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Abeille africanisée

L’abeille africanisée, appelée aussi abeille tueuse, est le nom donné à une lignée hybride d'abeilles née d'un croisement entre des reines de la sous-espèce africaine Apis mellifera scutellata et des abeilles Apis mellifera ligustica et Apis mellifera iberiensis. Ces abeilles métisses sont plus agressives que les abeilles des races dont elles sont issues.

Généralités et historique

Dans les annĂ©es 1950, le BrĂ©sil souhaite devenir le premier producteur mondial de miel. Afin d'augmenter la productivitĂ© de ses abeilles, le gouvernement brĂ©silien, en collaboration avec Warwick Estevam Kerr, gĂ©nĂ©ticien de l'UniversitĂ© de SĂŁo Paulo, importe en 1956 soixante-deux reines de la sous-espèce africaine Apis mellifera scutellata d'Afrique australe[1]. Cette abeille africaine produit moins de miel que l'europĂ©enne mais prolifère mieux sous le climat tropical. Elle a de plus un comportement hyperdĂ©fensif, Ă©tant agressive envers ses redoutables prĂ©dateurs, le ratel ou le grand Indicateur[2]. Dans son centre de recherches de Rio Claro dans l'État de SĂŁo Paulo, Kerr les croise avec des abeilles europĂ©ennes utilisĂ©es jusque-lĂ  au BrĂ©sil, Apis mellifera ligustica et Apis mellifera iberiensis, mais les hybrides restent très agressifs[3]. En 1957, 26 essaims s'Ă©chappent de ce centre de recherches et colonisent les AmĂ©riques avec une progression annuelle de 300 Ă  500 km par an[4]. Si leur venin est identique Ă  celui des autres abeilles, leur agressivitĂ© peut entraĂ®ner un grand nombre de piqĂ»res (avec parfois l'attaque de tout l'essaim : de 200 Ă  1 000 piqĂ»res simultanĂ©es). En outre, elles peuvent poursuivre un ennemi sur près d'un kilomètre, alors que les autres variĂ©tĂ©s ne le font habituellement que sur une cinquantaine de mètres. Enfin, elles ont tendance Ă  supplanter les colonies europĂ©ennes. La première mention d'un dĂ©cès au Texas survient en juillet 1993 lorsque les journaux rapportent qu'un paysan de 82 ans a succombĂ© Ă  40 piqĂ»res, donnant Ă  cette occasion l'appellation sensationnaliste d'abeille tueuse (killer bee)[5].

Description et comparatif

Vue latérale d'une abeille tueuse africanisée.

Morphologiquement, l'abeille tueuse et l'abeille européenne se ressemblent beaucoup. Néanmoins elles diffèrent sur quelques points :

  • l'abeille tueuse est plus rĂ©sistante aux maladies et aux conditions climatiques ;
  • elle peut sortir dans de mauvaises conditions mĂ©tĂ©orologiques ;
  • lorsque les ressources autour de la ruche se rarĂ©fient, elle n’hĂ©site pas Ă  abandonner la ruche et Ă  migrer vers des lieux plus propices ;
  • les reines qui possèdent des gènes mĂ©tissĂ©s Ă©closent une journĂ©e plus prĂ©cocement que les reines de race pure. Elles dĂ©truisent alors toutes les cellules royales de leurs rivales plus douces[6].

Progression et invasion

Des abeilles africanisées entourant une reine Apis mellifera (marquée d'un point rouge), aux États-Unis. Mars 2005.

Cette métisse invasive va coloniser le continent sud-américain dans les années 1960, atteindre le Mexique en 1985 et envahir le sud des États-Unis au début des années 1990. Actuellement, l’invasion continue sa progression vers le nord des États-Unis. Néanmoins, il semblerait que les abeilles tueuses se propagent moins dans cette dernière région. On pense qu'elles s'adaptent moins au climat des régions montagneuses et désertiques. On rencontre donc actuellement ces hyménoptères en Amérique du Sud et dans certains États du sud des États-Unis. Sa présence n’a pas encore été détectée au Canada[7].

Les abeilles tueuses envahissent les colonies d’abeille domestique européenne. La reine (européenne) se reproduit davantage avec les faux-bourdons africanisés, modifiant le patrimoine génétique des abeilles exploitées par les apiculteurs. De plus, les reines utilisent souvent la semence des mâles africanisés en premier pour produire les futures ouvrières et les faux-bourdons dans une proportion pouvant aller jusqu’à 90 %. Une autre méthode d’invasion est l’usurpation de nid et l’élimination de la reine européenne en place pour la remplacer par une reine africanisée[7].

Génétique

Matthew Webster de l'UniversitĂ© d'Uppsala (Suède) et son Ă©quipe ont analysĂ© et comparĂ© les gĂ©nomes de 32 abeilles Apis mellifera dites « africanisĂ©es Â» prĂ©levĂ©es dans diverses rĂ©gions du BrĂ©sil[8]. Ils constatent que ces abeilles ont toutes une ascendance africaine (pour 84 % de leur gĂ©nome environ) mais que leur ADN contient aussi un grand segment de gènes frĂ©quents et d'origine ouest-europĂ©enne (16 % du gĂ©nome environ, avec 1,4 Mb situĂ©es sur le chromosome 11)[8]. La conservation de ce segment et le fait que la proportion de gĂ©nome d'origine africaine et europĂ©enne varie selon le gĂ©nome avec des signes de sĂ©lection positive dans des rĂ©gions Ă  forte proportion d'ascendance europĂ©enne laisse penser que la part europĂ©enne du gĂ©nome est bĂ©nĂ©fique pour ces hybrides[8]. Les gènes identifiĂ©s sur ce segment sont connus pour ĂŞtre impliquĂ©s dans la reproduction et l'alimentation. Les traits qu'ils confèrent aux individus qui les portent ont pu contribuer Ă  la large et rapide extension de ces hybrides « tueurs Â»[8].

Physiopathologie

Après quelques piqûres, la victime peut faire une simple réaction. Mais après plusieurs centaines de piqûres, on peut voir des cas d'empoisonnements mortels par myolyse, hémolyse et insuffisance rénale aiguë.

La dose lĂ©tale correspond Ă  environ 1 500 piqĂ»res pour un homme de 70 kilos. On a toutefois constatĂ© des dĂ©cès survenus après 500 piqĂ»res, et on rapporte des cas de personnes ayant survĂ©cu après plus de 1 500 piqĂ»res.

Traitement

En cas d'empoisonnement grave, l'hospitalisation est nécessaire. Le traitement est symptomatique, et il n'existe pas de sérum antivenimeux spécifique contre la piqûre d'abeille.

MĂ©diatisation

Pour le documentariste militant Michael Moore, le terme « Abeilles africaines » pour désigner ces abeilles au comportement violent dans les médias télévisés américains serait de caractère spécieux et orienté (voir le documentaire Bowling for Columbine).

Dans le documentaire de Markus Imhoof Des Abeilles et des hommes, l'apiculteur de l'Arizona Fred Terry[9] indique que, de sa propre expérience, les abeilles tueuses ne correspondent pas aux stéréotypes agressifs que les chaînes de média ont véhiculé sur elles, et que l'espèce, plus robuste que sa consœur domestique, produit un miel plus abondant et de surcroît sans pesticides dans la région où se situent ses ruches. Ce passage intervient dans le documentaire dans une réflexion sur la sélection génétique effectuée par des siècles d'apiculture, qui ont rendu docile l'abeille[10], tout en la fragilisant et la rendant vulnérable aux causes multifactorielles qui occasionnent sa disparition actuelle (syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles). Reprendre une exploitation avec les abeilles africanisées serait donc une alternative en cas d'effondrement des premières.

Les abeilles tueuses, reportage de Manfred Christ consacré en 2005 à ces abeilles, reconstitue de façon scientifique leur histoire[11].

Les abeilles tueuses font partie du clip Triumph du Wu-Tang Clan, musique sortie en 1997.

Notes et références

  1. (es) W. E. Kerr, « Introducao de abelhas africanas no Brasil Â», Brasil Apicola, 3, 1957, p. 211-213
  2. Bruno Villières, L'apiculture en Afrique tropical, GRET, , p. 54-55.
  3. Bruno Villières, op. cit., p. 47
  4. (en) O. R. Taylor, « The past and future spread of Africanized bees in the Americas Â», Bee World, 58, 1977, p. 19-30
  5. (en) Melissa S. Tulin, Aardvarks to Zebras, MJF Books, , p. 40.
  6. Ce comportement est, du reste, propre à toute reine qui tuera ses rivales, et non spécifiquement lié à l'abeille tueuse.
  7. Marie-Lyne Pelletier, « L’abeille, la brute et les truands… Quand l’équilibre de la ruche est menacé », Antennae, Société d'entomologie du Québec, vol. 13, no 2,‎ , p. 21 (lire en ligne [PDF])
  8. Nelson, R. M., Wallberg, A., Simões, Z. L. P., Lawson, D. J. and Webster, M. T. (2017), Genome-wide analysis of admixture and adaptation in the Africanized honeybee. Mol Ecol. Accepted Author Manuscript. doi:10.1111/mec.14122 lien.
  9. source sur le site Web du documentaire.
  10. Docile : des abeilles qui piquent moins régulièrement, et des ruches qui essaiment peu.
  11. « arte.tv/fr/les-abeilles-tueuse… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).

Voir aussi

Articles connexes

Références externes

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