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Tour de Batère

La tour de Batère est une tour à signaux située à Batère, dans la commune de Corsavy (Pyrénées-Orientales).

Tour de Batère
La tour de Batère.
Présentation
Type
Construction
Localisation
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Altitude
1 437 m
Coordonnées
42° 30′ 30″ N, 2° 34′ 36″ E
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Localisation

La tour de Batère est situĂ©e au sommet d’une ligne de crĂŞte descendant du Canigou, Ă  1 450 m au-dessus de la plaine du Roussillon. La tour est Ă  cheval entre les communes de Saint Marsal et de Corsavy, dans le Haut Vallespir (PyrĂ©nĂ©es orientales). Elle est longĂ©e par une ancienne voie romaine qui monte depuis la plaine cĂ´tière, Ă  l’est. Elle Ă©tait primitivement nommĂ©e « Tour de la porte » car elle garde un « port », c'est-Ă -dire un col, qui rĂ©unit les vallĂ©es du Conflent au Nord et du Vallespir au sud. On y accède par une route venant de Corsavy (D43). Une piste y conduit Ă©galement depuis le Conflent, qui prolonge une route desservant en contrebas Valmanya, La Bastide, Saint Marsal. La tour offre par temps clair un large point de vue sur la plaine du Roussillon et les Corbières, l’étang de Leucate, Perpignan et la mer d’un cĂ´tĂ©, et tout le Vallespir de l’autre.

Toponymie

Formes du nom

La tour est d'abord connue sous le nom de tour de la Porte ou du tour du col de la Porte, d'après le nom du col qu'elle surveille. On trouve au XVe siècle la formule torra de la Porta in Colle de la Porta[1].

Le nom de Batera apparaît en 1494 et s'impose par la suite. Au XVIIe siècle, on trouve couramment torra de Batera. Batère est la francisation de Batera[1].

Étymologie

Le nom de la tour du col de la Porte vient du latin portus qui désigne une ouverture ou un passage. « Col de la porte » est donc une tautologie[1].

Le nom de Batère tire son origine du mot catalan avet (« sapin ») et du suffixe collectif latin -aria, ce qui signifie « (lieu) où se trouvent de nombreux sapins, forêt de sapin »[1].

Histoire

La tour de Batère fait partie du système des tours Ă  signaux qui a fonctionnĂ© en tant que rĂ©seau de communication militaire durant tout le Moyen Ă‚ge central, du XIIe au XVe siècle. Elle a Ă©tĂ© construite Ă  la fin de la pĂ©riode des rois de Majorque vers 1340, dans le but de renforcer la protection du royaume face Ă  la menace reprĂ©sentĂ©e par le roi d’Aragon. Dans le dispositif d’information militaire du royaume de Majorque puis, après la dĂ©faite, dans celui de la Catalogne-Aragon, Batère a jouĂ©, avec la tour d’El Far (Tautavel) un rĂ´le charnière de « nĹ“ud de rĂ©seau Â» vers lequel convergeaient les informations des autres tours, et Ă  partir duquel tout Ă©tait envoyĂ© vers le point de commandement, Ă  Castelnou et au-delĂ  vers Perpignan. Très en hauteur, visible de loin, offrant une large vue sur la plaine du Roussillon qu’elle Ă©tait destinĂ©e Ă  protĂ©ger, elle exhibe aussi la fonction politique qui Ă©tait la sienne : ĂŞtre la sentinelle visible qui veille sur la rĂ©gion, la forteresse territoriale chargĂ©e d’assurer la police, le symbole de l’autoritĂ© du roi, organisateur de la principautĂ©.

Torre de Batera : l'Ă©difice et ses fonctions

atation

Aucune indication prĂ©cise sur la date de fondation de la tour n'est connue. Le plus probable est qu’elle a Ă©tĂ© construite sur ordre du roi Jacques II de Majorque entre 1331 et 1344. Ă€ cette Ă©poque le palais cherche Ă  renforcer son territoire en prĂ©vision d’une attaque du roi d’Aragon Pierre IV Le CĂ©rĂ©monieux (laquelle a lieu peu après et met fin au royaume de Majorque). Le coll de port ou de Batère sur lequel la tour doit ĂŞtre construite est une crĂŞte militaire stratĂ©gique. Pour mener Ă  bien ce projet, le palais royal doit acquĂ©rir la baronnie et le château de Corsavy (vers 1331/44). Anciennement Curtis Savini (ferme de Savin) ou Cortsavi, le village compte trente-sept feux Ă  l’époque de la construction. C’est un fief signalĂ© comme tel en 1007 et comme château comtal en 1020[2]. Il comporte dĂ©jĂ  sa propre tour Ă  signaux, Ă©difiĂ©e Ă  800 mètres de distance du château. Celle-ci pouvait alors communiquer avec la tour de Cabrenç (Ă  Serralongue, au sud), mais elle ne pouvait pas retransmettre de signaux vers le nord, la vue Ă©tant bouchĂ©e par le col de Batère placĂ© plus haut. Le châtelain de Corsavy, devenu après l’achat fonctionnaire du roi, fait construire Batère sur ordre du palais royal. Vers 1346, Bernard Tixa est nommĂ© « châtelain de la tour du coll de Port Â», fonction qui lui est concĂ©dĂ©e Ă  vie[3]. Inexplicablement, la tour n’apparait pas dans l’inventaire royal commandĂ© par Pierre IV d’Aragon en 1343/44. Il est certain pourtant qu’elle existe Ă  cette date. Elle ne figure pas non plus dans les inventaires royaux de 1360-1369. Elle n’est mentionnĂ©e pour la première fois que dans les confronts de 1380 et de 1463/72[3].

La tour de Batère n'est sans doute pas antĂ©rieure Ă  1331 ou 1344 mĂŞme si parfois, en Roussillon, des tours ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©es en prenant appui sur des donjons construits avant le XIIIe siècle, rĂ©utilisĂ©s en tours Ă  signaux dans le rĂ©seau royal qui s’est mis en place plus tard, ce qui n'est probablement pas le cas de Batère. Elle ne semble pas avoir pris la place d’un château antĂ©rieur car il ne reste aucune trace d’un tel Ă©difice. Ses dimensions rĂ©duites, le manque de place pour y loger une garnison offensive, montrent qu’elle a Ă©tĂ© construite d’emblĂ©e comme une tour Ă  signaux dans un projet de rĂ©seau voulu par le roi, dans la mĂŞme pĂ©riode que la tour de Mir (construite en 1276 Ă  Prats-de-Mollo), de Cos (1346, Prats de Mollo), de Madeloc (1324, Collioure)[3].

La vie quotidienne dans la tour

Ce type de tour abritait gĂ©nĂ©ralement une garnison permanente de 5 Ă  6 hommes dirigĂ©s par un capitaine, ainsi qu’un ou deux serviteurs chargĂ©s d’apprĂŞter les vivres, et un chien d’alerte. La garnison pouvait communiquer, se dĂ©fendre, soutenir un siège, mais elle Ă©tait trop rĂ©duite pour mener des actions offensives[4]. La petite troupe Ă©tait d’ailleurs peu armĂ©e : un rapport de 1369 sur la tour de Cos signale la faiblesse de l’équipement : « 6 arbalètes Ă  Ă©trier, 6 crocs, 2 caisses de carreaux pour arbalète, 6 casques de fer ou heaumes, 6 cuirasses, 6 boucliers Â». Leur ration Ă©tait spartiate : « Deux barils d’eau pour 60 jours, 260 litres de vin (1/4 litre par homme et par jour pendant 2 mois), 1 baril de vinaigre, de la farine de froment et de seigle pour faire kg de pain par homme et par jour Â»[4]. Batère, habitat inconfortable, fut cependant occupĂ©e durablement. Elle abrita une garnison plus de 100 ans après sa construction, jusqu’en 1467-73, pendant l’occupation du pays par Louis XI[5].

Le code des signaux

Les tours communiquaient entre elles par de la fumĂ©e en journĂ©e, par un brasier flamboyant la nuit. Pour ĂŞtre rapidement activĂ©, le feu devait ĂŞtre prĂŞt en permanence. Pour ĂŞtre bien vu, il devait ĂŞtre grand. Le sommet des tours, au diamètre intĂ©rieur de 4 Ă  m, n’offrait pas une place suffisante pour un brasier, qui se faisait probablement au pied de la tour[5]. En revanche, des historiens notent la possibilitĂ© qu’ils soient faits « Ă  l’aide de paille sèche ou humide, dans une cage de fer servant de brasero placĂ©e en hauteur sur le sommet de la tour Â»[6].

Le langage des feux Ă©tait clair, et il ne changea pas durant des siècles, restant tel que rĂ©pĂ©tĂ© en 1384 par Pierre IV d’Aragon : « Si on voit un ennemi s’approcher on doit faire un feu de nuit, une fumĂ©e de jour pour chaque centaine d’hommes. La place la plus proche du lieu de l’invasion doit agir en sorte que le signal parvienne Ă  Perpignan. Perpignan doit avertir les autres places royales (Rodès, Tautavel, Força real, Opoul). Par l’intermĂ©diaire de la tour de Madeloch, on doit Ă©galement alerter au sud le château royal de Peralda (Figuere) et toute la Catalogne Â»[7]. Un demi-siècle plus tard, en 1433, Ă  l’occasion du rĂ©armement des places fortes par crainte des dĂ©sordres de la guerre de Cent Ans, il est ajoutĂ© que « de jour, on signalera l’ennemi au moyen d’une fumĂ©e près de laquelle on Ă©tendra un grand tissu blanc ; s’il y a plus de 500 chevaux, on fera 3 colonnes de fumĂ©e Â»Salch, Charles-Laurent, Tours Ă  signaux en Roussillon, in Châteaux fors d’Europe, N°10, , p.31.

La tour de Batère dans le réseau de communication Catalan

Vers l’époque de la construction de Batère, la rĂ©gion Roussillon au sens large opposait aux envahisseurs un maillage extraordinaire d’ouvrages dĂ©fensifs. Anny de Pous dresse une liste de 700 ouvrages fortifiĂ©s portant divers noms : Castrum, Castello, Château, Forcia, Alleu, Guardia (guardiole), Tour, Villa, Hommage, Seigneurie, Bastide, Fief, Celler. Dans l’inventaire des tours et châteaux existants et en Ă©tat de fonctionnement Ă©tabli par le roi Pierre IV d’Aragon en 1360/1369, on compte 94 châteaux et 34 tours Ă  signaux sans compter les tours moindres appelĂ©es guardia[8].

Rien de tout cela ne se comprend sans rĂ©fĂ©rence Ă  la non moins extraordinaire insĂ©curitĂ© qui avait rĂ©gnĂ© dans la rĂ©gion pendant les siècles prĂ©cĂ©dant l’ordre fĂ©odal, laquelle a entraĂ®nĂ© ces constructions dĂ©fensives par centaines. La rĂ©gion avait Ă©tĂ© livrĂ©e, Ă  partir de la disparition de l’Empire romain au Ve siècle aux dĂ©sordres et aux dĂ©vastations, les PyrĂ©nĂ©es Ă©tant devenues un lieu de passage incessant des tribus germaniques venant du nord [9]. La rĂ©gion a subi les invasions des Alains, des Suèves, des Vandales, des Wisigoths. Puis elle fut envahie par les armĂ©es arabes qui s’installèrent jusqu’à la bataille de Poitiers (732) mais qui ne furent vraiment expulsĂ©es que 30 ans plus tard. Elle fut alors reconquise par les Francs, mais Ă  nouveau dĂ©vastĂ©e pĂ©riodiquement par les razzias des maures, des pirates « barbaresques Â» et des normands au IXe siècleBryan Ward-Perkins, La chute de Rome, fin d’une civilisation, Alma Editeur, , p.79.

Mais progressivement un ordre fĂ©odal a rĂ©ussi Ă  s’installer. D’abord sous l’autoritĂ© des Comtes (jusqu’en 1172) sous la forme originale de « principautĂ©s pyrĂ©nĂ©ennes hĂ©rĂ©ditaires Â». Ensuite sous celle des rois, ceux de Catalogne-Aragon (1172-1276). Ă€ la fin de cette sĂ©quence, Jaume Ier le ConquĂ©rant - « fondateur de la nation catalane Â» - prend la « dĂ©cision insensĂ©e Â» qui « annonce la catastrophe catalane Â»[10], Ă  savoir celle de partager ses possessions en deux royaumes donnĂ©s Ă  chacun de ses fils, d’une part la Catalogne et l’Aragon, de l’autre Majorque et les comtĂ©s pyrĂ©nĂ©ens. Les PyrĂ©nĂ©es deviennent une frontière. L’hostilitĂ© s’installe immĂ©diatement entre les deux camps, puis entre leurs descendants.

Durant les 70 ans que durera le royaume de Majorque (1276-1344), la pression exercĂ©e par le sud puissant sur le nord territorialement plus vulnĂ©rable poussera le nord vers la recherche de solutions militaires d’information et de protection. La construction de tours supplĂ©mentaires fut un Ă©lĂ©ment de la stratĂ©gie. Il fallait Ă©tablir un support de communications par signaux plus dense et plus rapide que l’existant. Par ailleurs la dissĂ©mination de tours sur tout le territoire permettait de maintenir partout de petites garnisons et d’augmenter l’emprise du pouvoir. Enfin, la manifestation sur toutes les hauteurs, visibles de loin, de tours emblĂ©matiques du pouvoir royal ne pouvait que renforcer la dĂ©termination du pays Ă  rĂ©sister Ă  Aragon. Les tours, dans ce nouveau contexte, prenaient une fonction politique, elles affirmaient la souverainetĂ© du territoire[11]. Cet effort de protection militaire conduisit aussi Ă  des autorisations de fortifier accordĂ©es Ă  la plupart des villages[12]. Il y eut un peu partout des ajouts de tours rondes ou semi circulaires aux enceintes existantes[13]. Des remparts ont Ă©tĂ© construits Ă  Perpignan pour venir se raccorder au château royal en construction sur le Puig Major depuis 1276[14].

L'émergence du concept de réseau

Les tours Ă  signaux de la pĂ©riode des rois de Majorque ont introduit une rupture dans la longue sĂ©rie des tours de guet, guardia, vigies, miradors, phares ou pharons que la rĂ©gion connaissait depuis l’antiquitĂ© et qu’on pouvait observer aussi hors du Roussillon, en Corse, en Toscane, en Ligurie, en Provence, en Languedoc, en Espagne. Ces tours anciennes avaient une dimension restreinte: elles assuraient une communication vectorisĂ©e, d’un point vers un autre point le long d’une ligne dĂ©finie.

Les tours Ă  signaux ont introduit une innovation majeure par rapport Ă  ce concept de communication vectorisĂ©e : celle d’un système rĂ©ticulaire organisĂ©. Cette rupture fut rendue nĂ©cessaire par la transformation, en 1276, d’un territoire fragmentĂ© en multiples comtĂ©s, en un royaume de Majorque uni par l’adversitĂ©.

Batère dans le réseau des tours

DĂ©sormais il fallait protĂ©ger tous les comtĂ©s Ă  la fois. Les architectes du rĂ©seau durent alors construire un système global de surveillance et de communication. Ils le firent en agrĂ©geant les sous-rĂ©seaux existants et en Ă©difiant des « nĹ“uds Â» entre eux, permettant Ă  diffĂ©rents rĂ©seaux secondaires de se rejoindre en un mĂ©ta rĂ©seau qui communiquait directement avec le palais royal. Toute la rĂ©gion Ă©tait ainsi mise en connexion.

Les architectes du système ont organisĂ© ainsi l’ensemble des points qui le composent. « En Roussillon, il y a un sous-rĂ©seau qui part, au sud, de la tour de Carroig (Cerbère), en vue de Madeloch et celle-ci en vue de Massane, qui peut mettre en alerte Collioure qui assure la relation avec Perpignan par les pharons des cĂ´tes. Un autre rĂ©seau relie Bellegarde au Perthus, puis l’Albère (château de Sant Christau), Ultrera (Sorrède), le faron de Latour (Elne). En Vallespir. Le rĂ©seau relie, au sud, la tour de Mir, puis la tour de Prats (fort de Lagarde), Cos, puis vers l’est la tour de Bains (AmĂ©lie), et une sĂ©rie de tours perdues et vers le Nord, Corsavy, Batère, Mallorca (Castelnou).En Conflent, on n’a aucune preuve qu’un rĂ©seau cohĂ©rent ait existĂ©. Par hypothèse, on cite les 2 châteaux royaux de Força Real (Millas)  et de Rodès (Vinça) qui alertent Perpignan, et les tours reliant avec le sud, Badabany (Corneilla), Goa (Sahore) Â»[15].

Au sein de ces sous-rĂ©seaux, certaines tours fonctionnaient comme de simples relais. Mais d’autres avaient en outre une fonction de liaison entre les sous-rĂ©seaux. Elles Ă©taient des carrefours d’informations, des « nĹ“uds Â» vers lesquels tout converge. Â« Du point de vue visibilitĂ©, les tours se rangent en 2 catĂ©gories. Les tours principales Ă  grand rayon visuel ; les tours secondaires ou tour relais, n’ayant parfois qu’un angle de vue très restreint, mais essentiel. Les tours principales Ă  grand rayon d’action : « Batère et El Far pour Castelnou, et Goa pour le Conflent â€¦ Batère et El Far sont les deux pivots sur lesquels s’appuie tout le système »[16]

Dans le rĂ©seau du Vallespir, Batère jouait donc ce rĂ´le d’échangeur en regroupant les messages venant du sud : de Mir et Guardia (Prats de Mollo), de Cabrenç (Serralongue), de Cos, de Mollet (Montferrer), de Corsavy, et peut ĂŞtre aussi de l’est, AmĂ©lie, Palalda, Ceret. Puis Batère alertait la tour de Mallorca (Castelnou), qui elle-mĂŞme alertait Perpignan. Mais Mallorca, et en partie Batère, Ă©mettaient aussi, toujours vers le nord, en direction des châteaux de Bellpuig, Fourques, ainsi qu’à l’Est, sur la cĂ´te, vers Madeloch, Massane, Elne et d’autres. Batère fut donc, par son emplacement stratĂ©gique, une des « Tours principales Â» de la rĂ©gion.

Batère pendant la période du Royaume Catalagone - Aragon

Le conflit entre le nord et le sud dura 70 ans, jusqu’à la mort de Jacques II de Majorque au combat, Ă  Palma, en 1344, suivie par l’annexion du royaume de Majorque Ă  celui d’Aragon-Catalogne par Pierre IV d’Aragon le CĂ©rĂ©monieux. Aragon rĂ©gnait dĂ©sormais sur la Marche d’Espagne. Il avait perdu son frère ennemi, mais il avait aussi hĂ©ritĂ© d’un autre adversaire au nord : la France de Philippe VI, qui avait combattu avec Majorque contre Aragon, et qui n’avait pas oubliĂ© que la Marche hispanique appartenait Ă  la Gaule depuis les lointaines origines gallo-romaines. Sous Pierre IV, le rĂ©seau de tours Ă  signaux ne cessa pas son service, bien au contraire. Il fut simplement inversĂ©, les tours retrouvant dĂ©sormais « leur fonction d’union transfrontalière, protĂ©geant contre une invasion venue du nord Â»[17]. Les lignes de communication convergèrent vers Barcelone via le Perthus (mais en passant toujours, pour l’efficacitĂ©, par Perpignan[18]). Dès 1344, l’annĂ©e mĂŞme du changement de règne, Pierre IV d’Aragon faisait Ă©tablir l’inventaire de tous les Ă©difices militaires de la rĂ©gion (inventaires aragonais de 1344 et 1360/69). Il ordonnait la remise en Ă©tat des tours, et leur approvisionnement en armes et en hommes. Il faisait reconstruire Madeloch, Lo Far, et crĂ©er la Tour Grosse de Badabanys[19]. Il publiait un nouveau code des signaux.

Ainsi Batère, construite quelques annĂ©es avant la dĂ©faite du royaume de Majorque dans le but d’avertir Perpignan d’une attaque aragonaise, ne servira pleinement que plus tard, mais au bĂ©nĂ©fice d’Aragon, pour avertir Barcelone des attaques venues de l’autre cĂ´tĂ©. PerchĂ©e, visible de partout, Batère devint, pour les habitants de la plaine du Roussillon, un emblème spectaculaire du pouvoir de Pierre IV et de la royautĂ© Aragonaise.

L'obsolescence des tours Ă  signaux

Ă€ la suite du traitĂ© des PyrĂ©nĂ©es en 1659, les pays catalans situĂ©s au nord des PyrĂ©nĂ©es sont annexĂ©s par la France, rendant inutile tout système de tours qui soit orientĂ© vers le nord. Le système dĂ©fensif est entièrement rĂ©organisĂ© par Vauban qui abandonne le parti pris des tours communicantes au profit de fortifications puissantes et sophistiquĂ©es, Ă©lĂ©ments d’une conception diffĂ©rente de la dĂ©fense militaire. De nombreuses tours disparaissent ou sont rasĂ©es, tandis que certaines tours deviennent des postes de garnisons au XVIIIe siècle. On en construit toutefois encore quelques-unes jusqu'en 1740 pour surveiller le littoral du Languedoc[20]. Mais dans le Roussillon, la grande pĂ©riode des tours Ă  signaux est achevĂ©e.

Architecture

Comme beaucoup de tours Ă  signaux de la rĂ©gion, Batère est une tour ronde. Elle a des murs Ă©pais de m. En sous sol, elle comporte une citerne voĂ»tĂ©e pour recueillir l’eau de pluie (actuellement effondrĂ©e). Un seul Ă©tage est conservĂ©. Il est possible qu’il y ait eu un Ă©tage supplĂ©mentaire. La pièce centrale est petite, 4,5 m de diamètre intĂ©rieur, une superficie de 15,90 m2. Elle est Ă©clairĂ©e par une ouverture donnant vers le nord. La porte d’entrĂ©e donne au sud Ă  m au-dessus du sol, et s’atteint par un escalier venant du pied de la tour. On voit les traces d’une cheminĂ©e. Un autre escalier, mĂ©nagĂ© dans l’épaisseur du mur, communique avec la plate forme sommitale.

Batère est un archĂ©type de ce qui se rencontre ailleurs dans la rĂ©gion, reflĂ©tant ainsi le fait que plusieurs tours ont Ă©tĂ© construites sur le mĂŞme plan dans une mĂŞme courte pĂ©riode de temps. Sur ce commun dĂ©nominateur, on observe bien sĂ»r des variations : certaines sont plus hautes que Batère (20 m pour la tour de Château Roussillon, 19 m Ă  Massane, 17 m pour El Far et Madeloc, 12 m Ă  Mir), ou plus larges, ou avec des murs plus Ă©pais. Parfois on peut voir la canalisation dans l’épaisseur des murs qui alimente la citerne en eaux pluviales de la terrasse (visible Ă  El Far). Certaines conservent leurs deux Ă©tages, celui de la salle d’armes, celui du dortoir au-dessus, reliĂ©s par l’escalier taillĂ© dans le mur. Quelques-unes ont conservĂ© les archères pour assurer l’éclairage et la dĂ©fense, d’autres non. Certaines ont un couronnement, montrant des parapets crĂ©nelĂ©s portĂ©s sur mâchicoulis (El Far Ă  Tautavel, Massane), d’autres pas, sans qu’on sache s’ils existaient ou non. Certaines sont pourvues d’une enceinte basse, d’un chemin de ronde au pied de la tour (Mir, El Far, Goa, Corsavy).

Voir aussi

Bibliographie

  • (ca) « Torre del Coll de la porta (o de Vetera) », dans Catalunya romĂ nica, t. XXV : El Vallespir. El Capcir. El DonasĂ . La Fenolleda. El Perapertusès, Barcelone, FundaciĂł Enciclopèdia Catalana,

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. LluĂ­s Basseda, Toponymie historique de Catalunya Nord, t. 1, Prades, Revista Terra Nostra, , 796 p.
  2. Annie de Pous, « L’architecture militaire occitane (IXe – XIVe siècles) », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, no 5,‎ 1969-1970, p. 68 et 118
  3. Salch, Charles-Laurent, Tours à signaux en Roussillon, in Châteaux fors d’Europe, N°10, , p.39
  4. Annie de Pous, Les tours à signaux des vicomtés de Castelnou et de Fonollède au XIe siècle, Paris, Société française d’archéologie, (BNF 32543151), p.13-14
  5. Charles-Laurent Salch, « Tours à signaux en Roussillon », Châteaux forts d’Europe, no 10,‎ , p. 31-39
  6. Pyrénées Catalanes
  7. Salch, Charles-Laurent, Tours à signaux en Roussillon, in Châteaux fors d’Europe, N°10, , p.31
  8. Annie de Pous, L’architecture militaire occitane (IXe – XIVe siècles), Paris, Bull.archeol. du Com. des trav. hist. et scient., nouv. ser. 5, année 1969, , p.137
  9. Bryan Ward-Perkins, La chute de Rome, fin d’une civilisation, Alma Editeur, , p.79
  10. Salch, Charles-Laurent, « Tours à signaux en Roussillon », in Châteaux fors d’Europe, N°10, , p.9
  11. «Depuis la seconde moitiĂ© du XIIe siècle la tour circulaire est devenue, aussi bien pour l’empereur que pour le roi de France, le symbole de l’autoritĂ© territoriale souveraine. Après le milieu du XIIIe siècle elle est reprise comme attribut de suprĂ©matie par d’autres princes territoriaux parmi lesquels on remarque le roi de Majorque mais aussi d’autres principautĂ©s comme l’Aragon Â» (Charles Laurent Sachs p. 31)
  12. Selon Annie de Plous 1970.98. : Alenya, Bages, Belrich, Bulaterranea, Boulou, Brulla, Canohès, Castellnou, Castell-Rossello, Sainte Collombe, Corbère, Saint-Cyprien, Estagel, Saint-Estève, Llupia, Millas, Saint Nazaire, Nefiach, Orle, Ortaffa, Perillos, Passa, Pollestre, le Soler, Tatso, Torreilles, Toluges, la Tour D’Elne, Tresserre, Trullas, Le Vernet 
  13. A Argelès, Canet, Ceret, Elne, Saint-Hyppolite, Ille, Saint Feliu, Thuir, Villefranche. A de Pous. ibid. 
  14. Annie de Pous. ibid. 
  15. Salch, Charles-Laurent, Tours à signaux en Roussillon', Châteaux fors d’Europe, N°10, 1999, p.25
  16. Annie de Pous, Les tours à signaux des vicomtés de Castlenou et de Fonollède au XIe siècle', Paris, Société française d’archéologie, 1949, p.23
  17. Salch, Charles-Laurent, Tours Ă  signaux en Roussillon , Châteaux fors d’Europe, N°10, 1999, p.10
  18. Ibid, p.24
  19. Pous, Annie de, L’architecture militaire occitane (IXe – XIVe siècles) Â», Bull.archeol. du Com. des trav. hist. et scient., nouv. ser. 5, annĂ©e 1969, p. 41-139, Paris, 1970, p.103
  20. Salch, Charles-Laurent, Tours à signaux en Roussillon, Châteaux fors d’Europe, N°10, 1999, p.3
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