Tell Sabi Abyad
Tell Sabi Abyad est un site archéologique situé actuellement en Syrie du Nord, dans la vallée du Balikh (à mi-chemin entre Alep et Mari), région longtemps ignorée des archéologues car réputée pauvre et insalubre.
Tell Sabi Abyad (ar) ŰȘÙ ŰłŰ§ŰšÙ Ű§ŰšÙۧ۶ | ||
Localisation | ||
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Pays | Syrie | |
Gouvernorat | Ar-Raqqa | |
CoordonnĂ©es | 36° 31âČ 13âł nord, 39° 05âČ 00âł est | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Syrie
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Histoire | ||
Ăpoque | VIe millĂ©naire jusqu'Ă la fin du IIe millĂ©naire av. J.-C. | |
Il a été occupé de maniÚre discontinue sur une trÚs longue période, du VIe millénaire (Néolithique) jusqu'à la fin du IIe millénaire av. J.-C. (ùge du bronze récent).
Le site est formé de quatre tells de 0,5 à 5 hectares numérotés Tells Sabi Abyad I à IV et d'une profondeur de 60 mÚtres[1].
Le plus étendu des quatre tells, Tell Sabi Abyad I, a été occupé pendant la période du bronze final. Il comporte les restes bien conservés d'une petite forteresse assyrienne avec des archives abondantes de textes cunéiformes de la fin des XIIIe et XIIe siÚcles av. J.-C.. Le site a alors été le siÚge de l'un des hommes les plus influents de cette époque en Assyrie : le grand vizir et vice-roi Ili-Pada[1].
Fouilles
Depuis 1986, d'importantes fouilles ont Ă©tĂ© conduites par le musĂ©e de Leyde et sous la direction de P. Akkermans, sur trois d'entre eux (I, II et III). Le quatriĂšme ne peut pas ĂȘtre fouillĂ© parce qu'il sert actuellement de cimetiĂšre aux habitants du village de Hammam atâTurkman (en arabe : áž„ammÄm al-turkmÄn, ŰÙ Ű§Ù Ű§ÙŰȘ۱ÙÙ Ű§Ù) et est pratiquement complĂštement recouvert par les tombes rĂ©centes. Les fouilles montrent que ces sites ont Ă©tĂ© occupĂ©s entre 7500 et 5500 av. J.-C., mais pas toujours de façon simultanĂ©e : Les habitants se sont dĂ©placĂ©s d'un site Ă l'autre au cours des siĂšcles[1]. Les fouilles sont aujourd'hui Ă l'arrĂȘt Ă la suite de l'avancĂ©e de l'Ătat islamique et le site a Ă©tĂ© pillĂ© par les terroristes.
Occupation néolithique
L'occupation néolithique de Sabi Abyad remonte aux alentours de 7000 av. J.-C., et dure jusqu'aux environs de 5700 av. J.-C., ce qui en fait une séquence trÚs longue. Les trouvailles ont été faites sur un espace d'environ 5 hectares, mais les différentes phases d'occupation se font sur un espace bien plus réduit, de l'ordre de 0,5 à 1 hectare, et les villages successifs n'ont sans doute pas dépassé la centaine d'habitants.
Les niveaux les plus anciens ont un habitat de forme rectangulaire, des maisons comprenant plusieurs piÚces, avec des murs faits en pisé ou en dalles d'argiles, plùtrés en blanc. Les foyers, fours et contenants de stockage fixes sont parfois situés à l'intérieur, mais plus souvent à l'extérieur. Des terrasses artificielles de 7 à 6 mÚtres environ, avec une hauteur de 1 m, sont érigées sur le site, afin de servir de fondations à des habitations, ou bien sans constructions dessus.
La céramique apparaßt dÚs les phases anciennes, vers 6900-6800 av. J.-C., ce qui en fait une des plus anciennes attestations en Syrie. Il s'agit de poteries à dégraissant minéral, parfois peintes. AprÚs 6700 apparaßt une poterie à dégraissant végétal produite en grande quantité, la plupart du temps sans décor.
Vers 6200 av. J.-C. l'architecture connaßt des changements avec l'apparition de grandes structures de stockage, et des petits bùtiments circulaires (« tholoi »), ce qui marque le début de la culture de Halaf. La poterie à décor connaßt un développement important, sous différentes formes. Les fusaïoles en argile sont nombreuses, témoignant de l'essor de la production de textiles. Ces niveaux ont également livrés des sceaux, qui indiquent que des procédures administratives se mettent en place, sans doute pour le contrÎle des espaces de stockage et de la circulation des produits qui y sont emmagasinés.
Le niveau du « village brûlé », détruit comme son nom l'indique par un incendie, vers 6000 av. J.-C., a livré de nombreux objets figés dans la catastrophe : poteries, vases en pierre, objets en silex et obsidienne, matériel de broyage en pierre, figurines, ornements, empreintes de sceaux sur argile. Les greniers ou magasins, occupant le centre du village, sont des structures rectangulaires de plan tripartite, constituées de petites piÚces de 3 à 5 m³. Autour se trouvent des « tholoi » de 4 mÚtres de diamÚtre, qui ont souvent une durée d'existence courte, étant réguliÚrement remplacés par des nouveaux.
Au dĂ©but du VIe millĂ©naire av. J.-C. une structure monumentale est construite sur le site, d'environ 18 Ă 10 m, et peut-ĂȘtre une vingtaine de piĂšces, qui sert peut-ĂȘtre de grenier collectif. Sa façade plĂątrĂ©e est dĂ©corĂ©e de niches, et le bĂątiment comprenait peut-ĂȘtre un Ă©tage.
Un centre provincial d'époque médio-assyrienne
L'occupation d'époque médio-assyrienne
Les fouilleurs ont d'abord travaillĂ© sur la forteresse (dunnu) carrĂ©e, qui nâoccupe quâune petite partie du site avec ses 60 mĂštres de cĂŽtĂ©. On a Ă©galement fouillĂ© les remparts, avec des murs de 2 mĂštres dâĂ©paisseur et des doubles remparts par endroits et une porte dâ1,60 mĂštre de largeur. En face, le palais, rĂ©sidence dâIli-Pada, est construit sur un plan tripartite, avec de petites piĂšces sur les cĂŽtĂ©s (dont des latrines). On y a Ă©galement dĂ©couvert de vastes chambres dâhĂŽtes. Enfin, des habitations, des entrepĂŽts et des ateliers ont aussi Ă©tĂ© retrouvĂ©s. En particulier un atelier de potier avec des ratĂ©s de cuisson et des rĂ©cipients non cuits).
Les tablettes médio-assyriennes de Tell Sabi Abyad.
DĂ©couvertes surtout en 1997, il s'agit en tout de plus de 400 tablettes, la plupart datant du rĂšgne dâAssur-nerari III (1192-1187) ou des rĂšgnes prĂ©cĂ©dents. Les textes se situaient surtout dans le « bĂątiment aux archives », un bureau situĂ© Ă lâentrĂ©e de la forteresse et incendiĂ© Ă la fin de l'Ă©poque mĂ©dio-assyrienne. Les sceaux retrouvĂ©s nous montrent que câest lĂ que travaillait Tammite, lâintendant (abarakku) de la forteresse, sous les ordres dâIli-Pada. Les produits y Ă©taient reçus et les nombreux scellements Ă©taient ensuite jetĂ©s dans la cour. L'empreinte dâune planche en bois prouve quâelles se trouvaient alignĂ©es dans un coffre. Certaines sont intactes (scellement, avec un griffon Ă lâavers).
Ces textes, Ă©tudiĂ©s par F.A.M. Wiggermann, de lâuniversitĂ© dâAmsterdam, sont surtout des textes administratifs mais on a aussi retrouvĂ© des ordres de mission, de la correspondance privĂ©e, quatre textes divinatoires, deux hymnes Ă Ishtar Ă lâoccasion dâun couronnement (Ă©crits Ă Assur et ensuite envoyĂ©s, ils insistent sur le rĂŽle du roi Assur-nadin-apli comme amant de la dĂ©esse). Enfin, il faut mentionner le traitĂ© entre le grand vizir Ili-Pada et les chefs des Nihsanu, tribu sutĂ©enne. Câest un traitĂ© dâassistance mutuelle, par lequel les chefs sutĂ©ens promettent de ne pas venir en aide aux ennemis de lâAssyrie (Hatti, SubarĂ©ens et autres SutĂ©ens) en les nourrissant. Le texte rĂšglemente aussi lâachat de biĂšre par les nomades. Dans l'ensemble, ces textes permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la garnison et l'entremĂȘlement des affaires privĂ©es et publiques de quelques hauts dignitaires comme Ili-Pada.
Les dirigeants et leurs relations
Parmi les personnages importants mentionnĂ©s dans la documentation, il y a le grand vizir Assur-iddin, liĂ© Ă la famille royale babylonienne (branche descendante dâEriba-Marduk). Assur-iddin se rend Ă Tell Sabi Abyad lors de visites dâinspection et loge dans la citadelle oĂč vit aussi son fils, Ili-Pada, qui gĂšre les affaires privĂ©es de la famille en son absence. Ili-Pada apparaĂźt dans les sources assyriennes comme grand vizir mais il se prĂ©sente lui-mĂȘme comme le « roi du Hanigalbat » (le sceau d'Ili-Pada est de style assyrien mais propose un thĂšme assez rare, ce qui pose la question des origines de la famille) et lâun de ses fils, Ninurta-apil-Ekur, monte sur le trĂŽne en 1182. Ili-Pada entretient peut-ĂȘtre une cour puisqu'un texte mentionne les dĂ©penses importantes en biĂšre. Enfin, la documentation fait aussi ressortir le rĂŽle de Tammite, un intendant dâIli-Pada. Tammite porte un nom provenant dâAnatolie du Nord mais son sceau est trĂšs assyrien (thĂšme du griffon), si bien que lâon ignore son origine. Ses activitĂ©s ressemblent Ă celle dâun gouverneur mais il travaille et ne rend des comptes quâĂ la famille dâAssur-iddin. Il gĂšre les affaires quotidiennes (ordonne aux ouvriers, conclut des contrats, reçoit des invitĂ©s et rĂ©ceptionne des marchandises, il espionne, sâoccupe de la douane). Plusieurs textes montrent les rĂ©primandes quâil doit subir. Tammite semble ĂȘtre responsable de la justice sur d'autres sites alentour puisque cinq textes sont des rapports envoyĂ©s Ă la cour, ou Tammitte raconte les sentences prononcĂ©es Ă la forteresse voisine de Sahlalu.
L'exploitation du territoire provincial
Tell Sabi Abyad apparaĂźt comme le chef-lieu de la rĂ©gion. De lĂ , on y approvisionne les forteresses, reçoit les plaintes en cas de manquement ainsi que les demandes dâAssur. La main dâĆuvre au service des dirigeants est importante : Tammitte emploie environ 1 000 personnes (environ 500 sont des esclaves, notamment des prisonniers de guerre, lâautre moitiĂ© des dĂ©pendants assyriens). Les textes administratifs montrent que l'on reçoit des travailleurs depuis Assur (ouvriers agricoles, tanneurs, briquetiers, chanteurs). Les "SubarĂ©ens" (Hourrites) sont les seuls Ă vivre dans la forteresse, sans doute emprisonnĂ©s dans la tour carrĂ©e. Plusieurs tablettes donnent des indices sur la surface agricole de la province : ainsi le grain stockĂ© sur une annĂ©e est de 487 300 litres, dont 66 300 sont conservĂ©s pour la moisson suivante et 84 400 sont redistribuĂ©s aux alentours.
Des fermes se situaient autour de la forteresse et la mission hollandaise a Ă©galement fouillĂ© le site voisin de Khirbet esh-Shenef entre 1988 et 1991. L'Ă©tude des restes d'ossements nous renseigne Ă©galement sur l'Ă©levage dans la rĂ©gion : moutons et brebis sont rares (la moitiĂ© du total) et tuĂ©s jeunes, alors que le nombre de porcs (de taille rĂ©duite) est plus important que dâhabitude. Aussi, les Ă©quidĂ©s reprĂ©sentent 25 % des ossements retrouvĂ©s mais il s'agit surtout d'onagres, rĂ©sultat de la chasse. De nombreux textes traitent de la livraison de matiĂšres premiĂšres pour crĂ©er de nombreux produits (harnachements de chevaux, pointes de flĂšches, pour les chars).
Enfin, la fonction douaniĂšre de la forteresse apparaĂźt dans quelques textes et des marchands de Sidon, en route pour l'Assyrie, sont mentionnĂ©s. Ainsi, dans ce texte traduit par Wiggermann : « Ă Tammite, ainsi parle Nabu-nasir [fonctionnaire dâĂtat] : DĂšs que tu auras lu ma lettre, agis ! Je tâai ordonnĂ© de contrĂŽler toi-mĂȘme toutes les caravanes venant de Karkemish. Jâai dit : « Scelle toutes les marchandises. Jâai entendu dire que des caravanes arrivaient ; une fois encore, appose le sceau sur toutes les marchandises mĂȘme si elles appartiennent Ă Ili-Padda, des princes ou des princesses. Jâai Ă©galement entendu dire que des caravanes transportaient des onguents. Sâil venait Ă en manquer, tu serais certainement exĂ©cutĂ© ». Cet extrait illustre aussi lâapport le plus important de la documentation de tell Sabi Abyad : le partage du pouvoir royal mĂ©dio-assyrien avec les grandes familles. Le site apparaĂźt en effet comme le domaine rĂ©servĂ© du grand vizir : c'est une rĂ©sidence secondaire pour sa famille, mĂȘme si son fonctionnement nâapparaĂźt quâen creux et son exploitation sert de base aux ambitions de cette famille, qui finit par monter sur le trĂŽne.
Notes et références
- (en) « Tell Sabi Abyad â The Mound of the White Boy », sur Leiden University
Bibliographie
- Kouwenhoven, A. « La forteresse dâun puissant assyrien du XIIIe siĂšcle av. J.-C. », ArchĂ©ologia 344, Dijon, avril 1998, p. 14-17.
- Akkermans, P. et Wiggermann, F. « Sentinelle de l'empire assyrien : la forteresse de tell Sabi Abyad », Archéologia 358, Dijon, juillet/août 1999 p. 56-65.
- (en) P. M. M. G. Akkermans, « áčąabÄ«y Abyaáž, Tall (Sabi Abyad). », dans Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatischen ArchĂ€ologie, vol. XI, 2006-2008, p. 476-478
Voir aussi
Liens externes
- (nl) (en) « Tell Sabi Abyad », sur Rijksmuseum van Oudheden, par l'équipe néerlandaise fouillant le site
- (nl) (en) « Tell Sabi Abyad », sur Friends of Sabi Abyad
- (en) « Tell Sabi Abyad. », sur Persée. Présentation du rapport fait par Peter M. M. G. Akkermans sur les fouilles de la partie néolithique du site
- (en) « Tell Sabi Abyad â The Mound of the White Boy », sur Leiden University