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Syndrome de La Havane

L'expression syndrome de La Havane désigne un ensemble de symptômes éprouvés dans différents pays par des diplomates, militaires et agents de renseignement américains et canadiens à compter de fin 2016. Les symptômes dont se sont plaintes les personnes concernées comprennent des troubles auditifs, tels que des vibrations sonores, des acouphènes, l'audition de bruits perçants directionnels, dans une oreille ou les deux, des troubles visuels, des étourdissements, des céphalées des vertiges et nausées, des pertes de mémoire de court-terme, un inconfort systémique, des pertes d'équilibre, des lésions cérébrales notamment.

Les premiers cas ont été répertoriés chez du personnel diplomatique en poste à la capitale de Cuba, la Havane, d'où le nom donné au syndrome.

Historique

Après Cuba[1], des cas ont été signalés aux États-Unis (Washington notamment[2] - [3]), en Australie, en Russie, en Chine, au Vietnam[4], en Autriche, en Allemagne[5], en France[6], en Suisse, au Kazakhstan.

En 2021, dix-huit diplomates canadiens attaquent en justice leur gouvernement[7].

Une loi, le Havana Syndrome Act, est préparée et votée par le Parlement américain, et promulguée le 8 octobre 2021 par Joe Biden. Elle vise à rendre les soins plus accessibles financièrement pour les personnes concernées.

Le 13 janvier 2022, le Wall Street Journal révèle trois cas à Genève et un à Paris[8] - [9].

Eric Rubin, le président de l'Association américaine des Affaires étrangères, déclare en février 2022 que l'apparition de cette maladie porte un coup au moral dans le monde de la diplomatie américaine. Il se réfère au recrutement de nouveaux candidats, devenu plus difficile. Ces derniers s'interrogent en effet sur les risques à entreprendre actuellement ce type de carrière, et sur les réponses que peut leur apporter leur administration en cas d'incident[10].

Hypothèses avancées

Les premières hypothèses faisaient référence à une attaque de puissances hostiles, via une technologie indéterminée, pour ces malaises à l'origine elle-même indéterminée[11].

Un document intitulé "Interactions des champs électromagnétiques avec le corps humain : effets observés et théories" relevait en 1981 que l'exposition à certains champs électromagnétiques pouvait engendrer une multitude d'effets biologiques sur le corps humain, semblables à ceux observés chez les victimes du syndrome de La Havane. Ce document fait mention de phénomènes visuels (magnétosphosphènes, "flashs", perturbations des seuils de perception des couleurs), auditifs (audition micro-onde), et de multiples autres effets tels que maux de tête, migraine etc. (NASA CR 166661, avril 1981, Jérémy K Raynes[12]).

Deux scientifiques ont émis l'hypothèse que la stridulation d'un grillonAnurogryllus celerinictus (en) — pouvait être la cause du malaise[13]. Cela semble infirmé par la présence de dommages au cerveau visibles à l'imagerie médicale et la possibilité de ne pas entendre le grillon au moyen de bouchons auditifs.

Une étude canadienne publiée le [14] et citée par un article web de CBC News[15], soutenait, quant à elle, que l'hypothèse d'un empoisonnement aux neurotoxines était compatible avec les symptômes observés. Cette étude se fondait sur des analyses effectuées sur des diplomates du Canada affectés eux-mêmes par le syndrome. Leur explication de la cause racine du syndrome était l'augmentation de l'utilisation de la fumigation par les ambassades elles-mêmes, dans le but de détruire les parasites, explication soutenue par les analyses sanguines.

L'hypothèse de l'emploi d'armes utilisant les effets biologiques de l'énergie des radio fréquences a également été posée. En effet, un rapport intitulé "bioeffects of selected non-lethal weapons" (effets biologiques de certaines armes non létales), dont les informations avaient été arrêtées au 17 février 1998, a été communiqué le 13 décembre 2006 à un citoyen américain faisant usage de son droit à l'information et rendu public. Ce document, établi par la Direction du renseignement et de la Sécurité de l'Armée américaine, répond à des questions fréquemment posées. Il y fait part de la possibilité d'interférer avec le système moteur, d'engendrer certains types de troubles oculaires et auditifs, de provoquer des nausées à l'aide d'énergie radio fréquences. Ce rapport donne des explications médicales, les caractéristiques techniques requises, la portabilité des instruments en cause, les effets incapacitants, la durée d'apparition et de rémission des troubles, un bref historique etc.[16].

Selon le rapport rendu par l'Académie nationale des sciences des États-Unis à ce sujet en 2020, un cause possible considérée comme l’hypothèse la plus crédible est que ces troubles soient dus à des flux d’énergie micro-onde pulsée et dirigée[17] - [18]. Toutefois le rapport de cet institut considère d’une part qu’il est probable que les personnes qui ont présenté brusquement des symptômes souffrent de quelque chose de différent de celles qui ont vu une dégradation progressive de leur santé, d’autre part qu’aucune des causes envisagées ne dépasse le statut de spéculation.


Selon des informations du New York Times du 9 janvier 2022, la CIA aurait conclu que le syndrome de La Havane ne pourrait être imputé à une attaque d'une puissance étrangère[19].

Une hypothèse bien connue mais peu explorée serait une cause psychogène[20]. La diversité des lieux de résidence des victimes y compris chez des alliés des USA rend la cause des émetteurs de micro-ondes peu probable, sauf si les ambassades sont équipées d'émetteurs micro-ondes par leur propre services secrets.

Le Bureau du directeur du Renseignement national des États-Unis a publié[21] le 2 février 2022 un rapport complémentaire concernant le syndrome de La Havane, appelé également « incidents anormaux de santé ». Ce rapport[22] a été déclassifié le .

Il a été établi par un comité d'experts de la communauté du renseignement (États-Unis) chargé de trouver les causes possibles aux symptômes des personnes affligées par le syndrome de La Havane. Les domaines d'expertise considérés sont notamment la biologie, les radio fréquences, l'acoustique, l'environnement, le médical, la psychiatrie/psychologie, les radiations ionisantes.

Six conclusions ont été rendues. Les symptômes subis sont authentiques et indéniables. Une partie des cas relevés ne peut pas facilement être expliquée par des causes médicales ou environnementales connues et pourrait être due à des stimuli externes aux personnes. L'utilisation d'énergie électromagnétique pulsée, particulièrement dans les radio fréquences, explique de manière plausible les principales caractéristiques des troubles subis par les victimes, bien qu'il y ait un manque d'information. Il existe plusieurs façons de procéder avec de l'énergie électromagnétique pulsée pour engendrer les troubles en question. Les ultra-sons, mais à courte distance, auraient également pu être utilisés. Les facteurs psychosociaux n'expliquent pas seuls les symptômes, bien qu'ils puissent contribuer à les rendre durables ou causer de comorbidités . L'utilisation de radiations ionisantes, d'agents chimiques ou biologiques, de sons audibles, ou d'ultra-sons propagés sur de longues distances, ou encore d'infra-sons ne peut être considérée comme une cause plausible du syndrome de La Havane.

Le rapport mentionne que des appareils facilement dissimulables et requérant une puissance modérée auraient pu être utilisés.

Le rapport comporte par ailleurs des sections relatives à des aspects techniques de l'utilisation d'énergie électromagnétique à distance (utilisation possible depuis quelques dizaines de mètres à des centaines de mètres, le reste de cette partie du rapport est censurée), au travers de matériaux de construction, et à l'utilisation d'antennes et techniques.

Le journal Le Monde relève à partir de ce rapport que les effets auditifs pourraient être dus à l'effet de Frey (transmission de sons au cerveau par micro-ondes)[6].

Références

  1. « "Syndrome de La Havane" chez des agents et diplomates américains : Washington déterminé à élucider le mystère », Le Monde, (lire en ligne)
  2. « Le syndrome de La Havane ne serait pas imputable à une puissance étrangère, selon la CIA », sur LEFIGARO, (consulté le )
  3. (en) Julian Borger, « White House investigating 'unexplained health incidents' similar to Havana syndrome », The Guardian, (lire en ligne)
  4. « Syndrome de La Havane : le chef de la CIA à Vienne limogé », Le Figaro, (lire en ligne Accès libre)
  5. (de) Joerg Roemer, « Schall- und Mikrowellenangriffe auf US Botschaft », Der Spiegel, (lire en ligne)
  6. Lucas Minisini, « Pertes de mémoire, vertige...L'ambassade américaine en France rattrapée par le mystérieux syndrome de La Havane. », Le Monde, (lire en ligne)
  7. « Syndrome de La Havane : malades, des diplomates canadiens en colère contre Cuba », Geo, (consulté le ).
  8. (en-US) Vivian Salama, « WSJ News Exclusive | U.S. Diplomats in Geneva, Paris Struck With Suspected ‘Havana Syndrome’ », Wall Street Journal, (ISSN 0099-9660, lire en ligne, consulté le )
  9. « L’ambassade américaine en France rattrapée par le mystérieux syndrome de La Havane », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Julian Borger, « The Havana Syndrome has dramatically hurt morale », The Guardian, (lire en ligne)
  11. (en) Ragini Verma, Randel L. Swanson, Drew Parker, Abdol Aziz Ould Ismail, Russell T. Shinohara, Jacob A. Alappatt, Jimit Doshi, Christos Davatzikos, Michael Gallaway, Diana Duda, H. Isaac Chen, Junghoon J. Kim, Ruben C. Gur, Ronald L. Wolf, M. Sean Grady, Stephen Hampton, Ramon Diaz-Arrastia et Douglas H. Smith, « Neuroimaging Findings in US Government Personnel With Possible Exposure to Directional Phenomena in Havana, Cuba », Journal of the American Medical Association, vol. 322, no 4, , p. 336–347 (PMID 31334794, PMCID PMC6652163, DOI 10.1001/jama.2019.9269).
  12. (en) Jérémy K. Raynes, « Electromagnetic fields Interactions with the human body : observés effects and theories », sur ntrs.nasa.gov,
  13. (en) Fernando Montealegre-Z et Alexander L. Stubbs, « Recording of "sonic attacks" on U.S. diplomats in Cuba spectrally matches the echoing call of a Caribbean cricket », bioRxiv, (DOI 10.1101/510834, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Alon Friedman, Cindy Calkin et Chris Bowen, « Havana Syndrome: Neuroanatomical and Neurofunctional Assessment in Acquired Brain Injury Due to Unknown Etiology », rapport d'étude, Brain Repair Centre, Dalhousie University et Nova Scotia Health Authority, (consulté le ).
  15. (en) Luc Chartrand, Martin Movilla et Lisa Ellenwood, « Havana syndrome: Exposure to neurotoxin may have been cause, study suggests », CBC News, (consulté le ).
  16. (en) David Hambling, « US Army toyed with the telepathic ray gun », NewScientist, 17mard 2008 (lire en ligne)
  17. (en) Brenda Breslauer, Ken Dilanian et Josh Lederman, « 'Havana Syndrome' likely caused by pulsed microwave energy, government study finds » [« Le syndrome de la Havane a probablement été causé par de l'énergie micro-onde dirigée »], NBC News, .
  18. (en) Académies nationales des sciences, d'ingénierie et de médecine, « An Assessment of Illness in U.S. Government Employees and Their Families at Overseas Embassies », Washington, DC, National Academies Press, (DOI 10.17226/25889).
  19. « Le syndrome de La Havane ne serait pas imputable à une puissance étrangère, selon la CIA », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  20. Catherine Couturier, « On a expliqué le Syndrome de La Havane ? Pas encore », sur Scientifique en chef, (consulté le )
  21. (en) « Complementary Efforts on Anomalous Health Incidents », sur Dni.gov,
  22. (en) « Executive summary », sur Dni.gov,

Bibliographie

  • (en) Robert E. Bartholomew et Robert W. Baloh, Havana Syndrome : Mass Psychogenic Illness and the Real Story Behind the Embassy Mystery and Hysteria, Copernicus, 2020.

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