Tracker (musique)
Un tracker, ou aussi soundtracker, est une classe de logiciels de MAO qui permettent à l'utilisateur d'arranger progressivement des échantillons sonores sur une grille de temps à travers plusieurs pistes monophoniques. L'interface du tracker est d'abord numérique : les notes sont entrées via le clavier, alors que les paramètres, effets et autres sont entrés en hexadécimal. Un morceau complet repose sur plusieurs petites multi-pistes chainées ensemble via une liste principale.
Fonctionnement
Il y a plusieurs éléments communs à tous les logiciels de tracker : échantillons, effets, pistes, patrons et ordres.
- Un échantillon (ou sample) est un petit fichier sonore numérique d'un instrument, voix ou autre effet sonore. La plupart des trackers permettent à une partie de l'échantillon d'être bouclé, simultanément à une note.
- Une note désigne la fréquence à laquelle l'échantillon est joué. En augmentant ou ralentissant la vitesse de lecture de l'échantillon numérique, le ton (ou pitch) est augmenté ou baissé, simultanément aux notes. La notation anglaise est ici utilisée : « C, C#, D » pour « Do, Do#, Ré ».
- Un effet est une fonction spéciale appliquée à une note particulière. Ces effets sont ensuite appliqués pendant la lecture à travers le matériel ou logiciel. Les effets principaux du tracker incluent le volume, portamento, vibrato, retrigger et l'arpeggio.
- Une piste (ou canal) est un espace où un sample est joué. Tandis que les trackers Amiga originaux fournissent seulement quatre pistes en raison de la limitation du matériel, les trackers modernes peuvent mixer un nombre illimité de canaux virtuels à travers le mixage logiciel. Les pistes ont des rythmes fixes, bien que les rythmes et le tempo peuvent être montés ou descendus selon les gouts du compositeur. Un jeu de batterie basique pourrait ainsi être arrangé en plaçant le rythme 'basse' sur les lignes 0, 4, 8, 12… d'une piste, quelques hithats sur les lignes 2, 6, 10, 14 etc. d'une seconde piste. Bien sur, les 'basses' et 'hithats' peuvent être intercalés sur une même piste, si les samples sont assez courts. Sinon, l'échantillon précédent s'arrête quand le prochain commence.
- Un patron est un groupe de pistes joué simultanément qui représente une section complète d'un morceau. Un patron est destiné à représenter égal nombre de mesures d'une composition musicale.
- Un ordre est la partie d'une séquence de patrons lequel définit le sens du morceau. Les patrons peuvent être répétés dans n'importe quel ordre pour sauver du temps et de l'espace sur le fichier.
Il y a aussi quelques logiciels qui utilisent le style schématique de séquence du tracker en utilisant la synthèse sonore en temps réel à la place des échantillons. Beaucoup de ces logiciels sont conçus pour créer de la musique pour une puce synthétique particulière comme les puces OPL des cartes sons Adlib et Soundblasters, ou la puce sonore PC classique. Ces logiciels sont aussi souvent appelés "trackers" et sont listés dans cet article.
La musique du tracker est typiquement stockée dans ce qu'on appelle des fichiers module où les données et samples du morceau sont encapsulés dans un simple fichier. Plusieurs formats de module sont toujours supportés par les lecteurs musicaux populaires comme Winamp ou XMMS : MOD, S3M, XM et IT.
Histoire
Micro-ordinateurs
Le terme tracker dérive de Ultimate Soundtracker, le premier logiciel tracker écrit par Karsten Obarski et édité en 1987 par l'allemand EAS pour le Commodore Amiga[1]. Ultimate Soundtracker était un produit commercial, mais un peu plus tard des clones tels que NoiseTracker apparaissaient. Le concept général d'échantillons numériques séquencés pas-à -pas, comme utilisé dans les trackers, se retrouve dans la station de travail Fairlight CMI à la fin des années 70.
Le premier jeu vidéo à introduire la musique tracker était Amegas (1987), un clone d'Arkanoid pour Amiga. La musique composée par Obarski est fréquemment décrite aujourd'hui comme étant le premier MOD jamais réalisé et est bien connu des fans « de la vieille école » de musique réalisée sur ordinateur.
Les premiers compositeurs étaient souvent originaires du Royaume-Uni et de Scandinavie. Ceci peut être attribué aux relations du tracker à la Demoscene, laquelle grandissait rapidement dans les pays scandinaves, et le prix relativement accessible au Royaume-Uni des ordinateurs pour utiliser les logiciels tracker. Cette musique devint quelque chose dans le phénomène underground, spécialement quand beaucoup de morceaux en tête des ventes étaient ensuite la base des samples de la musique Dance (un genre relativement simple à produire avec un séquenceur pas-à -pas).
La popularité du format tracker peut être attribuée à l'inclusion simultanée des données et des échantillons. Les premiers trackers supportaient seulement 4 canaux d'échantillon PCM 8-bit, une limitation dérivée de la puce audio nommée Paula (MOS Technology 8364 Paula) de l'Amiga. Ces formats ayant un grand succès dans la scène de la démo européenne. Elle fut rapidement portée sur Atari ST, l'autre principale machine utilisé dans le milieu des demo-makers, en émulant les capacités de l'Amiga par le microprocesseur. Audio Sculpture sort en 1991 sur Atari ST.
Ça n'était pas le cas à la fin des années 1980 et début des années 1990, des cartes sons à synthèse wavetable pour PC, qui étaient rares ou avaient un coût trop élevé pour un usage personnel, et les capacités d'expression de la synthèse FM bas de gamme étaient aussi limitées. Un tracker ne requiert pas les caractéristiques de ces cartes son.
Néanmoins, depuis que les notes sont échantillonnées, la limitation est moins importante que toutes ces puces de synthèse musicale. Par exemple, un processus qui devenait un cliché des premiers morceaux connus de pop-rave était d'échantillonner les harmonies et de les jouer sur un canal simple, marque de fabrique d'Altern-8 et des autres phénomènes de la scène Transient. Les trackers suivants comme OctaMED, permettaient 8 canaux ou plus, tandis que le matériel pouvait permettre une lecture 16-bit.
Par la suite, la 'musique de tracker' devenait un terme de dérision pour la rave stéréotypée, les morceaux pop de style jeux d'ordinateur, tandis que la difficulté impliquait d'ajouter du rythme à un style mécanique séquentiel résultant souvent en un morceau 4/4 basé sur des sections strictes de 4-bar, utilisant des échantillons similaires.
PC
Dans les années 1990, les musiciens de tracker gravitaient autour du PC, bien que la plateforme ne disposait pas initialement des possibilités de processus de son matériel de l'Amiga. Pourtant avec l'avènement de la ligne Sound Blaster de Creative, l'audio commença doucement à se rapprocher des qualités du CD (44.1 kHz/16-bit/Stereo, avec la SoundBlaster 16).
La première carte son populaire sur la scène PC des trackers est la Gravis Ultrasound, sortie en 1992, laquelle continuait la tradition du mixage hardware d'échantillons audio des Amiga et Atari, avec 32 canaux internes et une mémoire embarquée pour le stockage d'échantillons. Pour un temps, elle offrait une qualité de son unique et devenait le choix des musiciens distingués. Comprenant que le support du tracker/Demoscene serait bénéfique aux ventes, Gravis offrait quelque 6000 cartes aux participants. Couplé avec une excellente documentation de développement, ce geste poussa rapidement GUS (acronyme de Gravis UltraSound) à devenir un composant intégral de la plupart des démos et logiciels de tracking. Inévitablement, la balance était largement redressée avec l'introduction de la Sound Blaster AWE32 et de ses successeurs, lesquels proposaient de la RAM embarquée et un mixage wavetable.
La charge pour le mixage audio est passée du matériel au logiciel (le CPU principal), lequel permettait graduellement l'utilisation de plus en plus de canaux. Des typiques 4 canaux du MOD de l'Amiga, la limitation a augmenté à 16 avec ScreamTracker 3, ensuite 32 avec Fast Tracker 2 et 64 avec Impulse Tracker 2.
En l'état, le mixage matériel n'a pas duré. Comme les processeurs vont de plus en plus vite et acquièrent des capacités de traitement multimédia spéciales (ex : MMX) et que les entreprises commençaient à pousser les couches d'abstraction matérielles, comme DirectX, AWE et GUS devenaient obsolètes. DirectX, WDM et maintenant ASIO livrent un échantillonnage audio de haute qualité sur toutes les marques de matériel sans exception. De plus les processeurs sonores fournissant un échantillonnage de qualité et comportant un DSP puissant se sont généralisés et ont aujourd'hui un coût résiduel, permettant d’alléger le microprocesseur principal de ces tâches.
Le format de banque d'échantillon de son GUS est toujours utilisé aujourd'hui, dans des studios virtuels tels que LMMS, via des greffons spécialisés.
Aujourd'hui
La musique basée sur les trackers existe toujours aujourd'hui. On peut la trouver dans les jeux vidéo tels que Unreal Series et Deus Ex, dans beaucoup de jeux sur PlayStation 2 et dans quasiment tous les jeux sur console portable (Game Boy Advance, Nintendo DS). Toutefois, elle est de moins en moins présente dans les jeux récents, car les machines récentes possèdent suffisamment de mémoire pour stocker directement les musiques dans des formats tels que le MP3 ou l'OGG. Avec ces formats la musique tracker perd de son intérêt : une musique générée en temps réel (et modifiable à volonté), mais on gagne en portabilité : le compositeur est libre de créer sa musique sur des séquenceurs très puissants et des ordinateurs dernier cri, puis d'exporter le résultat en MP3 pour qu'il soit lu par la console. Néanmoins, le logiciel de tracking continue d'être développé en 2006. La série des trackers Amiga originaux (Sound/Noise/Pro Tracker) existe sur PC avec ProTracker version 5. Buzz, ModPlug Tracker, MadTracker, Renoise, reViSiT, Skale, CheeseTracker, BeRoTracker et d'autres fonctionnalités rêvées au commencement des trackers (sortie de haute qualité, automation, support des VST, DSP et multi-effets internes, support des cartes à entrées et sorties multiples, etc.). Les fichiers tracker sont devenus populaires dans la communauté Game Boy Advance, à l'inverse de la Game Boy original, la Game Boy Advance a les capacités techniques pour supporter la musique sur tracker, et la qualité de son générateur de son est vraiment supérieure, le tout prenant toujours moins place comparé au fichiers MP3 et autres formats audio de haute qualité.
Le traditionnel stigmate adressé aux trackers de logiciels compliqués visant un public porté sur la technologie pré-dominante, est en train de disparaitre petit à petit, au fur et à mesure que les logiciels deviennent plus accessibles et simples d'utilisation. Le tracking a récemment bénéficié d'une résurgence d'utilisateurs débutants qui apprécient l'importance de pouvoir créer de la musique aussi vite que possible. Un projet de recherche est actuellement à l'étude en musique : le « Human Computer Interaction » (étude d'Interactions homme-machine). Elle examinera quelles méthodes comme le tracking contiendra des enseignements pour des méthodes de musique par ordinateur grand public (comme le séquenceur) sur la manière d'augmenter la créativité avec le logiciel.
Le tracker libre Tutka (GNU/Linux et MacOS) utilise le principe et notation du tracker, mais ne supporte pas d'échantillonnage et n'utilise que le contrôle à la manière d'un séquenceur MIDI pour la sortie son[2]..
Bref historique des principaux trackers
- Soundtracker – 1987 (Amiga)
- Protracker – 1990 (Amiga)
- Octamed – 1991 (Amiga)
- Audio Sculpture - 1991 (Atari ST)
- Scream Tracker 3 – 1993 (PC)
- Digital Tracker - 1994 (Atari Falcon030)
- Fast Tracker 2 – 1995 (PC)
- Graoumf Tracker - 1996 (Atari Falcon030) et V2 - 1998 (PC)
- Impulse Tracker 2 – 1996 (PC)
- ModPlug Tracker - 1997 (PC)
- Digital Home Studio - 1997 (Atari Falcon030)
- LSDJ (Little Sound DJ) - 2000 (Gameboy)
- Renoise – 2000 (OS X, Linux, Windows)
- ACE Tracker - 2003 (Atari Falcon030)
- Skaletracker – 2003 (PC)
Trackers modernes
Nom | Dernière mise à jour |
Licence | Système d'exploitation | format de fichier supporté | Support VST | Support ASIO | Support LADSPA/LV2 | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Windows | OS X | Linux | MID | MOD | XM | IT | S3M | ||||||
Renoise | Propriétaire | Oui | Oui | Oui | Charge | Charge | Charge | Charge | Non | Oui | Oui | via Carla | |
OpenMPT | GPL / BSD | Oui | Non | Non | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui | Non | |
SoundTracker (en) (beta) | GPL | Non | Non | Oui | Non | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non | Non | |
MilkyTracker | GPL | Oui | Oui | Oui | Non | Oui | Oui | Charge | Charge | Non | Oui | Non | |
ChibiTracker[3] | GPL | Oui | Oui | Oui | Non | Charge | Oui | Oui | Charge | Non | Non | Non | |
SunVox | Freeware | Oui | Oui | Oui | Sauve | Charge | Charge | Non | Non | Non | Oui | Non | |
Psycle | GPL | Oui | Non | Non | Non | Charge | Oui | Charge | Charge | Oui | Oui | Non | |
Schism Tracker[4] | GPL | Oui | Oui | Oui | Charge | Charge | Oui | Oui | Oui | Non | Non | Non | |
MadTracker[5] | Propriétaire | Oui | Non | Non | Charge | Charge | Oui | Charge | Charge | Oui | Oui | Non | |
Buze (beta)[6] | GPL / BSD | Oui | Non | Non | Charge | Charge | Charge | Charge | Oui | Oui | Oui | Non |
Compositeurs
De nombreux artistes Ă©lectroniques utilisent les trackers, comme Venetian Snares,Bogdan raczynski ainsi qu'aphex twin le web-label 8BitPeoples.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Tracker (music software) » (voir la liste des auteurs).
- « Musique : l'histoire méconnue des "trackers" », sur Geekzone, (consulté le )
- « Tutka, séquenceur MIDI », sur LinuxMAO.
- (en) Peter Kirn, « Chibitracker on DS; Favorite Trackers on the Road? », Create Digital Music, (consulté le ).
- (en) « Schism Tracker » (consulté le ).
- MadTracker.
- Buzé - index.
Liens externes
- (fr) L'histoire du soundtrack (1997)
- (fr) Vidéo : rétrospective de la musique underground électronique (tracker) de 1988 à 2012. Interview de plusieurs musiciens français. Diffusée en 2012 sur la radio Ici et Maintenant ! dans l'émission Cyber Culture.