Accueil🇫🇷Chercher

ĂŽle Makatea

L'île Makatea est un atoll surélevé d'origine corallienne situé dans les îles Tuamotu, dans le sous-groupe des îles Palliser, en Polynésie française. À partir de 1917, les importants gisements de roche phosphatée de l'île sont exploités, ce qui entraîne d'importants bouleversements, avec l'arrivée de nombreux travailleurs étrangers ou originaires du reste de la Polynésie. D'importantes infrastructures industrielles y ont été édifiées et la collecte du minerai modifie profondément les paysages. Jusqu'en 1966, date de l'arrêt de l'exploitation, Makatea est l'un des moteurs économiques de la Polynésie française. Depuis, seule une petite population vivant de la pêche et de l'agriculture habite l'île. Un projet de relance de l'exploitation, controversé, est porté par un industriel australien[2].

ĂŽle Makatea
Vue satellite de Makatea
Vue satellite de Makatea
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la France France
Archipel Tuamotu
Localisation Océan Pacifique
CoordonnĂ©es 15° 50′ 00″ S, 148° 15′ 00″ O
Superficie 24 km2
Point culminant Puutiare (110 m)
Géologie Atoll surélevé
Administration
Collectivité d'outre-mer Polynésie française
District Tuamotu
Commune Rangiroa
DĂ©mographie
Population 94 hab. (2017[1])
DensitĂ© 3,92 hab./km2
Autres informations
DĂ©couverte 1722
Fuseau horaire UTC-10
Géolocalisation sur la carte : îles Tuamotu
(Voir situation sur carte : îles Tuamotu)
ĂŽle Makatea
ĂŽle Makatea
Géolocalisation sur la carte : Polynésie française
(Voir situation sur carte : Polynésie française)
ĂŽle Makatea
ĂŽle Makatea
Atolls en France

GĂ©ographie

Situation

Carte de Makatea vers 1930 établie par l'Amirauté britannique.

Makatea (du polynĂ©sien Maka « rocher » et Tea « blanc »[3]) est situĂ©e Ă  75 km au sud de Tikehau l'atoll le plus proche, Ă  82 km au sud-ouest de Rangiroa et Ă  220 km au nord-est de Tahiti. L'Ă®le mesure 7,5 km du nord au sud, avec une largeur maximale de km dans le sud. La superficie est de 24 km2. Elle prĂ©sente la particularitĂ©, pour les Tuamotu composĂ©s d'atolls et d'Ă®lots bas, de possĂ©der une plaine situĂ©e Ă  80 m au-dessus du niveau de la mer.

Le chef-lieu actuel est le village de Vaitepaua, situé sur la partie nord du plateau. L'île forme une commune associée à la commune de Rangiroa ; son maire délégué est Julien Maï. Le port de Temao, principal lien avec l'extérieur est situé sur la côte occidentale nord, en effet, en l'absence d'aérodrome, Makatea est accessible seulement par les rotations des navires vraquiers Mareva Nui et Saint-Xavier Maris Stella ou par l'hélicoptère d'urgences sanitaires[3].

GĂ©ologie

D'un point de vue gĂ©ologique, l'atoll est l'excroissance corallienne du sommet du mont volcanique sous-marin homonyme formĂ© il y a environ 40 Ă  50 millions d'annĂ©es[4]. Makatea prĂ©sente la particularitĂ©, avec Niau et Tikehau, d'ĂŞtre un atoll surĂ©levĂ©[5] (le point le plus Ă©levĂ© est Ă  110 mètres au-dessus du niveau de la mer) rĂ©sultant d'un feo c'est-Ă -dire d'un rĂ©cif corallien mis Ă  nu et « dolomitisĂ© » par sa mise hors de l'eau lors d'un bombement de la lithosphère survenu il y a 1 Ă  2 millions d'annĂ©es[6].

Makatea contient un important gisement de roche phosphatée exploitable, dont la genèse est actuellement discutée par les scientifiques. Il s'agit de l'une des trois îles de l'océan Pacifique présentant ces caractéristiques géologiques, les deux autres étant Nauru et Banaba[3].

DĂ©mographie

En 2017, la population totale de Makatea est de 94 personnes[1] - [7] principalement regroupées dans le village de Moumu ; son évolution est la suivante :

Histoire

Découverte européenne

L'explorateur hollandais Jakob Roggeveen est le premier Européen mentionnant l'île, il l'aborde le et la nomme « Eiland von Verkwikking[9] ». Makatea est ensuite visité par le navigateur espagnol José de Andía y Varela qui l'aborde le et le mentionne sous le nom de « San Diego », puis par le Britannique John Turnbull en février 1803 qui le nomme « Maka Tableland[9] ». Il est enfin accosté par l'Américain Charles Wilkes lors de son expédition australe le qui le mentionne sous le nom d'« Aurora[9] ». Plus tard, les Polynésiens l'ont appelé le « Papa Tea » (qui veut dire « le rocher blanc »)[10].

Exploitation du phosphate

Un officier français résidant à Tahiti, le capitaine Bonnet, serait à l'origine de la découverte du gisement vers 1890. Dès 1898, une exploitation artisanale du phosphate est essayée. Mais les difficultés techniques liées au travail minier rendent ces efforts vains[11]. En 1908[5]. Sous l'impulsion d'un notaire de Papeete, la Compagnie française des phosphates de l'Océanie (CFPO) est fondée avec un capital social de 6 millions de francs. L'entreprise obtient en 1917 une concession générale de l'exploitation minière lui permettant de commencer ses activités et ses moyens financiers et techniques vont lui permettre à partir de cette date de se lancer dans une exploitation industrielle du minerai[11].

Le port désaffecté de Temao.

Le chargement du minerai sur les navires phosphatiers pose des problèmes techniques qui seront rĂ©solus grâce Ă  l'amĂ©lioration des infrastructures portuaires. Makatea est ceinturĂ©e de rĂ©cifs et de falaises, de plus, les fonds situĂ©s Ă  proximitĂ© immĂ©diate de l'Ă®le et la houle puissante rendent l'approche de l'Ă®le par des navires très ardue. L'Ă®le ne prĂ©sente que deux plages permettant la construction d'infrastructures portuaires, Momu, au vent, oĂą est situĂ© le village polynĂ©sien originel, les premiers chargements de phosphate s'y effectuent. Mais c'est finalement la plage de Temao, sous le vent, oĂą est Ă©difiĂ© le port[11]. Il est constituĂ© d'une darse creusĂ©e Ă  l'explosif dans le platier. Au dĂ©but de l'exploitation, des chalands sont utilisĂ©s, on y charge le phosphate par des paniers de grande dimension Ă  partir de petits appontements dĂ©passant de la zone de rouleaux de quelques mètres seulement. Ce système est lent et dangereux, il requiert l'emploi d'une main d'Ĺ“uvre nombreuse et il faut rĂ©gulièrement reconstruire les appontements emportĂ©s par la mer. Les cargos oĂą le phosphate est hissĂ© par treuillage doivent durant l'opĂ©ration de chargement mouiller sur une bouĂ©e ancrĂ©e Ă  400 m de profondeur et Ă  400 m de la cĂ´te[11]. En cas de mauvais temps, le navire doit croiser parfois pendant deux semaines avant de pouvoir reprendre les opĂ©rations. En 1927, le système est amĂ©liorĂ© par la construction d'une jetĂ©e mĂ©tallique amenant le minerai 50 mètres après les rouleaux, ce qui Ă©vite aux chalands d'avoir Ă  les franchir, mais le chargement reste onĂ©reux et difficile[11]. En 1953 est dĂ©cidĂ© la construction de la jetĂ©e Seibert permettant sans intervention de la batellerie de charger 500 tonnes de phosphate Ă  l'heure. Le système achevĂ© fin 1954 est composĂ© d'une poutre principale terminĂ©e par une sauterelle mobile Ă  106 mètres du rivage permettant au minerai d'ĂŞtre dĂ©livrĂ© par tapis roulant jusqu'au-dessus des cales du navire amarrĂ© entre quatre grosses bouĂ©es fixĂ©es au fond d'une profondeur de 40 m Ă  cet endroit[11]. Cette jetĂ©e, techniquement complexe en raison de la nature très accore du rĂ©cif, est repliable sur elle-mĂŞme après utilisation ; elle repose alors sur trois piles Ă©difiĂ©es le long du rĂ©cif[11].

Un réseau de chemins de fer à voie de 60 centimètres desservait les mines et le port, où ont circulé cinq locomotives à vapeur de type 040T remorquant des tenders annexes construits par Orenstein & Koppel[12] - [13]. Plus tard seront utilisés des locotracteurs Boilot-Pétolat, Deutz et surtout trois Billard T100D initialement étudiés pour la ligne Maginot mais construits pour l'organisation Todt.

Avec l'exploitation des phosphates, la population de Makatea est multipliĂ©e par 100, passant d'une trentaine d'habitants au dĂ©but du siècle Ă  environ 3 000 au plus fort de l'exploitation, en 1962[3]. Ă€ la mĂŞme Ă©poque, les salaires versĂ©s au personnel de la CFPO reprĂ©sentent 28 % des salaires privĂ©s versĂ©s dans le territoire et les impĂ´ts perçus sur la compagnie un quart des ressources fiscales.

Après la fermeture de l'exploitation minière

Les sites miniers ferment en 1966, après quoi l'île redevient quasi déserte ; cependant, à la date de sa fermeture programmée, le centre d'expérimentation du Pacifique est venu maintenir une vie économique sur le territoire, jusqu'à sa fermeture. Les habitants se tournent vers la culture du coprah (qui est fournie à l'huilerie de Papeete), la pêche, et le commerce des crabes de cocotier[3].

Les vestiges de la friche industrielle et possibilités de développement touristique.

En 2003, Julien Maï, maire-délégué de l'île, a demandé à des géographes de l'université de la Polynésie française d'étudier les possibilités de développement du tourisme local en valorisant notamment les atouts géologiques de l'île (dont les nombreuses grottes sont propices à la spéléologie) et le passé de la friche industrielle[10] - [3].

Dans les années 2010, l’entreprise Avenir Makatea fondée à Tahiti par l'Australien Colin Randall veut reprendre l'exploitation du phosphate en creusant plus profondément (comme à Nauru) ; il propose comme mesure compensatoire un projet de réhabilitation de l'ancienne zone minière – dont le sol est fortement délabré par les excavations laissées à l'abandon – et le développement de l'écotourisme[2]. Les habitants de l'île sont divisés ; « le maire, Julien Maï, souhaite rouvrir les mines pour générer de l'emploi. À condition que la nouvelle société efface toute trace industrielle et remplisse les milliers de trous qui parsèment l'île »[2]. D'autres préfèreraient préserver l'île pour l'écotourisme (et notamment pour son potentiel en termes d'escalade sur falaises). Selon le naturaliste Michel Huet, « ce projet d’exploitation serait non seulement une catastrophe pour la biodiversité et les habitants de Makatea, mais également pour les atolls des Tuamotu menacés par l’élévation du niveau marin, dont nous sommes aujourd’hui les seuls responsables ». L’île abrite en effet une faune et une flore endémiques peu connues en raison de l’absence d’études à ce sujet, qui seraient menacées par le projet[14] - [2].

Flore et faune

Makatea possède encore quelques spécimens d'arbres Barringtonia asiatica endémiques. Toutefois, le principal couvert forestier est composé de Pandanaceae[3].

D'un point de vue de la faune, l'île héberge une population endémique de Rousserolles à long bec, Ptilopes des Tuamotu, et de Carpophages de la Société[15]. La richesse de son avifaune, par rapport aux autres atolls des Tuamotu, s'explique par le caractère surélevé de l'atoll, qui lui a permis de ne pas être submergé par les dernières transgressions marines[16].

Makatea est considérée comme un conservatoire de haute importance par l'IUCN[15].

Notes et références

  1. Recensement de 2017 – Répartition de la population de la Polynésie française par îles, Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), consulté le 27 février 2019.
  2. « Makatea, l'Ă®le polynĂ©sienne qui hĂ©site entre phosphate et Ă©cotourisme Â», AFP-L'Express, 4 juillet 2019.
  3. Makatea, l'oubli [documentaire (53 min)], Jacques Navarro-Rovira (réalisateur) () Grand Angle productions pour France Télévisions (RFO Polynésie). Consulté le . La scène se produit à 18 min.
  4. (en) Makatea Seamount sur le catalogue Seamount de earthref.org.
  5. Pierre-Yves Toullelan, Tahiti et ses archipels, Paris, Éditions Karthala, coll. « Méridiens : peuples et pays du monde », , 230 p. (ISBN 2-86537-291-X, lire en ligne), « Les phosphates de Makatea », p. 100–103.
  6. (en) Pirazzoli P. A. et Montaggioni L. F., « Holocene sea-level changes in French Polynesia Â», Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology (1988), vol. 68, pp. 153-175.
  7. Atlas de Polynésie : Makatea, Direction des ressources marines du Gouvernement de la Polynésie française, consulté le 27 février 2019.
  8. Population, naissances et décès entre deux recensements (RP), Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), consulté le 27 février 2019.
  9. Jacques Bonvallot, Pierre Laboute, Francis Rougerie et Emmanuel Vigneron, Les Atolls des Tuamotu, Paris, éditions de l'ORSTOM, , 296 p. (ISBN 2-7099-1175-2, lire en ligne), « Annexe 3 : Chronologie de la découverte des îles Tuamotu », p. 275–282.
  10. Pierre-Marie Decoudras, Danièle Laplace et Frédéric Tesson, « Makatea, atoll oublié des Tuamotu (Polynésie française) : De la friche industrielle au développement local par le tourisme », Cahiers d'Outre-Mer, Presses universitaires de Bordeaux, vol. 58, no 230 « Polynésie, dynamique contemporaine et enjeux d'avenir »,‎ , p. 189–214 (ISBN 2-86781-372-7, lire en ligne).
  11. François Doumenge, L'Homme dans le Pacifique Sud, Société des océanistes, , p. 451–465.
  12. Philippe Ravé, « Makatea, l'île abandonnée », Voie étroite, no 137,‎ .
  13. (en) S. G. Martin, « Makatea », Walkabout, vol. 14, no 11,‎ repris dans Light Railways, no 169, février 2003.
  14. « Biodiversité : Michel Huet, naturaliste, auteur et réalisateur, s’inquiète de l’avenir de Makatea », sur Outremers 360°, .
  15. (en) Arthur L. Dahl, IUCN Commission on National Parks and Protected Areas et United Nations Environment Programme, Review of the Protected Areas System in Oceania, IUCN, (ISBN 2-88032-509-9), p. 202.
  16. Caroline Blanvillain, « Avifaune de Makatea », Te Manu, Société d'ornithologie de Polynésie, no 37,‎ , p. 3–4 (ISSN 1282-9986, lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Liens externes

  • [PDF] Carte de Makatea (d'après carte SHOM no 6320)
  • Michel Huet, naturaliste et rĂ©alisateur, militant pour la prĂ©servation de l'Ă®le sur son site.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.