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Affaire French Bukkake

L'affaire French Bukkake concerne une information judiciaire ouverte le à Paris pour « traite d'êtres humains aggravée, viol en réunion ou proxénétisme aggravé » contre la plateforme de vidéos pornographiques French Bukkake. Elle a conduit à la mise en examen de 18 hommes. Le propriétaire de French Bukkake est Pascal Ollitrault dit Pascal OP.

Affaire French Bukkake
Chefs d'accusation Traite d'êtres humains aggravée, viols en réunion
Pays Drapeau de la France France
Ville Paris
Date 2020-202?
Jugement
Statut Instruction en cours

DĂ©but de l'enquĂŞte

Tout a commencé lorsqu'un service de gendarmerie a repéré que le site French Bukkake, du nom d'une pratique sexuelle, « proposait un abonnement payant permettant à certains clients" "de participer à des tournages de films pornographiques, et donc d'avoir des relations sexuelles ». De quoi nourrir des soupçons de proxénétisme. Une enquête préliminaire a rapidement été ouverte et confiée à la section F3 du parquet de Paris. Elle a duré huit mois, pendant lesquels un gendarme s'est notamment cyber-infiltré pour vérifier que le site proposait bien à ses abonnés une participation à ces séances d'éjaculations collectives, avec des places réservées pour des sessions sans préservatifs[1].

Après avoir enquêté sur les tournages des vidéos, les gendarmes se sont intéressés au mode de recrutement des actrices.

Julien D. alias Axelle Vercoutre

D'après les témoignages des plaignantes, tout commençait par une demande d'ami sur Facebook. Une certaine « Axelle Vercoutre » se présente comme une jeune femme de 22 ans au profil de mannequin. Derrière ce profil, se cache en réalité un homme[2], Julien D., père de famille vivant à Reims.

Avec son faux profil féminin rassurant, Julien D. convainquait des femmes de se prostituer auprès de riches clients pour se faire de l'argent facile. Pour leur première passe, c'est en fait ce rabatteur qui se transformait en premier client et obtenait d'elles une prestation sexuelle visant à lever leurs réticences aux rapports tarifés. Après l'acte, ces femmes devaient être payées par coursier. Celui-ci ne venait en réalité jamais avec l'excuse de s'être fait arrêter par la police.

Après les avoir laissées sans rémunération, Axelle les recontactait pour leur suggérer une nouvelle manière de se renflouer suite à ce désagrément, via des vidéos pornographiques fortement rémunératrices destinées au Canada[3]. Mais ces femmes feront en fait des vidéos pornographiques pour Pascal Ollitrault et sa plateforme French Bukkake.


A Reims, Julien D., sous son identité féminine d’Axelle Vercoutre, entre en contact avec « Pascal OP » dont il a visionné une grande partie de la production pornographique. Ni l’un ni l’autre ne sauront dire aux enquêteurs à quel moment s’est noué cet étrange pacte entre « recruteur » et « producteur ». Ce dernier admet, du bout des lèvres, avoir compris qu’Axelle n’était pas une femme, mais tous deux nient s’être un jour rencontrés. Une certitude : ils entretiennent une correspondance régulière, car Axelle est devenue, au fil du temps, l’un des grands atouts de Pascal OP dans cette industrie de la pornographie dite « amateur », qui repose sur cette main-d’œuvre difficile à enrôler : des jeunes femmes n’ayant jamais eu de rapport sexuel tarifé[4].

Emprisonné depuis plusieurs mois, Julien D. a expliqué aux enquêteurs comment il avait pensé à créer cette fausse identité. « Ma femme était alitée, j’étais seul avec moi-même et c’était compliqué à gérer. Et je supporte mal d’être tout seul… (…) J’étais déjà avec mon épouse, et c’est là où c’est complètement paradoxal, j’aime ma vie avec elle. (…) Avec le recul, je me dis que si j’en suis arrivé à faire ça, c’était que quelque chose me manquait. J’avais un manque quelque part », a-t-il confié, toujours au Le Parisien. Au fil des mois, le père de jumeaux, éducateurs auprès de personnes souffrant de handicaps mentaux, s’est perdu dans ses activités soupçonnées par la justice d'être criminelles. En tout, il estimerait avoir contacté « des milliers de femmes » en se faisant passer pour Axelle Vercoutre[5].

Pascal OP

Patron, réalisateur et acteur vedette de French Bukkake, sa « franchise ». De son vrai nom Pascal Ollitrault, ce sexagénaire normand portant des lunettes noires est une célébrité dans ce milieu. Ses tirades racistes et homophobes, sa misogynie et sa violence ont fait de lui une icône de la culture pornographique[6].

Le 13 octobre 2020, les gendarmes placent en garde à vue Pascal Ollitrault. Devant les enquêteurs, il nie l'ensemble des accusations de viols et de proxénétisme. Il explique qu'il s'est inventé un personnage obscène pour faire « le buzz » et prétend que ses actrices sont traitées avec le plus grand respect.

« Je reçois beaucoup de filles de tous horizons et ces jeunes filles [NDLR : les plaignantes] qui sont prêtes à aller chez moi ne m'ont pas paru différentes des autres, se défend-il. Je demande toujours aux jeunes filles ce qu'elles veulent faire avant ou après. Et si il y a un souci pendant la scène, on arrête le tournage. »[7] Dans un rapport, les enquêteurs jugent que Pascal O. « décrit un monde idéal en contradiction complète avec les investigations et les témoignages des victimes ». Contacté, l'avocat du producteur, Me Samuel Habib, n'a pas souhaité réagir. Les investigations révèlent que Pascal O. a engrangé plus de 240000 euros de revenus ces cinq dernières années grâce à un montage financier complexe[8].

Une émission de Complément d'enquête révèle les liens entre Pascal OP et le groupe Dorcel. Ce dernier décide d'attaquer France Télévisions en justice[9] ainsi que le présentateur Tristan Waleckx[10].

Contacté par Le Monde, Dorcel se défend de toute responsabilité. « Nous n’avions évidemment pas connaissance des suspicions de recours à de telles pratiques et nous n’avons, à ce jour, reçu aucun signalement d’aucune sorte quant aux productions que nous avons diffusées », affirme la responsable de la communication de la société, qui précise n’avoir travaillé qu’avec Mat Hadix, et pas avec « Pascal OP », dont ils jugeaient les vidéos « extrêmes et dégradantes ». Un reportage de « Dorcel TV » en 2012 montre pourtant un tournage de bukkake. L’entreprise assure qu’il s’agissait d’un « travail d’enquête journalistique » qui « alerte justement sur le caractère extrême » de ces productions. On peut en douter au vu du texte du début de la vidéo, annonçant un contenu « drôle, provocant, écœurant... et à prendre au second degré »[6].

Mat Hadix

Plus récent que Pascal OP dans le métier, Mathieu Lauret dit Mat Hadix travaillait aussi pour les pontes de la pornographie française, notamment pour Dorcel Vision, la plate-forme de vidéos à la demande du producteur français Marc Dorcel, sur laquelle ont été publiées nombre de vidéos de victimes. Ces dernières se retrouvent aussi dans le magazine Union. Mat Hadix était, par ailleurs, l’un des producteurs les plus actifs pour l'entreprise Jacquie et Michel. Cette dernière n'a pas diffusé les vidéos des plaignantes dans cette affaire mais est visée par une enquête annexe. Mathieu Lauret était tout simplement « le seul régulier qui n'arrête jamais » parmi le noyau de cinq ou six producteurs qui travaillent pour le site. À tel point qu'il était présenté comme « l'incontournable ambassadeur de la marque » en 2018 dans la revue maison, Jacquie & Michel – Le mag.

Mais Lauret a aussi été en relation commerciale avec Dorcel de 2016 jusqu'à son arrestation en 2020. Une soixantaine de ses films ont été diffusés en exclusivité pour le catalogue VOD du groupe. La marque s'abrite derrière son statut de distributeur, mais un dirigeant de la société déclarait en 2018, à propos d'au moins un des films de Mat Hadix, que "Dorcel en est le producteur à 100 %". Depuis son interpellation, le groupe pornographique multiplie les procédures contre les journalistes rappelant les liens commerciaux qui l'unissent au producteur incriminé[11].

Ni Dorcel, ni Jacquie et Michel n'ont été jusqu'à présent inquiétés par la justice dans cette affaire[12].

Conséquences pour les victimes et retrait des vidéos

Dès qu'elles sont publiées, les vidéos pornographiques circulent à une vitesse vertigineuse, ce qui témoigne d’un goût très répandu pour ces séquences humiliantes. Soraya – les prénoms des victimes ont été modifiés – a vu un homme la reconnaître et la poursuivre pour lui demander un rapport sexuel. Elle doit déménager. Héloïse reçoit des propositions de prostitution de l’équipe de foot de sa ville, puis doit quitter son emploi : sa vidéo a fait le tour de son entreprise. Giorgia démissionne elle aussi : employée à l’accueil d’une agence bancaire, elle se met à recevoir des mails suggestifs de ses clients. Toutes sont harcelées, confrontées à des dizaines de messages d’insultes, de photos de sexes masculins…

Elles se retournent alors vers Pascal OP : « Je t’en prie, peux-tu la faire supprimer, c’est vraiment l’enfer et le harcèlement envers moi et ma famille », écrit Jade, en mars 2020. Le producteur la fait attendre, puis écrit : « La vidéo est désactivée… provisoirement. » « Comment ça ? », s’étonne Jade. Il exige 2 500 euros pour supprimer les deux vidéos, une somme largement supérieure à ce qu’elle a perçu et que Jade n’a pas. « Trouve une solution », rétorque le producteur.

Par SMS, Marianne le supplie de supprimer les images, qui ont déjà emporté son couple. « Je vais sûrement perdre la garde de mon enfant » , implore la jeune femme. « N’oublie pas tes virements », répond le producteur. Pascal OP lui réclame à elle aussi 2 000 euros. Le prix comprend la suppression sur le site French Bukkake, mais pas sur les plates-formes qui les ont déjà aspirées vers des serveurs au bout du monde. Elles sont devenues impossibles à effacer. Soraya décrit une scène dans la voiture de « Pascal OP », devant un Quick. « II m’a dit que pour supprimer les vidéos, il fallait payer 3 500 euros. Je lui ai dit que c’était plus que tout ce que j’avais gagné dans cette affaire. C’est là qu’il m’a proposé d’être à sa disposition, pendant un temps indéfini, pour lui faire plaisir quand il en a envie. » Elle refuse[13].

Vaste réseau

En plus de ces trois figures principales de l'affaire est également mis en examen et placés sous contrôle judiciaire un assistant cadreur. En 2021, c'est au tour de quatre acteurs ayant participé aux bukkakes et gang bangs non consentis d'être mis en examen. Ils reconnaissent devant les enquêteurs avoir commis des viols[14]. En revanche, les deux producteurs nient les faits qui leur sont reprochés[15].

En janvier 2023, alors que l’enquête touche à sa fin, une 8e mise en examen a été prononcée contre un acteur de la plateforme pour traite des êtres humains en bande organisée et viol en réunion au préjudice de deux victimes[16].

Au total, plus d'une cinquantaine de victimes sont identifiées et huit personnes mises en examen, pour « viol en réunion », « traite aggravée d’êtres humains », « proxénétisme aggravé », « blanchiment », « travail dissimulé » et « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne »[17].

Le procès devrait se tenir courant 2024.

Notes et références

  1. « Violences sexuelles dans le milieu du porno : ce que l'on sait de l'affaire "French Bukkake" », sur Franceinfo, (consulté le )
  2. « VIDEO. Affaire "French Bukkake" : le stratagème qui a permis de recruter des dizaines d'"actrices" pour des vidéos porno », sur Franceinfo, (consulté le )
  3. « Pornographie. Affaire « French Bukkake » : quatre hommes mis en examen à Paris », sur www.ledauphine.com (consulté le )
  4. « « C’était des viols déguisés en vidéo » : le réseau, le recruteur et les proies », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. Lou Ducreux et ccarlesimo, « Derrière la jeune brune au visage angélique se cachait un rabatteur machiavélique », sur Closer, (consulté le )
  6. « Dans le porno français, une mécanique des larmes et de la violence », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Par Ronan Folgoas et Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê Le 16 mars 2021 à 06h22, « «Tu seras moins naïve la prochaine fois» : les dessous sordides de l’enquête sur le roi du porno amateur », sur leparisien.fr, (consulté le )
  8. Par Ronan Folgoas et Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê Le 16 mars 2021 à 06h22, « «Tu seras moins naïve la prochaine fois» : les dessous sordides de l’enquête sur le roi du porno amateur », sur leparisien.fr, (consulté le )
  9. « Marc Dorcel attaque en justice France 2 et Tristan Waleckx après un "Complément d'enquête" sur l'industrie du porno », sur ozap.com, (consulté le )
  10. « Après un numéro du magazine "Complément d'enquête" sur l'industrie du porno sur France 2, Marc Dorcel attaque en justice la chaîne et le présentateur Tristan Waleckx - VIDEO | Jean-Marc Morandini », sur www.jeanmarcmorandini.com (consulté le )
  11. « Quatre mises en examen pour "viol" : l'affaire qui fait trembler le porno français », sur lejdd.fr, (consulté le )
  12. Robin d’Angelo, « Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno », sur Mediapart (consulté le )
  13. « Pratiques dégradantes et arnaques en série : les supplices de l’internationale du porno », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « «Il fallait tout le temps faire plus hard» : la chute de Joe, Eddie, Étienne et Tonyo, acteurs X mis en examen pour viols », sur leparisien.fr, (consulté le )
  15. Robin d’Angelo, « Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno », sur Mediapart, (consulté le )
  16. Par Le Parisien avec AFP Le 27 janvier 2023 à 14h46, « « French Bukkake » : un nouvel acteur pornographique mis en examen pour viol en réunion », sur leparisien.fr, (consulté le )
  17. « Violences sexuelles dans le porno : trois nouvelles gardes à vue dans le dossier « French Bukkake » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

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