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Tableau de Paris

Le Tableau de Paris est un ouvrage publiĂ© par Louis-SĂ©bastien Mercier. Les deux premiers volumes parurent sans nom d’auteur en 1781 Ă  Neuchâtel chez Samuel Fauche. La première Ă©dition complète en douze volumes a Ă©tĂ© publiĂ©e sans nom d’auteur entre 1782 et 1788 avec la mention « Ă  Amsterdam Â» sans nom d'Ă©diteur.

Tableau de Paris
Image illustrative de l’article Tableau de Paris
Tome second de l’édition princeps

Auteur Louis-SĂ©bastien Mercier
Pays France
Lieu de parution Neuchâtel
Date de parution 1781

Histoire

Le libraire-Ă©diteur de Neuchâtel, qui avait achetĂ© l’ouvrage Ă  Mercier, Ă©tant venu Ă  Paris sans prĂ©caution et se trouvant muni d’un certain nombre d’exemplaires, fut arrĂŞtĂ©, non pas tant pour le livre que parce que l’on comptait arriver par lui Ă  l’auteur mĂŞme. Mais celui-ci refusa obstinĂ©ment de dĂ©clarer le nom de l’écrivain ; Ă  toutes les questions, il se bornait Ă  dire qu’il tenait le manuscrit d’un quidam qui Ă©tait venu le lui apporter et qu’il ne connaissait pas. Apprenant et son arrestation et son gĂ©nĂ©reux procĂ©dĂ©, Mercier se prĂ©cipita incontinent chez le lieutenant gĂ©nĂ©ral Lenoir, un exemplaire du Tableau de Paris Ă  la main : « Monsieur, lui dit-il, j’ai appris que vous cherchiez l’auteur de cet ouvrage : voici en mĂŞme temps le livre et l’auteur. Â» Le lieutenant de police ne put se dĂ©fendre d’un vif intĂ©rĂŞt pour l’auteur et l’éditeur ; il entra en discussion avec Mercier et lui promit en le congĂ©diant de prĂ©senter tout cela Ă  Maurepas, sous le jour le plus favorable. L’imprimeur fut relâchĂ©, l’on se contenta d’arrĂŞter le livre. Quant Ă  Mercier, on le laissa paisiblement faire les apprĂŞts de son dĂ©part pour la Suisse, oĂą il allait achever son ouvrage.

Signalement

Cet ouvrage enchaĂ®ne les descriptions, les scènes, les tableaux tracĂ©s par Mercier avec vigueur, nerf, coloris et parfois un sarcasme sans lesquels rien ne l’aurait distinguĂ© d’un guide de la ville de Paris. Mercier regretta que l’idĂ©e qui lui Ă©tait venue de traduire la physionomie physique et morale de Paris ne soit pas venue avant lui Ă  quelque esprit observateur dont les investigations eussent Ă©tĂ© utile Ă  son histoire : « Si, vers la fin de chaque siècle, un Ă©crivain judicieux avait fait un tableau gĂ©nĂ©ral de ce qui existait autour de lui ; qu’il eĂ»t dĂ©peint, tels qu’il les a vus, les mĹ“urs et les usages, cette suite formerait aujourd’hui une galerie curieuse d’objets comparatifs ; nous y trouverions mille particularitĂ©s que nous ignorons : la morale et la lĂ©gislation auraient pu y gagner. Mais l’homme dĂ©daigne ordinairement ce qu’il a sous les yeux, il remonte Ă  des siècles dĂ©cĂ©dĂ©s ; il veut deviner des faits inutiles, des usages Ă©teints, sur lesquels il n’aura jamais de rĂ©sultat satisfaisant, sans compter l’immensitĂ© des discussions oiseuses et stĂ©riles oĂą il se perd. Â»

Mercier affirme n’avoir tenu, dans son Tableau, que le pinceau du peintre, avoir fait la part mince au philosophe, encore moindre au satirique. Trop passionnĂ© pour apporter dans ses jugements la froideur dĂ©sintĂ©ressĂ©e qui se contente de constater, sans admirer ou s’indigner jamais, Mercier s’emporte, dans cet ouvrage, contre une sociĂ©tĂ© d’Ancien RĂ©gime qui n’en a plus que pour une demi-dĂ©cennie. D’ailleurs, Ă  peine l’ouvrage Ă©tait-il achevĂ© que l’Ancien RĂ©gime dont Mercier avait entrepris la description des abus, croulait et s’abĂ®mait dans la RĂ©volution :

« Je ne marche plus dans Paris, Ă©crit-il dans le Nouveau Paris, que sur ce qui me rappelle ce qui n’est plus. Bien m’a pris de faire mon tableau en douze volumes ; car s’il n’était pas fait, le modèle est tellement effacĂ© qu’il ressemble au portrait dĂ©colorĂ© d’un aĂŻeul mort Ă  l’hĂ´pital et relĂ©guĂ© dans un galetas. Personne ne s’était avisĂ© avant moi de faire le tableau d’une citĂ© immense, et de peindre ses mĹ“urs et ses usages dans le plus petit dĂ©tail ; mais quel changement ! »

RĂ©ception

Mercier a fait, dans cet ouvrage, un travail dont l’utilitĂ©, l’importance du but, le piquant des recherches, a conservĂ© Ă  la postĂ©ritĂ©. Ă€ Paris, oĂą Mercier ne comptait pas que des amis parmi ses confrères, la parution des deux premiers volumes du Tableau lui attira mille critiques plus ou moins acerbes. Éternel railleur, Rivarol s’empressa de qualifier le Tableau de Paris d’« Ouvrage pensĂ© dans la rue, et Ă©crit sur la borne. Â», ajoutant que « L’auteur a peint la cave et le grenier, en sautant le salon. Â» L’épigramme de Rivarol, bien qu’incisive, ne rend pas justice Ă  l’œuvre de Mercier[1]. Celui-ci s’est d’ailleurs vengĂ© de ces piques en glissant cette anecdote dans son Tableau de Paris : « Madame du Deffand, aveugle, entrant dans une sociĂ©tĂ©, Ă©coutait un de ces beaux parleurs que l’on cite, et qui vont rĂ©pĂ©tant dans vingt maisons absolument le mĂŞme thème : “Quel est ce mauvais livre, dit-elle, qu’on lit ici ?” C’était un M. Rivarol qui parlait. Â» Les contemporains ont dit qu’avec son panorama aussi mobile que complet du Paris du XVIIIe siècle, le Tableau de Paris Ă©tait un excellent brĂ©viaire pour un lieutenant de police.

Ă€ la diffĂ©rence de la rĂ©ception du Tableau Ă  Paris, le succès de l’ouvrage fut prodigieux Ă  l’étranger. L’enthousiasme des Allemands Ă  son Ă©gard est Ă  peine concevable : un Français voyageant dans ce pays rencontra un professeur qui s’évertuait Ă  traduire un chef-d’œuvre. Le Parisien demanda le nom de l’écrivain pour lequel il le voyait faire tant d’efforts. « Je ne les regrette point ; c’est pour le plus grand de vos Ă©crivains, vous devinez pour qui ? — Montesquieu, peut-ĂŞtre ? — Vous n’y ĂŞtes pas. — Voltaire ? — Oh ! non. — Racine ? — Ah ! fi ! vous vous Ă©loignez toujours davantage. Eh bien, je vois qu’il faut vous le dire : c’est M. Mercier ; c’est sans difficultĂ©, le premier gĂ©nie qu’ait votre littĂ©rature ; il n’a qu’un seul dĂ©faut, celui des Français, il sacrifie trop souvent aux Grâces[2]. Â»

Postérité

Mercier a fait paraître Le Nouveau Paris à la fin de 1798, en six volumes, sur la période révolutionnaire.

Notes

  1. Rivarol, qui ne se faisait nul scrupule de frapper sur ses meilleurs amis, Champcenetz tout le premier, a dit du mal de Mercier qu’il n’aimait pas, comme : « Ma vie est un drame si ennuyeux, disait-il, que je soutiens toujours que c’est Mercier qui l’a fait. Â»
  2. Anecdote rapportée par l’abbé de Vauxcelles.

Édition critique

  • Le Tableau de Paris, 2 vol., Ă©d. Ă©tablie sous la direction de Jean-Claude Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, 1908-2063 p. t. 1. Introduction. Tableau de Paris vol. I Ă  VI ; t. 2. Tableau de Paris vol. VII Ă  XII, (OCLC 30563019).

Sources

  • Gustave Desnoiresterres, Étude sur la vie et les ouvrages de Louis-SĂ©bastien Mercier, Paris, Pagnerre & Lecou, 1853.
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