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Terres vaines et vagues de Bretagne

Les terres vaines et vagues de Bretagne sont des biens fonciers, en général des terres incultes, dont le régime juridique est défini par l'article 10 du décret du . Situées en Bretagne historique, elles appartiennent, selon les situations, soit aux communes sur lesquelles elles sont situées, soit aux ayants droit des habitants qui les exploitaient sous l'Ancien Régime, soit aux ayants droit des seigneurs qui en étaient propriétaires avant la Révolution Française.

Elles constituent une particularitĂ© juridique spĂ©cifique Ă  la Bretagne, dont l'origine remonte au Moyen Âge.

Historique

L'Ancien RĂ©gime

Les terres vaines et vagues ont existé dans la France entiÚre sous l'Ancien Régime, et ce sous diverses appellations : galois, frostages, franchises, communes...

Il s'agissait de terres incultes, notamment de landes en Bretagne, qui étaient affectées à un usage général. En effet, les habitants qui vivaient à proximité de ces terres pouvaient librement en jouir : y envoyer paßtre leur bétail, y récolter du fourrage ou s'y fournir en mottes de bruyÚre qui, séchées au soleil, étaient ensuite utilisées comme combustible. Cet usage permit notamment aux paysans les plus pauvres d'entretenir du bétail sans posséder de terres.

Ces terres pouvaient ĂȘtre libres. Elles constituaient alors un franc-alleu, et aucun droit fĂ©odal n'Ă©tait alors dĂ» car elles ne dĂ©pendaient d'aucun seigneur.

À l'inverse, elles pouvaient Ă©galement ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans un fief, ce qui Ă©tait le cas dans l'ancienne province de Bretagne. En effet, l'article 328 de la Coutume de Bretagne dispose : "Nul ne peut tenir terre en Bretagne sans seigneur : parce qu'il n'y a aucun franc-alleu en icelui pays". Toutes les terres situĂ©es Ă  l'intĂ©rieur d'un fief en Bretagne, qu'elles soient cultivĂ©es ou non, appartenaient donc au seigneur dudit fief, conformĂ©ment Ă  la maxime "Nulle terre sans seigneur".

D'aprĂšs cette mĂȘme Coutume de Bretagne, la simple possession Ă©tait considĂ©rĂ©e comme un acte de tolĂ©rance, une jouissance prĂ©caire Ă  laquelle le seigneur pouvait mettre un terme selon son bon vouloir.

Cependant, le seigneur pouvait également concéder un droit d'usage à ses vassaux sur ces terres vaines et vagues. Cette concession du "droit de communer" leur offrait donc une relative stabilité et la sécurité nécessaire au bon développement de leur exploitation. Ce droit était le plus souvent accordé à un vassal en particulier, parfois aux habitants d'un village, mais trÚs rarement à la généralité des habitants d'une paroisse.

Le droit de communer n'opérait pas de transfert de propriété, mais se rapprochait d'une servitude qui recouvrait principalement le droit de "conduire les bestiaux au pacage", de "couper des landes et bruyÚres" et parfois le droit de "couper le bois nécessaire aux vassaux"[1].*

Le droit de communer Ă©tait souvent concĂ©dĂ© Ă  titre onĂ©reux, moyennant une lĂ©gĂšre redevance annuelle, mais Ă©galement parfois gratuitement. Dans l'une ou l'autre des hypothĂšses, la concession de ce droit Ă©tait irrĂ©vocable, le vassal ne pouvant en ĂȘtre arbitrairement dĂ©pouillĂ©[1].

Ce droit Ă©tait encadrĂ©. En effet, chaque vassal ne pouvait envoyer au pĂąturage que le nombre de bĂȘtes qu'il nourrissait l'hiver, avec les pailles et les foins provenant de ces terres. Les vassaux ne pouvaient donc exiger une plus grande Ă©tendue de terre que celle qui leur Ă©tait nĂ©cessaire. DĂšs lors, lorsque la surface des terres excĂ©dait les besoins des vassaux, le seigneur pouvait en prĂ©lever le surplus. Un cantonnement avait alors lieu, grĂące auquel on assignait aux vassaux une portion de terre suffisante pour couvrir leurs besoins.

La Révolution Française

Dans la nuit du , les privilÚges et droits seigneuriaux furent abolis par l'Assemblée Constituante, mettant fin à des siÚcles de féodalité.

Peu aprÚs, par un décret en date du , furent créées les communes en lieu et place des anciennes villes, paroisses ou communautés de campagne.

Chaque branche du droit, chaque domaine de la vie quotidienne fut examinĂ© dans les annĂ©es qui suivirent, afin d'ĂȘtre purgĂ© de toute trace de fĂ©odalitĂ©.

En 1792, vint le tour des terres vaines et vagues. Par dĂ©cret du , l'AssemblĂ©e LĂ©gislative dĂ©cida que tous les effets qui pouvaient avoir Ă©tĂ© produits par la maxime "Nule terre sans seigneur" devaient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme non avenus.

Trois jours plus tard, ladite Assemblée voulut doter les communes nouvellement créées, par le décret du .

L'article 9 dudit décret dispose que "les terres vaines et vagues ou gastes, landes, biens hermes ou vacans, garrigues, dont les communautés ne pourraient pas justifier avoir été anciennement en possession, sont censés leur appartenir et leur seront adjugés par les tribunaux, si elles forment leur action dans le délai de cinq ans, à moins que les ci-devant seigneurs ne prouvent par titres ou par possession exclusive, continuée paisiblement et sans troubles pendant quarante ans, qu'ils n'en ont la propriété".

Il s'agir là du texte général portant sur les terres vaines et vagues, les attribuant, sous certaines conditions, aux communes. Ces derniÚres furent donc substituées aux seigneurs.

Cependant la Bretagne fit l'objet de rĂšgles dĂ©rogatoires. En effet, il fut considĂ©rĂ© que les habitants qui avaient prĂ©cĂ©demment obtenu de leur seigneur le droit de communer, contre le versement d'une rente, avaient acquis un droit de propriĂ©tĂ© sur le fonds et que ce droit devait ĂȘtre respectĂ©. Ce droit fut consacrĂ© par l'article 10 du dĂ©cret :

"Dans les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne, les terres actuellement vaines et vagues, non arrentées, afféagées ou accensées jusqu'à ce jour, connues sous le nom de Communes, Frost, Frostages, Franchises, Galois, etc., appartiendront exclusivement, soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux ci-devant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer, motoyer, couper des landes, bois et bruyÚres, pacager et mener leurs bestiaux dans lesdites terres, situées dans l'enclave ou le voisinage des ci-devant fiefs".

Ces dispositions parurent assez rapidement trop modérées envers les seigneurs, c'est pourquoi, le , la Convention rendit un décret sur le partage des biens communaux. Dans la section 4 de son article 1, ledit décret établit que "tous les biens communaux connus dans la république sous les divers noms de terres vaines et vagues (...) sont et appartiennent de leur nature à la généralité des habitants, ou membres des communes, des sections de communes, dans le territoire desquelles ces communaux sont situés et comme telles, lesdites communes ou sections de communes sont fondées et autorisées à les revendiquer, sous les restrictions et modifications portées par les articles suivants".

Ce décret, s'il dérogeait à quelques dispositions de celui du , n'a néanmoins pas abrogé l'article 10 relatif à la Bretagne.

Le régime juridique spécial des terres vaines et vagues de Bretagne a donc survécu à la tourmente révolutionnaire et a fait l'objet d'une jurisprudence abondante dans la premiÚre moitié du XIXe siÚcle.

En effet, un unique article, relativement succinct, devait déterminer la propriété de plusieurs dizaines de milliers d'hectare de landes. De multiples contentieux apparurent donc, générant de nombreuses décisions de justice, qui permirent de définir peu à peu le régime juridique applicable à ces terres.

Cependant, quand bien mĂȘme ce sujet se dotait peu Ă  peu de rĂšgles bien dĂ©finies, les partages restaient rares, notamment du fait de la multiplicitĂ© des propriĂ©taires et du coĂ»t de la procĂ©dure.

L'abrogation des lois de partage

L'article 10 du décret de 1792 mettant en place une législation spécifique à la Bretagne fut pendant des années ignoré des principaux intéressés, à savoir les anciens vassaux.

Affiche concernant la mise en vente de terres vaines et vagues en 1853 Ă  Botmeur (FinistĂšre).

Ce n'est que dans les années 1820 qu'il fut utilisé, à la fois par ces derniers, par les anciens seigneurs et par les communes, afin de faire valoir leurs droits respectifs sur ces landes. C'est à cette époque que se développa, par une jurisprudence abondante, le droit applicable aux terres vaines et vagues de Bretagne.

Les contentieux furent nombreux, et le nombre de partage jugé insuffisant. C'est pourquoi, afin d'accélérer les partages de ces terres, et ainsi d'en favoriser la mise en culture, le , fut adoptée une loi ayant pour but de simplifier la procédure et d'en réduire les coûts.

Ces coĂ»ts Ă©levĂ©s s'expliquaient notamment par le fait qu'il existait souvent, dans de telles actions, un grand nombre de dĂ©fendeurs, dont les droits ne pouvaient ĂȘtre reconnus que par un partage dĂ©finitif. L'obligation de les assigner tous entraĂźnait une multiplication des retards et des frais, et augmentait les risques de nullitĂ© du partage, en cas de non-respect d'une formalitĂ©.

La loi de 1850 instaure une dérogation au droit commun. Désormais, la demande en partage serait notifiée par voies d'affiche et de publications, et contiendrait, outre la désignation des terres du partage, la mention expresse qu'elle valait ajournement à l'égard de tous les prétendants.

Seuls les maires des communes concernées et les préfets se voyaient adresser une copie des actes. Les habitants intéressés étaient avertis par une copie de la demande en partage affichée à la porte de la mairie, et publiée à la fin de la messe paroissiale, les deux dimanches suivants l'apposition de l'affiche.

L'omission des formalités prescrites n'entraßnait pas la nullité du partage, mais les juges devaient néanmoins en ordonner l'exécution.

Cette loi de procédure diminua considérablement les frais de justice et fut prorogée de nombreuses fois. Elle fut intégrée, avec quelques modifications, au Code Rural par le décret du [2], aux articles 58-1 et suivants[3], puis abrogée par la loi du [4].

Les terres concernées

Les terres vaines et vagues de Bretagne sont situées dans la Bretagne historique, à savoir les départements des CÎtes d'Armor, du FinistÚre, d'Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique et du Morbihan.

Une terre vaine et vague au jour de la promulgation du décret

Une terre vaine et vague est, en général, une terre inculte et déclose. Le décret de 1792 précise toutefois que seules les terres qui étaient "actuellement", c'est-à-dire au jour de la promulgation dudit décret, vaines et vagues, entrent dans le champ d'application de l'article 10 et par voie de conséquence sont soumises au régime juridique dérogatoire au droit commun.

En consĂ©quence, les terrains qui auraient Ă©tĂ© enclos, cultivĂ©s ou plantĂ©s au sont restĂ©s la propriĂ©tĂ© des seigneurs. Une propriĂ©tĂ© conservĂ©e par des murs ou des vestiges de murs antĂ©rieurs Ă  la promulgation du dĂ©cret ne saurait donc ĂȘtre soumise au rĂ©gime juridique des terres vaines et vagues de Bretagne [5]. De mĂȘme, en 1821, la Cour de Rennes a admis que "le fait d'avoir mis en valeur une terre dĂšs 1780, est une prise de possession suffisante pour incorporer au domaine privĂ©e une terre vaine et vague" [6].

Sur le mĂȘme principe, sont exclues du champ d'application de l'article 10, les terres sur lesquelles auraient Ă©tĂ© Ă©rigĂ©es des constructions, telles qu'un four, un lavoir, ou une fontaine. La chambre des requĂȘtes de la Cour de Cassation Ă©nonce clairement, dans un arrĂȘt en date du , qu'un terrain qui "comporte des ouvrages de main d'homme et des constructions affectĂ©es Ă  une destination spĂ©ciale" ne peut ĂȘtre assimilĂ© Ă  une terre vaine et vague.

À l'inverse, le fait de rendre productives ces terrains postĂ©rieurement Ă  la promulgation du dĂ©cret ne leur a pas fait perdre leur qualification de terres vaines et vagues [7].

L'inféodation du droit de communer

Pour entrer dans le champ d'application de l'article 10 du décret de 1792, les terres vaines et vagues devaient faire l'objet d'une inféodation du droit de communer : le seigneur devait donc accorder à un vassal le droit de recueillir les produits spontanés du sol.

Il fallait ĂȘtre propriĂ©taire foncier dans le fief dudit seigneur pour se voir octroyer une infĂ©odation, qui pouvait ĂȘtre gratuite ou onĂ©reuse. Le seigneur avait la possibilitĂ© de la modifier, mais ne pouvait l'annuler. En effet, tous les actes de disposition dudit seigneur Ă©taient annulables s'ils allaient Ă  l'encontre du droit de communer, eu Ă©gard aux besoins des vassaux infĂ©odĂ©s.

Les exclusions légales

Ne sont concernées par ce régime spécial que les terres qui n'auraient pas été arrentées [8], afféagées [9] ou accensées [10] au , ce qui permit de respecter les concessions de propriété faites par les seigneurs avant le décret. Les personnes qui avaient acquis de tels terrains par arrentement, afféagement ou accensement en sont donc devenues les propriétaires légitimes au jour de la promulgation du décret, sans remise en cause de leurs droits.

La propriété des terres vaines et vagues de Bretagne

Le ministÚre de l'Agriculture a récemment rappelé que ce sont les articles 9 (présomption générale de propriété des communes) et 10 (dispositions particuliÚres à la Bretagne) de la loi du qui "constituent encore aujourd'hui le fondement de la propriété indivises des terres vaines et vagues de Bretagne et des actions en revendication de propriété" [11].

Le principe est donc celui d'une prĂ©somption de propriĂ©tĂ© de la commune, qui ne peut ĂȘtre combattue que par un demandeur prĂ©sentant un titre valable Ă  un droit personnel comme usager au jour de la promulgation du dĂ©cret.

Une jurisprudence constante

En 1970,la Cour de Cassation, reprenant une jurisprudence bien Ă©tablie, rappela que "si l'article 10 de la loi du relatif au rĂ©gime des terres vaines et vagues dans les cinq dĂ©partements composant l'ancienne province de Bretagne forme un droit spĂ©cial qui maintient les possesseurs des affĂ©ages dans la propriĂ©tĂ© desdits biens, nonobstant la disposition portĂ©e dans l'article 9 de la mĂȘme loi en faveur des communes, ces dispositions lĂ©gales, qui n'ont fait que convertir en droit de propriĂ©tĂ© un droit qui, jusque-lĂ , ne constituait qu'une simple servitude, ne sont dĂ©rogatoires Ă  celles de l'article prĂ©cĂ©dent que dans le cas oĂč le demandeur justifie d'un titre valable Ă  un droit personnel comme usager au jour de la publication de la loi"[12].

L'article 10 du décret du 28 août 1792, une dérogation au droit commun

L'article 10 prĂ©citĂ© n'a pas entraĂźnĂ© le transfert automatique de la propriĂ©tĂ© des landes aux vassaux, car ce que l'AssemblĂ©e Nationale souhaitait alors, c'Ă©tait que la servitude d'usage du droit de communer octroie Ă  ses bĂ©nĂ©ficiaires un droit sur le fonds, et donc que ce soit le droit de communer qui fut attributif de la propriĂ©tĂ© elle-mĂȘme.

L'article 10 n'Îte donc pas aux communes le bénéfice de l'article 9 dudit décret, car l'article 9 établit une présomption légale, qui a été renforcée par l'article 1 de la section 4 de la loi du . L'article relatif aux landes bretonnes n'est donc qu'une exception à cette rÚgle.

Une lecture rapide de l'article 10 pourrait amener Ă  penser que les communes sont Ă©galement soumises Ă  la condition d'ĂȘtre en possession du droit de communer. En effet, l dispose que " les terres (...) vaines et vagues (...) appartiendront exclusivement, soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux ci-devant vassaux qui sont actuellement en possession du droit de communer (...) ". En pratique, ce cas ne se prĂ©sentait pour ainsi dire jamais, les infĂ©odations dans le droit de communer ayant toujours lieu Ă  titre individuel, ut singuli, en Bretagne.

La chambre civile de la Cour de Cassation prĂ©cise utilement dans un arrĂȘt en date du , qu'il rĂ©sultait " du texte et de l'esprit de cet article que ces mots "actuellement en possession du droit de communer" ne s'appliquent qu'aux ci-devant vassaux; quant aux communes substituĂ©es aux anciens seigneurs, elles sont sans condition et de plein droit dĂ©clarĂ©es propriĂ©taires des terres dont s'agit ".

Il faut donc plutÎt considérer cette mention, non comme une condition posée à la commune pour se voir attribuer la propriété des landes, mais plutÎt comme un rappel de l'article 9, et de la présomption de propriété qu'il établit.

La prĂ©somption de propriĂ©tĂ© dispense donc les communes de fournir une preuve de leur propriĂ©tĂ©, car leur titre est dans la loi. En revanche, le particulier qui veut remettre en cause cette prĂ©somption doit apporter la preuve qu'il remplit les conditions de l'article 10, Ă  savoir la nĂ©cessitĂ© d'ĂȘtre infĂ©odĂ© du droit de communer.

L'ayant-cause actuel des vassaux du XVIIIĂšme siĂšcle doit donc ĂȘtre dĂ©boutĂ© de ses prĂ©tentions sur ces terres, s'il ne produit aucun document propre Ă  dĂ©terminer quelle Ă©tait, au jour de la promulgation du dĂ©cret, la mesure du droit de communer, et quelle est, en consĂ©quence, la portion de l'immeuble dont il doit ĂȘtre dĂ©clarĂ© propriĂ©taire[13].

Le délai de revendication par la commune

L’article 9 du dĂ©cret du dispose que les terres vaines et vagues seront attribuĂ©es aux communes si elles forment leur action dans un dĂ©lai de 5 ans Ă  compter de la publication dudit dĂ©cret.

Ce dĂ©cret fut peu aprĂšs jugĂ© trop complaisant envers les anciens seigneurs par le lĂ©gislateur, qui adopta un an plus tard un nouveau dĂ©cret, en date du , aux termes duquel « tous les biens communaux connus dans la rĂ©publique (
) sont et appartiennent de leur nature Ă  la gĂ©nĂ©ralitĂ© des habitants. Â»

Pour le conseiller d’État MERLIN, une commune qui aurait laissĂ© passer le dĂ©lai de revendication de cinq ans ne serait plus aujourd’hui recevable Ă  rĂ©clamer ces terres[14]. Il avance comme argument le fait que le dĂ©cret de 1793 n'ayant pas expressĂ©ment dĂ©rogĂ© Ă  cette condition de dĂ©lai, le lĂ©gislateur a souhaitĂ© la maintenir.

Son analyse ne fut pas suivie par la jurisprudence. Ainsi la Cour de Rennes, dans un arrĂȘt en date du , considĂ©ra que « l'article 9 de la loi du qui prononçait une dĂ©chĂ©ance contre les communes rĂ©clamant des droits Ă  une terre vaine et vague, est inapplicable aux communes des dĂ©partements bretons Â», et rejeta sur cet argument l'exception de forclusion.

La Cour de Cassation Ă©tendit cette solution Ă  l'ensemble des communes de France sur une analyse juridique diffĂ©rente en Ă©nonçant dans un arrĂȘt en date du que « l’article 9 de la loi du Ă©tablit au profit des communes une prĂ©somption de propriĂ©tĂ© sur les terres vaines et vagues, et que cette prĂ©somption a Ă©tĂ© convertie en une attribution directe et dĂ©finitive par l’article 1er de la section 4 de la loi de 1793. Â».

Si ces jurisprudences ne vont pas à l'encontre de la législation spécifique à la Bretagne, elles renforcent les droits des communes issus de l'article 9 du décret de 1792, en supprimant toute condition de délai de revendication pour ces communes.

Le droit au cantonnement de la commune

Le principe posĂ© par le dĂ©cret de 1792 est donc simple : les terres vaines et vagues de Bretagne appartiennent aux communes, sauf si les ayants cause des vassaux justifient de la possession du droit de communer.

S'ils démontrent ce droit, un partage peut s'opérer entre eux, chacun recevant une quote-part correspondant à ces besoins.

La question se pose alors de savoir si les communes peuvent intervenir au partage s'opérant entre ces ayants cause, afin de se faire attribuer le reliquat des landes restant aprÚs la satisfaction des besoins des ayants droit au partage.

En d'autres termes, la question est de savoir si les communes peuvent exercer le droit au cantonnement qui était, sous l'Ancien Régime, une prérogative seigneuriale.

L'étendue du droit de propriété des vassaux

La loi reste muette sur l'étendue du droit de propriété des vassaux sur les landes. Sa détermination est donc jurisprudentielle.

Dans un arrĂȘt en date du , la Chambre des RequĂȘtes de la Cour de Cassation a proclamĂ© que le droit des anciens vassaux Ă©tait en propriĂ©tĂ© ce qu'il Ă©tait en servitude avant la loi de 1792[15]. Cette position est reprise par une jurisprudence plus rĂ©cente, la 3Ăšme chambre Civile soutenant dans l'arrĂȘt en date du prĂ©citĂ© que le demandeur n'est autorisĂ© « Ă  rĂ©clamer que la portion des terres vaines et vagues Ă  laquelle correspond son titre. Â»

L'Ă©tendue du droit de communer soumise aux besoins du vassal

La chambre des requĂȘtes de la Cour de Cassation rappelle dans l'arrĂȘt de 1840 prĂ©citĂ© que « sous l'ancienne lĂ©gislation coutumiĂšre de Bretagne, le droit de communer accordĂ© aux vassaux Ă©tait toujours exercĂ© par eux dans la mesure de leurs besoins et eu Ă©gard aux nombres de bestiaux qu'ils possĂ©daient. Â»

Néanmoins, le calcul précis de la proportion de chacun dans la jouissance des landes reste flou.

Poullain-Duparc dit Ă  ce sujet : « Notre coutume n’a point Ă©tabli de rĂšgle pour fixer les droits de chaque communant. L’article 193 de la coutume du Poitou, l’article 150 de la coutume d’OrlĂ©ans, et l’article 11 du titre 28 de la coutume d’Auvergne prescrivent sur cela des rĂšgles fort sages et se rĂ©duisant Ă  la maxime qu’on ne peut envoyer aux communs que le nombre de bĂȘtes qui peuvent ĂȘtre nourries pendant l’hiver sur les foins et pailles provenant de la terre, ou, ce qui est la mĂȘme chose, qu’on ne peut mettre dans les communs que les bĂȘtes convenables et profitables, autant qu’il en est besoin pour la culture de la terre, selon la qualitĂ© et la quantitĂ© des terres Â».[16]

La mesure du droit de communer serait donc liĂ©e aux besoins de la culture, et ces besoins seraient fonction de l'Ă©tendue des terres de chaque exploitant, et du nombre de bĂȘtes nĂ©cessaires Ă  leur exploitation.

L'étendue du droit de propriété limitée à l'étendue du droit de communer

Le législateur de 1792 n'a eu pour but que de maintenir les droits préexistants. Il a certes transformé en droit de propriété une servitude, mais il n'a voulu par là que conforter les droits des vassaux, et non les étendre.

Or, la servitude Ă©tait limitĂ©e aux besoins de la production agricole de chaque vassal. Le droit de propriĂ©tĂ© issu de cette servitude est donc soumis aux mĂȘmes limites, et la rĂšgle qui permettait de dĂ©terminer l'Ă©tendue de la jouissance doit donc servir aujourd'hui Ă  dĂ©terminer l'Ă©tendue de la propriĂ©tĂ©.

La reconnaissance du droit au cantonnement par les communes

La question de savoir si les communes pouvaient bĂ©nĂ©ficier du quod supererit aprĂšs la satisfaction des besoins des vassaux fut longuement dĂ©battue et fit l'objet de maintes dĂ©cisions de justice avant d'ĂȘtre tranchĂ©e dĂ©finitivement par la Cour de Cassation.

Afin de repousser l’action en cantonnement, de nombreux arguments furent avancĂ©s.

En premier lieu, on Ă©nonçait que l’article 10 de la loi de 1792 avait Ă©tabli une liste exhaustive des catĂ©gories de personnes auxquelles elle avait confĂ©rĂ© la propriĂ©tĂ© des terres vaines et vagues, et que les communes, qui n’avaient pas la possession du droit de communer, n’avaient pas qualitĂ© pour intervenir dans le partage ses terres.

Il Ă©tait Ă©galement avancĂ© que l'article 10 de la loi de 1792 n’avait reconnu que la possession fondĂ©e sur des titres, et que seuls ces titres pouvaient faire reconnaĂźtre le droit de propriĂ©tĂ© aux terres vaines et vagues de Bretagne. En consĂ©quence, si un requĂ©rant Ă  cette propriĂ©tĂ©, ayant titre et possession se prĂ©sentait, la commune ne pouvait exercer aucun droit de partage ou de rĂ©duction.

Le dernier argument portait sur l'abolition de la fĂ©odalitĂ©. En effet, si les seigneurs pouvaient par l’exercice de leur pouvoir cantonner les vassaux infĂ©odĂ©s du droit de communer, ce droit fĂ©odal avait Ă©tĂ© anĂ©anti par la chute de l'Ancien RĂ©gime, et n'avait donc pas pu ĂȘtre transmis aux communes.

Ces arguments furent rejetés à de multiples reprises par la Cour d'Appel de Rennes, puis par la Cour de Cassation.

Pour ce faire, les juges se basÚrent sur le principe développé plus haut, selon lequel le droit en propriété des anciens vassaux correspondaient à ce qu'il était en jouissance avant la loi de 1792. Or, sous l'Ancien Régime, il était de tradition que la mesure de la jouissance des vassaux ne pouvaient s'accroßtre sans autorisation du seigneur. Ainsi par exemple, l'extinction du droit d'un inféodé profitait non pas aux autres inféodés, mais au seigneur.

Certes, aprĂšs la RĂ©volution, les prĂ©rogatives fĂ©odales disparurent, mais l'esprit doit en ĂȘtre conservĂ© pour comprendre la lĂ©gislation des terres vaines et vagues. En effet, l'AssemblĂ©e Nationale entreprit de substituer aux anciens seigneurs les communes nouvellement crĂ©Ă©es afin de les doter. Elle souhaita donc qu'elles fussent, comme la puissance seigneuriale, autorisĂ©es Ă  pratiquer le cantonnement, afin de leur faire profiter des terres vaines et vagues qui excĂ©deraient les besoins des anciens vassaux.

On peut donc en conclure que la loi de 1792 n'eut pas pour but d'accorder un droit d'accroissement aux vassaux et Ă  leurs ayants cause car ce droit aurait Ă©tĂ© contraire Ă  l'esprit mĂȘme de ladite loi. Si telle avait Ă©tĂ© la volontĂ© du lĂ©gislateur, il n'aurait pas manquĂ© de s'en expliquer.

La revendication de la propriété par des particuliers

Il nous faut ici distinguer deux situations : celle oĂč le demandeur se prĂ©vaut des dispositions propres aux anciens seigneurs, et celle oĂč il se prĂ©sente comme ayants cause des vassaux infĂ©odĂ©s du droit de communer.

Les ayants cause des seigneurs

Si la question de la propriĂ©tĂ© des terres vaines et vagues s’élevait entre la commune et un ayant cause des anciens seigneurs, la cause serait rĂ©gie par les principes gĂ©nĂ©raux Ă©dictĂ©s par l’article 9 de la loi de 1792, l’ayant cause devant alors prouver la propriĂ©tĂ© du seigneur par des titres, ou par une possession exclusive, continuĂ©e paisiblement et sans troubles pendant 40 ans antĂ©rieurement Ă  1792.

S'il souhaite s'appuyer sur des titres afin de justifier sa propriĂ©tĂ©, ces derniers ne devront pas ĂȘtre entachĂ©s de fĂ©odalitĂ©[17].

Imaginons dĂ©sormais que nous nous trouvions dans la situation oĂč les ayants cause des seigneurs et les ayants cause des anciens vassaux puissent tous deux prouver leur propriĂ©tĂ© au regard de la loi de 1792.

Il va sans dire que le droit de propriĂ©tĂ© des vassaux sera reconnue, mais quid de celui du seigneur ? Faut-il admettre une concurrence entre ces deux droits de propriĂ©tĂ© ?

Comme nous l'avons abordé précédemment, sous l'Ancien Régime, lorsque la surface de terres vaines et vagues excédait les besoins des vassaux, le seigneur pouvait en distraire le surplus. Il réalisait alors un cantonnement, par lequel on assignait aux vassaux une portion de terre suffisante pour subvenir aux besoins de leur exploitation.

Toutefois, ce cantonnement ne peut plus ĂȘtre mis en Ɠuvre aujourd'hui[18]. Rappelons toutefois qu'une solution contraire a Ă©tĂ© retenue par la jurisprudence au profit des communes, substituĂ©es par la loi de 1793 aux anciens seigneurs. Le quod superit pourra alors ĂȘtre attribuĂ© Ă  la commune.

La preuve, un titre assorti d'une possession

Les particuliers requĂ©rant la propriĂ©tĂ© des terres doivent prouver que les anciens vassaux dont ils sont les ayants cause Ă©taient « en possession du droit de communer Â».

D'aprÚs la Coutume de Bretagne[19], la simple possession était considérée comme un acte de tolérance, une jouissance précaire à laquelle le seigneur pouvait mettre un terme selon son bon vouloir. La preuve de l'inféodation du droit de communer ne pouvait donc résulter que d'un titre, et non d'une simple possession.

La Cour de Rennes, dans un arrĂȘt en date du , se rĂ©fĂ©ra Ă  ce principe de l'ancien droit breton, « considĂ©rant qu’il Ă©tait de maxime certaine, en Bretagne, que le droit de communer dans les terrains vagues et dĂ©clos ne pouvait rĂ©sulter que d’un titre de concession des seigneurs, ou d’aveux et autres titres, Ă©quivalents Ă  cette possession primitive, et qu’une simple possession de pacage Ă©tait incapable d’y supplĂ©er[20] ».

Si diffĂ©rents titres peuvent ĂȘtre invoquĂ©s, ce sont le plus souvent des aveux[21] d’époques diverses, rendus par le vassal au seigneur, et dans lesquels Ă©taient rappelĂ©s ce droit, qui apportent la preuve de l’infĂ©odation au droit de communer : on aurait pu penser pourtant que beaucoup de ces aveux avaient disparu au cours de la RĂ©volution, soit du fait des vassaux voulant supprimer leurs obligations Ă  l’égard du seigneur, soit du fait du dĂ©cret du qui exigeait la destruction de tous les actes fĂ©odaux (Ă  l’exception des rentes ou prestations purement fonciĂšres[22]), pourtant on vit ressurgir un grand nombre d’aveux remontant pour la plupart au XVIIĂšme et XVIIIĂšme siĂšcles.

La Cour de Rennes se montra plutĂŽt libĂ©rale dans la rĂ©ception de ces titres comme moyen de preuve, admettant des actes qui nâ€˜Ă©taient pas toujours rĂ©guliers : ainsi elle retient un aveu de 1713 malgrĂ© l’omission de la signature du greffier qui, dit-elle, ne suffit pas Ă  rendre suspecte cette rĂ©ception[20].

La jurisprudence a donc admis qu’on puisse invoquer toutes sortes de preuves, afin de supplĂ©er Ă  la production d’anciens titres rĂ©guliers.

Ainsi, elle a admis que l'usement de fief pouvait ĂȘtre retenu en qualitĂ© de titre.

L'usement de fief consistait, lorsqu'une partie importante des vassaux d'une seigneurie prĂ©sentait des aveux personnels leur confĂ©rant un droit, Ă  supposer que ce droit existait au profit des autres vassaux, mĂȘme s'ils ne pouvaient le prouver par titre. Aujourd'hui, on peut donc supposer que si une partie des voisins Ă©tait en mesure de prouver, par un titre, l'infĂ©odation du droit de communer de leurs ayants cause, les autres voisins pourraient Ă©galement se prĂ©valoir de ce titre.

L‘exigence de nĂ©cessitĂ© d’un titre a Ă©tĂ© maintenue par la Cour de Cassation au XXe siĂšcle, et aujourd’hui encore la prĂ©somption de propriĂ©tĂ© des communes ne peut ĂȘtre combattue que si le demandeur justifie d’un titre personnel comme usager au jour de la publication de la loi, c'est-Ă -dire un titre accordant le droit de communer aux prĂ©cĂ©dents propriĂ©taires avant le  [12]!

La transmission du droit

Si l’apprĂ©ciation de la validitĂ© des titres a Ă©tĂ© la cause de difficultĂ©s nombreuses, une autre s’y est jointe, survenant lors de la vente des propriĂ©tĂ©s auxquelles le droit de communer Ă©tait attachĂ© : la cession du droit aux terres vaines et vagues.

De 1792 à 1820, aucune mention du droit aux landes ne figure dans les actes de vente des biens ruraux. En effet, comme nous l'avons expliqué précédemment, la transformation de l'inféodation du droit de communer en droit de propriété était passée presque inaperçue. Certes l'ancien vassal avait retenu qu'il n'avait plus de rente à payer, ni d'aveux à rendre au seigneur afin d'utiliser les vagues, mais il n'apparaissait pas clairement dans son esprit qu'il possédait en propriété, depuis la loi de 1792, une terre sur laquelle il exerçait auparavant une servitude réelle, et qu'il aurait pu céder indépendamment de la terre servant de support à son exploitation principale.

DĂšs lors, faut-il considĂ©rer que les terres vaines et vagues, si elles n'Ă©taient pas mentionnĂ©es dans la vente de la terre principale, ne doivent pas ĂȘtre comprises comme Ă©tant cĂ©dĂ©es ?

La jurisprudence, en s'appuyant sur l'ancien article 1156 du Code Civil, (aujourd'hui, article 1188[23]) énonçant que dans une convention, il faut rechercher la commune intention des parties, a établi une distinction.

  • S'il y a vente d'une seule parcelle de terre, cette cession n'entraĂźne pas cession des terres vaines et vagues sauf clause contraire.
  • S'il y a vente de toute une exploitation, il faut consulter tout d’abord les termes du contrat, car si la volontĂ© de la transmission du droit y est exprimĂ©e, soit explicitement, soit mĂȘme indirectement, la cession du droit aux vagues ne peut ĂȘtre contestĂ©e.

Mais si le contrat est entiĂšrement muet, que devrait-on dĂ©cider ?

La Cour de Rennes, dans un arrĂȘt en date du dĂ©cidait que « le droit aux landes reste, dans l'opinion commune et jusqu'au partage, considĂ©rĂ© comme un accessoire de ces terres Â»[6]. La jurisprudence considĂšre donc que la commune intention des parties, en l'absence d'indications spĂ©ciales dans l'acte, est de comprendre le droit aux vagues dans l'acte de vente des terres principales.

Le vendeur peut donc conserver son droit aux terres vaines et vagues par une mention expresse dans l'acte de vente.

Cette analyse, dĂ©gagĂ©e pour les actes de vente, doit bien entendu ĂȘtre Ă©tendue Ă  d'autres mutations, telles que les Ă©changes, les partages ou les successions, pour lesquelles, sauf clause contraire, les terres vaines et vagues dont la propriĂ©tĂ© est reconnue, sont considĂ©rĂ©es comme un accessoire des terres principales servant de support Ă  l'exploitation.

La notion de propriété des terres vaines et vagues est donc complÚtement détachée de celle d'habitation du village.

Un habitant du village peut se prĂ©valoir de cette propriĂ©tĂ© s'il prouve, en remontant le fil des diverses mutations opĂ©rĂ©es depuis deux siĂšcles, que le vassal dont il est l'ayant cause Ă©tait en possession du droit de communer, en vertu d'un titre. Toutefois, un exploitant agricole possĂ©dant les terres qui servaient d'assises au droit de communer de ce mĂȘme vassal, et pouvant Ă©galement rapporter la preuve du titre demandĂ©, pourrait lĂ©gitimement, suivant la jurisprudence prĂ©citĂ©e, avancer que le droit aux vagues a Ă©tĂ© cĂ©dĂ© en mĂȘme temps que les terres agricoles.

La prescription

La question s'est souvent posée de savoir si les particuliers, ne pouvant se prévaloir de titre, pouvaient invoquer la prescription afin de faire reconnaßtre contre la commune, leur droit de propriété sur les terres vagues.

La jurisprudence a été, sur ce point, trÚs influencée par l'article 393 de la Coutume de Bretagne, selon lequel une possession est toujours précaire sans titre la confortant, et a donc trÚs rarement admis la prescription.

Elle considÚre en effet que la possession des vassaux dépourvus de titre qui était précaire sous l'ancien droit, demeure précaire, pour eux et leurs ayants cause.

Aujourd'hui, ce n'est pas seulement la Coutume de Bretagne qui ferait obstacle Ă  cette prescription, mais un article du Code Civil, l'article 2261[24].

Aux termes de celui-ci, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non Ă©quivoque, et Ă  titre de propriĂ©taire. Â»

La difficultĂ© rĂ©sulte de cette exigence d'une possession non Ă©quivoque, et Ă  titre de propriĂ©taire. En effet, la commune est prĂ©sumĂ©e ĂȘtre propriĂ©taire des terres vaines et vagues. DĂšs lors, comment un demandeur pourrait-il prouver qu'il jouit de ces terres, non en tant qu'habitant de ladite commune, mais en tant que propriĂ©taire ?

Les conditions d'une possession pouvant mener à la prescription sont donc trÚs difficiles à prouver, les juges considérant le plus souvent que les actes invoqués par les demandeurs afin de prouver leur possession à titre de propriétaire, ne constituaient que des actes de tolérance de la commune, et étaient donc équivoques.

Un arrĂȘt de la Cour de Rennes en date du rĂ©sume la position de la jurisprudence : « les anciens vassaux doivent prouver par titre (
) ; la simple jouissance ne suffit pas (
), car la loi de 1792 n'a modifiĂ© en rien la position des anciens vassaux non pourvus de titres ; s'ils ont continuĂ© Ă  jouir de ces terres dĂ©closes, ils n'ont pu le faire qu'ut universi, pour la commune, de la mĂȘme façon qu'ils le faisaient pour le seigneur. Â»[6]

Notes et références

  1. Auguste-Marie POULLAIN-DUPARC, Coutumes générales du Païs et Duché de Bretagne, Rennes, François Vatar, 1745-1748, p. 370-371
  2. « Décret n°55-884 du 30 juin 1955 », sur legifrance.fr
  3. « Code Rural (ancien), articles 58-1 et suivants », sur legifrance.fr
  4. « LOI n° 92-1283 du 11 décembre 1992 relative à la partie Législative du livre Ier (nouveau) du code rural »
  5. Cour d'appel de Dijon, arrĂȘt du 23 mai 1831
  6. Jacques Le Bras, Contribution Ă  l'Etude de la situation actuelle des terres vaines et vagues de Bretagne, Rennes,
  7. « Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 20 janvier 1965 », sur legifrance.fr
  8. Arrenter : louer une partie des terres vaines et vagues contre une rente, sous la condition qu'il en reste suffisamment pour subvenir aux besoins des vassaux inféodés du droit de communer.
  9. Afféager : disposer de terres vaines et vagues qui ne sont pas nécessaires pour subvenir aux besoins des vassaux inféodés du droit de communer.
  10. Accenser : détacher puis concéder moyennant le cens (redevance en argent et en nature) une partie des vagues sous la condition que cela ne porte pas atteinte aux droits des vassaux inféodés du droit de communer.
  11. « Réponse ministérielle à la question n°99685 du 8 février 2011 », sur questions.assemblee-nationale.fr
  12. « Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 17 avril 1970, 69-11.189 », legifrance.fr
  13. Cour de Cassation, Chambre des RequĂȘtes, 28 avril 1840.
  14. M. MERLIN, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, tome second, troisiÚme édition, Paris, Garry, , p. 590
  15. Ledru-Rollin, Journal du Palais, jurisprudence française, Paris,
  16. Poullain-Duparc, Principes du droit françois suivant les maximes de Bretagne, Rennes, François Vatar, , p. 391
  17. Cour de Cassation, Chambre des RequĂȘtes, 11 juin 1835
  18. Cour de Cassation, Chambre des RequĂȘtes, 26 juillet 1830
  19. Coutume de Bretagne, article 393 : « Si aucun veut clorre les terres, landes, prĂ©s ou autres terres dĂ©closes, oĂč plusieurs aient accoutumĂ©s d’aller venir, faire pĂąturer, justice doit laisser clore lesdites terres, nonobstant longue tenue d’y aller venir, faire pĂąturer durant qu’elles Ă©toient dĂ©closes. Â»
  20. J.-L. LE HIR, Recueil des arrĂȘts de la Cour Royale de Rennes, Tome 8, Rennes, , p. 259
  21. Aveu : dĂ©claration Ă©crite que doit fournir le vassal Ă  son suzerain lorsqu’il entre en possession d’un fief
  22. DĂ©cret du 17 juillet 1793, article 1 : « Toutes redevances ci-devant seigneuriales, droits fĂ©odaux, fixes et casuels, mĂȘme ceux consacrĂ©s par le dĂ©cret du 25 aoĂ»t dernier, sont supprimĂ©s sans indemnitĂ© »
  23. « Article 1188 du Code Civil », sur legifrance.fr
  24. « Article 2261 du Code Civil », sur legifrance.fr
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