Ahmès (épouse de Thoutmôsis Ier)
Ahmès (ou Iâhmès ou encore Ahmosé), dont le nom signifie « Née de Iâh[1] », est la grande épouse royale du pharaon Thoutmôsis Ier et la mère de la reine-pharaon Hatchepsout, ainsi que d'une autre princesse morte en bas âge, Néféroubity. Plus rarement, on en fait également la mère du fils aîné du roi mort avant son père, le prince Amenmès[2], voire également du second, Ouadjmès.
Ahmès | |||||||||||
Ahmès, derrière son époux Thoutmosis Ier et sa fille cadette Néféroubity. | |||||||||||
Nom en hiéroglyphe | |||||||||||
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Période | Nouvel Empire | ||||||||||
Dynastie | XVIIIe dynastie | ||||||||||
Famille | |||||||||||
Mère | Seniseneb ou Ahmès-Néfertary ? | ||||||||||
Conjoint | Thoutmôsis Ier | ||||||||||
Enfant(s) | Hatchepsout Néféroubity Amenmès (?) Ouadjmès (?) |
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Fratrie | Thoutmôsis Ier ou Amenhotep Ier ? | ||||||||||
Le nom théophore de la reine, construit sur celui de Iah, est très courant dans la famille royale du début de la XVIIIe dynastie, et sera porté par la suite par de nombreux Égyptiens.
Généalogie
Reine à l'origine encore incertaine, elle était déjà mariée et mère au moment de l'avènement de son époux[3] et devait être, comme lui, de la même génération qu'Amenhotep Ier. Elle survit à son mari, ainsi qu'au règne de son successeur Thoutmôsis II et meurt vraisemblablement sous le règne de sa propre fille Hatchepsout.
Sur les murs du temple funéraire de cette dernière à Deir el-Bahari, elle est mise en scène dans une longue inscription proclamant l'origine divine d'Hatchepsout, dite « scène de la théogamie », où elle est visitée par le dieu Amon.
Origine incertaine
On a longtemps voulu faire d'Ahmès la fille d'Amenhotep Ier, créant ainsi un lien familial entre les « Ahmosides » et les Thoutmôsis, mais cette ascendance est désormais fréquemment remise en cause[4].
Cette attribution avait pour origine une double confusion :
- La statue[5] d'une Ahmès Nébetta, fille d'Ahhotep, était identifiée à l'épouse royale Ahmès ;
- Cette Ahhotep était considérée comme une épouse d'Amenhotep Ier[6].
Mais l'inscription de la statue indique qu'elle date de la fin du règne d'Ahmôsis Ier et la princesse Ahmès-Nébetta est aujourd'hui plus précisément identifiée comme une fille de la reine Ahhotep et du roi Seqenenrê Tâa (XVIIe dynastie), ayant vécu une à deux générations avant la reine Ahmès[7]. De plus, Ahmès-Méritamon, épouse présumée d'Amenhotep Ier, n'est jamais « Mère de roi ».
Pour les tenants d'un lien de parenté entre Ahmès et les « Ahmosides », l'épouse de Thoutmôsis Ier serait donc une sœur du roi Amenhotep Ier[8]. Sur une stèle du Ouadi Halfa où est reportée la proclamation de l'avènement de Thoutmôsis Ier, envoyée au vice-roi de Koush Touri, Ahmès est en effet représentée avec le nouveau roi et la reine-mère Ahmès-Néfertary, mère d'Amenhotep Ier[9].
Mais il n'y a pas d'autres indications archéologiques reliant la grande épouse royale à la famille d'Amenhotep Ier, et plusieurs indices viennent rendre cette parenté incertaine.
La présence de l'épouse révérée d'Ahmôsis pourrait également signifier son soutien à cette passation du pouvoir qui n'était à priori pas évidente.
Dans les inscriptions la concernant, Ahmès porte régulièrement les titres de « Grande épouse du roi », puis de « Mère du roi » sous le règne d'Hatchepsout. Moins souvent[10], elle est également « Sœur du roi ».
Si elle n'est pas la fille d'Amenhotep Ier, elle ne peut davantage être sa sœur, car elle serait dans ce cas également fille du roi Ahmôsis Ier. Or, malgré une documentation relativement abondante, l'absence du titre de « Fille du roi » est constante. Cet honneur n'aurait pas été passé sous silence, selon la phraséologie royale, si elle avait été la fille d'Ahmôsis. Elle n'est pas non plus « Épouse du dieu », charge prestigieuse comprise dans l'héritage d'Ahmès-Néfertary, première tenante du titre[11].
L'épouse royale Ahmès est donc considérée par un nombre important de spécialistes comme la sœur biologique de Thoutmôsis Ier[12].
Elle serait alors, comme lui, la fille de la dame Séniséneb et d'un père non connu, pouvant être apparenté à la famille royale.
En effet, ces conclusions n'excluent pas la possibilité d'un lien familial moins direct avec les prédécesseurs de Thoutmôsis Ier[13].
Maternité divine
Dans son souci de légitimer son pouvoir, Hatchepsout affirme sa divinité en représentant sa conception, des œuvres du dieu Amon[14], sur les murs du temple qu'elle fait bâtir à Deir el-Bahari[15]. Sa mère Ahmès y occupe un rôle central.
Dans cette scène de théogamie, le dieu Amon annonce sa décision de concevoir un enfant qui règnera sur l'Égypte, et envoie le dieu Thot vérifier l'identité de la génitrice, la grande épouse royale Ahmès. Puis, sous les traits du roi Thoutmôsis Ier, le dieu rend visite à Ahmès, qui s'éveille au parfum de la divinité. Alors qu'Amon l'enlace, Ahmès reconnaît le dieu puis le couple s'unit. Si la relation amoureuse est représentée selon les règles en vigueur, avec beaucoup de pudeur et de retenue, elle est écrite en détail et sans équivoque.
S'ensuit la conception de l'enfant promise à la royauté par le dieu-potier Khnoum et plusieurs autres divinités. Le dieu Thot revient alors devant Ahmès, sans doute pour lui annoncer la conception miraculeuse.
À l'heure de la délivrance, Ahmès est conduite par les dieux Khnoum et Héqet vers le lieu de l'accouchement. Enfin, dans la scène suivante, la mère Ahmès est assise sur un trône, dans une immense composition où les principales divinités liées à la naissance et à la vie sont représentées. Le reste de la scène a pour but de montrer la présentation de la fille d'Amon à son père, et sa reconnaissance.
À gauche de la scène, Ahmès est représentée une dernière fois, alors qu'une suivante la recoiffe, pour signifier que l'enfantement, avec son cortège de douleurs, a bien eu lieu.
Notes et références
- Un dieu lunaire.
- Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne, p. 268.
- À Deir el-Bahari, Thoutmôsis Ier est encore inpou, désignation d'un roi avant son accession au pouvoir, lorsque le dieu Amon prend ses traits pour visiter Ahmès et concevoir Hatchepsout.
- Sur la généalogie incertaine des Ahmosides, cf. Betsy M. Bryan, p. 220.
- Statue du Louvre no 496.
- Certains spécialistes considèrent bien une Ahhotep II comme l'épouse d'Amenhotep Ier, mais sans qu'elle ne soit la mère de la reine Ahmès. Cf. Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne, p. 251.
- Michel Gitton, Les divines épouses de la 18e dynastie, p. 59.
- Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne et Claire Lalouette, Thèbes ou la naissance d'un Empire, sont de cet avis.
- K. Sethe, p. 81.
- En deux occasions : sur les stèles Berlin 15699 et 3/71 — Claude Vandersleyen, L'Égypte et la vallée du Nil, p. 249.
- Hatchepsout, fille d'Ahmès, portera quant à elle le titre d'Épouse du dieu en même temps que celui de grande épouse du roi Thoutmôsis II.
- Claude Vandersleyen, L'Égypte et la vallée du Nil ; Michel Gitton, Les divines épouses de la 18e dynastie ; Christiane Desroches Noblecourt, La reine mystérieuse Hatshepsout ; Florence Maruéjol, Thoutmôsis III et la corégence avec Hatchepsout ; Christophe Barbotin, Ahmôsis et le début de la XVIIIe dynastie...
- Pascal Vernus et Jean Yoyotte parlent simplement d'une Ahmès dont l'apparentement à la famille royale n'est pas assuré, Dictionnaire des pharaons, p. 282.
Jean-Claude Goyon évoque également la possibilité d'une adoption dans la famille royale, De l'Afrique à l'Orient – L'Égypte des pharaons est son rôle historique, p. 69. - Le pharaon Amenhotep III fera de même au temple de Louxor, presque un siècle plus tard.
- Paroi nord de la seconde terrasse.
Bibliographie
- Kurt Heinrich Sethe, Urkunden des ägyptischen Altertums, vol. IV : Urkunden der 18. Dynastie, Leipzig, Hindrich’sche Buchhandlung, 1932-1961 ;
- Betsy M. Bryan, The 18th Dynasty before the Amarna Period [« Ian Shaw, The Oxford History of Ancient Egypt »], Oxford University Press, ;
- Claude Vandersleyen, L'Égypte et la vallée du Nil, vol. 2, Puf, ;
- Michel Gitton, Les divines épouses de la 18e dynastie, Belles-Lettres, ;
- Christiane Desroches Noblecourt, La Reine mystérieuse Hatchepsout, Paris, Pygmalion, (ISBN 2-7441-5818-6) ;
- Jean-Claude Goyon, De l'Afrique à l'Orient – L'Égypte des pharaons est son rôle historique (1800 – 330 avant notre ère), Ellipes, ;
- Florence Maruéjol, Thoutmosis III et la corégence avec Hatchepsout, Paris, Pygmalion, (ISBN 978-2-8570-4894-7) ;
- Pascal Vernus et Jean Yoyotte, Dictionnaire des pharaons [détail des éditions] ;
- Claire Lalouette, Thèbes ou la naissance d'un empire [détail des éditions] ;
- Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne [détail des éditions] ;