Trevor Wishart
Trevor Wishart, né le à Leeds, est un compositeur anglais.
Naissance |
Leeds |
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Lieux de résidence | York |
Activité principale | Compositeur, improvisateur vocal |
Style |
Musique Ă©lectroacoustique Sonic Art |
Activités annexes | Professeur de composition |
Lieux d'activité | Université d'York, Université de Durham, Université d'Oxford |
Formation | Bachelor et Master of Arts, Ph.D. en composition |
Site internet | http://www.trevorwishart.co.uk/ |
Ćuvres principales
Machine (1971), Journey into Space (1972), Red Bird (1973-77), Beach Singularity (1978), Menagerie (1979) VOX-Cycle (1980-88), Tongues of Fire (1993-94), Two Women (1998), Imago (2002), Globalalia (2003-2004), Fabulous Paris (2006) Encounters in the Republic of Heavens (2007-2012)
Il a commencĂ© Ă composer des piĂšces instrumentales en utilisant les techniques stochastiques et mathĂ©matiques. Dans les annĂ©es soixante, la mort de son pĂšre, qui travaillait dans une usine, lui fait prendre conscience de sa volontĂ© dâexprimer des rĂ©alitĂ©s plus concrĂštes Ă travers sa musique[1]. Il reste cependant toujours trĂšs proche de la question de la forme musicale[2]. Il Ă©crit son mĂ©moire dâĂ©tudes en 1969 au sujet de Xenakis Ă lâuniversitĂ© de Nottingham et termine son doctorat en composition en 1973 Ă lâuniversitĂ© d'York[3].
« Un problĂšme que jâai eu durant ma carriĂšre musicale est le rejet par certains musiciens et musicologues de mes Ćuvres sous le prĂ©texte que 'ce nâest pas de la musique'. Pour Ă©viter de jouer sur les mots, jâai donc intitulĂ© ce livre On Sonic Art et vais rĂ©pondre Ă la question de ce quâest, et nâest pas, lâ'art sonore'. On peut commencer par dire que lâart sonore inclut la musique et la musique Ă©lectroacoustique. En mĂȘme temps, en revanche, on va sâapprocher de domaines qui ont Ă©tĂ© catĂ©gorisĂ©s distinctement comme le texte sonore et les effets sonores. Lâattention y sera nĂ©anmoins concentrĂ©e sur la structure et la structuration des sons eux-mĂȘmes[4]. »
â Trevor Wishart
JusquâĂ Red Bird
Il termine en 1971 la composition de Machine : An electronically-preserved dream, une piĂšce qui a des allures du Wochenende (1930) de Walther Ruttmann en ce quâelle utilise et prĂ©sente les sons industriels en un montage audio (bien que la piĂšce de Wishart utilise nettement plus la voix â celle des groupes dâouvriers notamment â, une utilisation qui deviendra vite trĂšs caractĂ©ristique de sa musique) et qui peut ĂȘtre mise en parallĂšle avec le Presque Rien (no 1) ou le lever du jour au bord de la mer de Luc Ferrari, composĂ© Ă la mĂȘme Ă©poque, dans lequel Ferrari met en scĂšne (de maniĂšre surrĂ©aliste[5]) le paysage sonore dâun village de pĂȘcheurs le matin[6].
La technique compositionnelle de Wishart Ă©tait alors (et est encore souvent) Ă©normĂ©ment basĂ©e sur lâimprovisation et le matĂ©riau trouvĂ© (ce qui permet un nouveau parallĂšle avec Ferrari) puis montĂ©.
« Une grande partie du travail que jâai fait avec lâĂ©lectroacoustique â parce quâil nây avait presque pas dâĂ©quipement, seulement des enregistreurs, principalement â a Ă©tĂ© de trouver des objets ou de demander Ă des gens de souffler dans des tubes dâĂ©chafaudages, toutes sortes de choses. Enregistrer des improvisations, que je structurais dâune certaine maniĂšre. Puis les Ă©diter pour faire une piĂšce : jâappelle ça le 'montage musical'[7]. »
Câest encore le cas de Journey into Space, composĂ©e peu aprĂšs Machine et diffusĂ©e avant (Journey into Space en 1972, Machine en 1973), puis de Red Bird (1978) qui clĂŽt cette partie du travail de Wishart, basĂ©e sur la symbolique sonore.
« Je pense que les piĂšces se sont acheminĂ©es vers Red Bird, dans laquelle je cristallise lâidĂ©e dâutiliser les sons dâune maniĂšre mythologique. Donc, au lieu de dire 'ceci est le son de quelque chose', je pense 'ceci est le son de quelque chose qui reprĂ©sente probablement quelque chose dâautre, et je peux travailler avec ça dans une monde mythique de transformation sonore'. Red Bird distille cette idĂ©e et la dĂ©veloppe aussi loin quâelle pourrait aller de mon point de vue. Le changement est apparu aprĂšs cela, quand je me suis plus intĂ©ressĂ© Ă la transformation sonore comme une idĂ©e musicale formelle[8]. »
AprĂšs Red Bird
Il se lance ensuite dans la composition du VOX-Cycle, basĂ© sur la voix et ses diffĂ©rents modes de prĂ©sentation (explorĂ©s par son activitĂ© dâimprovisateur vocal[9]), puis de diverses piĂšces dans lesquelles la voix conservera une importance primordiale, que ce soit pour ses contenus rĂ©fĂ©rentiels (lâutterance fondamentalement humaine et vivante) et linguistique ou son contenu purement musical. Cette opposition se poursuit jusquâĂ aujourdâhui avec la crĂ©ation dâEncounters in the Republic of Heavens en 2012 (rĂ©alisĂ©e durant une rĂ©sidence de quatre ans Ă lâuniversitĂ© de Durham), Ćuvre octophonique qui prĂ©sente des « portraits » vocaux de personnes habitant le nord-est de lâAngleterre, entourĂ© par des « instruments » Ă©lectroacoustiques tirĂ©s exclusivement des voix utilisĂ©es.
Wishart souligne dâune part la possibilitĂ© de comprendre ce que racontent les personnes enregistrĂ©es (bien que leurs accents soient souvent si forts que des anglais habitant le sud de lâAngleterre ne les comprennent parfois mĂȘme pas !), dâautre part lâimportance de lâaspect purement sonore et musical, appuyĂ© par lâinterpolation entre les « instruments » et les voix, ainsi que par des rencontres harmoniques et rythmiques qui peuvent Ă©voquer la speech melody de Steve Reich.
Concepts
Morphologies
La morphologie est la forme spectrale et temporelle des objets sonores. Les deux formes de continuation morphologiques « naturelles » proposĂ©es par Wishart (morphologies intrinsĂšque et imposĂ©e â la seconde traduisant un contrĂŽle beaucoup plus grand du dĂ©roulement du son par un systĂšme extĂ©rieur apportant lâĂ©nergie, tandis que la premiĂšre exprime les capacitĂ©s autonomes dâun systĂšme sonore aprĂšs un bref apport dâĂ©nergie) permettent de mieux comprendre la notion de modĂšle sonore â dans lequel sâarticulent les variances et les invariances dâun objet sonore selon des rĂšgles morphologiques â ce qui permettra la cohĂ©rence dâun objet sonore avec lui-mĂȘme au fil du temps et permettra Ă lâauditeur de crĂ©er des liens de similaritĂ© et de divergence entre plusieurs entitĂ©s sonores[10].
Landscape
- « Comme Pierre Schaeffer prĂ©conisait fortement, une fois que lâon commence Ă travailler avec les sons comme medium, lâorigine rĂ©elle de ces sons ne nous concerne plus du tout. Câest particuliĂšrement vrai Ă lâĂšre de la transformation du son par ordinateur. En revanche, lâorigine apparente (ou la physicalitĂ©) du son reste un facteur important pour notre perception du son, quelque distordu quâil soit. »[11]
Wishart appelle landscape « la source imaginĂ©e des sons entendus. Donc, quand on est assis dans une salle de concert et quâon Ă©coute une symphonie de Beethoven, le landscape du son est lâorchestre. Quand on est dans notre salon et quâon Ă©coute un enregistrement de cette mĂȘme symphonie, le landscape du son reste lâorchestre »[12].
Il prĂ©cise quâil faut distinguer le landscape de lâassociation qui, elle, reproduit les effets dâune situation ou dâune image. « Le landscape reste, au moins Ă ce niveau, un critĂšre objectif, liĂ© Ă notre reconnaissance des sources sonores »[13]. Il faut aussi comprendre que le landscape, en plus de dĂ©noter la rĂ©alitĂ© dâune source sonore, contient des informations sur la nature de lâespace acoustique dans lequel se situe la source (taille, matiĂšre, organisation de lâespace, ...), ainsi que sur la position spatiale de la source . MĂȘme sans la reconnaissance dâune source sonore rĂ©elle, il peut donc ĂȘtre dĂ©fini par ces deux caractĂ©ristiques, mais aussi par la catĂ©gorisation que lâauditeur fait de lâobjet sonore.
Dans lâanalyse de la caractĂ©ristique spatiale du landscape, il distingue plusieurs types dâespaces acoustiques, en se basant sur deux variables : le rĂ©alisme auditif de lâespace en question (lequel sera dit rĂ©aliste si les critĂšres de rĂ©verbĂ©ration appliquĂ©s aux objets sont consistants avec un espace acoustique unique), et le rĂ©alisme des objets sonores (un objet sonore sera dit rĂ©aliste sâil peut ĂȘtre identifiĂ© clairement, ou tout au moins sâil peut ĂȘtre entendu dans la nature)[14] :
- 1. Espace réaliste / Objets réalistes (on obtient alors un paysage sonore reconstitué)
- 2. Espace réaliste / Objets irréalistes (modÚle de certaines piÚces électroacoustique, notamment Imaginary Landscape n°1 de John Cage)
- 3. Espace irrĂ©aliste / Objets rĂ©alistes [ou irrĂ©alistes] (modĂšle de la plupart des Ćuvres concrĂštes)
- 4. Espace rĂ©aliste / Objets rĂ©aliste - surrĂ©alisme (on peut agencer entre eux dans un espace rĂ©aliste des objets sonores qui ne pourraient jamais se situer dans ce mĂȘme espace dans la nature.)
Le réalisme tient donc une grande place dans le modÚle électroacoustique de Wishart, qui préconise la réalisation des transformations électroacoustique sur un support spatial-musical réaliste.
Landscape social et utterance
Il introduit par ailleurs la notion de landscape social, liĂ©e Ă la mĂ©thode dâenregistrement et de prĂ©sentation de la distance, qui peut varier de lâintimitĂ© au dĂ©tachement et du rapport interindividuel Ă lâappartenance Ă une foule[15]. Le landscape social est particuliĂšrement parlant dans le cas de la voix, de mĂȘme que le seront les questions du rĂ©alisme et de la contextualisation.
Chez Wishart, le concept dâutterance peut prendre deux significations : une caractĂ©ristique prĂ©sente dans la voix ou bien une Ă©mission sonore, « qui [dans les deux cas] dĂ©note lâĂąge, la santĂ© ou les comportements »[16] psychologiques ou physiques dâune personne. La dĂ©finition est extrĂȘmement large, mais on peut lâĂ©claircir en affirmant quâun cri de peur est une utterance, alors quâun fortissimo Ă hauteur fixe chantĂ© par une soprano nâen est pas une, bien quâon puisse y trouver des caractĂ©ristiques dâutterance (on peut au minimum dire Ă lâĂ©coute que câest une femme ; selon le mode de chant, on pourra aussi le qualifier de lyrique, ou de dramatique â ce qui serait une autre caractĂ©ristique dâutterance).
Finalement, on peut dire que lâutterance est ce qui, dans la voix humaine ou animale, nâappartient pas au domaine musical ni au domaine verbal. En effet, « beaucoup de signaux de communication animale â ceux de la chasse, de lâavertissement, de la peur, de la colĂšre ou de la reproduction â ressemblent souvent dans leur durĂ©e, leur intensitĂ© et leur inflexion Ă des interjections humaines. Lâhomme peut lui aussi gronder, mugir, geindre, grogner, rugir et crier »[17]. Lâutterance est donc aussi la caractĂ©ristique vocale qui lie lâhomme Ă lâanimal quâil est.
Ăcrits
Trevor Wishart a publiĂ© deux livres concernant les techniques et la thĂ©orie de la musique Ă©lectroacoustique (On Sonic Art[18] et Audible Design[19]) et plusieurs livrets contenant des prĂ©cisions sur ses Ćuvres (Journey into Space Travelogue[20] et Red Bird: a document[21]) ou des jeux musicaux (Sounds Fun et Sounds Fun 2[22]).
Bibliographie
- Trevor Wishart, On Sonic Art, York, Imagineering Press, 1985.
- Nicolas Marty, « Identification sonore, stratégies d'écoute et narrativités - L'exemple de Journey into Space de Trevor Wishart », mémoire de recherche en musique et musicologie (dir. François Madurell, Université Paris-Sorbonne), 2013, 356 p.
Notes et références
- (en) MARTY, Nicolas, « Creavolution with Trevor Wishart », in Journal of Music and Meaning, vol. 10, 2011, http://jmm10.musicandmeaning.net/#post4
- MILANI, Matteo et PLACIDI, Federico, « An interview with Trevor Wishart », USO, 2009
http://usoproject.blogspot.com/2009/01/interview-with-trevor-wishart-pt1.html,
http://usoproject.blogspot.com/2008/12/interview-with-trevor-wishart-pt2.html,
http://usoproject.blogspot.com/2009/01/interview-with-trevor-wishart-pt3.html (consultés le 6 décembre 2010) - VASSILANDONAKIS, Yiorgos, « An Interview with Trevor Wishart », in Computer Music Journal, Volume 33, n°2, 2009, p. 8-23
- (en) WISHART, Trevor, On Sonic Art, 1/ 1984 (York, publication autonome), 2/ 1996 (A New and Revised Edition by Simon Emmerson, New-York et Oxon, Routledge, collection « Contemporary Music Studies », Vol. 12), p. 4 â âOne problem I have had in my own musical career is the rejection by some musicians and musicologists of my work on the grounds that âit is not musicâ. To avoid getting into semantic quibbles, I gave therefore entitled this book On Sonic Art and wish to answer the question what is, and what is not, âsonic artâ. We can begin by saying that sonic art includes music and electro-acoustic music. At the same time, however, it will cross over into areas which have been categorised distinctly as text-sound and as sound-effects. Nevertheless, focus will be upon the structure and structuring of sounds themselves.â
- Voir Ă ce sujet MARTY, Nicolas, « Presque Rien : de lâanecdote au surrĂ©alisme », Ă paraĂźtre.
- Le parallĂšle sâarrĂȘte lĂ oĂč Ferrari, postĂ©rieurement Ă son Ćuvre, dĂ©finit le « presque rien » comme un lieu rural non urbanisĂ©, ce qui sâoppose radicalement Ă la prĂ©sentation de Wishart â voir CAUX, Jacqueline, (Presque rien) avec Luc Ferrari, Barcelone, Main dâĆuvre, 2002, p. 179
- Wishart dans MARTY, Nicolas, « Creavolution with Trevor Wishart » â âA lot of the work I did with the electroacoustics â because there was hardly any equipment here, there were just tape recorders, essentially â was to find objects or to get people to blow down scaffolding tubes, or all kind of things. Recording improvisations, which I structured in some way. And then editing those to make a piece: I call that music-montage.â
- Ibid. â âI think the pieces led up to Red Bird, where I crystallized the idea of using sounds in a mythological way. So instead of saying âthis is the sound of somethingâ, I thought âthis is a sound of something which probably represents something else, and I can work with it in a mythical world of sound transformationâ. Red Bird distils that idea and develops it as far as it would go, from my point of view. The change really came after that, when I became more interested in sound transformation as a musical formal idea.â
- Voir WITTS, Dick, « Trevor Wishart and Vox », in The Musical Times, vol. 129, n°1747, 1988, p. 452-454
- WISHART, Trevor, On Sonic Art
- WISHART, Trevor, Audible Design - a plain and easy introduction to sound composition, p. 19 â âAs Pierre Schaeffer was at pains to stress, once we begin working with sounds as our medium the actual origin of those sounds is no longer of any concern. This is particularly true in the era of computer sound transformation. However, the apparent origin (or physicality) of the sound remains an important factor in our perception of the sound in whatever way it is derived.â
- WISHART, Trevor, On Sonic Art, p. 136 â â[...] landscape is the source from which we imagine the sounds to come. / Thus when we are sitting in the concert hall listening to the Beethoven symphony the landscape of the sound is the orchestra. When we are in our living room listening to a recording of the Beethoven symphony the landscape of the sounds remain the orchestra.â - [la comprĂ©hension du terme de landscape pouvant porter Ă confusion sâil Ă©tait traduit, nous prĂ©fĂ©rons conserver la version originale]
- Ibid., p. 131 â âLandscape, at least at this level, is then a reasonably objective criterion, related to our recognition of the source of the sounds.â
- WISHART, Trevor, On Sonic Art, p. 146-147
- Ibid., p. 148
- WITTS, Dick, « Trevor Wishart and Vox », in The Musical Times, vol. 129, n°1747, 1988, p. 454 â â[...] thereâs utterance, in the sense of when I laugh or scream, or something which tells you about my age or health or attitudes.â - [la traduction littĂ©rale dâutterance serait « profĂ©ration », mais nous considĂ©rons que ce terme est trop restrictif pour la signification donnĂ©e par Wishart. Nous conserverons donc la version originale une fois de plus.]
- SCHAFER, R. Muray, The Soundscape - The Tuning of the world, p. 40 â âMany of the signals communicated among animalsâthose of hunting, warning, fright, anger or matingâoften correspond very closely in duration, intensity and inflection to many human expletives. Man also may growl, howl, whimper, grunt, roar and scream.â
- WISHART, Trevor, On Sonic Art, 1/ 1984 (York, publication autonome), 2/ 1996 (A New and Revised Edition by Simon Emmerson, New-York et Oxon, Routledge, collection « Contemporary Music Studies », Vol. 12)
- WISHART, Trevor, Audible Design - a plain and easy introduction to sound composition, York, Orpheus the Pantomime, 1994
- WISHART, Trevor, Journey into space Travelogue: An antiscore, York, publication autonome, 1975
- WISHART, Trevor, Red Bird: a document, York, publication autonome, 1978
- Ces livrets ne sont plus publiĂ©s mais peuvent ĂȘtre obtenus sur le site de Trevor Wishart, http://www.trevorwishart.co.uk/publ_bks.html