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Évolution annuelle des tarifs T2A

La tarification à l'activité (T2A) a indéniablement incité les établissements à augmenter sensiblement leur activité hospitalière. Néanmoins, l’évolution annuelle des tarifs reste un débat plutôt sensible qui a poussé les établissements de santé à adopter une véritable stratégie pour y faire face. À ce stade, il est alors légitime de se demander quelles sont les stratégies développées par les établissements de santé pour parer à l’évolution annuelle des tarifs T2A.

Difficile à mettre en œuvre, celles-ci reposent majoritairement sur la régulation prix-volume. Ce nouveau raisonnement économique et financier a été plus ardu à adopter pour le secteur public qui n’était auparavant pas familier d’une réflexion basée sur la performance, la compétitivité et la rentabilité au contraire du secteur privé. À ce titre, il sera d’abord étudié la nécessaire adaptation des stratégies de fonctionnement des établissements pour ensuite pouvoir exposer le rapprochement de la stratégie du secteur public de celle qu’adoptait déjà le secteur privé.

Introduction

Lors de la campagne prĂ©sidentielle, Emmanuel Macron dĂ©clarait qu’il convenait « d’amĂ©liorer l'organisation de l'hĂ´pital en le dĂ©cloisonnant Â». Ă€ ce titre, il propose, dans le cadre de son quinquennat, de renforcer l’autonomie des hĂ´pitaux, d’élargir les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) au secteur privĂ© et surtout « de plafonner Ă  50 % la tarification Ă  l’activitĂ© (T2A) des hĂ´pitaux Â»[1].

Modalités de financement antérieures à la T2A

Le système de financement des Ă©tablissements de santĂ© a fait l’objet de nombreuses rĂ©formes avant d’être celui qu’il est actuellement. Par la loi du 15 juillet 1893 relative Ă  l’Assistance MĂ©dicale Gratuite[2], le financement des hĂ´pitaux publics reposait sur le système du « prix de journĂ©e Â» correspondant au prix de revient moyen d’une journĂ©e d’hospitalisation. Ce système a Ă©tĂ© abandonnĂ© par la loi dite BĂ©rĂ©govoy du 19 juillet 1983[3] au profit de la dotation globale de financement (DGF). Celle-ci correspond Ă  un « budget Â» calculĂ©, en lien l’Objectif national des dĂ©penses de l’Assurance-maladie (ONDAM), allouĂ© annuellement et de façon limitative aux hĂ´pitaux ainsi qu’aux Ă©tablissements privĂ©s participant au service public hospitalier (PSPH). La DGF avait ainsi pour but de combler le dĂ©ficit de la SĂ©curitĂ© sociale en maĂ®trisant les dĂ©penses de santĂ©. Les cliniques, quant Ă  elles, restaient soumises au système de tarification Ă  la journĂ©e avec un forfait liĂ© aux actes rĂ©alisĂ©s.

NĂ©anmoins, rapidement, ces deux systèmes de financement montrèrent leurs limites et notamment la DGF qui ne permettait pas aux Ă©tablissements de santĂ© qui y Ă©taient soumis de se montrer performants. En effet, l’activitĂ© Ă©tait au bon vouloir du corps mĂ©dical, motivĂ© ou non. Ce système Ă©tait critiquĂ© par tous les acteurs qui se voulaient porteurs de projets puisqu’ils se voyaient dans l’obligation de demander des complĂ©ments de dotations pour les rĂ©aliser : le système n’était absolument pas incitatif. La volontĂ© des pouvoirs publics Ă©tait de changer le comportement des acteurs de santĂ© en prenant en compte l’activitĂ© des Ă©tablissements.

C’est dans cette optique de redynamiser les Ă©tablissements de santĂ©, que fut lancĂ© le plan « HĂ´pital 2007 », le mercredi 20 novembre 2002. Avec le schĂ©ma rĂ©gional d’organisation sanitaire, la certification et la nouvelle gouvernance en pĂ´les d’activitĂ©, la T2A reprĂ©sentait l’une des grandes rĂ©formes de ce plan. Jean-François MattĂ©i, Ministre de la santĂ© de l’époque, voulait mettre fin Ă  la DGF qu’il considĂ©rait comme « un système de financement sclĂ©rosant Â»[4] en rĂ©novant totalement le mode de financement des Ă©tablissements de santĂ©. Dans le mĂŞme temps, une mission opĂ©rationnelle pour l'expĂ©rimentation et la mise en place de la tarification Ă  l'activitĂ© (MT2A)[5], placĂ©e sous l’autoritĂ© du Ministre, avait pour but « d’informer les organismes reprĂ©sentatifs des Ă©tablissements par le biais d’un comitĂ© de suivi Â»[6].

DĂ©finition et fonctionnement

Avec l’aide de la MT2A, la rĂ©forme de la T2A fut dĂ©finitivement mise en Ĺ“uvre par la loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale pour 2004 du 18 dĂ©cembre 2003[7]. La T2A correspond Ă  « l'allocation des ressources aux Ă©tablissements de santĂ© publics et privĂ©s sur le volume et la nature de leur activitĂ© mesurĂ©e, pour l'essentiel, par le programme de mĂ©dicalisation des systèmes d'information (PMSI) Â»[8].

Le PMSI, introduit par la loi du 31 juillet 1991 portant rĂ©forme hospitalière[9], oblige les Ă©tablissements de santĂ© Ă  procĂ©der Ă  l’analyse de leur activitĂ© et Ă  Â« mettre en Ĺ“uvre des systèmes d'information qui tiennent compte notamment des pathologies et des modes de prise en charge Â»[10].

Les patients sont alors classĂ©s dans des Groupes Homogènes de Malades (GHM) qui permettent d’identifier les prestations de soins rĂ©alisĂ©es sur un profil de patient. Les Études Nationales de CoĂ»ts Ă  mĂ©thodologie commune (ENC) vont permettre d’obtenir des coĂ»ts moyens nationaux par type de prestations de soins rĂ©alisĂ©e par les Ă©tablissements de santĂ©[11]. Dès lors, chaque GHM correspond Ă  un tarif fixĂ© au niveau national appelĂ© Groupe Homogène de SĂ©jour (GHS) qui conditionne ainsi le tarif pris en charge par l’Assurance-Maladie. 

Calendrier de mise en œuvre de la réforme T2A

Ce nouveau mode de financement permet ainsi, d’une part, « de dĂ©terminer l'allocation des ressources aux Ă©tablissements de santĂ© en fonction de la nature et du volume de l'activitĂ© rĂ©alisĂ©e Â»[6] et d’autre part, d’instaurer un système unique pour le secteur public et privĂ© afin de faciliter les coopĂ©rations. Toutefois, une dernière distinction Ă©tait opĂ©rĂ©e entre les diffĂ©rents types d’établissement de santĂ© Ă  propos du calendrier de mise en Ĺ“uvre de la rĂ©forme. En ce qui concerne les cliniques, la mise en Ĺ“uvre de la T2A est passĂ©e directement, en 2005, par l’application d’un coefficient de transition afin d’aligner les tarifs rĂ©gionaux sur le tarif national[12]. Concernant les Ă©tablissements publics et les Ă©tablissements de santĂ© privĂ©s d’intĂ©rĂŞt collectif (ESPIC), la transition s’est effectuĂ©e beaucoup plus en douceur avec le maintien d’une partie de l’activitĂ© sous l’ancienne DGF. La part d’activitĂ© sous T2A s’élevait Ă  0 % en 2004, 25 % en 2005, 35 % en 2006, 50 % en 2007 pour atteindre enfin les 100 % au 1er janvier 2008[12].

Autres modalités de financement

La T2A concerne seulement les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) pour les établissements de santé publics, à but lucratif et non lucratif. Autrement dit, les activités de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation (SSR) – les SSR ont vocation à passer sous T2A à l'horizon 2018-2022 – restent sous les anciens régimes du prix de journée et de la DGF. En effet, il était tout bonnement impossible de soumettre immédiatement la totalité des ressources des établissements de santé à la T2A c’est pourquoi d’autres sources de financement furent maintenues telles les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation interne (MIGAC) et les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) pour les établissements de santé publics et les ESPIC. Ces derniers modes de financement sont difficilement quantifiables sur le plan de l’activité et ne seront donc pas abordés ici.

Adaptation primordiale des stratégies des établissements

La T2A a véritablement bouleversé l’ordre établi puisqu’elle a poussé les établissements de santé publics comme privés à adapter leur ancienne stratégie d’établissement à la nouvelle analyse prix-volume. Néanmoins, des difficultés pratiques sont venues émailler et émaillent encore la mise en œuvre de la réflexion nouvelle empruntée par les établissements de soins.

Contexte

La T2A a été introduite dans un contexte financier très contraint, s’expliquant par un effet de ciseaux, résultant de deux facteurs. Au moment de son introduction, il a été décidé de freiner fortement la croissance de l’ONDAM, devenue difficilement soutenable. Dès lors, pour les hôpitaux, la T2A a contribué à un déséquilibre budgétaire chronique, d’autant que le remboursement des activités est régulièrement revu à la baisse afin de pouvoir cadrer avec l’enveloppe fermée de l’ONDAM. Cette enveloppe n’augmente pas suffisamment chaque année pour répondre aux besoins puisque depuis sa mise en œuvre en 1997, l’ONDAM a été systématiquement dépassé jusqu’en 2010.

D’un autre cĂ´tĂ©, il Ă©tait Ă©galement souhaitĂ©  relancer l’investissement hospitalier : ce dĂ©sir a eu pour effet d’accroitre les charges des Ă©tablissements et de l’Assurance maladie qui se retrouve alors confrontĂ©e tous les ans Ă  un dĂ©ficit budgĂ©taire[13].

Les nouveaux tarifs des GHS apparaissent chaque année dans le courant du mois de mars par arrêté du ministre de l'Economie et des Finances et du ministre de la Santé, un fonctionnement en deux temps est alors mis en œuvre : les financements de janvier et février restent calculés sur la base des tarifs de l’année n-1 ce qui entraîne un décalage qui se répercute d’une année à l’autre[14]

De plus, le fait que l’Assurance-maladie soit chaque année déficitaire entraîne un financement fermé par l’ONDAM et, par conséquent, une évolution des tarifs très limitée voire à la baisse d’une année à l’autre afin de limiter le déficit. L’évolution dégressive des tarifs provoque chaque année une perte de chiffre d’affaires à activité pourtant identique. Un contraste saisissant est observé entre l’évolution des tarifs, irrémédiablement en baisse, et l’évolution des dépenses d’exploitation, qui ne cessent d’augmenter comme en témoigne Monsieur Lefebvre, directeur financier du Groupement des hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille (GHICL) en déclarant « Quand on prend l’activité de l’année n-1 et que l’on applique les tarifs de l’année n, il est constaté une perte considérable et ce depuis que la T2A existe. Quand l’établissement a déjà travaillé sur la production, la caisse mixte, la création de nouveaux services et spécialités, il se retrouve dos au mur sans rien pouvoir faire de plus si ce n’est d’augmenter l’activité. Cependant, les quantités sont limitées par la capacité des établissements en hospitalisation ou en consultation. Par conséquent, il faut travailler sur les charges pour les diminuer. Là est toute la difficulté »[14].

Pour faire face Ă  ce dĂ©sĂ©quilibre budgĂ©taire inĂ©vitable, les Ă©tablissements doivent faire preuve d’imagination d’autant qu’ils se retrouvent confrontĂ©s Ă  de vĂ©ritables difficultĂ©s d’ordre structurel dans la mise en Ĺ“uvre de leurs stratĂ©gies d’établissements. 

Difficultés liées au contrôle du budget des établissements de santé

Par ailleurs, d’autres difficultés liées aux tarifs sont constatées à la suite du contrôle du budget des établissements de santé. Auparavant, les établissements publics et PSPH devaient faire remonter leurs budgets à l’Agence régionale de santé (ARS) entre mars et mai de l’année en cours contrairement au secteur privé, où les budgets étaient élaborés à n-1. Une modification a eu lieu récemment, les budgets de l’ensemble des établissements sont désormais envoyés pour contrôle aux autorités de tutelles à la fin du mois de décembre de l’année n-1, les autorités ayant alors un mois pour les valider. Cependant, avec ce nouveau calendrier, les budgets sont élaborés sans connaître la nouvelle grille tarifaire intervenant au mois de mars. Les établissements se basent alors sur la baisse historique des années antérieures afin d’échafauder le budget de l’année à venir. À titre d’exemple, le GHICL s’était basé, pour l’année 2017, sur une baisse de 1 % des tarifs de T2A. Or, celle-ci s’étant élevée à 1,8 %, le Groupement a alors enregistré une perte supplémentaire sur la perte initialement prévue[14].

Difficultés liées à la possible suppression de la prise en charge des chambres particulières

Par ailleurs, dans la partie tarification, il reste une libertĂ© pour les Ă©tablissements de santĂ© qui rĂ©side dans la fixation des tarifs des chambres particulières : celles-ci reprĂ©sentent un chiffre d’affaires assez important, gĂ©nĂ©ralement pris en compte par les mutuelles. Le but, pour les Ă©tablissements publics et ESPIC notamment, est de fixer le tarif en fonction de la prise en charge de la mutuelle pour que le patient n’ait rien Ă  payer de sa poche. Cette mesure très prisĂ©e permettait aux Ă©tablissements de santĂ© d’obtenir des avantages financiers considĂ©rables. NĂ©anmoins, avec le nouveau gouvernement, le PrĂ©sident de la RĂ©publique souhaite prendre en charge de façon intĂ©grale les dĂ©penses liĂ©es aux dentaires et optiques. Alors que les Ă©tablissements de santĂ© sont soumis Ă  une enveloppe fermĂ©e, la contrepartie est d’interdire aux mutuelles de rembourser les chambres particulières, ce qui engendrerait pour les Ă©tablissements de santĂ© une Ă©norme perte financière[14]

Difficultés liées à la mise en œuvre de la FIDES

Enfin, la dernière marche de la réforme du mode de financement de l’hôpital est la facturation au fil de l’eau[15], les recettes de l’établissement dépendent désormais des factures délivrées en temps réel, c’est-à dire une fois le patient sorti de l’hôpital. Ces factures sont transmises directement à une caisse de paiement unique de l’Assurance maladie afin d’assurer une meilleure maîtrise des dépenses de santé via le système de Facturation individuelle des établissements de santé (FIDES). Ce projet vise dans un premier temps les activités MCO qui représentent environ 40 milliards d’euros des dépenses d’Assurance maladie soit près de 30 % de l’ONDAM avec la volonté d’intégrer les activités SSR au fur et à mesure.

Cette facturation est déjà en œuvre pour certains types d’activités ou de patients (CMUC, rétrocession de médicaments, migrants et AME) mais, en réalité, les établissements s’interrogent sur les modalités de mise en œuvre. En effet, il est déjà constaté des difficultés en interne où les changements organisationnels et culturels imposés par ce projet donnent du fil à retordre aux chefs d’établissement. Des difficultés en externe sont également observées puisque la facturation impose une certaine vigilance, c’est-à-dire que toute facture présentant une anomalie est rejetée et non payée par l’Assurance maladie ce qui oblige les établissements à refacturer. En outre, l’enregistrement des droits du patient doit être fait avec vigilance : une simple erreur sur le numéro de carte vitale et c’est toute la chaîne de facturation qui est remise en cause.

Principe

La méthode de la T2A associe le paiement à l’activité réalisée par l’établissement. Cette technique de financement a été introduite pour augmenter l’activité hospitalière, et permettre de réaliser des économies au niveau de l’assurance maladie.

En France, la maĂ®trise globale des dĂ©penses hospitalières est assurĂ©e, dans le schĂ©ma actuel, par les objectifs de dĂ©penses pour les hĂ´pitaux de court sĂ©jour (public et privĂ© sĂ©parĂ©ment) dĂ©finis Ă  partir de l’ONDAM. Le mĂ©canisme choisi, qui est propre Ă  la France, prĂ©voit une baisse des tarifs en cas d’augmentation de l’activitĂ© hospitalière globale et non en fonction des Ă©volutions d’activitĂ© de chaque Ă©tablissement. Ce dispositif, qui ne fait pas de distinction entre les diffĂ©rentes activitĂ©s produites et qui ne prend pas en compte l’effort individuel des Ă©tablissements, est problĂ©matique et peut engendrer des effets pervers : c’est ce que l’on appelle la rĂ©gulation prix/volume. Ceci gĂ©nère alors un système extrĂŞmement opaque pour les Ă©tablissements, qui vont voir leur budget diminuer car ils n’ont pas dĂ©veloppĂ©s une activitĂ© rentable. Ă€ niveau et gamme d’activitĂ© Ă©quivalente, un Ă©tablissement peut se voir « sanctionnĂ© » dans son financement, Ă  cause des dĂ©cisions stratĂ©giques de production des autres Ă©tablissements.

Cette méthode de développement de la T2A, engendre pour les établissements de santé une diminution des recettes pour les instituons qui ne réussissent pas à accroître suffisamment leur volume d’activité. Cette méthode développée en France peut décourager les établissements de santé car ils voient leur financement diminuer. Ainsi la régulation prix-volume a pour conséquence une récupération des dépassements sur les tarifs des Groupements homogène de séjour, lorsque les volumes d’activité augmentent davantage que prévu[16].

Développement de l'activité ambulatoire

Par ailleurs, cette rĂ©gulation prix/volume a impliquĂ© que les Ă©tablissements prĂ©voient de nouvelles stratĂ©gies de fonctionnement pour arriver Ă  Ă©quilibrer leur budget. Ainsi l’une des stratĂ©gies mise en place est de dĂ©velopper l’activitĂ© ambulatoire au sein des Ă©tablissements de santĂ©. La mĂ©decine ambulatoire permettrait de rĂ©aliser de nombreuses Ă©conomies car elle est moins coĂ»teuse que l’activitĂ© hospitalière. 

Ă€ partir de 2015, c’est dans ce contexte de rĂ©alisation d’économies que la mĂ©decine ambulatoire est devenue une prioritĂ© nationale : ce mode d’hospitalisation permet rĂ©ellement de gĂ©nĂ©rer des Ă©conomies. D’après la Cour des comptes, l’ambulatoire a permis de gĂ©nĂ©rer, pour l’Assurance maladie, cinq milliards d’euros[17]. De plus, la mĂ©decine ambulatoire est un plus pour le patient car il est assurĂ© d’avoir une prise en charge sĂ©curisĂ©e et plus supportable. Le patient regagne son domicile le soir mĂŞme de l’intervention. La mĂ©decine ambulatoire permet d’augmenter le bien-ĂŞtre des patients au cĹ“ur de l’établissement. En revanche, elle  est moins bien rĂ©munĂ©rĂ©e Ă  l’activitĂ© par rapport Ă  l’activitĂ© hospitalière. 

Pourtant, les bĂ©nĂ©fices envisagĂ©s en dĂ©veloppant cette forme d’activitĂ© ont contraint les pouvoirs publics Ă  augmenter l’ambulatoire. Cette pĂ©riode sera mĂŞme ĂŞtre appelĂ©e « le virage ambulatoire ». Cette volontĂ© d’augmenter l’activitĂ© ambulatoire est d’ailleurs retrouvĂ©e dans les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM). L’ARS, prĂ©voit dans le CPOM l’objectif Ă  atteindre pour les Ă©tablissements de santĂ© en matière ambulatoire. Ainsi l’activitĂ© ambulatoire d’un Ă©tablissement de santĂ© doit ĂŞtre comprise « entre 50 et 60 % de l’activitĂ© totale du centre hospitalier »[14]. Le dĂ©veloppement de l’ambulatoire permet de faire des Ă©conomies pour l’Assurance-maladie mais cette activitĂ© n’est pas Ă©conomiquement viable pour les Ă©tablissements de santĂ©. Dès lors, logiquement, si un Ă©tablissement n’arrive pas Ă  dĂ©gager une marge sur une activitĂ©, il ne pourra pas investir et donc dĂ©velopper l’activitĂ© : c’est le serpent qui se mord la queue. 

Activité hospitalière

La deuxième activitĂ© importante rĂ©alisĂ©e au sein d’un Ă©tablissement de santĂ© est l’activitĂ© hospitalière. Cette activitĂ© est mieux rĂ©munĂ©rĂ©e par l’ARS que la mĂ©decine ambulatoire. Il apparait donc plus judicieux pour un Ă©tablissement de santĂ© de dĂ©velopper davantage son activitĂ© de MCO. Cependant, une telle activitĂ© peut ne pas ĂŞtre rentable en fonction des moyens mis par l’établissement pour rĂ©aliser une intervention. Par ailleurs, la durĂ©e moyenne de sĂ©jour est calculĂ©e au niveau national et est identique pour tous les Ă©tablissements de santĂ© sur le territoire. Pour pouvoir ĂŞtre rĂ©munĂ©rĂ© Ă  sa juste valeur, la durĂ©e moyenne de sĂ©jour de l’établissement doit correspondre Ă  la durĂ©e moyenne de sĂ©jour fixĂ©e au niveau national. Si un Ă©tablissement ne respecte pas la durĂ©e moyenne de sĂ©jour, il sera moins rĂ©munĂ©rĂ© et il perdra de l’argent. 

C’est dans ce contexte d’une meilleure efficience du système de santĂ© et de volontĂ© de rĂ©pondre Ă  des exigences toujours plus contraignante de l’ARS que les Ă©tablissements de santĂ© doivent dĂ©velopper la formation des professionnels aux techniques moins invasives. Il est important pour les professionnels de santĂ© de se mettre Ă  jour rĂ©gulièrement sur les pratiques mĂ©dicales pour gagner du temps. Il convient Ă©galement de rĂ©duire l’hospitalisation et en contrepartie de maximiser les soins ambulatoires. En effet, les soins ambulatoires permettent de libĂ©rer de la place dans les Ă©tablissements et donc d’augmenter l’activitĂ© hospitalière. 

Dès lors, il ressort de ce qui prĂ©cède que la rĂ©gulation macroĂ©conomique des dĂ©penses des Ă©tablissements de santĂ© rĂ©alisĂ©e par la Haute AutoritĂ© de SantĂ© (HAS) mĂ©connait vĂ©ritablement les particularismes locaux. Ainsi, au sein d’une enveloppe budgĂ©taire fermĂ©e, l’augmentation du volume d’activitĂ©, conjoint Ă  celle des besoins, se solde par une baisse des tarifs pour certains Ă©tablissements. La commission des affaires sociales du SĂ©nat a adoptĂ©, le 25 juillet 2012, un rapport d’information de la mission d’évaluation des comptes de la SĂ©curitĂ© sociale sur le financement des Ă©tablissements de santĂ©[18]. Dans celui-ci, la commission a indiquĂ© que la rĂ©gulation prix/volume devrait prendre en compte l’évolution de l’activitĂ© de chaque hĂ´pital. Dans ce cas, la commission indiquait que l’ARS pourrait fixer par contrat un volume d’activitĂ© Ă  chaque Ă©tablissement et non plus dans la globalitĂ©. 

Ce type de contrat serait un véritable soulagement pour les établissements de santé dans l’élaboration de leur stratégie de fonctionnement. Par ailleurs, cette prise en compte de l’activité serait bienvenue notamment pour les établissements publics qui ont eu un effort plus important à fournir que le secteur privé pour intégrer un raisonnement économique pour parer à la fameuse analyse prix/volume.

Intégration des stratégies de fonctionnement propres au secteur privé par le secteur public

L’évolution annuelle des tarifs T2A impose aux établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés, de faire évoluer leur stratégie de fonctionnement afin de demeurer compétitifs et économiquement stables. Cependant, une inégalité est remarquée entre ces deux secteurs quant à l’adaptation du passage à la T2A. En effet, il a été plus aisé pour les établissements privé de santé de s’adapter au système de T2A, à la différence des établissements publics qui ont dû, pour ce faire, adopter des raisonnements économiques privés auxquels ils n’étaient pas coutumiers.

Adaptation plus aisée du secteur privé à la T2A

Les établissements publics et privés n’ont pas eu la même facilité à s’adapter au financement par la tarification à l’acte. Ceci dépend, en effet, de plusieurs facteurs inhérents à la nature même des établissements.

Bénéfices de l'ancien système de facturation directe

Tout d’abord, comme développé dans les propos introductifs, le mode de financement des établissements de santé, avant la mise en place de la tarification à l’acte en 2003, différait selon la nature juridique de l’établissement. Alors que les établissements du secteur public ainsi que les établissements PSPH fonctionnaient sur un modèle de dotation globale, les établissements privés fonctionnaient avec un système de facturation directe à l’Assurance maladie de forfaits de prestations et d’actes. Il s’agissait d’un fonctionnement du système de financement proche de celui de la T2A puisque celui-ci se basait déjà sur des catégories préétablies d’actes de soins et de prestations de soins avec une facturation individuelle à chaque patient[14].

Ensuite, le secteur privé pratiquait déjà, bien avant le financement sous T2A, une facturation au fil de l’eau. Il a toujours été coutume pour ces derniers d’être en mesure de présenter à chaque patient l’état de sa « facture » au moment de sa sortie. Contrairement au secteur public, qui avait pour habitude de pouvoir régulariser l’état de la « facture » d’un patient du 1er janvier au 31 décembre de la même année, les établissements privés étaient capables dès l’entrée en vigueur de la tarification à l’acte d’individualiser les prestations de soins et le reste à charge pour chaque patient. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’en 2004, alors que le secteur public était financé à hauteur de 10 % par la T2A, les établissements privés ont eux été directement financés à hauteur de 100 % le nouveau système. Néanmoins, avec du recul, il aurait peut-être fallu agir de la sorte pour les établissements publics car il s’agit finalement d’une mesure qui a joué un rôle dans l’adaptation plus facile à la tarification à l’acte des établissements privés[14].

Secteur d'ores et déjà habitué à la concurrence

En outre, le système de tarification à l’acte pousse les établissements à réfléchir sur leur stratégie de fonctionnement comme cela a été développé précédemment. Par l’adoption de la T2A, l’ensemble des établissements, qu’ils soient privés ou publics, ont été mis en concurrence. Si ces derniers souhaitent plus de moyens, ils sont dans l’obligation de pratiquer plus d’actes de soins. Seulement, tous les actes de soins ne rapportent pas les mêmes financements, certains actes sont longs et ne valent pas le coup d’être pratiqués quand on s’attarde sur ce qu’ils apportent. Il s’agit donc pour les établissements d’adopter un mode de raisonnement pour savoir selon leur zone d’activité et les patients qui y sont situés, quels actes de soins seront les plus rentables. Là, encore une fois, force est de constater que les établissements privés partent avec un avantage sur les établissements publics[14].

Il a toujours été reconnu, même avant la T2A, que les établissements privés ont vocation à dégager des profits. Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’évoquer le cas des établissements privés chargé d’une mission de service public à but non lucratif. En dehors du cas des ESPIC, les établissements privés avaient, bien avant la T2A, adopté des stratégies de fonctionnement tournées vers le profit. Ils devaient être en mesure de dégager des bénéfices et donc de savoir quels actes de soins rapportaient le plus, de quelle façon leur pratique pouvait être optimisée, etc. À titre d’exemple, avant même que la T2A ne soit dans les bouches des décideurs politiques, les établissements, tels que les cliniques, se réservaient déjà le droit de traiter certaines pathologies et de rediriger vers l’hôpital public pour d’autres. L’explication est simple, il s’agissait de pathologies qu’ils ne jugeaient pas rentables et qui ne les intéressaient pas. Cela peut paraître cruel, mais il s’agit simplement d’une stratégie de fonctionnement tournée vers le profit et la rentabilité de l’établissement[14].

Avantage inhérent au statut des établissements privé

Enfin, il semble que si la transition fut simplifiĂ©e pour les Ă©tablissements privĂ©s, cela serait Ă©galement dĂ» Ă  certains dĂ©tails rĂ©sultant de l'organisation des Ă©tablissements. Par exemple, les Ă©tablissements publics doivent prendre en compte, dans leur financement, la rĂ©munĂ©ration de tous les personnels soignants : de l’aide-soignant au praticien. Dans les Ă©tablissements privĂ©s, les praticiens exercent Ă  titre libĂ©ral : il n’y a pas d’utilitĂ© Ă  faire entrer dans les calculs leur rĂ©munĂ©ration qui est assurĂ©e de façon totalement indĂ©pendante du système de T2A[14].

Les établissements du secteur privé ont donc eu un avantage structurel dans le passage à T2A qui leur a permis une adaptation beaucoup plus rapide et efficace. Cette réalité n’a pas échappé aux décideurs politiques qui, pour tempérer cette inégalité d’adaptation, ont permis au secteur public de conserver un avantage important sur les établissements du secteur privé : la possibilité de présenter des comptes déficitaires. En effet, les établissements privés n’ont absolument pas le droit au déficit, les établissements publics sont, pour la majorité, en situation financière de déficit, sans que les pouvoirs publics ne les empêche de fonctionner ainsi[14].

Adoption d'un raisonnement économique par les établissements publics de santé et les ESPIC

La T2A, outre une refonte du système financier en place, a créé tacitement une situation de fait qui entraîne aujourd’hui un profond malaise chez le personnel soignant. Cette situation est en effet moralement discutable lorsqu’elle ajoute au concept de service public, d’autant plus quand il touche à la santé de l’usager, le concept de rentabilité.

Limites éthiques à un raisonnement basé sur la rentabilité dans le secteur public

En effet, les Ă©tablissements, Ă©tant contraints par des tarifs versĂ©s Ă  l’acte, doivent s’ajuster et, pour Ă©viter d’être dĂ©ficitaires et continuer Ă  investir et dĂ©velopper les activitĂ©s pratiquĂ©es en leur sein, doivent « faire du chiffre Â». Par consĂ©quent, les personnels hospitaliers doivent adopter des rĂ©flexes issus de la sphère privĂ©e, Ă  savoir faire toujours plus de soins, comme s’il Ă©tait demandĂ© Ă  ces personnels de vendre davantage de produits dans un magasin quelconque.

Cependant, cette logique se heurte rapidement Ă  des limites, purement humaines et Ă©thiques. En effet, est-il convenable de penser pouvoir mal soigner un patient pour pouvoir passer rapidement Ă  un autre dans le seul et unique but d’être rentable ? Cette situation pousse le personnel hospitalier Ă  bout. Toujours plus, avec moins de moyens, les mĂ©decins, les infirmiers et les aides-soignants se retrouvent tirĂ©s de toutes parts dans un souci de rentabilitĂ©. Certaines personnes, Ă©puisĂ©es, craquent et ils arrivent de plus en plus d’avoir des suicides sur le lieu de travail, au sein de l’établissement de santĂ©. Bien entendu, la T2A ne peut pas ĂŞtre pointĂ©e du doigt comme Ă©tant l’unique responsable, mais le modèle de soins Ă  adopter qu’il a instaurĂ© contribue Ă  ces situations de dĂ©tresse. 

L’usager Ă©galement pâtĂ®t de cette situation. De nombreux mĂ©decins s’alarment allant jusqu’à dire que la « tarification Ă  l’activitĂ© a perverti la finalitĂ© de nos actes soignants Â»[19], ou parlant encore de « maltraitance des patients Â»[19]. Cette maltraitance se traduit de plusieurs manières diffĂ©rentes. En effet, il arrive quotidiennement que des examens soient prescrits alors qu’ils auraient pu largement ĂŞtre Ă©vitĂ©s, que des patients soient renvoyĂ©s Ă  leur domicile plus tĂ´t que la raison et la prudence auraient pu le conseiller ou encore il arrive que des patients ne soient pas correctement informĂ©s afin d’avoir le temps pour pouvoir toujours faire plus de « clients ». Le terme est provocateur mais rĂ©sume pourtant bien la vision qui semble doucement se dĂ©gager dans les Ă©tablissements publics, mĂŞme si bien entendu le mot n’est pas officiellement employĂ©.

De plus, ce mode de fonctionnement peut aboutir Ă  des effets encore plus pervers, mais Ă´ combien illĂ©gaux car discriminatoires, Ă  savoir la sĂ©lection des patients. En effet, l’établissement public de santĂ©, pensant dĂ©sormais d’un point de vue un peu plus financier qu’humain – mĂŞme si l’exagĂ©ration est un peu grossière –, il serait possible d’imaginer que celui-ci, soucieux que les coĂ»ts gĂ©nĂ©rĂ©s par le sĂ©jour du patient soient pris en compte au sein du tarif GHM, identifie en amont les patients faisant partie d’une catĂ©gorie oĂą le remboursement est plus considĂ©rable. Dans le mĂŞme temps, il trouverait des stratagèmes pour Ă©vincer et exclure des soins les patients qui souhaitent faire leur admission au sein de l’établissement de santĂ© mais qui sont du fait de leur pathologie bien moins « intĂ©ressants Â», Ă©conomiquement parlant.

Il peut Ă©galement ĂŞtre fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’« upcoding Â»[20] (ou « codage opportuniste Â» en français) c’est-Ă -dire le fait de faire passer les usagers sur d’autres GHM, mieux rĂ©munĂ©rĂ©s, en faisant passer des examens complètement inutiles. La plupart du temps, l’usager qui est dans une situation de faiblesse du fait de son trouble, de sa pathologie, de son affection, du moins temporairement, et se rĂ©fĂ©rant aux paroles du mĂ©decin, considĂ©rĂ© comme un homme de savoir, n’y verra que du feu. Il restera au mĂ©decin de lui justifier ces investigations en surplus par un discours rassurant et de recherche de solutions. Le mĂ©decin n’est pas nĂ©cessairement Ă  blâmer car celui-ci ne fait cela que pour pĂ©renniser l’établissement de santĂ© dans lequel il exerce bien que la dĂ©ontologie mĂ©dicale dont il doit faire preuve est atteinte par cette pratique.

Raisonnement tout de mĂŞme assorti de points positifs

Le système de la T2A n’est cependant pas totalement nĂ©gatif, car il a quand mĂŞme pu faire rĂ©aliser une meilleure maĂ®trise des dĂ©penses de santĂ©. Ce système va d’ailleurs connaitre des mutations pour plus d’efficacitĂ© financière. 

La tarification Ă  l’activitĂ©, dans les Ă©tablissements publics, se fait mensuellement. En effet, les actes faits durant un mois n ne seront payĂ©s par les organismes d’Assurance-maladie qu’à la fin de ce mois n. Comme il a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© au dĂ©but de ce travail, ce mode de tarification mensuelle a vocation Ă  disparaitre au profit d’une tarification « au fil de l’eau Â» dĂ©jĂ  pratiquĂ©e par le secteur privĂ©, c’est-Ă -dire que les actes seront payĂ©s dès qu’ils auront Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s. Il s’agit du projet FIDES qui concerne les Ă©tablissements publics et les Ă©tablissements privĂ©s d’intĂ©rĂŞt collectifs. Ce système est dĂ©jĂ  en cours d’expĂ©rimentation, depuis 2010, et depuis le 2013, ce sont près de 1000 Ă©tablissements de santĂ© qui fonctionnent sur ce modèle. La FIDES a Ă©tĂ© prĂ©vu dans la loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale pour 2009, en son article 54[21]. Cette facturation permettra d’avoir les informations « en temps direct Â» au niveau national et local (rĂ©gional) de toutes les donnĂ©es relatives aux prestations effectuĂ©es par les Ă©tablissements de santĂ©. Ce système devrait permettre une meilleure maĂ®trise des dĂ©penses de santĂ©.

Long et difficile à mettre en place car nécessitant une formation spécifique pour les acteurs, en particulier les médecins, l’expérimentation permet de mettre en évidence les points faibles et ceux positifs pour permettre une mise en application sur tout le territoire efficient et efficace. De ce fait, elle doit veiller à ce que ce projet permette réellement d’atteindre les objectifs attendus, à pouvoir faire un bilan des bénéfices et des coûts, mettre en lumière les risques de ce mode de facturation, ainsi que de constater la bonne gestion des flux financiers, de circuits et des processus mis en œuvre ou encore l’organisation des services hospitaliers, qui seront les premiers acteurs de ce système de facturation.

Conclusion

L’adaptabilité du système T2A n’est pas éternelle. Comme cela a été évoqué tout au long de ce travail, ce système provoque un paradoxe intrigant : les établissements de santé voient leur chiffre d’affaires annuel baisser au fil des années en raison de l’évolution dégressive des tarifs alors que leur activité reste inchangée.

Le système semble s’essouffler car les Ă©tablissements peinent Ă  renouveler leurs solutions pour faire face Ă  cette baisse irrĂ©mĂ©diable de moyens. Le financement sous T2A a bien fonctionnĂ© mais il convient de se prĂ©parer Ă  en observer rapidement les limites. Depuis quelques annĂ©es, les pouvoirs politiques rĂ©ussissent Ă  s’adapter aux problèmes de la T2A : ils comblent les manques en piochant de ci de lĂ . Ceux-ci soignent les « symptĂ´mes Â» sans vĂ©ritablement s’occuper de la cause de la « maladie Â». Ce qui peut aisĂ©ment ĂŞtre qualifiĂ© « rafistolage » fonctionne, pour l’instant.

Avenir de la T2A Ă  l'aune du plan d'investissement d'Emmanuel Macron

La T2A est un système fonctionnel sur le moyen terme mais pas forcément viable sur le long terme tant les transformations et les agencements qu’elle requiert sont imprévisibles et parfois hâtifs. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron, dernier Président de la République française, promet un plan d’investissement relatif « à la santé et à l’innovation médicale de 5 milliards d’euros » sur l’ensemble de la durée de son quinquennat. Entendant ainsi réformer en profondeur la gouvernance, l’organisation ainsi que la tarification des établissements de santé, il souhaite « décloisonner » l’hôpital afin d’éviter que les patients y accourent provoquant un engorgement et surtout engendrant un coût important relatif à leur prise en charge dans la mesure où ils resteraient longtemps au sein de la structure.

Pour ce faire, les politiques proposent alors d’amĂ©liorer les modalitĂ©s et la qualitĂ© des soins ambulatoires, d’augmenter le nombre de GHT et de rĂ©duire la part de T2A la plafonnant Ă  un taux de 50 %. Cette rĂ©duction de la place de la T2A est pensĂ©e pour favoriser d’autres sources de financements liĂ©s Ă  des objectifs prĂ©cis de santĂ© publique incluant mĂŞme le secteur mĂ©dicolĂ©gal. La part dĂ©vouĂ©e Ă  la T2A sera ainsi rĂ©duite pour laisser la place Ă  d’autres entrĂ©es d’argent sous forme de dotations. Ainsi en laissant moins de place Ă  ce système en perte de vitesse sommes-nous certains d’amĂ©liorer la situation ? A l’inverse, allons-nous vers une aggravation de la crise financière hospitalière ?

De plus, le système de base de la T2A conçut une vĂ©ritable machine Ă  dĂ©motiver les praticiens, cette machine ne fonctionnant que dans un seul sens. Moins l’établissement fait d’actes, moins il sera rĂ©munĂ©rĂ© mais il ne sera pas plus rĂ©munĂ©rĂ© en augmentant le nombre de ses prestations. Ce qui augmentera la rĂ©munĂ©ration sera le fait que les mĂ©decins privilĂ©gient les actes rentables au dĂ©triment des actes plus simples ou encore qu’ils privilĂ©gient les dernières techniques opĂ©ratoires au profit des techniques plus classiques, ceci influe non seulement sur la qualitĂ© des soins mais Ă©galement sur les finances de l’hĂ´pital. La T2A oblige ainsi les Ă©tablissements Ă  adopter une stratĂ©gie Ă©conomique globale de raisonnement concernant leur segment d’activitĂ©. Certains praticiens seront alors jugĂ©s plus « rentables Â» que d’autres alors qu’ils pratiquent la mĂŞme activitĂ©. Par exemple, la mĂŞme opĂ©ration chirurgicale mais simplement avec des moyens technologiques diffĂ©rents n’incluent pas le mĂŞme niveau de rapiditĂ©. Ceci amènera Ă  une confrontation entre les chirurgiens : il faudra expliquer Ă  l’un pourquoi il est moins rentable et moins intĂ©ressant Ă©conomiquement pour l’établissement qu’un confrère ayant les mĂŞmes compĂ©tences.

Néanmoins, si la limite à la T2A est certaine, le fait d’introduire de nouveaux financements ne peut être que bénéfique et ne pourra qu’améliorer la capacité de prévision des gestionnaires. En effet, ces autres formes de financement permettront probablement une transition en douceur vers un autre système, si la T2A succombe à ses lacunes et que les perspectives d’adaptabilité seront bel et bien épuisées.

T2A et GHT : une concurrence exacerbée ?

Pour finir, il convient cependant de souligner le fait que la T2A est un système d’une justesse incomparable dans l’idĂ©e et dans sa conception : ce qui peut poser et pose encore problème c’est simplement sa valorisation. Il convient de l’étendre, aux activitĂ©s de psychiatrie et aux soins de suites et de rĂ©adaptation sans pour autant le plafonner. Le risque sera alors de rentrer dans un système concurrentiel renforçant les inĂ©galitĂ©s entre les Ă©tablissements de santĂ©.

Ce risque de concurrence exacerbĂ©e va ĂŞtre intensifiĂ© avec l’arrivĂ©e des GHT entre Ă©tablissements de santĂ© publics ce qui dans certaines rĂ©gions, notamment la rĂ©gion Lilloise, donnera un pouvoir « monstrueux Â» aux Ă©tablissements pivots qui deviendront les seuls dĂ©cisionnaires en concentrant les pouvoirs de fonctionnement, de direction et financiers pour le GHT. Cette puissance accordĂ©e aux Ă©tablissements pivots rendrait alors bien impossible la volontĂ© du PrĂ©sident Macron d’inclure les Ă©tablissements de santĂ© privĂ©s au sein de tels GHT pour le moment envisagĂ©s uniquement comme public. En effet, cela Ă©quivaudrait en quelque sorte Ă  la nationalisation de l’ensemble des Ă©tablissements de santĂ© et probablement Ă  la mort du secteur privĂ©, supprimant alors la libertĂ© de choix du patient[22] - [23] - [24] - [25].

Voir aussi

Notes et références

  1. « Santé : Macron promet 5 milliards pour les hôpitaux », sur Le Point,
  2. « Loi du 15 juillet 1893 relative à l’assistance médicale gratuite, JORF du 18 juillet 1893, page 3681 », sur Legifrance
  3. « Loi no 83-25 du 19 janvier 1983 portant diverses mesures relatives a la Sécurité sociale, JORF du 20 janvier 1983, page 374 », sur Legifrance
  4. « Jean-François Mattéi, Présentation du plan hôpital 2007, Paris, 20 novembre 2002. », sur Vie publique,
  5. « Arrêté du 20 novembre 2002 portant création d'une mission opérationnelle pour l'expérimentation et la mise en place de la tarification à l'activité, JORF no 282 du 4 décembre 2002, p. 19968, texte no 22 », sur Legifrance
  6. M. Cardon, « La tarification à l'activité (T2A) dans les établissements de soins privés : la transition amorcée », RDSS, no 6,‎ , p. 963
  7. « Loi no 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, JORF no 293 du 19 décembre 2003, p. 21641, texte no 1 », sur Legifrance
  8. « Question écrite no 18021 de M. Boulaud, JO Sénat du 9 juin 2005, p. 1638 et Réponse du Ministère de la santé et des solidarités, JO Sénat du 12 janvier 2006, p. 112 », sur Senat
  9. « Loi no 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, JORF no 179 du 2 août 1991, p. 10255 », sur Legifrance
  10. « Code de la santé publique, art. L6113-7 », sur Legifrance
  11. « Études nationales de coûts sanitaires », sur ATIH santé
  12. « Financement des établissements de santé », sur Ministère des Solidarités et de la Santé,
  13. Cour des comptes, « Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2010, chapitre XI : la situation financière des hôpitaux publics », La Documentation française,‎ , p. 261-292
  14. Propos recueillis lors d’un entretien avec M. Lefebvre Olivier, Directeur financier du GHICL, le 16 juin 2017
  15. « La facturation au fil de l’eau, nouveau défi pour l’hôpital », sur BFMTV,
  16. R. Cash, « Une campagne budgétaire dans la continuité des politiques antérieures », Finances hospitalières no 68,‎ (lire en ligne)
  17. Cour des comptes, « Chapitre VIII : La chirurgie ambulatoire », Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.,‎ (lire en ligne)
  18. J. Le Menn et A. Milon, « Rapport d'information : Refonder la tarification hospitalière au service du patient au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale et de la commission des affaires sociales », Sénat,‎ , https://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-703-notice.html
  19. « Hôpitaux : un rapport dénonce une pression permanente et une course à la rentabilité », sur 20 minutes,
  20. Z. Or et T. Renaud, « Principes et enjeux de la tarification à l’activité à l’hôpital (T2A), Enseignements de la théorie économique et des expériences étrangères », IRDES, DT n°23,‎ (lire en ligne)
  21. « Loi no 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, JORF no 0294 du 18 décembre 2008, p. 19291, texte no 1 », sur Legifrance
  22. « Les points-clefs du programme santé d’Emmanuel Macron », sur Contrepoints,
  23. « Médecins des hôpitaux : comment susciter de nouvelles vocations ? », sur Le Point,
  24. « Santé : La révolution de la prévention et l’accès à la santé pour tous », sur En Marche !
  25. « La réforme de l’Assurance-maladie et la T2A », sur Hopital.fr,
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