Terre de parole, Terre de partage
Terre de parole, Terre de partage est la devise de la collectivitĂ© française de Nouvelle-CalĂ©donie, qui s'ajoute Ă la devise LibertĂ©, ĂgalitĂ©, FraternitĂ© qui reste celle de la RĂ©publique française dont l'archipel fait partie. Il constitue l'un des cinq signes identitaires prĂ©vus par l'Accord de NoumĂ©a.
Historique
La phrase « Terre de parole, Terre de partage » est inventĂ©e par Jean-Brice Herrenschmidt, chercheur Ă l'IRD de NoumĂ©a en gĂ©ographie culturelle et sciences sociales, spĂ©cialisĂ© dans l'Ă©tude des territoires coutumiers en MĂ©lanĂ©sie. Elle est candidate du concours organisĂ© par le ComitĂ© de pilotage sur les signes identitaires du pays (CPSIP) pour choisir trois de ces symboles (l'hymne, la devise et le graphisme des billets de banque). En effet, l'article 5 du premier titre de l'Accord de NoumĂ©a signĂ© en 1998 prĂ©voit que : Des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque devront ĂȘtre recherchĂ©s en commun pour exprimer l'identitĂ© kanake et le futur partagĂ© entre tous.[1] Ceux-ci doivent ĂȘtre dĂ©finis alors comme une marque de l'autonomie de la collectivitĂ© de Nouvelle-CalĂ©donie, et non pas comme une accession Ă l'indĂ©pendance.
« Terre de parole, Terre de partage » devient la devise laurĂ©ate au dĂ©but du mois d'avril 2008 et est adoptĂ©e officiellement par le gouvernement collĂ©gial local (en mĂȘme temps que le projet d'hymne et les propositions de graphisme des billets) le , date du 20e anniversaire des Accords de Matignon, en Ă©tant interprĂ©tĂ©e par la chorale MĂ©lodia[2].
Le projet de devise, de mĂȘme que l'hymne (mais pas la graphie des billets, changement jugĂ© prĂ©maturĂ© et couteux), est approuvĂ© par le Conseil Ă©conomique et social local le [3]. Le projet de loi de pays sur les trois signes reçoit par la suite l'agrĂ©ment du Conseil d'Ătat le [4].
Cette devise apparaßt indirectement dans le discours de politique générale prononcé par le président du Gouvernement local, Philippe GomÚs, devant le CongrÚs de la Nouvelle-Calédonie le . En effet, il y présente cinq axes prioritaires à l'action de son gouvernement pour la mandature, résumés à travers cinq phrases : « terre de parole », « terre de partage », « terre de développement », « terre de respect » et « terre de vivre ensemble »[5]
Le , la Commission spéciale des signes identitaires du CongrÚs de la Nouvelle-Calédonie adopte à l'unanimité ce projet de loi, et donc la devise[6]. Le projet de loi de pays portant sur les trois premiers signes identitaires (hymne, devise et graphie des billets) est finalement adopté en séance pléniÚre du CongrÚs le , par 49 voix sur 54 tandis que 5 s'abstiennent (les 4 du Parti travailliste et Jean-Luc Régent du Rassemblement pour la Calédonie)[7].
Symbolique
Lors de l'exposé des motifs de la loi de pays relative aux signes identitaires de la Nouvelle-Calédonie, l'auteur de la devise, Jean-Brice Herrenschmidt, a expliqué ainsi la symbolique des termes utilisés :
« Le mot terre traduit lâenracinement en Nouvelle-CalĂ©donie tant des Kanak que de tous ceux dont les ancĂȘtres y sont enterrĂ©s.
Le mot parole tĂ©moigne du fait que la parole, ainsi que sa circulation, est fondatrice des sociĂ©tĂ©s kanak mais aussi que la parole donnĂ©e, qui a pris la forme technique dâ« accords », exprime le dĂ©sir de paix de tous.
Et le mot partage traduit tout Ă la fois, la possibilitĂ© d'une reconnaissance interculturelle, la communautĂ© de destin, la solidaritĂ© et lâouverture sur le monde.[8] »
Lors de la sĂ©ance du vote de la loi de pays, Jean-Brice Herrenschmidt se prĂ©sente non comme l'auteur de la phrase mais comme « un passeur de mots » ou le « traducteur » dâune expression populaire, fruit de son expĂ©rience de chercheur sur le terrain. Il prĂ©cise le sens des diffĂ©rentes expressions : la « Terre » est pour lui le « support de lâidentitĂ© collective », tandis que la « parole [...] a organisĂ© la sociĂ©tĂ©. Câest le fondement de la culture kanak. Câest ce qui permet Ă une dĂ©mocratie de vivre ». Enfin le « partage » invite « Ă lâinterculturalitĂ© », Ă la solidaritĂ©, Ă une meilleure rĂ©partition des richesses, Ă la communautĂ© de destin[7].
Critiques
Lors de la sĂ©ance du vote de la loi de pays, la devise est surtout critiquĂ©e par l'unique Ă©lu du LKS, l'indĂ©pendantiste NidoĂŻsh Naisseline (qui a nĂ©anmoins votĂ© le texte). Il Ă©met une mise en garde Ă son Ă©gard : « Il faut se mĂ©fier des rĂ©cupĂ©rations politiques », et regrette que l'expression ne soit pas rĂ©ellement traduisible dans sa langue maternelle, le nengone. Il lui reproche Ă©galement d'avoir Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par un universitaire d'origine europĂ©enne (qu'il qualifie de « descendant de James Cook » car, « comme James Cook, arrive de lâextĂ©rieur ») et non par un Kanak, ajoutant : « Je me mĂ©fie des spĂ©cialistes du monde kanak ou monde calĂ©donien »[9] - [7].
Références
- Article 1.5 de l'accord de Nouméa
- M. Baltzer, « Le pays a son hymne et sa devise », Les Nouvelles calédoniennes, 27/06/2008
- « Un signe identitaire recalé par le CES », Les Nouvelles Calédoniennes, 30/08/2008
- H. LEPOT, « Le Conseil dâĂtat approuve les signes identitaires », Les Nouvelles CalĂ©doniennes
- H. LEPOT, P. FRĂDIĂRE, « La leçon de "vivre ensemble" du gouvernement GomĂšs », Les Nouvelles CalĂ©doniennes, 01/09/2009
- « C. L., « Lâhymne calĂ©donien votĂ© au CongrĂšs le 18 aoĂ»t (Audio) », Les Nouvelles CalĂ©doniennes, 29/07/2010 »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?)
- Y. MAINGUET, « Le plus dur commence », Les Nouvelles Calédoniennes, 19/08/2010
- Présentation de la devise sur le site associatif www.signes-identitaires-nc.com
- Séance du 18 août 2010 du CongrÚs de la Nouvelle-Calédonie, mis en ligne en direct le 18/08/2010