Acadja
Les Acadjas désignent une technique traditionnelle d'aquaculture développée sur les étendues d'eau d'Afrique de l'Ouest, principalement au sud du Bénin. Ce sont des parcs mis en place avec des branches d'arbres et d'arbustes, coupées et enfouies à une profondeur d'un à deux mÚtres environ, dans les lacs et lagunes. Les acadjas offrent ainsi un habitat artificiel, propice au développement de certaines espÚces de poissons[1].
Issus de l'Ă©volution des aholos, les acadjas sont caractĂ©risĂ©s par leur taille et leur construction. Acadjavi, Aoula, Codokpono, AmĂ©djorotin, Adokpo, Ava, Hanou, Hanoumecadja, Hanougocadja sont les principales formes d'acadja existantes de nos jours. L'acadja joue deux principaux rĂŽles dĂ©finis par la pĂ©riodicitĂ© des pĂȘches : un rĂŽle de piĂšge Ă poissons (engin de pĂȘche), lorsque les pĂȘches se font Ă court terme, par pĂ©riodicitĂ© de deux Ă trois mois, et le rĂŽle de systĂšme d'aquaculture extensive lorsque les pĂȘches se font par pĂ©riodicitĂ©s de six Ă douze mois [2].
Histoire
Avant la fin du XIXe siĂšcle, les pĂȘcheurs, constatant l'abondance des poissons autour des Ă©chasses des palĂ©tuviers qui bordent autrefois le lac NokouĂ©, utilisaient la technique des aholos. L'ouverture du chenal de Cotonou, par l'administration coloniale, le , eut pour consĂ©quence, la dĂ©gradation puis la disparition des formations forestiĂšres amphibies bordant le lac. Ainsi, face Ă la disparition des aholos, une nouvelle technique d'aquaculture fut dĂ©veloppĂ©e par un pĂȘcheur du nom de Winsou, originaire de SĂŽ-TchanhouĂ©. Sa technique se rĂ©sume Ă reconstituer un milieu naturel semblable Ă celui des aholos, en crĂ©ant des parcs Ă l'aide de branches, de branchages et de feuilles. Sa pratique se gĂ©nĂ©ralisa et les pĂȘcheurs allaient acheter chez les OuĂ©mĂšnou, des branchages appelĂ©s acadjas, d'oĂč le nom donnĂ© Ă cette technique traditionnelle d'aquaculture [3].
Les différents types d'acadja
Nom | Forme | Aire moyenne
en m2 |
MatĂ©riaux | Description | PĂ©riodicitĂ© de pĂȘche | Rendement
(t/ha/an avant 1959) |
Rendement
(t/ha/an avant 1989) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Aoula | Circulaire ou rectangulaire | 25 | Branchages et végétations flottantes | Il est composé de branchages avec autour, des végétations flottantes. | Tous les mois | 28 | 9 |
Amedjrérotin | Circulaire | 1250 | Frondes de palmier | Il est constitué d'un parc délimité avec des frondes de palmier dont le fond est jonché de mélange de branchages nervures de palme. | Habituellement tous les 6 mois, mais la fréquence dépend de la taille. | 6 | 1.5 |
Godokpo | Circulaire | 625 | Bois durs et tendres | Il s'agit d'une installation isolée dont l'extérieur est fait de bois durs, et le centre de bois tendres, avec des couches de branches à plat. | Tous les deux ou trois mois | 5 | 1 |
Adokpo | Forme irréguliÚre | 4000 | Bois durs et tendres | Il est constitué de plusieurs 'Godokpos' groupés en essaim de 4 à 12 installations | 2 fois par an | 7 | 2 |
Ava | Rectangulaire | 10000 | Bois durs et tendres, roseaux, pneumatiques | La clÎture principale est faite de bois durs, protégée par des roseaux ; l'enceinte intérieure (acadjavi) est faite avec des couches de branches à plat et de pneumatiques par endroit. | 1 à 2 fois par an | 10 | 3.5 |
Acadjagbo | Rectangulaire | plus de 20000 | Bois durs et tendres, roseaux, pneumatiques | La clÎture principale est faite de bois durs, protégée par des roseaux ; l'enceinte intérieure (acadjavi) est faite avec des couches de branches à plat et de pneumatiques par endroit. | 1 à 2 fois par an | 17 | 4 |
Hanou | Combinaison de formes rectangulaires et circulaires | 15000 | Branchages, roseaux, pneumatiques | Il est constituĂ© sur trois cĂŽtĂ©s, d'un Ava d'un (01) Ă deux (02) hectares, laissĂ© ouvert sur toute sa deuxiĂšme largeur. | Ava est le rĂ©servoir. Il n'est pas pĂȘchĂ©. Les 'acadjavis' sont pĂȘchĂ©s tous les mois. | 25 | En voie de disparition |
Hanoumécadja | Rectangulaire | 15000 | Branchages, roseaux, pneumatiques | Il s'agit d'un type de Hanou avec des 'acadjavis' plus nombreux et situés à l'intérieur. | Tous les 4 mois | 21 | 21 |
Ava
"genre Ganvié" |
Rectangulaire | 15000 | Branchages, roseaux, pneumatiques | C'est un type de 'Hanoumécadja' sans branchages mous sur toute sa surface. Il est composé de 6 à 18 'acadjavis', plus chargés du centre vers la périphérie, ayant la particularité de capturer plus de tilapias. | 1 à 3 fois par an | 5.7 | 2.5 |
Ava
"genre SÎ Tchanhoué" |
Rectangulaire | 15000 | Branchages, roseaux, pneumatiques | Ce genre présente un grand acadjavi central bien bourré, entouré de 4 à 6 petits acadjas moins chargés. Il permet la capture de plusieurs types de poissons avec une dominance de tilapias. | 1 à 3 fois par an | 5.5 | 2 |
Ava
"genre Ouédo" |
Rectangulaire | 15000 | Branchages, roseaux, pneumatiques | Ici, il s'agit d'une forme hybride, composé d'un acadjavi central bourré. Toute la surface restante est délimitée par des clÎtures secondaires sans branchages de fond. Il permet notamment la capture d'ethmaloses. | 1 à 3 fois par an | 7 | Non communiqué |
Implantation
Les travaux d'implantation d'acadja incombent aux hommes. Avant l'implantation proprement dite, une prospection est faite afin de déterminer un lieu propice à l'implantation. Les éléments indispensables entre autres sont :
- Un niveau d'eau compris entre 80 et 150 centimĂštres en saison sĂšche.
- La prĂ©sence d'une couche de vase de qualitĂ© suffisamment consistante. Pour le pĂȘcheur toffin, une pincĂ©e de vase de qualitĂ©, triturĂ©e entre les doigts jusqu'au dernier Ă©lĂ©ment constitutif ne devrait prĂ©senter aucun grain de sable.
- Le fond ne doit pas contenir d'organismes "parasites".
Pour un acadja rectangulaire par exemple, l'implantation commence par la dĂ©limitation, sur trois cĂŽtĂ©s, de la clĂŽture par piquetage. La clĂŽture doit ĂȘtre assez dense pour rĂ©sister aux vents. L'opĂ©rateur entre sous l'eau pour fixer les branchages dans la vase. Des 'acadjavis' sont ensuite installĂ©es Ă l'intĂ©rieur de cette clĂŽture, Ă raison de 5 Ă 6 par hectare. Les clĂŽtures des acadjavis sont moins denses que la clĂŽture de l'acadja. Des allĂ©es de circulation destinĂ©es aux pirogues sont prĂ©vues entre les 'acadjavis' pour faciliter l'exploitation. Le fond des 'acadjavis' est chargĂ© de grandes quantitĂ©s de branchages[3].
L'implantation d'un acadja nécessite 52.5 à 80 tonnes de branchages par hectare[1] - [3].
Technique de pĂȘche
La pĂȘche dans les acadjas se fait de la pĂ©riphĂ©rie vers le centre. Jusqu'Ă la fin du XIXe siĂšcle, les pĂȘcheurs utilisaient un filet Ă©galement appelĂ© acadja. Le filet acadja est un filet en forme de tronc de cĂŽne, ouvert au niveau de ses deux bases, que le pĂȘcheur jette au-dessus de l'acadjavi puis fixe. Il entre Ă l'intĂ©rieur de l'acadjavi ainsi encerclĂ© par le filet et en retire les branchages. Il resserre ensuite le filet de façon que les poissons se retrouvent prisonniers dans une petite poche oĂč ils sont facilement capturĂ©s[3].
Cette technique a évolué au fil des années, débouchant sur l'utilisation de nouveaux types de filets appelés avado. Ce sont des nappes de filets sur lesquelles sont installées des chambres de capture dénommées adjassondo, déployées pour encercler l'acadja[3].
Les atouts
Une activitĂ© normale de pĂȘche gĂ©nĂšre en moyenne quelques dizaines de kilogrammes de poisson par hectare et par an. Dans les meilleurs des conditions, les prises atteignent quelques centaines de kilogrammes par hectare et par an. Le principal atout des acadjas est leur rendement. En effet, la production de pisciculture aux acadjas permet d'atteindre plusieurs tonnes par hectare et par an[1] - [2]. Les frais d'installation d'un 'acadja' s'Ă©lĂšvent en moyenne Ă 1 500 ⏠par hectare. Il faut environ trois annĂ©es d'exploitation pour amortir l'investissement initial[3].
Inconvénients et limites
L'implantation et l'entretien des acadjas entraĂźnent une exploitation abusive des forĂȘts environnantes[4]. Les acadjas couvrent une superficie de 9 000 ha sur les 15 000 ha du lac NokouĂ©. Les tonnes de branchages utilisĂ©s dans ces acadjas contribuent au comblement et rĂ©duisent la surface dâexercice des pĂȘcheurs en eau libre[5].
EspĂšces Ă©levĂ©es et pĂȘchĂ©es
Législation, réglementation
L'implantation et l'exploitation des acadjas sont interdites au BĂ©nin par la loi cadre n°2014-19 du relative Ă la pĂȘche et Ă lâaquaculture en RĂ©publique du BĂ©nin[6].
Galerie
- Transport de branchages pour l'installation d'acadjas
- Acadja entouré d'un filet
- Pirogue au milieu d'acadjas
- Vue d'un acadja
- Femme et son enfant dans une pirogue, naviguant devant un acadja
- Pirogue naviguant à cÎté d'un acadja
- Pirogue transportant des branchages pour construire un acadja
- Acadjas et habitats à la cité lacustre de Ganvié
Notes et références
- (en) « The origin of acadja branches and transport routes in the Province Atlantique », sur projekte.uni-hohenheim.de (consulté le )
- Z. SOHOU, R. C. HOUEDJISSIN et N. R. A. AHOYO, « La pisciculture au BĂ©nin : de la tradition Ă la modernisation », Bulletin de la Recherche Agronomique du BĂ©nin, no 66,â , p. 48-59 (lire en ligne)
- Jeanne-Marie Principaud, « La pĂȘche en milieu lagunaire dans le sud-est du BĂ©nin. L'exemple de l'exploitation des acadjas (en danger) sur le lac NokouĂ© et la basse SĂŽ », Les Cahiers d'Outre-Mer, vol. 48, no 192,â , p. 519â546 (DOI 10.3406/caoum.1995.3582, lire en ligne, consultĂ© le )
- Hem Saurin et Avit J.B.L.F., « Acadja comme systĂšme d'amĂ©lioration de productivitĂ© aquatique », AgnĂšse Jean-François (ed.). Comptes rendus de l'atelier biodiversitĂ© et aquaculture. Abidjan : CRO,â (lire en ligne)
- Gnona AFANGBEDJI, « PĂȘche continentale: Controverses autour de lâinterdiction des ââacadjaââ », sur www.lanationbenin.info (consultĂ© le )
- « Loi-cadre n° 2014-19 du 07 aoĂ»t 2014 relative Ă la pĂȘche et Ă l'aquaculture en RĂ©publique du BĂ©nin - Download Summary - Fisheries Committee for the West Central Gulf of Guinea. », sur www.fcwc-fish.org (consultĂ© le )