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Théorie des files d'attente

La thĂ©orie des files d'attente est une thĂ©orie mathĂ©matique relevant du domaine des probabilitĂ©s, qui Ă©tudie les solutions optimales de gestion des files d’attente, ou queues[1]. Une queue est nĂ©cessaire et se crĂ©era d'elle-mĂȘme si ce n'est pas anticipĂ©, dans tous les cas oĂč l'offre est infĂ©rieure Ă  la demande, mĂȘme temporairement. Elle peut s’appliquer Ă  diffĂ©rentes situations : gestion des avions au dĂ©collage ou Ă  l’atterrissage, attente des clients et des administrĂ©s aux guichets, ou bien encore stockage des programmes informatiques avant leur traitement. Ce domaine de recherches, nĂ© en 1917, des travaux de l’ingĂ©nieur danois Erlang sur la gestion des rĂ©seaux tĂ©lĂ©phoniques de Copenhague[2] Ă  partir de 1908, Ă©tudie notamment les systĂšmes d’arrivĂ©e dans une queue, les diffĂ©rentes prioritĂ©s de chaque nouvel arrivant, ainsi que la modĂ©lisation statistique des temps d’exĂ©cution.

Ici Agner Krarup Erlang, ingénieur et mathématicien Danois ayant travaillé sur la théorie des files d'attente.

C'est grùce aux apports des mathématiciens Khintchine, Palm, Kendall, Pollaczek[3] et Kolmogorov que la théorie s'est vraiment développée.

Description

On dĂ©finit un systĂšme d’attente de la maniĂšre suivante : un flux d’évĂ©nements qu’on appellera « clients Â» arrive sĂ©quentiellement en rĂ©clamant un service[4]. La thĂ©orie considĂšre gĂ©nĂ©ralement le temps sĂ©parant l’arrivĂ©e des clients et la durĂ©e de service comme deux variables alĂ©atoires (files dites « markoviennes[5] Â»), mais certains travaux considĂšrent alternativement les files dĂ©terministes, oĂč le temps d'attente est constant. Le client se dirige vers un poste de service (serveur) dĂšs qu’il y en a un de libre, afin d’ĂȘtre servi, sinon il se positionne dans une « file d’attente. Â»

Un systĂšme d’attente est donc composĂ© d’un espace de service (comportant un ou plusieurs serveurs) et d'un espace d'attente dans lequel se forme une Ă©ventuelle file d'attente[5]. En informatique, on parlera de client et de serveur ; ailleurs on prĂ©fĂ©rera les termes d’unitĂ© et de station.

La littérature distingue par ailleurs[5] :

  • les systĂšmes ouverts, oĂč la file (le nombre d'entrĂ©es en attente) est de longueur infinie, et
  • les systĂšmes fermĂ©s, oĂč la file d'attente est de taille finie.

Enfin, la description d'une file d'attente s'accompagne de la « discipline Â» ou « politique de service[5] Â» :

Objet de la théorie

Étant donnĂ© une file d'attente, la thĂ©orie se propose de produire un certain nombre de rĂ©sultats, tels :

  • la longueur moyenne de la file,
  • la durĂ©e moyenne de service
  • le taux moyen d'inactivitĂ© des serveurs,
  • le temps moyen d'attente dans une file
  • le temps moyen total de service dans le systĂšme (ou « temps de rĂ©sidence » en informatique).

Elle peut étudier l'existence ou non d'un régime stationnaire, le risque de saturation du service, la discipline optimale par rapport au temps de résidence, etc.

Aspects mathématiques

Loi de Little

La loi de Little énonce que le nombre moyen de clients dans un systÚme stable est égal à leur fréquence moyenne d'arrivée multipliée par leur temps moyen passé dans le systÚme : .

Quoique cet Ă©noncĂ© paraisse Ă©vident intuitivement, il n'en est pas moins remarquable, puisqu'il ne dĂ©pend ni du processus d'arrivĂ©e, ni de la discipline de service[6]. Il s'applique Ă©galement Ă  des serveurs Ă  l'intĂ©rieur d'un serveur[7] ; la seule exigence est que le systĂšme soit stable et non-prĂ©emptif, ce qui exclut des Ă©tats de transition comme la mise en route ou l'arrĂȘt d'un serveur.

Dans certains cas, il est possible non seulement de relier la taille moyenne de la file d'attente au temps moyen d'attente, mais mĂȘme de relier la loi de probabilitĂ© (et ses moments) de la taille de la file d'attente Ă  celle du temps moyen d'attente[8].

Dans son article original de 1954, Little énonçait cette relation sans la démontrer[9] - [10]. Il en donna une premiÚre démonstration en 1961[11], simplifiée depuis par Jewell[12] et Eilon[13].

Notation de Kendall

Il existe de trÚs nombreux systÚmes de files d'attente. La notation de Kendall permet de décrire le systÚme par une suite de 6 symboles a/s/C/K/m/Z[14] - [15].

  • a indique la loi de probabilitĂ© des instants d'arrivĂ©es, par exemple GI pour la loi gĂ©nĂ©rale indĂ©pendante et M pour la loi de Poisson ou la loi exponentielle.
  • s indique la loi de probabilitĂ© de la durĂ©e du service (au guichet) ; on utilise les mĂȘmes symboles que prĂ©cĂ©demment
  • C indique le nombre de serveurs (nombre de guichets)
  • K, c'est la capacitĂ© totale du systĂšme, c'est-Ă -dire le nombre C de serveurs + le nombre de places en attente
  • m indique la population totale de clients (par exemple : nombre d'inscrits sur une liste Ă©lectorale dans le cas d'une file d'attente Ă  un bureau de vote)
  • Z, la discipline de service, par exemple FIFO (first in, first out), LIFO (Last in, first out), Nearest neighbour, etc.

TrÚs souvent, K est infini, m est infini, et Z en FIFO (encore dénoté par peps). Dans ce cas, les trois derniers symboles de la notation sont omis.

Quelques résultats

Avec :

  • frĂ©quence moyenne d'arrivĂ©es ;
  • temps moyen de service ;
  • trafic offert (nombre moyen d'arrivĂ©es pendant le temps moyen de service). Attention Ă  ne pas oublier S, le nombre de serveurs.
File M/M/1 File M/M/S
Probabilité systÚme vide (P0)
Probabilité d'attente (Pa)
Nombre moyen de clients dans le systĂšme (<N>)
Nombre moyen de clients en attente (<Na>)
Nombre moyen de clients en service (au guichet) (<Ns>)
Temps moyen de séjour dans le systÚme ()
Temps moyen d'attente ()
Condition d'atteinte de l'équilibre (« pas d'engorgement »)

Notes et références

  1. A. Kaufmann et R. Cruon, Les phénomÚnes d'attente : théorie et applications, Paris, Dunod, , 274 p.
  2. Erlang a prĂ©sentĂ© sa thĂ©orie dans A. K. Erlang, « The theory of probability and telephone conversations », Nyt Tidsskrift for Matematik, b, vol. 20,‎ puis A. Erlang, « Solution of some Problems in the Theory of Probabilities of Significance in Automatic Telephone Exchanges », Elektrotkeknikeren, vol. 13,‎ .
  3. Cf. F. Pollaczek, ProblÚmes stochastiques posés par le phénomÚne de formation d'une queue d'attente à un guichet et par des phénomÚnes apparentés, Paris, Gauthier-Villars, coll. « Mémorial des Sciences Mathématiques, n°136 »,
  4. Cf. Émile Daru, « MĂ©thodes de rĂ©solution pour quelques problĂšmes de files d'attente comportant des serveurs d'efficacitĂ©s diffĂ©rentes », Revue de la Recherche OpĂ©rationnelle, vol. 2, no 8,‎ 3e trimestre 1958
  5. D’aprĂšs J.-M. Helary et R. Pedrono, Recherche opĂ©rationnelle — Travaux dirigĂ©s, Paris, Hermann, , 352 p. (ISBN 2-7056-5955-2), « II. Files d'attente markoviennes », p. 90.
  6. Cf. D. Simchi-Levi et M. A. Trick, « Introduction to "Little's Law as Viewed on Its 50th Anniversary" », Operations Research, vol. 59, no 3,‎ , p. 535 (DOI 10.1287/opre.1110.0941)
  7. Cf. R. Serfozo, Introduction to Stochastic Networks, , 301 p. (ISBN 978-1-4612-7160-4, DOI 10.1007/978-1-4612-1482-3_5), « Little Laws », p. 135–154
  8. Cf. J. Keilson et L. D. Servi, « A distributional form of Little's Law », Operations Research Letters, vol. 7, no 5,‎ , p. 223 (DOI 10.1016/0167-6377(88)90035-1, hdl 1721.1/5305, lire en ligne)
  9. D'aprÚs J. D. C. Little et S. C. Graves, Building Intuition, vol. 115, coll. « Int. Series in Op. Res. & Management Sc. », (ISBN 978-0-387-73698-3, DOI 10.1007/978-0-387-73699-0_5, lire en ligne), « Little's Law », p. 81
  10. Cf. Alan Cobham, « Priority Assignment in Waiting Line Problems », Operations Research, vol. 2, no 1,‎ , p. 70–76 (DOI 10.1287/opre.2.1.70)
  11. Cf. J. D. C. Little, « A Proof for the Queuing Formula: L = λW », Operations Research, vol. 9, no 3,‎ , p. 383–387 (DOI 10.1287/opre.9.3.383, JSTOR 167570)
  12. Cf. William S. Jewell, « A Simple Proof of: L = λW », Operations Research, vol. 15, no 6,‎ , p. 1109–1116 (DOI 10.1287/opre.15.6.1109, JSTOR 168616)
  13. Cf. Samuel Eilon, « A Simpler Proof of L = λW », Operations Research, vol. 17, no 5,‎ , p. 915–917 (DOI 10.1287/opre.17.5.915, JSTOR 168368)
  14. (en) David George Kendall, « Stochastic Processes Occurring in the Theory of Queues and their Analysis by the Method of the Imbedded Markov Chain », The Annals of Mathematical Statistics, vol. 24, no 3,‎ , p. 338 (DOI 10.1214/aoms/1177728975, JSTOR 2236285).
  15. (en) Alec Miller Lee, « A Problem of Standards of Service (Chapter 15) », dans Applied Queueing Theory, New York, MacMillan, (ISBN 0-333-04079-1).

Voir aussi

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