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Urbanologie

L'urbanologie \yʁ.ba.nɔ.lɔ.ʒi\ (du latin urbs, ville, et du grec ancien logos, discours) est la science dont l'objet d'Ă©tude est la ville dans ses diffĂ©rents aspects.

Urbanologie
Carte de Ninive.
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Urbanologue
Objet

DĂ©finition

L'urbanologie fait partie des sciences sociales et se distingue de l'urbanisme qui est un processus technique et politique qui concerne l'amĂ©nagement du territoire et le dĂ©veloppement des zones urbaines. « Nous proposons d'appeler urbanologie, note Marcel Cornu, l'ensemble des recherches et Ă©tudes dont le champ se trouve ĂȘtre l'espace urbain, c'est-Ă -dire tout ce qui concerne la connaissance des villes. L’urbanologie serait la science de la Ville[1].»

Origine du terme

Le terme urbanologie aurait Ă©tĂ© utilisĂ© pour la premiĂšre fois par Marcel Cornu dans un article intitulĂ© « De la nĂ©cessitĂ© d'une Urbanologie », paru dans l’hebdomadaire communiste Les Lettres françaises dirigĂ© par Louis Aragon, le . Le mot est repris en 1981 par le gĂ©ographe Paul Claval dans son ouvrage La Logique des villes: Essai d'urbanologie[2].

En se tenait Ă  la University of Wisconsin-Milwaukee un colloque qui avait pour titre « Urbanology – New Aproaches to Urban Revival »[3]. Ce programme avait pour objectif d’identifier les Ă©lĂ©ments du problĂšme urbain et de discuter des outils disponibles pour le rĂ©soudre. Y participaient ingĂ©nieurs, urbanistes, architectes, sociologues et administrateurs urbains.

Interdisciplinarité

Marcel Cornu distingue l'urbanologie thĂ©orique de l’urbanisme pratique en insistant sur l’interdisciplinaritĂ© qu’elle rĂ©clame, non seulement pour questionner et enrichir l’urbanisme mais pour se fonder comme discipline autonome et solidaire d’autres savoirs. Avec l’urbanologie, la pluridisciplinaritĂ© que mobilise l’urbanisme se transforme en interdisciplinaritĂ©.

Sociologie Urbaine

Une approche sociologique de la ville est apportée par des centres universitaire de recherche comme le Centre de Sociologie Urbaine de Grenoble ou autour d'Henri Lefebvre à l'Université de Vincennes et qui écrit un ouvrage qui fera date : Le droit à la ville[4]. La réflexion théorique se poursuit avec notamment Françoise Choay à partir de son ouvrage : L'urbanisme, réalités et utopies[5]. L'urbanologie tente de comprendre les rapports d'interaction et de transformation mutuelle qui existent entre les formes d'organisation de la société et la forme physique de la ville.

GĂ©ographie Urbaine

La ville est autant un espace vécu que perçu. L'urbanologue peut en saisir des éléments en faisant dessiner une ville ou un quartier selon la méthode de la carte mentale. Une autre méthode consiste à faire raconter à des habitants leur itinéraire journalier. Les cartes mentales sont utilisées également par les géographes et psychologues[6] comme instrument de recherche pour déterminer la perception des espaces par le public.

Psychologie Urbaine

La psychologie urbaine est une sous-discipline de la psychologie environnementale. Elle Ă©tudie les interrelations entre l'individu et son environnement urbain et social dans ses dimensions spatiales et temporelles »[7]. Elle s'intĂ©resse aussi bien aux effets des conditions environnementales sur les comportements, cognitions et Ă©motions de l’individu qu’à la maniĂšre dont celui-ci perçoit ou agit sur son environnement urbain.

La psychologie environnementale repose sur une meilleure comprĂ©hension et prise en compte des interrelations complexes qui se tissent entre l'individu et son environnement, qu'elles soient conscientes ou non. En tant qu’acteur, l’individu perçoit, ressent, se reprĂ©sente et se projette dans « son » environnement, de maniĂšre positive ou nĂ©gative selon les cas. Cet environnement, avec ses particularitĂ©s rĂ©elles ou fantasmĂ©es, la maniĂšre dont il est investi et façonnĂ© par l’individu participe de l’identitĂ© de l’individu et d'un groupe, et donne signification Ă  leur comportement.

L’environnement n’est pas ici considĂ©rĂ© comme un simple dĂ©cor environnant l'individu ou le groupe, ni mĂȘme uniquement comme source de services Ă©cologiques, mais pour ses amĂ©nitĂ©s et aussi pour les peurs inconscientes qu'il peut susciter (peur du noir, de la nuit, peur du sauvage et de l'incontrĂŽlĂ©...). Il n’est pas uniquement composĂ© d’élĂ©ments matĂ©riels : l’individu y est continuellement prĂ©sent que ce soit de maniĂšre effective ou virtuelle.

Psychogéographie

La psychogĂ©ographie a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par un mouvement d’inspiration marxiste[8], l’Internationale situationniste, en la personne de Guy Debord[9]. Par l’intermĂ©diaire notamment de la psychogĂ©ographie, les situationnistes ont dĂ©veloppĂ© une rĂ©flexion sur la question urbaine qu’ils inscrivaient en rĂ©action Ă  l’urbanisme fonctionnaliste[10]. Leurs descriptions de l’espace urbain dĂ©noncent un espace perçu comme ennuyeux[11]. L’urbanisme fonctionnaliste est en outre accusĂ© d’organiser une sorte d’aliĂ©nation aux services des temples de la consommation[12] avec en point d’orgue l’impossible « rĂ©appropriation de l’espace urbain par l’imaginaire »[13].

Selon l’Internationale situationniste, la ville, Ă©rigĂ©e en suivant les principes de l’urbanisme fonctionnaliste provoque la mise en place d’un dispositif d’isolement, d’exclusion et de rĂ©clusion des citadins, in fine, la ville participe Ă  l’établissement d’un ordre dans lequel le dĂ©sir n’a pas sa place. Leur projet est de refonder la ville afin de crĂ©er des ambiances inĂ©dites permettant la construction de situations, c’est-Ă -dire des moments de vie Ă  la fois singuliers et Ă©phĂ©mĂšres[10].

Littérature et Géocritique

Le roman urbain ne perçoit la ville ni comme une monstruositĂ© incomprĂ©hensible nĂ©e de la rĂ©volution industrielle, ni comme une figure fantasmatique[14]. TournĂ© vers la reprĂ©sentation de l’univers social des villes rĂ©elles, il tente de livrer une description prĂ©cise de la vie quotidienne ordinaire dans un cadre urbain, s’intĂ©ressant autant aux destins individuels qu’à l’actualitĂ© politique, sociale et culturelle de l’époque oĂč il est Ă©crit. Contrairement Ă  d’autres rĂ©cits qui peuvent Ă©galement se servir de dĂ©cors urbains, le roman urbain dĂ©crit la ville comme une structure urbaine et en fait son point focal, voire son vĂ©ritable protagoniste. Le personnage principal du roman de Camille Ammoun, Ougarit, paru aux Éditions Inculte en 2019, est un urbanologue appelĂ© en mission par la ville de DubaĂŻ.

Pour Bertrand Westphal, espaces humains et littérature sont indissociables; imaginaire et réalité sont imbriqués; le référent n'est plus forcément celui que l'on croit. En deux mots, ou en trois, c'est l'écrivain qui est devenu auteur de sa ville. Dostoïevski et Kafka sont les héros cosmogoniques des temps modernes; Joyce, Svevo et Pessoa sont investis de la plus authentique des autorités: ils exercÚrent dans leur ville une fonction auctoriale[15]. Pétersbourg/Dostoïevski et Prague/Kafka, mais aussi Dublin/Joyce, Tanger/Bowles ou encore Lisbonne/Pessoa, etc.

La gĂ©ocritique est une mĂ©thode d'analyse littĂ©raire et de thĂ©orie littĂ©raire qui intĂšgre l'Ă©tude de l'espace gĂ©ographique. Le terme dĂ©signe un certain nombre de pratiques critiques diffĂ©rentes. En France, Bertrand Westphal a Ă©laborĂ© le concept de gĂ©ocritique dans plusieurs ouvrages[16]. Aux États-Unis, Robert Tally a plaidĂ© pour une gĂ©ocritique comme pratique critique adaptĂ©e Ă  l'analyse de ce qu'il a appelĂ© la "cartographie littĂ©raire"[17].

Dans un article intitulé "Pour une approche géocritique des textes" Westphal décrit ainsi la relation entre le roman et la ville :

« De la ville-tableau chÚre à Louis-Sébastien Mercier, on est passé à la ville-sculpture, en ce que la statue est pluridimensionnelle, appréciable en fonction du point de vue que l'on privilégie. Ville-tableau, ville-sculpture et puis, bien entendu, ville-livre. On avait dépeint la ville; on a modelé la ville; on lit dorénavant la ville. Car si la ville est souvent transplantée dans le livre, il arrive aussi que l'une et l'autre soient saisies dans des relations de stricte équivalence. En d'autres termes, pour certains auteurs - surtout à partir des années cinquante - la ville est devenue livre, comme le livre est devenu ville. La complexification croissante, et concomitante (est-ce fortuit?), des structures spatiales et des structures de l'oeuvre littéraire ont alors fait de l'espace urbain une métaphore du livre, et du roman en particulier. Quelquefois, le jumelage s'effectuait au loin, à Tokyo par exemple; on disait alors, comme Roland Barthes: "La ville est un idéogramme: le Texte continue". Les signes ont leur empire sur lequel les Empires de jadis n'étendent plus leur loi. Quant à nous, citoyens-lecteurs, et parfois citoyens-auteurs, nous empruntons les artÚres comme nous parcourons des lignes. Nous nous égarons dans les unes, comme nous nous perdons dans les autres. Nous regagnons le chemin comme nous retrouvons le fil de l'histoire[15]. »

Philosophie

La réflexion philosophique se poursuit avec notamment les travaux de Mike Davis, Olivier Mongin, Thierry Paquot, Agustin Berque, Bruce Bégout, entre autres.

Notes et références

  1. Thierry Paquot, Que savons-nous de la ville et de l'urbain ? in De la ville et du citadin, ouvrage collectif, Paris, ParenthĂšses, , p. 16.
  2. Paul Claval, La Logique des villes: Essai d'urbanologie, Paris, Litec, , 633 p. (ISBN 978-2-7111-0334-8).
  3. (en) Edward Beimborn, Urbanology ...: New Approaches to Urban Revival, .
  4. Henri Lefebvre, Le droit Ă  la ville, Paris, Anthropos,
  5. Françoise Choay, L'urbanisme : réalités et utopies, Paris, Seuil,
  6. Gould P., White R., Mental Maps, Penguin Books, Harmondsworth, 1974. J.-P., Paulet, Les reprĂ©sentations mentales en gĂ©ographie, Éditions Anthropos GĂ©ographie, 2002.
  7. Moser, G., & Weiss, K. Espaces de vie: aspects de la relation homme-environnement, Armand Colin, Paris, 2003
  8. TRUDEL, Alexandre, « Des surrĂ©alistes aux situationnistes », COnTEXTES, no 6,‎ (lire en ligne)
  9. Guy Debord, "Introduction à une critique de la géographie urbaine" in Les lÚvres nues, n°6, Bruxelles, 1955.
  10. SIMAY, Philippe, « Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes », MĂ©tropoles, no 4,‎ , p. 210 (lire en ligne)
  11. IVAIN Gilles, Formulaire pour un urbanisme nouveau,
  12. SIMAY, Philippe, « Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes », MĂ©tropoles, no 4,‎ , p. 207
  13. BONARD, Yves, « DĂ©rive et dĂ©rivation. Le parcours urbain contemporain, poursuite des Ă©crits situationnistes ? », Journal of Urban Research, no 2,‎ , p. 9 (lire en ligne)
  14. Christina Horvath, Le Roman urbain contemporain en France, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, , 260 p. (ISBN 978-2-87854-377-3, lire en ligne), p. 245.
  15. Article publiĂ© in La GĂ©ocritique mode d’emploi, PULIM : Limoges, coll. « Espaces Humains », n°0, 2000, pp.9-40.
  16. Bertrand Westphal, La GĂ©ocritique, RĂ©el, Fiction, Espace, Paris, Éditions de Minuit, , 278 p. (ISBN 978-2-7073-2004-9).
  17. cf., e.g., Robert Tally "Geocriticism and Classic American Literature" et Spatiality.
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