VimÄna
Le terme vimÄna signifie « char des dieux » ou « char cĂ©leste ». Ce terme est en concurrence avec ratha, terme plus ancien en ce sens. Il dĂ©signe aussi le trĂŽne ou le palais cĂ©leste, ce qui lui donne dâautres dimensions en comparaison dâun simple ratha. Un vimÄna cĂ©lĂšbre est notamment le « char fleuri », pushpaka vimana (IAST : puáčŁpaka vimÄna), du dĂ©mon Ravana (IAST : RÄvaáča), avec lequel il enleva SÄ«tÄ, lâĂ©pouse du dieu RÄma.
Par extension, il dĂ©signe la rĂ©sidence dâun roi ou dâun dieu sur terre : un palais royal ou un temple. Dans l'architecture des temples, le vimÄna est un Ă©lĂ©ment qui recouvre le saint des saints (garbha griha) des temples de l'Inde du sud dans l'architecture dravidienne. Dans lâInde du nord, cet Ă©lĂ©ment architectural est appelĂ© shikhara (IAST : Ćikhara), tandis que ce terme est rĂ©servĂ© au dĂŽme surmontant le vimÄna en Inde du Sud.
Dans la mĂ©decine, vimÄna dĂ©signe traditionnellement la science de la mesure ou de la proportion, bien que certains considĂšrent quâil devait plutĂŽt signifier « connaissance particuliĂšre », de mĂȘme que pramÄna signifie « moyen de connaissance » et anumÄna « infĂ©rence ».
Ce terme a également été repris par certains ufologues, selon la théorie controversée dite des anciens astronautes.
Ătymologie
VimÄna provient de la racine âmÄ, « mesurer », « traverser », avec lâajout du prĂ©fixe vi- et du suffixe -na[1]. Cette Ă©tymologie fait que lâon traduit traditionnellement le « Chapitre sur les vimÄnas » du traitĂ© de mĂ©decine charaka Samhita par « Chapitre sur les mesures », alors que son contenu est des plus hĂ©tĂ©roclites et que les commentateurs lâexpliquent comme signifiant « savoir spĂ©cifique ». Si certains dĂ©rivent cette signification de la racine âmÄ, « mesurer », dâautres, tels que Burrow[2] ou Wujastyk[3], pensent quâelle provient dâune racine signifiant « dĂ©terminer », apparaissant dans plusieurs termes ayant trait Ă la cognition, tels que pramÄna (« moyen de connaissance valide ») ou anumÄna (« infĂ©rence »). Un homonyme provient clairement dâune autre racine « vi-âman » et signifie « mĂ©pris, humiliation »[4].
Les vimÄnas dans la littĂ©rature
Si le terme vimÄna ne dĂ©signe pas encore un char dans le Rig Veda, les dieux (deva) sont dĂ©jĂ dĂ©crits comme montĂ©s dans des chars cĂ©lestes.
« Indra, attelle Ă ton char tes deux coursiers azurĂ©s, Ă la criniĂšre brillante, Ă lâardeur impĂ©tueuse, au ventre qui remplit le surfaix ; toi qui aimes le soma, approche pour mieux entendre nos chants[5]. »
Les chars divins servent aux dĂ©placements des dieux dans la voĂ»te cĂ©leste, c'est pourquoi les autels et palanquins servant aux transport des idoles sont construits ou reprĂ©sentĂ©s, durant l'antiquitĂ©, comme des vimÄna.
Dans le Rigveda, le terme nâest pas encore employĂ© pour « char cĂ©leste ». Toutefois, ce terme apparaĂźt en tant que participe prĂ©sent de « mesurer », « traverser » les airs, en association avec ratha, char, le char cĂ©leste grĂące auquel les dieux se meuvent dans le ciel[6]. VimÄna est toutefois bien attestĂ© dans le MahÄbhÄrata, les PurÄáčas, le RÄmayana, etc.
« Sur le congĂ© de RĂąma ce vimĂąna sans rival, attelĂ© de Hamsas, sâĂ©lança avec grand bruit dans lâespace[7]. Il est Ă©galement mentionnĂ© dans lâĂ©dit dâAĆoka numĂ©ro 4[8]. »
Dans le Ramayana, le « char [vimÄna] nommĂ© Poushpaka » du dĂ©mon Ravana est dĂ©crit ainsi :
« [Il Ă©tait] resplendissant comme lâor. Il avait un demi-yodjana de long ; sa largeur sâĂ©tendait Ă©gale Ă sa longueur : il Ă©tait soutenu sur des colonnes dâor avec des portes dâor et de pierres fines. Brillant, couvert de perles en multitude et plantĂ© dâarbres, oĂč lâon cueillait du fruit au grĂ© de tous les dĂ©sirs, on y trouvait du plaisir en toutes les saisons, et sa douce atmosphĂšre se balançait entre lâexcĂšs du chaud et du froid[9]. »
Le texte ajoute que « cette voiture cĂ©leste [est] douĂ©e mĂȘme dâun mouvement spontanĂ© » et qu'au milieu d'elle se trouve
« un palais magnifique, long et large, tout Ă fait spacieux, embelli par beaucoup de bĂątiments et couvert dans son pourtour de fenĂȘtres en or, avec des portes, les unes dâor, les autres de lapis-lazuli[9]. »
Dans le canon bouddhiste, le sixiĂšme livre du Khuddaka NikÄya, le VimÄnavatthu, contient 83 histoires autour des vimÄnas, les palais cĂ©lestes[10].
Dans lâiconographie indienne, les dieux sont reconnaissables Ă leur monture (vahana). Souvent, ils chevauchent directement celle-ci, mais parfois lâanimal en question tire un char sur lequel est montĂ© la divinitĂ©. Mais vimÄna nâest pas un terme iconologique.
Le vimÄna dans lâarchitecture
En Inde du Sud, la tour surmontant le sanctuaire est appelĂ©e vimÄna. Parfois, les temples ont expressĂ©ment une forme de char, mĂȘme au Nord, comme le Temple du soleil Ă KonĂąrak, par exemple[11].
VimÄna et ufologie
L'ouvrage de rĂ©fĂ©rence utilisĂ© par les thĂ©oriciens pour Ă©tayer la rĂ©alitĂ© de l'existence des vimanas dans le passĂ© est le Vymanika Shastra [sic] (le bon terme serait Vyamanika Shastra)[12] prĂ©sentĂ© comme ayant Ă©tĂ© Ă©crit par le sage Maharshi Bharadwaaja. La premiĂšre apparition de ce livre date de 1959 Ă lâoccasion de la sortie de sa version hindi titrĂ©e Brihad Vimana Shastra. Cet ouvrage controversĂ© est Ă©crit dans un sanskrit douteux[13] et sa datation pose question. Mais surtout, c'est son contenu qui est scientifiquement remis en cause :
« Il semble que son travail ne puisse ĂȘtre datĂ© plus tĂŽt que 1904, il contient des dĂ©tails qui, sur la base de nos connaissances actuelles, nous forcent Ă conclure Ă la non-faisabilitĂ© d'engins volants antiques plus lourds que les avions modernes[14]. »
Notes et références
- Gérard Huet, « Sanskrit Heritage Dictionary », sur sanskrit.inria.fr (consulté le ); (en) Monier-Williams Sanskrit-English Dictionary, révision 2008 (Interface ) de l'Université de Cologne, p. 980 ; Stchoupak & Nitti & Louis Renou, Dictionnaire sanskrit-français, page 669.
- Burrow, Thomas (1980). âSanskrit MÄ- âto ascertainââ. In: Transactions of the Philological Society, pp. 134â40.
- What is âvimÄnaâ in the Compendium of Caraka? ICTAM 6â12 August 2017 Kiel
- Gérard Huet, « Sanskrit Heritage Dictionary », sur sanskrit.inria.fr (consulté le )
- Alexandre Langlois, Rig veda, (lire en ligne)
- Par ex. Rgveda II, 40, 3. RV_2,040.03a somÄpĆ«áčŁaáčÄ rajaso vimÄnaáč saptacakraáč ratham aviĆvaminvam | RV_2,040.03c viáčŁĆ«váčtam manasÄ yujyamÄnaáč taáč jinvatho váčáčŁaáčÄ pañcaraĆmim ||
- Alfred Roussel, Le RĂąmayana, vol.3, Sarga CXXIII, 1, p.402
- E. Hultzsch, AĆokaâs Fourth Rock-Edict, JRAS, jul. 1911, p.785-788
- Ramayana , traduction par Hippolyte Fauche volume 2. ; p. 67.
- (en) Robert E. Buswell Jr et Donald S. Lopez Jr, The Princeton Dictionary of Buddhism, Princeton (N.J.), Princeton University Press, , 1304 p. (ISBN 978-0-691-15786-3 et 0-691-15786-3, lire en ligne).
- Gerd J.R. Mevissen : « The suggestion of movement : a contribution of chariot-shaped structures in Indian temple-architecture », in : Explorations in Art and Archeology of South Asia. Essays Dedicated to N.G. Majumdar. Calcutta, 1996
- (en) G.R. JOSYER, VYMAANIKA-SHAASTRA AERONAUTICS, Inde, CORONATION PR ESS, (lire en ligne)
- (en) « India Did NOT Invent The World's Oldest Plane. Here's Proof That The Vyamanika Shastra Is Wrong », indiatimes.com,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) H.S.MUKUNDA, S.M.DESHPANDE, H.R. NAGENDRA, A.PRABHU et S.P.GOVINDARAJU, « A CRITICAL STUDY OF THE WORK âVYMANIKA SHASTRAâ », Scientific Opinion,â (lire en ligne)