Tahuata
Tahuata est une Ăźle du groupe sud de lâarchipel des Marquises, en PolynĂ©sie française, distante de seulement 4 km de lâĂźle voisine dâHiva Oa, dont elle est sĂ©parĂ©e par le Haâava, ou Canal du Bordelais.
Tahuata | |||
Image satellite de Tahuata. | |||
GĂ©ographie | |||
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Pays | France | ||
Archipel | Ăles Marquises | ||
Localisation | Océan Pacifique | ||
CoordonnĂ©es | 9° 56âČ 00âł S, 139° 05âČ 00âł O | ||
Superficie | 61 km2 | ||
Point culminant | Mont Tumu Meae Ufa (1 050 m) | ||
Administration | |||
Collectivité d'outre-mer | Polynésie française | ||
DĂ©mographie | |||
Population | 653 hab. (2017) | ||
Densité | 10,7 hab./km2 | ||
Plus grande ville | Vaitahu | ||
Autres informations | |||
Fuseau horaire | UTC-9:30 | ||
Géolocalisation sur la carte : Polynésie française
GĂ©olocalisation sur la carte : Ăźles Marquises
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Ăles en France | |||
Câest la plus petite Ăźle habitĂ©e de lâarchipel. Elle fait partie de la commune de Tahuata.
Aspects physiques
GĂ©ographie
Tahuata est situĂ©e juste au sud de lâĂźle dâHiva Oa, lâĂźle principale du groupe sud des Marquises, dont elle nâest sĂ©parĂ©e que par le Canal du Bordelais (Haâava en marquisien), un chenal de trois kilomĂštres de large seulement, mais traversĂ© par un fort courant marin pouvant aller jusquâĂ vingt nĆuds.
Dâune superficie de 61 kmÂČ, elle a la forme dâun croissant long de quinze kilomĂštres, orientĂ© et allant sâamenuisant vers le sud-est. LâĂźle est trĂšs montagneuse, avec une arĂȘte centrale qui la parcourt sur toute sa longueur, des versants escarpĂ©s coupĂ©s par de profondes vallĂ©es, de hautes falaises terminĂ©es par des Ă©perons rocheux en contreforts. Le tout forme une cĂŽte trĂšs dĂ©coupĂ©e.
Elle comprend Ă©galement de petites baies aux plages de sable blanc baignĂ©es dâune eau limpide. Tahuata est en effet lâĂźle marquisienne qui a le plus de formations coralliennes, dans un archipel qui en est presque totalement dĂ©pourvu.
GĂ©ologie
Tahuata est une Ăźle haute, volcanique. Elle est traversĂ©e par une chaine montagneuse culminant Ă 1050 mĂštres, au mont Tumu Mea Ufa, et Ă 1000 mĂštres au mont Pahio. Cette chaine, dĂ©crivant un arc de cercle dâest vers le sud, est ce qui reste de la caldeira principale du volcan qui a donnĂ© naissance Ă lâĂźle. Elle mesure environ neuf kilomĂštres de diamĂštre. Ă lâintĂ©rieur de cette caldeira se trouve une autre ride montagneuse, plus basse, laissant voir lâemplacement dâun second cratĂšre plus quâĂ moitiĂ© ennoyĂ©, dont le diamĂštre devait ĂȘtre approximativement de quatre kilomĂštres. Il nâest pas encore possible de savoir sâil sâagit de la caldeira dâun deuxiĂšme volcan plus tardif, ou dâun second effondrement du volcan primitif.
LâĂąge de Tahuata est datĂ© de 2,90 Ă 1,75 million dâannĂ©es[1]. Sa formation est donc contemporaine de celle de sa voisine Hiva Oa. Les deux Ăźles pourraient avoir fait partie dâun mĂȘme ensemble volcanique.
Flore et faune
La encore, les deux Ăźles sont liĂ©es. Leur proximitĂ© fait quâelles partagent les mĂȘmes espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales. Ă titre dâexemple, les cinq espĂšces dâoiseaux endĂ©miques aux Marquises prĂ©sentent Ă Tahuata se retrouvent toutes Ă Hiva Oa.
Aspects humains
Histoire
Tahuata ne semble pas avoir Ă©tĂ© habitĂ©e avant le IIIe siĂšcle. Aucune trace archĂ©ologique antĂ©rieure Ă cette Ă©poque nây a Ă©tĂ© dĂ©couverte. En arrivant dans lâĂźle, les PolynĂ©siens apportĂšrent des plantes et des animaux inconnus dans lâarchipel. Quarante-et-une espĂšces de plantes et dâanimaux, dont le cochon, le chien, et le rat, ont ainsi Ă©tĂ© identifiĂ©es[2].
Les Marquisiens de lâĂźle Ă©taient traditionnellement alliĂ©s Ă ceux de la province de Nuku, dans la partie ouest de Hiva Oa. LâĂźle Ă©tait dâailleurs considĂ©rĂ©e comme partie intĂ©grante de la province.
Selon les indications de Cook (1797), quatre tribus se partageaient l'ile. Les Hema occupaient les baies de Vaitahu et Iva Iva, les Ahutini habitaient à Hapatoni, Hanateio et Hanatetena, les Uavi se trouvaient dans les fonds de vallées ou les hauteurs, et les Tupohe dans la vallée de Motopu. Mais ceux-ci furent exterminés par une alliance des Hema et des Ahutini
Tahuata est la premiĂšre Ăźle de lâarchipel Ă avoir Ă©tĂ© foulĂ©e par un Occidental. Le , le navigateur espagnol Ălvaro de Mendaña de Neira dĂ©barque dans le village de Vaitahu. Ce premier contact est ambigu : dans le journal de Pedro FernĂĄndez de QuirĂłs, chef-pilote de lâexpĂ©dition, lâaccueil rĂ©servĂ© par les habitants est notĂ© comme chaleureux, avec des jeunes femmes sâoffrant spontanĂ©ment aux visiteurs, et des Ă©changes dâobjets, de techniques et de vocabulaire de part et dâautre. Mais dâun autre cĂŽtĂ©, la rencontre se solde par de nombreux morts chez les PolynĂ©siens. QuirĂłs avance le chiffre de deux cents morts[3]. Ces tueries semblent avoir Ă©tĂ© provoquĂ©es par la peur des Espagnols dâĂȘtre dĂ©bordĂ©s par les Marquisiens, en nette supĂ©rioritĂ© numĂ©rique, et Ă lâaspect impressionnant (physique musclĂ©, tatouages). Ă la suite de ce premier contact sanglant, les habitants de Tahuata se mĂ©fiĂšrent longtemps des explorateurs et marchands occidentaux qui abordĂšrent leur Ăźle.
Mendaña baptise lâarchipel quâil vient de dĂ©couvrir « Las Marquesas de Mendoza », du nom de lâhomme qui lui a permis de monter son expĂ©dition, le vice-roi du PĂ©rou Don GarcĂa Hurtado, marquis de Mendoza (vice-roi de 1588 Ă 1595). Ce nom, abrĂ©gĂ© en Marquesas (marquis en français, mais traduit en Marquises) est restĂ© celui de lâarchipel jusquâĂ aujourdâhui. Quant Ă Tahuata, il la baptise Santa Cristina, lâĂźle ayant Ă©tĂ© vue la premiĂšre fois le , jour de la Sainte Christine. Une stĂšle, Ă Vaitahu, rappelle cet Ă©pisode, en prĂ©cisant que le nom originel et marquisien de lâarchipel est « Fenua Enata », traduit habituellement par « Terre des hommes ».
Durant prĂšs de deux siĂšcles, lâarchipel tout entier ne reçoit aucune visite dâOccidental. Le premier Ă y retourner est lâexplorateur britannique James Cook, en 1774. Ă sa suite, viennent des missionnaires protestants en 1797, puis catholiques en 1838, pour tenter dâĂ©vangĂ©liser les habitants. Mais ils se heurtent Ă la mĂ©fiance, voire lâhostilitĂ©, des Marquisiens, et Ă©chouent dans leur tĂąche. Les missionnaires catholiques sont des français, de la congrĂ©gation de Picpus. Ils sont amenĂ©s Ă Tahuata par lâamiral Dupetit-Thouars.
En 1842, il revient aux Marquises, chargĂ© par le gouvernement du roi Louis-Philippe de trouver un point dâappui dans le Pacifique pour les marchands et les chasseurs de baleines français. Ă cette Ă©poque, lâĂźle de Tahuata est unie sous la banniĂšre dâun seul chef, Iotete. Celui-ci lui demande de lui laisser quelques hommes, des chevaux et des canons, car il sâinquiĂšte des visĂ©es amĂ©ricaines sur son Ăźle. Dupetit-Thouars en profite pour lui faire signer, le , une dĂ©claration dans laquelle Iotete reconnait la souverainetĂ© de la France sur tout le groupe sud-est des Marquises. Tahuata devient ainsi française. Quelques mois plus tard, Iotete comprend quâil sâest fait dĂ©possĂ©der de son autoritĂ©. En septembre, il gagne les montagnes Ă lâintĂ©rieur de lâĂźle. Une guĂ©rilla sâinstalle le ; ce jour-lĂ 24 marins français et leurs deux officiers (Capitaine de corvette Michel Edouard Halley et Lieutenant de vaisseau Philippe Alexandre Laffon de Ladebat)sont tuĂ©s. Face Ă l'artillerie lourde de deux vaisseaux de guerre (Le BucĂ©phale et La Boussole) et aux renforts marquisiens de l'Ăźle voisine Taiohae, les Marquisiens se retirent dans la montagne et la paix est signĂ©e le .
Progressivement, lâintĂ©rĂȘt des Français pour les Marquises et Tahuata diminue, remplacĂ© par celui quâils ont pour Tahiti et les Ăles de la SociĂ©tĂ©. La garnison de Vaitahu se dĂ©garnit au fil des ans, et est abandonnĂ©e en 1847. En 1849, câest au tour des missionnaires de suivre le mĂȘme chemin. Par la suite, les seuls contacts avec les Occidentaux sont ceux avec les baleiniers, santaliers et navires de commerce de passage, qui amĂšnent avec eux alcool, opium, armes Ă feu, prostitution et maladies infectieuses, qui dĂ©ciment la population, comme dans le reste de lâarchipel. Lâancienne culture disparait, laissant lâĂźle en dĂ©sordre pour plus de trente ans.
Néanmoins, la loi du 8 juin 1850 fait de Vaitahau, l'un des villages actuels de Tahuata, le lieu prévu pour la déportation en enceinte fortifiée (art. 4). L'ßle de Nuka-Hiva est utilisée pour la déportation simple.
En 1880, le contre-amiral français Bergasse Dupetit-Thouars rĂ©tablit lâordre dans les Marquises du sud-est, et place des gendarmes Ă Vaitahu. La prĂ©sence française restera Ă Tahuata jusquâĂ aujourdâhui.
Population
La population de cette seule ßle est estimée par Nicholas Thomas (en) (1960-) à au moins 7 000 habitants (et au maximum à 15 000) en 1800, à 4 000 en 1830, et à 2 000 en 1840. La dépopulation catastrophique tiendrait aux changements sur le demi-siÚcle : rivalités intertribales, marchandisation de l'artisanat, échanges inégaux, commerce diminuant les réserves locales de nourriture, maladies sexuellement transmissibles.
Les habitants sont maintenant rĂ©partis dans quatre villages, deux Ă lâouest, Vaitahu et Hapatoni, et deux Ă lâest, Motopu et Hanateio, chacun dans une vallĂ©e diffĂ©rente.
La population de lâĂźle croĂźt lentement. MalgrĂ© lâabsence dâaĂ©roport, la proximitĂ© avec Hiva Oa permet dâĂ©viter un dĂ©clin dĂ©mographique, comme celui de Fatuiva. En 2012, l'Ăźle comptait 703 habitants[4]
Les habitants parlent la langue marquisienne du sud et le français.
Ăconomie
LâĂ©conomie de Tahuata est encore principalement tournĂ©e vers le secteur primaire. Les vallĂ©es fertiles permettent la culture du manioc et de la banane, en plus du coprah et du noni. Jusque dans les annĂ©es 1980, on trouvait aussi du cafĂ©. La pĂȘche y est Ă©galement importante, en particulier la pĂȘche Ă la langouste.
Lâartisanat amĂšne un complĂ©ment de revenu. Presque tous les hommes sculptent le bois de rose et lâos, quâil soit de cheval ou de poisson, et le rostre dâespadon. Les sculptures reprennent les motifs traditionnels marquisiens et polynĂ©siens. Un centre dâartisanat se trouve Ă Vaitahu, Ă cĂŽtĂ© de la mairie. Les artisans vendent leurs productions aux touristes et Ă des commerçants de passage, qui les revendent ensuite Ă Tahiti.
ĂclipsĂ©e par sa grande voisine, Tahuata est moins frĂ©quentĂ©e par les touristes. Elle compte pourtant de nombreux atouts, tant naturels que culturels. Sur la cĂŽte est, on trouve de belles plages de sable blanc, dues aux formations coralliennes prĂ©sentes en bordure de lâĂźle[5]. Ă Vaitahu, on peut voir lâĂ©glise moderne, mĂ©lange de style europĂ©en et marquisien ; le musĂ©e archĂ©ologique ; le port oĂč prit pied le premier explorateur Occidental ; les vestiges du fort français construit en 1850 ; le cimetiĂšre marin, et des sites archĂ©ologiques. Ă Hapatoni, lâallĂ©e royale, lâĂ©glise, et le marae. Dans la vallĂ©e de Hanateio se situent des sites archĂ©ologiques comprenant des pĂ©troglyphes en bon Ă©tat de conservation.
En , Tahuata a organisé le premier mini festival des arts des ßles Marquises
Infrastructures
La mairie se situe Ă Vaitahu, ainsi qu'un bureau de poste et une infirmerie. Il n'y a pas de banque ; la carte bancaire nâest pas utilisĂ©e dans lâĂźle. On trouve des Ă©coles maternelles et primaires dans les diffĂ©rents villages de l'Ăźle.
Il n'y a pas dâaĂ©roport, il faut utiliser celui de Hiva Oa et prendre ensuite un autre moyen de transport : le catamaran communal Tahuata Nui (traversĂ©e de cinquante minutes), lâhĂ©licoptĂšre (dix minutes), les speed-boats. Des cargos desservent rĂ©guliĂšrement lâĂźle : lâAranui toutes les trois semaines, le Taporo une Ă deux fois par mois. Le relief accidentĂ© empĂȘche la crĂ©ation dâun quai accessible aux gros bateaux. Les passagers et marchandises doivent utiliser une baleiniĂšre pour dĂ©barquer.
Notes et références
- [PDF] R. Brousse, H.G. Barsczus, H. Bellon, J.M. Cantagrel, C. Diraison, H. Guillou, C. Léotot, « Les Marquises (Polynésie française) : volcanologie, géochronologie, discussion d'un modÚle de point chaud », in Bulletin de la Société Géologique de France, 1990, 6 (6), p. 933-949, sur http://www.ird.fr/, Institut de recherche pour le développement (IRD), (consulté le )
- Cette faune et flore Ă©trangĂšre a Ă©tĂ© dĂ©couverte durant lâĂ©tĂ© 1997, lors de fouilles archĂ©ologiques dans la vallĂ©e de Vaitahu, menĂ©es par Barry Rolett, professeur de lâUniversitĂ© de HawaĂŻ.
- Ce chiffre est toutefois sujet Ă caution. QuirĂłs peut avoir artificiellement gonflĂ© ce chiffre, afin de convaincre le roi Ă leur retour en Espagne quâil Ă©tait plus apte Ă diriger une expĂ©dition que son capitaine. En reprenant le dĂ©tail des morts comptabilisĂ©s par le pilote, on arrive au chiffre de vingt-cinq Ă septante morts.
- La population légale au 22 août 2012, Institut de la statistique de la Polynésie française.
- Alain Gerbault Ă©crivait, Ă propos des baies jumelles de Iva iva nui et Iva iva iti et de leur plages : « Câest une des rares fois oĂč jâeus le dĂ©sir de possĂ©der de la terre ».
Voir aussi
Autres noms
- Dans la lĂ©gende de la construction des Ăźles Marquises, selon laquelle chaque Ăźle de lâarchipel est une partie de la maison des Dieux, Tahuata signifie lâaube, signe pour le Dieu constructeur quâil devait se hĂąter de finir son ouvrage, qui devait impĂ©rativement ĂȘtre terminĂ© avant le lever du soleil.
- lâĂźle aux oiseaux, lâĂźle du monoĂŻ, surnoms parfois donnĂ© Ă lâĂźle.
- Santa Cristina en 1595, par Alvaro de Mendaña
- Taowatta en 1793, par Josuah Roberts
- Tahou-Aita en 1838 par Dumont dâUrville
Bibliographie
- Pedro FernĂĄndez de QuirĂłs : Histoire de la dĂ©couverte des RĂ©gions Australes (Salomon, Marquises, Santa Cruz, Tuamotu, Cook du nord, Vanuatu), Paris, 2001, LâHarmattan.
- Emmanuel et Aiu Deschamps in LâArchipel des Marquises, Ăditions A. BarthĂ©lemy & Ăditions Le Motu, 2002
- Eve Sivadjian in Les Ăles Marquises Archipel de mĂ©moire, Ăditions Autrement, 1999
- Luis Pancorbo: "Islas Marquesas: El paraĂso encontrado y perdido". Pp. 91-110. En "Las islas del rey SalomĂłn. En busca de la Tierra Austral". Barcelona, 2006, Laertes.
- Max Radiguet, Les derniers sauvages aux ßles Marquises, Phébus, 2001