Ur-Namma
Ur-Namma (« Guerrier de (la déesse) Namma » en sumérien), aussi lu Ur-Nammu, a été roi d'Ur de 2112 à 2095 av. J.-C. selon la chronologie moyenne, de 2047 à 2030 selon la chronologie basse. La datation de son règne est très approximative (selon Sallaberger et Schrakamp, il aurait été roi de 2102 à 2085[1]). La Liste royale sumérienne lui attribue 18 années de règne. À la suite de ce même texte, il est vu comme le premier roi de la Troisième dynastie d'Ur, empire qui domine la Mésopotamie pendant environ un siècle. Bien que pendant longtemps son fils et successeur Shulgi ait été considéré comme le principal artisan de la constitution de ce royaume, par la suite le rôle d'Ur-Namma a été réévalué.
La constitution d'un nouveau royaume
Ur-Namma est un usurpateur. Il est gouverneur (en sumérien ŠAGIN) d'Ur pour le compte du roi d'Uruk Utu-hegal, qui est sans doute son frère. Celui-ci est crédité par la tradition mésopotamienne comme le responsable de la libération de la Basse Mésopotamie de l'emprise des rois Gutis qui s'étaient installés depuis qu'ils avaient renversé la dynastie d'Akkad. En réalité, il semble que la période allant de la chute d'Akkad à la constitution de la Troisième dynastie d'Ur ait duré au mieux une cinquantaine d'années, pendant lesquelles plusieurs entités politiques se constituent à partir du démembrement progressif du royaume d'Akkad : on connaît pour cette période des rois Gutis, mais aussi la dynastie de Gudea à Lagash, Puzur-Inshushinak à Awan (Élam), et donc Utu-hegal à Uruk et Ur, qui dispose sans doute d'une position prééminente dont profite Ur-Nammu quand il le renverse et monte sur le trône, prenant le titre de « roi (LUGAL) d'Ur ».
Les événements du règne d'Ur-Namma sont mal documentés. Ils sont essentiellement connus par plusieurs de ses noms d'années, commémorant les hauts faits de son règne (surtout des constructions), et plusieurs textes à sa gloire : le Cadastre d'Ur-Namma, connu par une copie du début du IIe millénaire av. J.-C., listant des villes qu'il domine à la fin de son règne ; et la partie du prologue du Code d'Ur-Namma qui nous est parvenue. Il y apparaît qu'Ur-Namma a réussi à dominer les villes principales du pays de Sumer, et aussi celle du pays d'Akkad situé plus au nord. Il s'est fait reconnaître roi de ces régions dans la ville sainte Nippur, où se trouve le grand sanctuaire du roi des dieux, Enlil. Ses relations avec les rois de Lagash, bien connus par les sources retrouvées dans leur capitale Girsu, sont mal établies. On a longtemps pensé que le plus grand roi de cette cité, Gudea, avait régné bien avant lui, mais il est possible qu'il ait été son contemporain au moins au début, et ait été son allié voire vassal. Lagash tombe en tout cas sous la coupe d'Ur-Namma. Un grand fait militaire de ce roi est la défaite qu'il inflige aux Élamites de Puzur-Inshushinak qui essayaient de s'étendre vers la Mésopotamie et avaient sans doute dominé plusieurs villes de la région du Tigre. Selon le Cadastre, les régions dominées par Ur à la mort d'Ur-Namma s'étendaient jusque dans la vallée de la Diyala. Il marie un de ses fils (sans doute Shulgi) à une des filles du roi de Mari (šakkanakku) Apil-kin, ce qui implique une alliance entre les deux.
Il perd apparemment la vie au cours d'un combat, c'est en tout cas ce que rapporte le texte intitulé La Mort d'Ur-Namma. Son tombeau est peut-être dans le mausolée qui a été mis au jour à Ur juste au sud du sanctuaire du dieu Nanna.
La réorganisation du royaume et les constructions
Les victoires d'Ur-Namma se sont accompagnées d'une remise en ordre de la Basse Mésopotamie après plusieurs décennies d'instabilité. Il a été un grand bâtisseur. On sait qu'il a patronné la restauration ou le creusement de plusieurs canaux d'irrigation si importants dans la Basse Mésopotamie où l'agriculture sèche est impossible. À Ur, il fait construire une muraille. Ur-Namma est surtout connu pour avoir restauré les grands sanctuaires du pays de Sumer, notamment Ur, Nippur, Uruk et Eridu. C'est là qu'il fait ériger les ziggurats associées aux temples, qui sont considérées comme les premières à avoir été bâties. C'est dans le sanctuaire d'Ur qu'a été retrouvée une stèle fragmentaire le représentant en train de participer au culte du dieu de cette ville, Nanna. Ces reconstructions accompagnaient donc une remise en ordre économique et cultuelle de la Basse Mésopotamie. Le prologue du Code d'Ur-Namma mentionne le fait que l'action de pacification de ce roi a été favorable à la reprise des échanges, notamment le commerce maritime du Golfe Persique. Le même texte crédite ce roi d'une uniformisation des poids et mesures, et le Code en lui-même entre sans doute dans cette entreprise de réorganisation. Le volet administratif de ces réformes reste mal connu, car peu de tablettes d'archives du règne d'Ur-Namma ont été retrouvées. Il semble que la constitution de la « bureaucratie » caractéristique de la Troisième dynastie d'Ur a surtout été le fait de Shulgi.
Ur-Namma est donc selon toute vraisemblance à l'origine du plus ancien texte de lois connu, le Code d'Ur-Namma, ancêtre du Code de Hammurabi. Il est possible qu'il faille l'attribuer à son fils Shulgi, car le texte est fragmentaire et ne mentionne pas celui qui l'a fait rédiger, mais cette option est de moins en moins retenue. Il était probablement inscrit sur un ou plusieurs monument(s) (statue(s)), qui ont été recopiées plusieurs siècles après leur fabrication, et c'est par certaines de ces copies que son contenu nous est parvenu. La partie du prologue introductif qui nous est parvenue semble plutôt s'accorder avec les conquêtes d'Ur-Namma. Un peu moins de 40 articles ont été conservés, concernant des sujets divers comme l'homicide, les unions entre personnes de diverses catégories, les faux témoignages, des litiges agricoles, etc.
Postérité littéraire
Ur-Namma est passé à la postérité par le biais de plusieurs textes littéraires le commémorant ainsi que des copies de ses inscriptions, comme cela a aussi été le cas pour ses prédécesseurs les rois d'Akkad Sargon et Narâm-Sîn. Plusieurs hymnes ont ainsi été composés en son honneur, vantant sa bravoure, ses exploits militaires, mais aussi son œuvre cultuelle et le creusement des canaux qu'il a fait faire. Le plus remarquable est La Mort d'Ur-Namma, décrivant sa mort sur le champ de bataille et son entrée aux Enfers. Il faut peut-être y voir une initiative de son fils Shulgi (qui a également fait composer de nombreux hymnes en son propre honneur) qui confortait sa légitimité en commémorant l'action de son père et surtout en cherchant à expier sa mort dramatique.
Références
- (en) Sallaberger, Walther, et Schrakamp, Ingo,, History & philology, Turnhout, Brepols, , 445 p. (ISBN 978-2-503-53494-7 et 2-503-53494-5, OCLC 904661061, lire en ligne), page 135 à 136
Voir aussi
Bibliographie
- Bertrand Lafont, « Ur-Nammu », dans Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , p. 885-887
- (de) Walther Sallaberger, « Ur-Namma », dans Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, vol. XIV, , p. 422-431
- (en) Douglas Frayne, The Royal inscriptions of Mesopotamia, Early periods, vol. 3/2, Ur III period (2112-2004 BC), Toronto, University of Toronto Press, , p. 9-90.
- (de) Walther Sallaberger, « Ur III-Zeit », dans Walther Sallaberger et Aage Westenholz, Mesopotamien: Akkade-Zeit und Ur III-Zeit, Fribourg et Göttingen, Universitätsverlag Freiburg Schweiz et Vandenhoeck & Ruprecht, coll. « Orbis Biblicus et Orientalis », , p. 132-140.
- Bertrand Lafont, « Ur, l'empire gestionnaire (2100-2000) », dans Bertrand Lafont, Aline Tenu, Philippe Clancier et Francis Joannès, Mésopotamie : De Gilgamesh à Artaban (3300-120 av. J.-C.), Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , p. 202-206
- (en) Steven J. Garfinkle, « The Kingdom of Ur », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.), The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 2: From the End of the Third Millennium bc to the Fall of Babylon, New York, Oxford University Press, , p. 140-148
- (en) E. Flückiger-Hawker, Urnamma of Ur in Sumerian Literary Tradition, Fribourg, 1999
- (en) J. Voris Canby, The “Ur-Nammu” Stela, Philadelphie, 2001