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Théorie de la forêt sombre

La théorie de la forêt sombre est la conjecture selon laquelle de nombreuses civilisations extraterrestres existent dans tout l'univers, mais elles sont à la fois silencieuses et paranoïaques[1]. Dans ce cadre, il est présumé que n'importe quelle civilisation spatiale considérerait toute autre forme de vie intelligente comme une menace inévitable[2] et détruirait ainsi toute civilisation qui ferait connaître sa présence. En conséquence, le spectre électromagnétique environnant serait relativement silencieux, sans preuve d'aucune vie extraterrestre intelligente, comme dans une « forêt sombre » remplie de « chasseurs armés se traquant mutuellement à travers les arbres tels des fantômes[3] - [4]. »

Histoire

Il n'existe aucune preuve fiable ou reproductible que des extraterrestres aient visité ou tenté de contacter la Terre[5] - [6]. Aucune transmission ou preuve de vie extraterrestre intelligente n'a pour l'instant été détectée ou observée. Ce qui va à l'encontre de l'observation que l'Univers est rempli d'un très grand nombre de planètes, dont certaines ont certainement des conditions propices à la vie. Celle-ci se développe généralement jusqu'à remplir toutes les niches biologiques disponibles[7]. Ces faits contradictoires forment la base du paradoxe de Fermi, dont l'hypothèse de la forêt sombre est une des solutions proposée.

Relation avec d'autres propositions de résolution du paradoxe de Fermi

L'hypothèse de la forêt sombre est distincte de l'hypothèse berserker, en ce sens que de nombreuses civilisations extraterrestres existeraient encore si elles gardaient le silence. Ceci peut être considéré comme un exemple particulier de l'hypothèse Berserker, dans lequel les «sondes berserker mortelles» sont (en raison de la rareté des ressources) uniquement envoyées aux systèmes stellaires qui manifestent des signes de vie intelligente[8].

Théorie des jeux

L'hypothèse de la forêt sombre peut être considérée comme un cas particulier du « jeu à informations séquentielles et incomplètes » dans la théorie des jeux[9] - [10] - [11].

Dans la théorie des jeux, un « jeu à informations séquentiel et incomplet » est un jeu dans lequel tous les joueurs agissent de manière séquentielle, les uns après les autres, et où aucun participant n'est au courant de toutes les informations disponibles[12]. Dans le cas de ce jeu particulier, la seule condition de victoire est le maintien en vie[8]. Une contrainte supplémentaire dans le cas particulier de la « forêt sombre » est la rareté des ressources vitales[10]. La « forêt sombre » peut être considérée comme un jeu de forme étendue, chaque « joueur » possédant les actions possibles suivantes : détruire une autre civilisation connue du joueur ; diffuser et alerter les autres civilisations de son existence ; ou ne rien faire[9].

Versions de science-fiction

L'hypothèse a été décrite par l'astronome et auteur David Brin lorsqu'il résume en 1983 les arguments pro-et anti-paradoxe de Fermi[13], pour lequel cette hypothèse est une solution potentielle[8] - [10]. L'auteur de science-fiction Greg Bear a exploré le concept dans son roman de 1987 La Forge de Dieu[14]. Le terme « hypothèse de la forêt sombre » a ensuite été utilisé pour nommé cette théorie dans le roman de science-fiction de Liu Cixin de 2008, La Forêt sombre[15] - [16]. Dans La Forge de Dieu, l'humanité est comparée à un bébé pleurant dans une forêt hostile : « Il était une fois un enfant perdu dans les bois, pleurant à tue-tête, se demandant pourquoi personne ne répondait, attirant les loups[17]. » L'un des personnages explique alors : « Cela fait plus d'un siècle que nous sommes accrochés à notre arbre à pépier comme des oiseaux insensés, à nous demander pourquoi aucun autre oiseau ne nous répond. Les cieux galactiques sont pleins de faucons, voilà pourquoi. »

Dans le roman de Liu Cixin, l'hypothèse de la forêt sombre est exposée au sociologue et ex-astronome Luo Ji par Ye Wenjie, la mère d'une amie décédée. Elle suggère de développer un nouveau domaine, la « cosmosociologie »[8], à partir d'un postulat fondamental reprenant l'équation de Drake[16] :

« J'entends par là émettre l'hypothèse que l'Univers est peuplé d'un grand nombre de civilisations. Un nombre du même ordre de grandeur que celui des étoiles observables. Un nombre colossal. Ensemble, ces civilisations formeraient une seule et même société cosmique, une hypersociété dont la cosmosociologie aurait pour objet d'étudier les caractéristiques. »

— Liu Cixin, La Forêt sombre[18]

Ceci posé, Ye Wenjie énonce les deux axiomes clés de cette nouvelle discipline :

« Premièrement : la survie est la nécessité première de toute civilisation ; deuxièmement : une civilisation ne cesse de croître et de s'étendre, tandis que la quantité totale de matière dans l'univers reste constante. »

— Liu Cixin, La Forêt sombre[18]

Dans son roman, Liu Cixin suggère que la seule conclusion logique de l'acceptation de ces axiomes est que chaque vie intelligente dans l'univers sera opposée à toute autre vie dans la lutte pour la survie[8].

Notes et références

  1. (en) « Outside/In[box]: What is the Dark Forest Theory? », sur New Hampshire Public Radio, (consulté le ).
  2. (en) Vakoch, « Hawking's fear of an alien invasion may explain the Fermi Paradox », Theology and Science, vol. 15, no 2, , p. 134–138 (DOI 10.1080/14746700.2017.1299380, S2CID 219627161, lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) Cixin Liu, The dark forest, New York, First, (ISBN 9780765377081), p. 484.
  4. « China's 'Dark Forest' Answer to 'Star Wars' Optimism | Discover Magazine », sur web.archive.org, (consulté le ).
  5. (en) Steven Tingay, « Is there evidence aliens have visited Earth? Here's what's come out of US congress hearings on 'unidentified aerial phenomena' », sur The Conversation (consulté le )
  6. (en-US) Condé Nast, « Have We Already Been Visited by Aliens? », sur The New Yorker, (consulté le ).
  7. (en) Papagiannis, « "Are We All Alone, or could They be in the Asteroid Belt" by Michael D. Papagiannis, Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, Vol. 19, p.277 », Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, vol. 19, , p. 277 (Bibcode 1978QJRAS..19..277P, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Matt Williams, « Beyond "Fermi's Paradox" XVI: What is the "Dark Forest" Hypothesis? », Universe Today, (lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) « Aliens, The Fermi Paradox, And The Dark Forest Theory », sur Project Nash, (consulté le ).
  10. (en) Tytus Szabelski, « The Dark Forest: Theory of the Internet », sur BLOK MAGAZINE, (consulté le ).
  11. (en) Fudenberg et Tirole, « Sequential Bargaining with Incomplete Information », The Review of Economic Studies, vol. 50, no 2, , p. 221 (DOI 10.2307/2297414, JSTOR 2297414, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Lawrence M. Ausubel, Peter Cramton et Raymond J. Deneckere, Handbook of Game Theory with Economic Applications, vol. 3, , 1897–1945 p. (ISBN 978-0-444-89428-1, DOI 10.1016/S1574-0005(02)03013-8), « Bargaining with incomplete information ».
  13. (en) Brin, « The Great Silence - the Controversy Concerning Extraterrestrial Intelligent Life », Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society, vol. 24, , p. 283–309 (ISSN 0035-8738, Bibcode 1983QJRAS..24..283B, lire en ligne, consulté le )
  14. (en-US) John G. Cramer, « Self-Reproducing Machines From Another Planet : THE FORGE OF GOD by Greg Bear (Tor Books : $17.95; 448 pp.) », sur Los Angeles Times, (consulté le ).
  15. (en-US) Derek Kevra, « Dark Forest theory: should we try to contact aliens? », sur FOX 2 Detroit, (consulté le ).
  16. (en) Yu, « The Dark Forest Rule: One Solution to the Fermi Paradox », Journal of the British Interplanetary Society, vol. 68, , p. 142–144 (ISSN 0007-084X, Bibcode 2015JBIS...68..142Y, lire en ligne, consulté le ).
  17. « The forge of God quotes », Goodreads.
  18. Liu Cixin (trad. du chinois par Gwennaël Gaffric), La Forêt sombre黑暗森林 »], Actes Sud, coll. « Babel » (no 1643), (1re éd. 2008) (ISBN 978-2-330-12511-0), « Prologue »
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