Craig Liath, littĂ©ralement le rocher gris, sur une colline qui surplombait le fleuve Shannon, Ă  environ trois kilomĂštres du village de Killaloe[1] - [2]. Aibell avait Ă©galement un amant (qui s’appelait Dubhlainn Ua Artigan) et une harpe magique. La lĂ©gende racontait que quiconque entendait le son de cette harpe mourrait peu de temps aprĂšs[2].

Nom

Le nom d’Aoibhell provient probablement du gaĂ«lique « aoibh », qui signifie « beautĂ© » (ou « aoibhinn », qui signifie « belle »)[2]. Son nom, en tant que thĂ©onyme, pourrait Ă©galement ĂȘtre dĂ©rivĂ© du proto-celtique *Oibel-ā, littĂ©ralement « feu brĂ»lant », qui pourrait renvoyer Ă  la notion « d’ardeur »[3]. L’équivalent de ce thĂ©onyme proto-celtique chez les Britto-romains Ă©tait probablement *Oebla[4]. Ce personnage portait Ă©galement le nom d’Áebinn[5].

Attestations

An Buachaill Caol Dubh

Dans la chanson de SeĂĄn Ó SeanachĂĄin, « An Buachaill Caol Dubh », Aoibheal apparaĂźt devant le « garçon sombre et dĂ©charnĂ© » (qui reprĂ©sentait l’addiction Ă  l’alcool) et son ami le buveur. Dans le dernier couplet, SeanachĂĄin se montre plus explicite et explique que lorsqu’Aoibheal a rencontrĂ© les deux hommes sur le bord de la route, elle a promis une centaine d’hommes au garçon sombre et dĂ©charnĂ© s’il renonçait, en Ă©change, Ă  son ami le poĂšte. Le garçon a rĂ©pondu qu’il Ă©tait fidĂšle et loyal et qu’il n’abandonnerait pas ses amis tant que ceux-ci vivraient. SeĂĄn avoue ainsi qu’il ne sortira jamais de son addiction.

Lady Gregory

« Et Aoibhell, femme de Sidh, s’installa Ă  Craig Liath. Durant la Bataille de Clontarf, Aoibhell tomba amoureuse de Dubhlaing ua Artigan, un jeune homme de la province du Munster qui avait Ă©tĂ© disgraciĂ© et exilĂ© par le roi d’Irlande. Cependant, avant le dĂ©but de la bataille, Dubhlaing ua Artigan revint au royaume pour s’allier avec Murchadh, le fils du roi et combattre pour l’honneur des Gaels. Aoibhell dĂ©cida de l’arrĂȘter, mais Dubhlaing ua Artigan refusa de l’écouter. Aoibhell enveloppa alors Dubhlaing ua Artigan dans un brouillard druidique, qui le rendit invisible aux yeux de tous.

Il rejoignit Murchadh sur le champ de bataille, effectua une spectaculaire attaque contre les ennemis de l’Irlande en les frappant de toute part. Murchadh regarda ensuite autour de lui et dĂ©clara : « J’ai l’impression d’entendre les coups de Dubhlaing ua Artigan, mais je ne le vois pas ». Alors Dubhlaing se dĂ©barrassa du brouillard druidique qui l’enveloppait et rĂ©pondit : « Je ne garderai pas ce brouillard autour de moi si tu ne peux pas me voir Ă  travers. Maintenant, traversons la plaine et retrouvons Aoibbell, car c’est la seule qui puisse nous tenir informĂ©s de la bataille ».

Alors ils la retrouvĂšrent et elle leur demanda d’abandonner la bataille, car elle allait leur coĂ»ter la vie. Murchadh lui rĂ©pondit : « Je vais vous raconter une petite histoire vraie. La peur de mourir ne me fera pas reculer. Et si nous devons tomber, alors les Ă©trangers tomberont avec nous. Beaucoup d’hommes tomberont de ma main et les Gaels uniront leurs forces ». « Dubhlaing, quittez la bataille » le supplia Aoibbell, « et je vous promets deux cents ans de bonheur auprĂšs de moi ». « Pour rien au monde je n’abandonnerai Murchadh, ni mon honneur " lui rĂ©pondit Dubhlaing. Aoibhell s’emporta : « Murchadh tombera et vous tomberez Ă©galement. Demain, c’est votre sang ĂŽ si fier qui coulera sur la plaine ». Les deux hommes retournĂšrent sur le champ de bataille et y perdirent la vie.

Aoibhell donna une harpe en or au fils de Meardha, lorsqu’il Ă©tait Ă©lĂšve Ă  l’école du Sidh dans la province du Connacht et qu’il apprit la mort de son pĂšre, tuĂ© par le roi de Lochlann. Et quiconque entendait le son de cette harpe mourrait peu de temps aprĂšs. Le fils de Meardha retrouva alors les trois fils du roi de Lochlann, joua Ă  la harpe et les fils moururent.

C’est cette mĂȘme harpe que CĂșchulainn entendit le jour oĂč ses ennemis s’étaient rassemblĂ©s contre lui Ă  Muirthemne. Il comprit que sa mort approchait[6]. »

« CĂșirt An MheĂĄn OĂ­che »

Aoibheal occupe Ă©galement une place prĂ©pondĂ©rante dans un poĂšme du XVIIIe siĂšcle Ă©crit par Brian Merriman, « CĂșirt An MheĂĄn OĂ­che ». Le poĂšme commence selon les conventions de l’Aisling, Ă©galement connu sous le nom de poĂšme de vision, oĂč la reprĂ©sentation d’une femme d’un autre monde apparaĂźt au poĂšte. GĂ©nĂ©ralement, cette femme reprĂ©sente l’Irlande et se lamente, avant d’appeler ses « fils » Ă  se rĂ©volter contre la tyrannie des autres pays. Dans le poĂšme de Merriman, la convention s’avĂšre prendre une tournure satirique et profondĂ©ment sarcastique.

Au dĂ©but du poĂšme, une femme gĂ©ante et hideuse apparaĂźt au poĂšte et le traĂźne Ă  coup de pieds et dans des hurlements devant la cour de la reine Aoibheal des FĂ©es. Sur le chemin du monastĂšre en ruines de Moinmoy, le messager explique que la reine, dĂ©pitĂ©e par les actes de corruption des seigneurs anglo-irlandais et du droit anglais, a dĂ©cidĂ© de rendre justice elle-mĂȘme. Le poĂšme dĂ©crit ensuite une affaire judiciaire traditionnelle conforme aux Lois de Brehon et donc sous forme d’un dĂ©bat en trois parties.

Dans la premiĂšre partie, une jeune femme fait appel Ă  Aoibheal et porte plainte contre les jeunes hommes irlandais qui ont refusĂ© de l’épouser. Elle dĂ©clare que, malgrĂ© de nombreuses tentatives dĂ©sespĂ©rĂ©es pour sĂ©duire un mari potentiel durant les matchs de hurling, les veillĂ©es et les dĂ©votions, les jeunes hommes se sont tous Ă©vertuĂ©s Ă  l’ignorer, plaidant en faveur des mariages tardifs avec des femmes beaucoup plus ĂągĂ©es. La jeune femme dĂ©plore ensuite le mĂ©pris avec lequel les femmes mariĂ©es du village la traitent.

Un vieil homme dĂ©cide de lui rĂ©pondre et commence Ă  dĂ©noncer la promiscuitĂ© sexuelle dĂ©vergondĂ©e dont font preuve les jeunes femmes en gĂ©nĂ©ral. Il insinue que la jeune femme a Ă©tĂ© conçue par Tinker dans un charriot. Il dĂ©crit en dĂ©tail l’infidĂ©litĂ© de sa jeune Ă©pouse. Il fait part de l’humiliation qu’il a ressentie lorsqu’il a appris qu’elle Ă©tait dĂ©jĂ  enceinte lors de leur nuit de noces et des rumeurs qui ont entourĂ© la naissance « prĂ©maturĂ©e » de « son » fils depuis. C’est avec dĂ©goĂ»t qu’il s’attaque au mode de vie dissolu des jeunes femmes en gĂ©nĂ©ral. Cependant, il dĂ©clare qu’il n’a rien contre son enfant illĂ©gitime et dĂ©nonce la pratique des mariages comme « obsolĂšte ». Il demande Ă  la reine de proscrire totalement les mariages et de les remplacer par un systĂšme d’amour libre.

Cependant, la jeune femme entre dans une colĂšre noire et manque d’en venir aux poings. Elle se moque de son impuissance sexuelle, qui l’empĂȘche d’accomplir ses devoirs conjugaux avec sa jeune Ă©pouse, qui n’était qu’une mendiante Ă  la rue qui l’a Ă©pousĂ© pour ne pas mourir de faim. La jeune femme affirme que si son Ă©pouse a pris un amant, c’est qu’elle en mĂ©ritait un. La jeune femme requiert ensuite l’abolition du cĂ©libat sacerdotal, au motif que les prĂȘtres pourraient faire de merveilleux Ă©poux et pĂšre. Pendant ce temps, elle affirme qu’elle continuera cependant Ă  tenter de sĂ©duire des hommes plus ĂągĂ©s, dans l’espoir de mettre fin Ă  son statut humiliant de femme non mariĂ©e.

Finalement, dans la section du jugement, la reine Aoibheal dĂ©crĂšte que tous les hommes laĂŻques doivent ĂȘtre mariĂ©s avant l’ñge de 21 ans, sous peine de chĂątiment corporel de la part des femmes irlandaises. Elle conseille Ă  ces derniĂšres de s’en prendre Ă©galement aux indiffĂ©rents, aux homosexuels et aux coureurs de jupons qui se vantent du nombre de femmes qu’ils ont sĂ©duites et jetĂ©es. Aoibheal leur demande cependant de faire attention Ă  ne pas rendre les hommes stĂ©riles. Elle dĂ©clare enfin que l’abolition du cĂ©libat des prĂȘtres est une dĂ©cision que seul le Vatican peut prendre et qu’il faut donc faire preuve de patience.

La jeune femme rappelle avec colĂšre au poĂšte, horrifiĂ©, qu’il est cĂ©libataire Ă  trente ans et dĂ©crit ses multiples tentatives infructueuses de sĂ©duction afin de devenir sa femme. Elle dĂ©clare qu’il devrait ĂȘtre le premier homme Ă  souffrir des consĂ©quences des nouvelles lois relatives au mariage. Tandis qu’une foule de femmes en furie s’apprĂȘte Ă  le fouetter dans un bol de gelĂ©e frĂ©missant, il se rĂ©veille et se rend compte qu’il ne s’agissait que d’un terrible cauchemar.

Références

  1. Donal O'Sullivan, "Songs of the Irish", page 127.
  2. (en) Peter Berresford Ellis, A Dictionary of Irish Mythology, Oxford, Oxford University Press, (ISBN 0-19-282871-1), p. 24
  3. q.v.
  4. q.v.
  5. James MacKillop, Dictionary of Celtic Mythology, Oxford University Press, 1998, p. 3
  6. Lady Gregory, "Gods and Fighting Men," Part I, Book IV at sacred-texts.com
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