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Tribu engendrée

Étant donnĂ© un ensemble de parties d'un mĂȘme ensemble X, la tribu engendrĂ©e par , ou extension de Borel de [1] est la plus petite tribu (au sens de l'inclusion) contenant . On la note ou [1].

DĂ©finitions

Tribu engendrée par un ensemble de parties

Proposition et dĂ©finition — Soit X un ensemble et un ensemble de parties de X. Il existe une plus petite tribu sur X (pour l'inclusion) qui contienne . On l'appelle la tribu engendrĂ©e par , et on la note .

On prouve facilement l'existence de en la définissant comme l'intersection de toutes les tribus sur X qui contiennent (cette intersection a un sens, puisqu'au moins une telle tribu existe, à savoir la tribu dite discrÚte formée de toutes les parties de X)[2].

Tribu engendrée par une famille d'applications

DĂ©finition[3] — Soit X un ensemble, I un ensemble d'indices et soit pour chaque un espace mesurable et une application .

On appelle tribu engendrée par la famille la tribu engendrée par la réunion des tribus images réciproques . On la note .

On vérifie facilement que :

  • la tribu engendrĂ©e est la plus petite tribu qui rende simultanĂ©ment mesurables toutes les applications fi.
  • en notant , pour toute application d'un espace mesurable vers , g est mesurable si et seulement si chaque l'est[4].

Exemples

  • Soit et , alors .
  • Soit l'ensemble des singletons de l'univers . La tribu est Ă©gale Ă  ou dĂ©nombrable .
  • Dans un espace topologique, la tribu engendrĂ©e par les ouverts (ou, ce qui revient au mĂȘme, par les fermĂ©s) est appelĂ©e la tribu borĂ©lienne.
  • Étant donnĂ© un espace mesurĂ© , la tribu engendrĂ©e par les Ă©lĂ©ments de et les ensembles nĂ©gligeables pour ÎŒ est appelĂ©e la tribu complĂ©tĂ©e de . Elle est Ă©voquĂ©e Ă  l'article « ComplĂ©tion d'une mesure Â».

Construction transfinie

Un procĂ©dĂ© de construction rĂ©currence transfinie permet plus gĂ©nĂ©ralement une description de la tribu engendrĂ© par une partie . Il a Ă©tĂ© appliquĂ© dĂšs 1898 par Émile Borel pour dĂ©finir la famille qu'on appelle aujourd'hui tribu borĂ©lienne[5].

Pour le décrire posons d'abord une notation : pour ensemble de parties d'un ensemble X, on notera l'ensemble des réunions dénombrables d'éléments de et l'ensemble des intersections dénombrables.

Une premiĂšre idĂ©e, non concluante, pourrait ĂȘtre la suivante : on part de l'ensemble composĂ© des Ă©lĂ©ments de et de leurs complĂ©mentaires. Pour construire de nouveaux Ă©lĂ©ments de la tribu engendrĂ©e, on applique aux parties qui figurent dans la classe les opĂ©rations de rĂ©union dĂ©nombrable et d'intersection dĂ©nombrable : on obtient ainsi une nouvelle classe . On recommence l'opĂ©ration en posant et ainsi de suite par rĂ©currence. On pourrait espĂ©rer que la rĂ©union de la suite croissante des rĂ©ponde Ă  la question : elle n'est Ă©videmment pas vide, chaque est stable par complĂ©mentaire, les opĂ©rations de rĂ©union ou d'intersection infinie envoient dans . Mais ce dernier point n'entraĂźne pas qu'elles envoient la rĂ©union des dans elle-mĂȘme : qu'on songe Ă  une possible suite d'ensembles oĂč chaque est un Ă©lĂ©ment de . Rien ne permet d'assurer que sa rĂ©union ni son intersection sera elle aussi dans l'un des .

Cette idĂ©e peut pourtant ĂȘtre exploitĂ©e mais Ă  condition de pousser plus loin la construction en effectuant une rĂ©currence transfinie. On dĂ©finit une application de source telle que Ă  chaque ordinal l'application associe un ensemble de parties de X, selon la procĂ©dure suivante :

  • est l'ensemble composĂ© des Ă©lĂ©ments de et de leurs complĂ©mentaires. ;
  • pour tout ordinal α, ;
  • pour tout ordinal limite ÎČ, .

Notons ω1 le premier ordinal non dĂ©nombrable ; on vĂ©rifie alors facilement que :

  • L'inclusion dans le sens est facile - par rĂ©currence transfinie on constate aisĂ©ment que pour tout ordinal α, est inclus dans . DĂšs lors l'ensemble l'est aussi.
  • Pour le sens , on remarque que et qu'il suffit donc de s'assurer que ce dernier ensemble est lui-mĂȘme une tribu pour garantir qu'il contiendra . Or il est non vide de façon Ă©vidente, stable par complĂ©mentaritĂ© parce que chaque l'est (rĂ©currence transfinie facile, Ă  l'aide des lois de De Morgan pour le passage Ă  un ordinal successeur), seule la stabilitĂ© par rĂ©union dĂ©nombrable demande un peu d'attention. Soit donc une suite d'Ă©lĂ©ments de ; pour chaque notons le plus petit ordinal tel que , et posons enfin . Comme rĂ©union dĂ©nombrable d'ordinaux dĂ©nombrables, ÎČ est lui-mĂȘme un ordinal dĂ©nombrable — il est alors aisĂ© de vĂ©rifier que . La stabilitĂ© par rĂ©union dĂ©nombrable est prouvĂ©e[6].

Lorsque X est un espace topologique mĂ©trisable et la topologie sur X, cette construction admet des variantes. Il n'est ici pas nĂ©cessaire d'initialiser la rĂ©currence en mĂȘlant ouverts et fermĂ©s comme on le ferait si l'on suivait le mode d'emploi donnĂ© plus haut pour dĂ©finir . En effet la mĂ©trisabilitĂ© garantit que tout fermĂ© est un GÎŽ (et tout ouvert un Fσ) donc si l'on initialise la rĂ©currence en prenant , on retrouve les fermĂ©s dĂšs ; on peut bien sĂ»r symĂ©triquement choisir une initialisation Ă  partir de l'ensemble des fermĂ©s. La considĂ©ration conjointe de ces deux itĂ©rations parallĂšles conduit Ă  l'introduction de notations standardisĂ©es, ces familles croissantes de classes jouant un rĂŽle important en thĂ©orie descriptive des ensembles : c'est ce qu'on appelle la hiĂ©rarchie de Borel[7].

Un résultat de cardinalité

ThĂ©orĂšme[6] — Soit un espace mesurable. S'il existe une partie infinie dĂ©nombrable de la tribu qui engendre celle-ci, alors a la puissance du continu.

Ce thĂ©orĂšme s'applique notamment Ă  la tribu borĂ©lienne sur l'espace ℝn, qui est engendrĂ©e par les pavĂ©s Ă  coordonnĂ©es rationnelles. Plus gĂ©nĂ©ralement, sa conclusion est aussi valable sur tout espace de Lusin infini[8].

Extensions de fonctions d'ensembles

Dans les problĂšmes Ă©voquĂ©s dans cette section, on dispose d'informations sur une fonction ÎŒ dĂ©finie sur une classe de parties d'un ensemble X, et l'on souhaite les propager Ă  toute la tribu engendrĂ©e .

ProblÚmes d'unicité

Dans cette problĂ©matique, on sait que ÎŒ est la restriction d'une mesure ; on veut s'assurer disposer avec cette restriction d'assez d'informations au sujet pour caractĂ©riser complĂštement ÎŒ.

Il s'avÚre que la connaissance d'une mesure sur une partie génératrice d'une tribu ne permet pas en général sa reconstitution : deux mesures peuvent coïncider sur une classe sans pour autant coïncider sur toute la tribu .

Exemples :

  • Sur singleton, on donne . La tribu engendrĂ©e par est tout entier ; au moins deux prolongements de ÎŒ sont envisageables : peut-ĂȘtre est-elle nulle, ou peut-ĂȘtre est-elle l'unique mesure de probabilitĂ© sur .
  • MĂȘme si l'on sait que la mesure Ă  reconstituer est une mesure de probabilitĂ© sur la tribu engendrĂ©e, sa reconstitution n'est pas forcĂ©ment possible. Soit un ensemble Ă  quatre Ă©lĂ©ments. L'ensemble de parties est manifestement gĂ©nĂ©rateur de la tribu discrĂšte. Pourtant, si l'on sait qu'une mesure de probabilitĂ© vĂ©rifie les deux conditions et , deux reconstitutions au moins en sont-elles envisageables : peut-ĂȘtre tous les tirages sont-ils Ă©quiprobables, ou peut-ĂȘtre seuls les tirages aa et bb sont-ils possibles avec Ă©quiprobabilitĂ©.

Pour une mesure de probabilitĂ©, il existe toutefois une condition suffisante simple garantissant que ses valeurs sur la caractĂ©risent : il suffit que soit stable par intersection finie (en jargon de thĂ©orie de la mesure, on dit que c'est un π-systĂšme). PrĂ©cisĂ©ment, on a :

Lemme d'unicitĂ© des mesures de probabilitĂ© — Deux mesures de probabilitĂ© et dĂ©finies sur l'espace probabilisable et coincidant sur un ensemble d'Ă©vĂ©nements stable par intersection (finie) coĂŻncident aussi sur la tribu engendrĂ©e par :

La démonstration est immédiate à partir d'un lemme, dit « lemme de classe monotone » ou « théorÚme lambda-pi de Dynkin » :

Lemme de classe monotone — Soit X un ensemble et une partie de supposĂ©e stable par intersection finie. Alors la tribu engendrĂ©e par peut ĂȘtre dĂ©crite comme la plus petite partie de qui :

  • contienne X ;
  • soit stable par diffĂ©rence de parties emboĂźtĂ©es : si y figurent tous deux, doit y figurer aussi ;
  • soit stable par rĂ©union dĂ©nombrable croissante.

Un exemple positif d'utilisation des rĂ©sultats de cette section est la caractĂ©risation des mesures de probabilitĂ© par leur fonction de rĂ©partition, l'ensemble des intervalles de la forme ]–∞, x], x ∈ ℝ Ă©tant gĂ©nĂ©rateur de la tribu borĂ©lienne et stable par intersection[9].

ProblĂšmes d'existence

Ici le problĂšme est de gĂ©nĂ©raliser dans un cadre abstrait les idĂ©es qui ont abouti Ă  la dĂ©finition de la mesure de Lebesgue sur la droite rĂ©elle : Ă©tant donnĂ© une classe d'ensembles sur lesquels une dĂ©finition de la mesure paraĂźt trĂšs naturelle (les rectangles dans le cadre de la mesure de Lebesgue dans le plan), on dispose sur cette classe d'une fonction d'ensembles ÎŒ raisonnable (l'aire). Quelles conditions seront-elles suffisantes pour que cette fonction d'ensembles puisse ĂȘtre prolongĂ©e Ă  toute la tribu engendrĂ©e par , y compris les ensembles biscornus qu'elle peut contenir ?

Une rĂ©ponse est apportĂ©e par le thĂ©orĂšme d'extension de CarathĂ©odory. En voici un Ă©noncĂ© possible[10] (dans cet Ă©noncĂ©, on entend par « mesure » sur un anneau d'ensembles une application de cet anneau vers [0, +∞], σ-additive et prenant au moins une valeur finie[11]) :

ThĂ©orĂšme — Toute mesure sur un anneau d'ensembles admet au moins un prolongement en une mesure dĂ©finie sur la tribu engendrĂ©e par cet anneau.

Références

  1. Cette appellation et la notation associĂ©e, quoiqu’aujourd’hui dĂ©suĂštes, sont notamment employĂ©es dans (en) AndreĂŻ NikolaĂŻevitch Kolmogorov (trad. de l'allemand par Nathan Morrison), Foundations of the Theory of Probability [« Grundbegriffe der Wahrscheinlichkeitsrechnung »], New York, Chelsea Publishing Company, , 84 p. (OCLC 185529381, lire en ligne)
  2. Marc Briane et Gilles PagÚs, Théorie de l'intégration, Paris, Vuibert, coll. « Les grands cours Vuibert », , 302 p. (ISBN 2-7117-8946-2), p. 47.
  3. Voir par exemple Manuel Samuelides, Probabilités pour les sciences de l'ingénieur, Dunod, (lire en ligne), p. 115 et, pour le cas d'une seule application, Philippe Barbe et Michel Ledoux, Probabilité (L3M1), EDP Sciences, (lire en ligne), p. 5.
  4. Briane et PagĂšs 2000, p. 59.
  5. Jean-Paul Pier, Histoire de l'intégration. Vingt-cinq siÚcles de mathématiques, Masson, , 306 p. (ISBN 978-2-225-85324-1), p. 115.
  6. D'aprÚs Daniel Revuz, Mesure et intégration, Paris, Hermann, , 212 p. (ISBN 2-7056-6350-9), p. 110-111.
  7. Pour des informations de base sur la hiérarchie de Borel, voir Srivastava 1998, p. 115-117.
  8. (en) Sashi Mohan Srivastava, A Course on Borel Sets, Springer, , 264 p. (ISBN 978-0-387-98412-4, lire en ligne), p. 100, théorÚme 3-3-18.
  9. Pour l'ensemble de la section, voir Briane et PagĂšs 2000, p. 66-68.
  10. On trouve un énoncé assez simple qui entraßne celui donné ici dans (en) Olav Kallenberg, Foundations of Modern Probability, Springer, , 638 p. (ISBN 978-0-387-95313-7, lire en ligne), p. 26.
  11. On trouvera cette définition exposée de façon moins concise à l'article « Mesure », section « Généralisation ».
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