Zij
Un zij (du moyen perse : ŰČÙŰŹ, zyj, en persan : ŰČÛŰŹ, zaj) dĂ©signe dans lâastronomie persane et l'astronomie arabe un ensemble de tables qui permettent de connaĂźtre ainsi que de retrouver (grĂące Ă un certain nombre d'astuces) la position des astres dans le ciel Ă une date donnĂ©e. Il ne s'agit pas de traitĂ©s dâastronomie thĂ©orique mais au contraire de traitĂ©s dâastronomie pratique, orientĂ©s surtout sur lâastrologie qui avait une importance sociale majeure Ă l'Ă©poque de leur rĂ©daction. Plus de 200 zijs ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s par les astronomes arabes entre le VIIIe siĂšcle et le XVe siĂšcle et certains comme la Table indienne dâal-Khawarizmi ont traversĂ© les siĂšcles.
Origine
Le mot est tirĂ© du pehlevi (moyen-persan) zih ou zÄ«g, parlĂ© Ă lâĂ©poque des Sassanides, qui signifie corde. Le terme aurait pour origine lâentrelacement de fils de tissage, pour dĂ©signer lâorganisation des donnĂ©es tabulĂ©es en rangĂ©es et colonnes. Ces tables sont parfois dĂ©signĂ©es sous le nom de qÄnĆ«n, tirĂ© du mot grec Ă©quivalent ÎșαΜÏÎœ.
Les influences
Jusque vers 820, le monde arabe subit, en matiĂšre dâastronomie, lâinfluence de deux traditions majeures.
Lâinfluence indienne dĂ©bute Ă partir de 770 avec une adaptation de textes essentiellement pratiques, Ă©crits en arabe, gĂ©nĂ©ralement rĂ©digĂ©s en vers de façon quâils soient faciles Ă retenir, et contenant des paramĂštres et des recettes permettant de connaĂźtre la position des astres, sans recherche de la cause de leur mouvement. Il ne sâagit donc pas uniquement dâempirisme comme dans certaines traditions astronomiques[N 1], mais bien de trouver de façon pratique la position des astres et de construire des tables par le calcul. Ces tables appelĂ©es Zij-e Sindhind, pour lesquelles il nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de rĂ©aliser des observations astronomiques, sâappuyaient sans doute sur une astronomie thĂ©orique dont les bases se situent entre Hipparque et PtolĂ©mĂ©e, et sont aujourdâhui perdues[2]. Lâintroduction du sinus dans le calcul astronomique indien est ici remarquable.
La deuxiĂšme influence subie par lâastronomie arabe de cette Ă©poque est celle des Perses sassanides avec les Zij-i Shah qui sâappuyaient en partie sur les rĂ©sultats de PtolĂ©mĂ©e.
Lâinfluence grecque est rĂ©ellement attestĂ©e vers 826-827 avec une traduction utilisable en arabe de lâAlmageste de PtolĂ©mĂ©e. Celle-ci introduit une astronomie de type thĂ©orique qui cherche Ă construire des modĂšles gĂ©omĂ©triques permettant dâexpliquer ce quâest le mouvement des astres pour arriver Ă des prĂ©visions Ă trĂšs long terme alors que les tables indiennes ne permettaient que des prĂ©visions Ă court terme. Elle utilise des tables construites de façon scientifique et thĂ©orique fondĂ©es sur des raisonnements ; ces raisonnements sont Ă leur tour basĂ©s sur des observations permettant de dĂ©terminer le mouvement des astres. Cette influence va rapidement supplanter la tradition indienne en Orient musulman[2].
Vers 827â828 dĂ©butent Ă Damas et Ă Bagdad des observations astronomiques avec un principe tout Ă fait nouveau par rapport Ă lâastronomie de tradition grecque, celui des observations continues[N 2]. Ainsi en 827â829 eurent lieu deux annĂ©es dâobservations continues du soleil et de la lune Ă Damas.
La Table indienne dâal-Khawarizmi
Le zij le plus cĂ©lĂšbre est sans doute le ZÄ«j al-Sindhind connu sous le nom de Table indienne dâal-Khwarizmi. La version arabe, qui date de 820, est aujourdâhui perdue. Ce texte nâexiste quâen version latine, Ă©ditĂ©e en 1914, faite sur une recension dâel Majoliti (mort en 1007) et enrichi par un de ses Ă©lĂšves, traduit en latin au XIIe siĂšcle par AdĂ©lard de Bath[2]. Le texte original nâest donc rĂ©ellement accessible quâĂ travers des couches qui ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es successivement.
La version arabe dâal-Khwarizmi possĂ©dait une table des sinus de base 150, qui est la base indienne, alors que dans les versions suivantes on trouvera une base sexagĂ©simale. La date choisie pour lâorigine des tables est lâĂšre persane de Yazdgard de 634 qui Ă©tait une annĂ©e solaire avec des mois de trente jours et cinq jours Ă©pagomĂšnes, ce qui est trĂšs pratique pour un travail en systĂšme sexagĂ©simal. Dans sa version, El Majoliti a pris comme origine lâannĂ©e de lâhĂ©gire et a donc dĂ» refaire les calculs pour adapter les tables.
La traduction latine du ZÄ«j al-Sindhind commence par 31 pages dâexplications sur la mĂ©thode de construction des tables. Comme tous les zij, il prĂ©sente des considĂ©rations sur les calendriers et comporte 114 tables dont la plupart des paramĂštres sont indiens. Les tables du soleil font allusion Ă des systĂšmes proches de ceux de PtolĂ©mĂ©e et la prĂ©sentation de certaines tables reprend les Tables faciles de PtolĂ©mĂ©e, qui sont sa derniĂšre Ćuvre dâastronomie[2]. Contrairement Ă dâautres zij, la Table indienne dâal-Khwarizmi a Ă©tĂ© jugĂ©e suffisamment prĂ©cieuse pour ĂȘtre citĂ©e, commentĂ©e, traduite et conservĂ©e Ă travers les siĂšcles, ce qui en fait un texte essentiel dans lâhistoire de l'astronomie.
Liste de zijes
(Cette liste est non exhaustive; plus de 150 zijes existent encore aujourdâhui, au moins en partie.)
- Az-ZÄ«j âalÄ SinÄ« al-âArab â par Ibrahim al-Fazari (mort en 777) et Muhammad al-Fazari (mort vers 796/806)
- Az-ZÄ«j al-Mahlul min as-Sindhind li-Darajat Daraja â par YaqĆ«b ibn TÄriq (mort en 796)
- ZÄ«j al-Sindhind (La Table indienne) (820) â par al-Khwarizmi (c. 780â850)
- KitÄb az-ZÄ«j (Le livre des tables) â par Al-Battani (Albatenius) (853â929)
- Zij al-Safa'ih (Tables des disques de lâastrolabe) â par AbĆ« Ja'far Al-Soufi (900-971)
- Livre des Ă©toiles fixes (964) â par Al-Soufi (Azophi) (903â986)
- Zij al-Kabir al-Hakimi â par Ibn Yunus (c. 950â1009)
- Az-ZÄ«j al-JamÄ« wal-Baligh (The comprehensive and mature tables) â par Kushyar ibn Labban (971-1029)
- Tables de TolĂšde â basĂ©es sur AbĆ« IshÄq IbrÄhÄ«m al-ZarqÄlÄ« (Arzachel) (1028â1087)
- Az-ZÄ«j As-SanjarÄ« (Tables de Sinjar) â par Al-Khazini (fl. 1115â1130)
- Zij-i Ilkhani (en) (Tables ilkhaniennes) â par Nasir ad-Din at-Tusi (1201â1274)
- Khaqani Zij (Tables du grand khan)â par Al-Kachi (1380â1429)
- Zij-e soltĂąni (Les tables sultaniennes) (1437) â par Ulugh Beg
- Unbored Pearl (1579-1580) â par Taqi al-Din
Bibliographie
- Les jeudis de l'Institut du monde arabe â Bagdad au IXe siĂšcle, la naissance de l'algĂšbre. Ămission diffusĂ©e le 3 dĂ©cembre 2008
- (en) Edward Stewart Kennedy, « A Survey of Islamic astronomical tables », dans Transactions of the American Philosophical Society, New Series, 46, 2, Philadelphie, 1956, DOI 10.2307/1005726 Kennedy donne une liste de 109 zij ; pour 12 d'entre eux il donne un résumé ; liste supplémentaire de 21 autres ensembles de tables.
- (Tiré-à -part), 1989 (ISBN 0-87169-462-X)La préface du tiré-à -part est nouvelle et l'auteur compte désormais environ 220 zij.
- (Tiré-à -part), 1989 (ISBN 0-87169-462-X)
Notes et références
Notes
- Par exemple en Ăgypte antique
- Le principe des observations continues est donc bien antérieur à Tycho Brahe, couramment reconnu comme le précurseur de la méthode
Références
- D'aprĂšs (en) al-KhwÄrizmÄ« et Otto Neugebauer (traduction et commentaires de l'Ă©dition latine de Heinrich Suter (1914), complĂ©tĂ© par Corpus Christi College MS 283), The astronomical tables of al-KhwÄrizmi, Copenhague, I kommission hos Munksgaard, (lire en ligne), Plate I.
- Bagdad au IXe siĂšcle, la naissance de l'AlgĂšbre